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Invité[1] : khwezi
L’histoire de Don Revie, le quatrième membre du trio de génies formé par Matt Busby, Bill Shankly et Brian Clough. Le mec que tout le monde fait mine d’oublier. Sauf à Leeds. Et pour cause. Les grandes heures de ce club, sa notorieté même, la raison pour laquelle ils ont pu avoir des mecs comme Cantona et Strachan, c’est lui. La légende du « Dirty Leeds ».

Je m’appelle Don Revie. Sir Donald Georges Revie en fait, mais appelez-moi Don. J’ai un des plus beaux palmarès du football anglais au XXe siècle, et pourtant peu de gens en dehors de Leeds, quasiment personne en fait, ne se rappelle vraiment de moi. J’aurais dû être LA foutue légende de ce 20e siècle. Et ben non. Tout le monde se souvient de cet ignare de Shankly ou de ce salopard de Clough ou de ce bouddha en plâtre de Busby. Mais personne se souvient de moi. Fichu Karma, foutue vie injuste. Oh, si, pardon. Les gens se souviennent parfois de moi. Enfin, surtout de mon équipe. Ouais, MON équipe. Le « Dirty Leeds ». Attendez que je vous cause de moi et de mon équipe.

Dickens, arrivisme et mauvaise étoile

Je suis né à Middlesbrough. Le premier qui dit « Comme Brian Clough » je lui colle une balle dans le genou. En 1927, moi. Ma mère meurt quand j’ai 12 ans. A quelques décennies près, Dickens aurait écrit « Don Revie » au lieu de « Oliver Twist ». Mon père n’est pas très présent, et l’entraîneur de foot du quartier me fait m’entraîner avec des ballots de fringues usagées en guise de balle. Working Class Hero je vous dis.

En 1949, je suis à Leicester. Pour en arriver là, j’ai ramé. J’ai galéré pour devenir footballeur. Vraiment. J’avais la classe pourtant. La grande classe. Milieu offensif avant l’heure – à l’époque on est attaquant, ailier ou milieu. Pas les trois en même temps – on disait de moi que si l’équipe voulait bien jouer comme je l’entendais, j’avais tout d’un match winner, un golden kid. Et le premier qui dit « oh comme Brian Clough » je lui colle une prune dans le foie. j’ai été un temps le joueur le plus cher de l’histoire en cumul de transferts ! Et toi Brian Clough ? Ah ben non. Toi t’as pas joué assez longtemps.

Le problème au fond, c’est que l’équipe le voulait rarement. Et comme je suis têtu, j’ai passé pas mal de temps sur un terrain, à parler, râler, réclamer, ordonner, intimer, supplier et demander. Assez peu à tacler.
« Il savait pas tacler. Même si sa vie en avait dépendu… » dixit Jack Charlton (frère de, champion du monde 66 et défenseur central de Leeds United).

Que ce soient mes coéquipiers, mes anciens coachs ou les commentateurs de l’époque tout le monde semble d’accord sur moi : le foot, chez moi, c’était cérébral. Et le problème en tant que joueur c’est que les dix autres n’avaient pas le même cerveau que moi. En toute modestie. Pour dire : j’ai fait partie de ces rares Anglais heureux de l’historique leçon de football total reçue par la sélection contre les Hongrois de Puskas, parce que bon sang: la tactique, la tactique, la tactique ! L’intelligence dans le jeu. J’ai aimé ça. Et le premier qui dit « oh, comme Brian Clough » je lui colle une balle dans le rein.

A Leicester, en 1949 donc, j’épouse la fille du manager, et le capitaine Septimus Smith est mon mentor. Leicester atteint la finale de F.A. Cup. La gloire est devant moi. Et elle le restera : pour une hémorragie nasale qui a failli me coûter la vie – Dickens, je vous dis – j’ai loupé cette foutue finale et on a perdu. Karma est une traînée.

Stale bread, French toast

Bref, Leicester, club de nuls. Le manager ne veut pas vraiment faire de moi son dépositaire de jeu. C’est trop lent, pas assez vertical, je défends pas, je râle. Et alors ? Je le vaux bien. Je me suis barré écœuré, à Hull, en D2 pour rebondir. A Hull, ça a marché. Parfois. Moyennement. Pas si mal. Et surtout pas longtemps. Les McDowall, récent manager à City, me veut, en souvenir de mes promesses entrevues à Leicester. Le club a besoin d’argent. J’ai fini par atterrir à Manchester City. On est en 1951. J’arrive dans une équipe promue en première division, et huée dans tout le pays pour son gardien allemand, un ancien prisonnier de guerre qui combattait en face même pas dix ans avant. Cela m’a appris des choses…

Et les choses démarraient mal. Pour faire court, l’équipe avait recruté une flèche devant, un certain Broadis, jouait bas, et vite vers l’avant en défendant beaucoup. Tout ce que je ne sais pas faire. Mais comme les choses marchent mal, le boss teste plusieurs formules. Il m’a même fait jouer half back – demi défensif – alors que je veux jouer meneur, inside forward. Broadis est sélectionné en équipe nationale, et moi je finis ma première saison blessé. Karma’s a bitch.

Les choses commencent à tourner à partir de 53, et le 6-3 subi à Wembley par la sélection face au major Puskas et le football total des Hongrois. Pendant que McDowall refuse de changer le jeu de l’équipe première, la réserve, sous l’impulsion de Johnny Williamson, expérimente un jeu avec un inside forward, et enchaîne 26 matchs sans défaite. McDowall commence à réfléchir. Et décide de me tester dans ce rôle. Avec l’expérimentation du jeu en mouvement.

Là, il a bien fallu que le monde reconnaisse mon talent : j’ai été sélectionné en 1954 pour la première fois en équipe d’Angleterre, puis élu joueur de l’année par la F.A. en Juin 1955. J’ai même publié une autobiographie à ce moment là, Soccer’s Happy Wanderer. Je m’y croyais un peu, oui.

Las, deux mois plus tard, City me fichait au placard – tout ça parce que ce foutu manager trouvait qu’avec moi sur le terrain, l’équipe était moins bien organisée qu’avec les singes savants qui me servaient de coéquipiers. Tous des ânes bâtés. On m’a ressorti du placard une seule fois en fin de saison pour participer à la victoire en F.A. Cup. Et j’ai été le foutu homme du match. Ouais ma pomme. Moi.

Down the hill, to the top.

Du coup, je pars à Sunderland. Ouais ma gueule. T’es pas content ? Je vais voir ailleurs, tiens, et je suis même sélectionné en équipe nationale pour la sixième fois. Et accessoirement la dernière. Moi, un des plus brillants milieux offensifs de l’après-guerre.

En 1958, devenu obscur parmi les obscurs, je quitte Sunderland pour l’obscure et morne ville de Leeds, Yorkshire, décidé à y descendre la colline dans l’anonymat. Sauf qu’en 1961, le coach est viré, l’équipe n’a pas un rond et traîne en fond de D2. Et comme y’a pas des masses de mecs ayant un passé d’international dans une équipe fauchée de fond de D2, on me propose le poste. Entraîneur-joueur de Leeds. Ce coup-ci, l’équipe ne va plus trop avoir le choix : ils vont devoir jouer comme je le veux. Pour moi.

Mais ça marche pas. Le club continue de s’enfoncer.

En Mars 62, un an après ma prise de poste, les choses empirent et le club se retrouve quasi-relégable en 3e division. C’est alors que je dégaine une arme fatale: le chéquier du club. Bobby Collins, Ecossais, quasi-nain, milieu de terrain, chausse du 37, mais tassé comme un buffet Victorien. Avec en prime la particularité d’avoir inventé le free fight, les combats de pitbulls, voire même une douzaine de techniques d’étranglement. Et accessoirement, j’arrête de jouer. Et le premier qui dit « en même temps que Brian Clough » je lui mets une balle dans le coude.

Bobby jouera 5 saisons à Leeds. Lorsqu’il quittera l’équipe, un peu avant sa fin de carrière, Leeds sera l’équipe la plus crainte et la plus sanctionnée de toute l’Angleterre. Ouais. C’est comme ça que tout a démarré. Bobby Collins, le mangeur d’enfants.

Et pendant que Bobby favorisait la vente d’anxiolytiques chez les joueurs, j’ai ajouté par petites touches mon football, ma façon. Et surtout mes âmes damnées : Bremner et Giles. William « Billy » Bremner, mon milieu de terrain, mon métronome, mon régulateur, mon organisateur. Et Johnny Giles, mon provocateur, mon emmerdeur, mon tombeur mon truqueur, mon buteur. Mon fils rêvé et désigné comme tel : mon successeur, un jour. Ouais, ces deux là, y’a deux choses qu’ils détestent dans la vie : les voleurs de chevaux et les décisions d’arbitre.

A ce Leeds, mon Leeds, je vais inculquer quelques principes: mises au vert systématiques. Jeu de cartes et loto obligatoires; ça développe le cerveau, la réflexion et l’instinct de compétition, de contestation, de protestation, mais aussi les liens, l’amitié, l’habitude. La discipline aussi. Et la condition physique. Pour ça, j’avais mon adjudant, Les Cocker. La répétition, la tactique, la technique, c’était moi. Et Owen. Syd Owen. Owen, c’était mon assistant. Ma banque de données.

Ah oui. Un dernier point : Karma est une trainée, le hasard est son maquereau. Le hasard, c’est un truc de loser. Alors j’ai noté, consigné, espionné, discuté. Emmagasiné. Sur tous les coachs. Tous les arbitres. Les principaux joueurs. Les failles et forces de chaque équipe. Les tactiques, toutes les tactiques. Les adresses, les noms, les lieux de naissance, les histoires troubles et les fils cachés. Tout. Chaque détail. Sur mon équipe, ça c’était moi. Et surtout sur tous les autres. Et ça c’était Syd.

Et j’ai gagné. Bordel, j’ai tout gagné. Ou presque. League 2 (1964), League 1 (1969 et 1974), League Cup (1968) et FA Cup (1972), et deux Coupes d’Europe: deux Coupes des Villes de Foires (1968 et 1971). Et je te parle pas des deux Community Shield. Ouais mon gars. Cream of the crop.

The half empty glass

Mais le souci, c’est que j’ai été deuxième. Plus souvent. Finaliste malheureux. La place du con. Je la connais. Je la connais tellement bien qu’on m’en a même érigé comme symbole. Ben ouais. J’ai deux fois le palmarès de Shankly quasiment, et j’ai tout fait avant lui. Et lui, il a une statue, c’est un dieu dans son royaume, et une star dans l’inconscient collectif. Et moi ? Je suis le deuxième. Vice Champion d’Angleterre à cinq reprises (65, 66, 70, 71 et 72), perdant malheureux de pas moins de six finales, et même d’une septième alors que j’avais quitté Leeds ! Foutu Clough qui a refusé d’être sur le banc pour le Community Shield 74… J’ai raté une Coupe d’Europe, une League Cup, 3 coupes d’Angleterre et un Community Shield.

Et mon équipe râlait. Elle frappait aussi. Dans le dos, car c’est beaucoup plus efficace, et l’efficacité prime. Et les enveloppes de Syd circulaient. Vers des joueurs. Vers des arbitres. Rien n’a jamais pu être prouvé. Pas de hasard, je vous dis. Dirty Leeds. C’est comme ça qu’on nous a surnommés. Nobody ever liked us. And we never cared. Petit à petit, j’ai appris à respecter Shankly. Le mec m’a trop battu. Je l’ai trop battu. On s’est trop regardé dans les yeux. Il a lu dans les miens. Par contre, j’ai jamais appris à respecter Clough. Petit con. Ce mec m’a chié dans les bottes jusqu’à mon dernier souffle. Salopard. Tout ça parce qu’un jour je ne lui ai pas serré la main.

Faut me comprendre: alors même que je suis au top du football anglais, pendant toutes les années soixante, et même après, quand vous demandiez aux gens: « C’est qui le mec né à Middlesbrough, joueur prometteur super classe devenu international puis coach à succès, entraîneur de génie, charismatique et destiné à devenir sélectionneur ? », 99% de la planète répondait « Brian Clough ». Putain de Brian Clough. Alcoolique fourbu et fragile, irrationnel et insolent. Moi j’ai toujours porté le blazer. Et on me donne du Sir maintenant.

En 1974, je suis au top. Et vu le fiasco en sélection, la place est libre depuis le printemps. Clough est pressenti pour le poste. En tout cas il le croit. Le Pays le croit. Mais c’est moi qui aurai le poste. Je quitte Leeds en laissant des instructions pour ma succession, mon testament. Et ils m’ont chié dans les bottes. Clough, putain, Clough ! Le mec qui crachait sur mes titres en les appelant « sales ». C’est lui qu’ils ont recruté pour me succéder au lieu de Johnny, mon fils ma bataille. Tout ça pour 44 putains de jours, et un fiasco historique.

Et ouaip. L’a dû en faire une tronche Clough en l’apprenant par la radio.

Sans doute la même que celle des patrons de la fédé, trois ans plus tard, quand ils ont appris que j’avais quitté le poste. Ouais. J’ai quitté le poste. Comme ça. Depuis la défaite contre l’Italie fin 76, je le sentais venir. Le vidage. Et on vide pas Don Revie. Don Revie part, il quitte le poste. Il donne une interview pour s’expliquer au Daily Mail. Ensuite ses anciens employeurs apprennent la nouvelle. Et c’est seulement APRES, qu’ils reçoivent la lettre de dem’. Ils en ont fait un de ces foins : ils ont d’abord voulu me bannir à vie du foot anglais, puis pour dix ans. Je les ai traînés devant la haute cour de justice qui a cassé leur sanction. Foutez-la vous ou je pense. Et ouais.

La classe selon Don. A partir de là, que dire ? Je signe un nouveau contrat aux Emirats Arabes Unis (ouais, j’ai VRAIMENT été un précurseur dans beaucoup de domaines). Mais c’est la fin. Je ne dure guère. Je diminue. Et je m’éteins, en 1989. J’ai même pas vu tomber le mur. Je l’ai raté. A rien. Comme plein de choses dans ma vie, apparemment.

Et le prochain qui me parle de Brian Clough, je lui introduis cette bouteille dans le fondement.

[1] L’auteur de cet article est un de nos lecteurs[2] de la première heure, mais aussi une figure emblématique des Cahiers du Football. Il est l’une des 37 personnes dans le monde à avoir cru à un titre de Liverpool dès le début de la saison.

[2] Comment ça ? Toi aussi, fidèle lecteur, tu veux écrire pour TK ? Rien de plus simple, envoie-nous un mail à teenagekickscdf(at)gmail(dot)com, et découvre la gloire, l’argent sale et les filles faciles.

Robin Friday (1952-1990), terrassé par un arrêt cardiaque dû à une overdose d’héroïne, aurait pu être un grand du football anglais. Au lieu de ça, il a été son enfant terrible le plus givré.

L’intro est ici.

[SWE = South Wales Echo. Les mentions en bleu non gras figurent dans le livre, en italique].

The greatest footballer you never saw: THE ROBIN FRIDAY STORY.

Petit récap pour cette dernière partie : Robin Friday vient de signer chez les Bluebirds de Cardiff City (D2) et s’apprête à disputer son premier match contre le Fulham de Bobby Moore et George Best (ce dernier ne sera finalement pas aligné). Match à domicile – feu Ninian Park – devant la plus grosse affluence de la saison (20 368).

South Wales Echo, 3 janvier 1977

Cardiff City 3 – Fulham 0

… Deux buts de Robin Friday ont permis à Cardiff de disposer de Fulham 3-0. Friday s’est battu comme un lion – pas toujours à la régulière, il faut avouer – et l’on a assisté à quelques accrochages entre Friday et des Cottagers, dont Bobby Moore. Friday aurait même pu inscrire un hat-trick s’il n’avait pas été taclé sauvagement en fin de match.

MAURICE EVANS, entraîneur à Reading : Et dire que la veille de ce match, mon fils l’avait vu danser sur les tables du Boar’s Head de Reading jusqu’à très tard. Et lendemain, il te met la misère à Bobby Moore !

ROD LEWINGTON, ami : Oui, je m’en souviens, j’étais avec lui ce soir-là, donc la veille de son premier match avec Cardiff City. Il était bien au Boar’s Head. Vers 21 heures, Dick Smith, Le patron du pub, lui a même conseillé de partir pour se reposer en vue du match hyper important du lendemain à Cardiff [à 180 kms de Reading], faut dire que Robin picolait depuis 18 heures. Il a fini par se tirer mais non sans avoir taxé un pack de 12 bières à Dick pour finir la soirée ! Et le lendemain, il te plantait deux buts pour ses grands débuts avec Cardiff.

1er janvier 1977, Friday dispute son premier match avec Cardiff contre Fulham après une biture la veille : il plante deux buts, ridiculise Bobby Moore et fait pouet pouet avec les roubignoles du Champion du monde 1966.


Friday, pendant sa courte mais mémorable carrière Bluebird

PAUL WENT, ex coéquipier et compagnon de chambrée de Robin Friday : Phénoménal début contre Fulham en effet, il a tourné ses marqueurs en bourrique tout le match. Il a joué comme un attaquant de classe mondiale ce jour-là. Bobby Moore le marquait et il a vraiment mangé, Robin n’a pas arrêté de l’enfumer. Je me souviens que Robin a même fait pouet pouet avec les gonades de Bobby Moore ! C’était lui tout craché ça, il déconnait sans arrêt. Il lui arrivait aussi d’embrasser son marqueur sur un corner. Tout le monde était figé dans la surface en train d’attendre que le corner soit tiré et lui en profitait pour se retourner et planter un bécot sur la joue ou les lèvres de son garde du corps, totalement désarçonné. Un coup de coude ou un tirage de maillot, ça se gère mais quand un grand mec crasseux et chevelu se retourne et t’embrasse, ça a de quoi totalement te déstabiliser.

Début 1977 à Fulham, entre deux piges en North American Soccer League, on retrouve Bobby Moore, George Best et Rodney Marsh. Les Cottagers finiront 17è - sur 22 -, à 1 point de la relégation en D3.

Début 1977. Entre deux piges en North American Soccer League, on retrouve Bobby Moore, George Best et Rodney Marsh à Fulham. Les Cottagers finiront 17è, à 1 point de la relégation en D3.

HARRY PARSONS, dirigeant de Cardiff City : Bobby Moore était furieux pendant le match. Il a complétement perdu son sang-froid et a essayé de choper Robin après s’être fait tâter les parties. Bobby ne perdait quasiment jamais son sang-froid mais bon, faut dire qu’il avait encore jamais eu à faire à un numéro comme Robin.

CHARLIE HURLEY, manager de Reading : Jimmy Andrews, le manager de Cardiff, m’a téléphoné après ce match : « Charlie, Robin a été magnifique, il a ridiculisé la défense de Fulham, il a même chopé Bobby Moore par les couilles et Moore après n’a pas cessé de lui courir après pour se venger. C’est une vraie pépite ce Robin. » Jimmy a continué comme ça à me chanter les louanges de Robin un bon moment, je l’ai laissé parler avant de lui dire : « Ecoute, il n’est chez vous que depuis 4 jours, on en reparlera dans quelques mois. »

PHIL DWYER, joueur de Cardiff et détenteur du record d’apparitions du club : Parfois, je le conduisais un peu partout car il n’avait pas de voiture. J’étais d’ailleurs le seul à le laisser monter dans ma caisse ! Quand on se déplaçait, on le récupérait au bord de l’autoroute et idem en revenant, on le déposait toujours sur un coin d’autoroute, même pas dans une station service, un motel ou ce genre d’endroit, non ; lui voulait se faire déposer au milieu de nulle part. On a jamais su où il allait ensuite, je ne suis pas persuadé qu’il l’ait su lui-même d’ailleurs.

SWE, 24 janvier 1977

Cardiff City 1 – Charlton 1

Friday indique son indisponibilité (2 semaines) pour fracture de la pommette

Friday indique son indisponibilité (2 semaines) pour fracture de la pommette.

… Le manager de Cardiff, Jimmy Andrews, a exigé une plus grande protection sur Robin Friday de la part des arbitres, qui sera indisponible quelque temps pour cause de fracture de la pommette occasionnée pendant ce match. Andrews a déclaré : « Robin semble être la cible des adversaires et du corps arbitral. Il est régulièrement malmené mais il ne se plaint jamais. Malgré ce traitement de défaveur, il se fait souvent avertir et les arbitres ne cherchent pas à le protéger de ces brutalités répétées. La fracture de la pommette a été causée par un coup de coude au visage d’un joueur de Charlton. » Le manager de Charlton a estimé pour sa part que Friday avait au préalable savaté Curtis (le joueur en question) et que ce geste aurait mérité une expulsion.

Par ailleurs, aucune sanction (hormis une amende) ne sera prise contre Robin Friday pour être arrivé en retard au stade, vingt minutes seulement avant le début de la rencontre. Un accroc qui posa un problème avec la feuille de match censée être remise à l’arbitre trente minutes avant le coup d’envoi. L’attaquant a expliqué qu’il avait raté le train Reading-Cardiff et avait dû demander à un ami de le conduire à Cardiff en urgence.

CHARLIE HURLEY : Un jour, quelques mois à peine après son départ à Cardiff, qui vois-je débouler dans mon bureau ? Robin. D’emblée, je le félicite car ça semblait bien marcher pour lui là-bas. Il me contredit : « Non, ça va pas, j’en peux plus d’être managé par ce petit con de Jimmy Andrews. Vous êtes le seul pour qui je peux jouer, vous êtes le seul à pouvoir me gérer… Je voudrais revenir à Reading. » Là, je lui réponds : « Je te remercie pour les compliments mais impossible pour nous de mettre 30 plaques pour te récupérer. Arrange-toi pour obtenir un transfert gratuit et on te reprendra. » Sur ce, il est parti et je l’ai plus jamais revu.

SWE, 9 mars 1977

Sheffield United 3 – Cardiff City 0

… Robin Friday a dû quitter la pelouse avant la mi-temps, il souffrirait de problèmes respiratoires.

DOCTEUR LESLIE HAMILTON, médecin de Cardiff : Robin était un garcon très en forme physiquement, et, jusqu’à ce match contre Sheffield United, nous n’avions pas la moindre idée qu’il souffrait d’asthme, car personne ne l’avait mentionné lors de sa visite médicale, ni lui, ni Reading FC. J’ai appris ça plus tard. Il avait un inhalateur et devait parfois prendre des bouffées d’inhalateur mais ça ne semblait pas le gêner.

PAUL WENT : Pour moi, c’était un joueur techniquement phénoménal doté d’un pied gauche sublime. Je l’ai souvent vu mettre des mines de 35 mètres en pleine lucarne à l’entraînement. C’était un footballeur très complet avec une superbe conduite et couverture de balle, et il mettait la tête là où peu de joueurs auraient même mis le pied. En plus, malgré son physique imposant, il avait une technique lui permettant de terroriser les défenses quand il percutait. Si quelqu’un l’avait vraiment pris sous son aile à 16 ou 17 ans et lui avait appris à se contrôler, il aurait sûrement été international et peut-être l’un des joueurs les plus talentueux de l’histoire du football anglais.

Il adorait chambrer ses adversaires. Par exemple, s’il réussissait un petit pont, il se retournait parfois et leur riait au nez ou alors il baissait son short et leur montrait son cul, ou leur faisait un doigt d’honneur.

SWE, 7 avril 1977

Hereford United 2 – Cardiff City 2

… Robin Friday pourrait être suspendu trois matchs après son expulsion contre Hereford. Friday, dont la carrière s’est forgée dans la controverse permanente, a désormais accumulé 28 points disciplinaires cette saison.

SWE, 12 avril 1977

Southampton 3 – Cardiff City 2

… Robin Friday « Homme du match » avant sa probable suspension.

RITCHIE MORGAN, joueur de Cardiff : Il était prodigieusement doué et faisait des trucs incroyables. Il adorait chambrer ses adversaires aussi. Par exemple, s’il réussissait un petit pont, il se retournait parfois et leur riait au nez ou alors il baissait son short et leur montrait son cul, ou leur faisait un doigt d’honneur. Tout ce qui pouvait les agacer, il le faisait. Remarque, rien que sa dégaine pouvait les agacer, ses longs cheveux crasseux, le maillot sorti du short et son attitude très nonchalante, pour ne pas dire fainéante. Mais, et il faut lui reconnaître ce mérite, il acceptait de morfler sans broncher. Les défenseurs n’arrêtaient pas de le savater et lui, il se marrait. Puis il les frappait à son tour. Une fois, alors qu’il jouait à Reading et s’était fait savater tout le match, il s’est vengé sur un joueur et s’est fait expulser. Il était si énervé devant ce qu’il percevait comme une grosse injustice qu’il a coulé un bronze dans les vestiaires de l’équipe adverse !

SWE, 18 avril 1977

Cardiff City 4 – Luton 2

… Robin Friday, qui sera suspendu les deux prochains matchs, a adressé un doigt d’honneur au gardien de Luton, Milija Aleksic, après avoir marqué son second but.

Une minute avant, l’arbitre avait rappelé Friday à l’ordre après un clash entre les deux joueurs. Friday a déclaré : « Je suis un joueur très technique et mes adversaires détestent quand je les chambre. Pourtant, ils sont pas les derniers pour essayer de me déstabiliser, je me fais constamment savater.  Alors au bout d’un moment, je me défends. Mais sur ce coup-ci, je cherchais pas l’embrouille avec Aleksic et ce qui m’inquiète c’est cette mauvaise réputation que j’ai auprès des arbitres. Certains m’ont vraiment dans le collimateur. Je suis pas un joueur vicieux mais c’est vrai que je me laisse pas faire car j’ai la gagne. Si vous l’avez pas, inutile de faire ce métier. »

Friday a été forcé de sortir à la 70è minute sur une blessure au genou causée, selon lui, par un mauvais geste d’Aleksic. Interrogé sur le doigt d’honneur à l’encontre d’Aleksic, Friday a répondu ne pas se souvenir de cet incident.

PAUL WENT : Dans le vestiaire, il était super aussi. Il aimait déconner, c’est sûr. Quand on jouait en déplacement assez loin, on partait en bus le vendredi soir et tout me monde mettait un costard chemise-cravate, sauf lui. Il se pointait en jean avec un trou au niveau de l’entrejambe, pas de slip, t-shirt crade, des bottines rock ‘n’ roll à bout pointu et un sac en plastique contenant une bouteille de Martini. Tout le monde s’en fichait car il faisait le boulot sur le terrain. Sauf un jour où un dirigeant n’a pas apprécié sa tenue et là, dans le bus, Robin a menacé de le frapper avec sa bouteille de Martini ! Il était super énervé et on s’est mis à plusieurs pour le calmer, il l’aurait probablement cogné sinon. Mais sous cette carapace de dur au tempérament déjanté, Robin était un mec génial avec un coeur en or, il aurait fait n’importe quoi pour un ami.

JIMMY ANDREWS, manager de Cardiff : Les jeunes supporters l’adoraient. Aux journées portes ouvertes du club, c’était le chouchou de tous. Les gamins adorent les mecs rebelles et différents. C’était un beau gosse aussi alors, pour eux, c’était comme de rencontrer une vedette de télé. Il était super avec les gamins, il signait les autographes à la chaîne. Avec les jeunes du club aussi il était extra, c’était un peu leur père protecteur, il les défendait toujours.

PAUL WENT : C’était quelqu’un de très imprévisible. Des fois, après l’entraînement, il allait jouer avec les cadets, il s’amusait comme un fou avec eux. Tout ce qu’il voulait était de jouer au foot, que ça soit avec Arsenal, Manchester United, Reading ou Cardiff. C’était aussi un homme à femmes. Peu importe ce qu’il portait, il avait un succès fou. Il avait une vraie aura, et son look de mauvais garçon plaisait beaucoup. Mais il s’en fichait, il draguait bien sûr mais de façon très détachée. Ce qui attirait évidemment encore plus les femmes.

JIMMY ANDREWS : Un match dont je me souviens particulièrement est le dernier de la saison 1976-77, contre Carlisle, il nous fallait un point pour se maintenir. Dernière minute du match, toujours 1-1, y’avait le feu dans notre surface, panique totale. Et là, au pire moment, je vois Robin venir faire le ménage dans notre surface et je me dis : « Oh non, pas lui… » Car croyez-moi, si y’avait un mec que tu voulais pas dans ta surface dans ce genre de situation où une saison se jouait sur un rien, c’était Robin Friday vu que le risque de pénalty était multiplié par X avec lui dans les parages. Donc, dernières secondes du match, notre gardien avait été poussé à terre, centre-tir de Carlisle qui se dirige direct dans le but… Notre arrière central, sur la ligne de but, dégage comme il peut, mais le ballon reste toujours dans la surface… Le ballon s’élève et là je vois Robin et un adversaire à la lutte pour ce ballon aérien et Robin qui essaye de le dégager violemment du poing ! Son geste a été si virulent qu’il a fait trois pirouettes en l’air mais fort heureusement, il a touché ni le ballon ni leur joueur car sinon, y’avait pas photo, c’était péno. Putain, le voir charger comme un animal blessé dans la surface et faire ça à la dernière minute du dernier match de la saison avec le maintien en jeu… J’ai eu la peur de ma vie ce jour-là.

Après avoir contribué au maintien de Cardiff en D2, Robin Friday (7 buts) disparut quelque temps, ce dont il était coutumier. Il ne réapparut pas à la reprise de l’entraînement début juillet. Il se trouvait apparemment dans un hospital de Londres, souffrant d’un virus non identifié. Il fit savoir qu’il avait perdu treize kilos, qu’il ne mangeait plus et que les médecins ne comprenaient pas pourquoi il n’arrivait pas à se remettre d’une dysenterie. Plus tard, il réapparut à l’entraînement et dit avoir souffert d’une hépatite mais les tests médicaux s’avérèrent négatifs. Sur le sujet épineux de son domicile, Friday a accepté à contrecoeur de déménager de Bristol à Cardiff.

JIMMY ANDREWS : Je n’arrivais jamais à le joindre ou le trouver car il était censé habiter à Bristol [à 70 kms de Cardiff] mais quand je passais le voir, tout ce que je trouvais c’était 25 bouteilles de lait devant la porte. Tous les week-ends, dès le match terminé, il filait sur Londres. Quand il voulait quelque chose, il rôdait souvent autour de mon bureau, comme un ours en quête de bouffe, mais lui c’était pour me taxer quelques livres pour rentrer à Londres.

SWE, 28 octobre 1977

… L’équipe est en déplacement à Brighton, avec Robin Friday qui n’a pas encore joué de la saison, victime d’un mystérieux virus.

Le comportement de Robin Friday devint alors très étrange. Un soir à l’hôtel, après une défaite à l’extérieur, les joueurs de Cardiff furent réveillés en sursaut au beau milieu de la nuit par des bruits fracassants provenant du rez-de-chaussée. Quand plusieurs d’entre eux allèrent voir ce qu’il se passait, ils virent Robin debout sur la table de billard, en slip, qui balançait des boules de billard un peu partout dans la pièce, dans le plus pur style rock ‘n’ roll.

PHIL DWYER : Je me souviens de cet incident, c’était après une défaite en coupe du Pays de Galles, Robin est devenu comme fou, il balançait des boules de billard et d’autres trucs partout. Je crois que c’était sa façon d’exprimer sa frustration. On a pensé : « Bon Dieu, faut vraiment qu’on le remette dans son lit. »

SWE, 31 octobre 1977

Brighton 4 – Cardiff City 0

… Premier match de la saison de Robin Friday (devant 23 000 spectateurs) et première expulsion, à la 54è minute. Le manager, Jimmy Andrews, a sévèrement critiqué l’arbitrage envers Robin Friday en général, et cet arbitre en particulier qui a sanctionné Friday pour un violent geste commis sur un adversaire. Friday, victime d’une faute commise par Mark Lawrenson, s’est vengé en mettant un coup de pied au visage du défenseur. Jimmy Andrews est d’avis que les arbitres et adversaires se sont ligués contre Robin Friday. Ce dernier, selon Mr Andrews, subit maints coups et provocations de joueurs qui ne cherchent qu’à le faire expulser. Alan Mullery, le manager de Brighton, n’était pas du même avis : « La faute commise par Robin Friday était l’une des pires que j’ai jamais vue. Il a savaté mon joueur au visage alors que ce dernier était à terre ! Ce genre de comportement est indéfendable.»

TONY FRIDAY, frère : Le truc sur ce match c’est que Robin a fait manger Lawrenson du début à la fin. Au bout d’un moment, Lawrenson* en a eu marre de se faire enfumer et il lui a mis un coup ou dit quelque chose, je sais pas trop. Et là, Robin s’est retourné et l’a frappé. C’était son dernier match pour Cardiff City. Il s’est pointé à quelques entraînements après ce match mais il a rapidement disparu pour de bon, personne savait trop où il se trouvait.

[*Nda : une tenace légende urbaine dit que Robin Friday déféqua dans la trousse de toilette ou le sac de Mark Lawrenson. Ce dernier a toujours démenti la rumeur, idem pour les coéquipiers de Friday. L’international irlandais deviendra un joueur clé de Liverpool de 1981 à 1988 puis « expert foot » à la BBC à 1,5 million £/an – après 22 ans de longs et boyaux services, il a enfin été semi-placardisé]

Quand les joueurs de Cardiff regagnèrent les vestiaires après ce match, Robin avait quitté le stade.

SWE, 2 novembre 1977

… Le manager de Cardiff City, Jimmy Andrews, a déclaré que le club entamerait une procédure contre Robin Friday pour « non-respect du contrat » en ajoutant que l’amende pourrait être élevée. Le joueur est aussi dans le collimateur de la fédération galloise pour avoir accumulé 20 points à son casier disciplinaire. Il sera suspendu pour les trois prochains matchs.

Le 20 décembre 1977, Robin Friday annonça à Jimmy Andrews, manager de Cardiff City, qu’il arrêtait définitivement le football. Parallèlement, Liza Friday entama une procédure de divorce. Friday retourna vivre à Londres où il trouva un travail d’asphalteur et décorateur.

JIMMY ANDREWS : Il disparaissait souvent comme ça pendant plusieurs semaines mais il revenait toujours et se confondait en excuses. On était toujours ravi de le revoir vu ce qu’il faisait sur le terrain et les supporters l’adoraient.

TONY FRIDAY : A son retour de Cardiff sur Londres, il a habité avec notre mère et a continué à jouer, en amateur. Un tas de clubs voulaient le faire signer mais il ne pouvait aller nulle part car Cardiff détenait toujours sa licence et ils refusaient de la lui refiler. Les mecs avaient payé 30 plaques pour lui six mois plus tôt alors ils l’avaient mauvaise. Vers juillet 1978, Brentford [D4] l’a contacté et il s’est entraîné avec eux pendant l’intersaison. Il s’est bien remis en selle physiquement et tout, mais comme d’hab il a disparu de nouveau quelque temps sans rien dire. Il n’est plus jamais retourné à Brentford.

En 1980, il s’est remarié. J’étais encore en taule au moment de son mariage et j’ai jamais connu sa nouvelle femme. Ils ont déménagé à Fulham, mais ça n’a duré que deux ou trois ans. Il a ensuite connu une autre nana, Linda. Malheureusement, il a alors retouché à la drogue et cette nana ne supportait pas ces saloperies alors il est venu crécher chez moi, j’habitais à Fulham aussi à ma sortie de taule. Le problème c’est que ma nana a pas apprécié et ça a créé un tas de problèmes alors il est reparti vivre chez notre mère.


Fulham était bien différent d’aujourd’hui dans les années 60-70 (ci-dessus, la cité Clement Attlee – elle existe toujours mais le coin s’est légèrement gentifrié : le moindre F2, souvent ex HLM, se loue 1 500 £/mois et coûte 400 patates à l’achat)

Côté boulot, il bossait souvent sur les toits avec moi. Je lui trouvais pas mal de taf mais le souci avec lui c’est qu’au fil du temps, il bossait de moins en moins et cherchait surtout à tirer au flanc. Ma mère et moi, on a réussi à lui obtenir une HLM à Acton. Au début, ça allait, il s’est maqué avec une femme, Hazel. Pendant six mois, pas trop de problèmes. Pis un jour au boulot, pour une parole de travers il s’est embrouillé avec un pote à moi, un couvreur. Robin l’a frappé avec un morceau de bois et lui a cassé le bras, j’ai dû l’emmener à l’hosto. J’étais furax contre Robin, mais on s’est réconcilié deux jours après, il a vraiment regretté son geste. Le week-end suivant, lui et sa nana étaient dans un club, embrouilles à la sortie avec Robin et d’autres personnes, sa nana panique, traverse la rue et se fait renverser par une voiture, hospitalisation. Elle lui en a voulu, ça s’est mal passé…

Pis, juste avant Noël 1990, il a disparu quelques jours, on l’a cherché mais en vain. Ce qui nous a inquiété c’est que la pharmacie où il allait chercher sa méthadone [produit de substitution à l’héroïne] ne l’avait plus vu depuis deux jours, et ça c’était pas normal. Moi je pensais qu’il était en garde à vue ou un truc comme ça. On a alors appelé la police qui a enfoncé la porte de son appart…

READING EVENING POST, 31 décembre 1990

… Robin Friday, l’ex joueur culte de Reading FC qui faisait vibrer les stades avec son look de mauvais garcon et son image d’enfant terrible, est décédé à l’âge de 38 ans. La cause du décés est pour l’instant inconnue. Friday a inscrit 57 buts en 135 matchs pour Reading entre février 1974 et décembre 1976.

THE END.

N’attendez pas la sortie du film pour jouer les hipsters, commandez le t-shirt dès maintenant.

Dans la même série TK des grands tarés du foot british :

Lars Elstrup

Chic Charnley

Matchbox vintage – Leicester City 3 – 3 Arsenal (27 août 1997)

C’est bientôt les Césars. L’occasion de rendre hommage aux films qui ont reçu la récompense suprême, à travers l’une des fins de matchs les plus jouissives des années 90.

Buts : Heskey (84′), Elliot (93′), Walsh (96′) ; Bergkamp (9′, 61′, 94′)

Le point sur le classement au coup d’envoi (statto.com)

Le onze de Leicester

Coach : Martin O’Neill (en place depuis un an et huit mois)

O’Neill est parvenu à faire monter Leicester en Premier League (2-1 en play-offs face à Crystal Palace), puis à y faire maintenir l’équipe (9ème en 96/97). Le début de saison est encourageant. C’était le temps où Emile Heskey apparaissait encore comme un prophète capable d’affoler les défenses adverses.

Le onze d’Arsenal

Coach : Arsène Wenger (en place depuis onze mois)

« Arsène who? » s’est fait un nom. Arsenal termine à sa meilleure place depuis 1991 (période pré- Premier League), derrière l’intouchable Manchester United et à égalité de points avec Newcastle et Liverpool. Les arrivées d’Emmanuel Petit et de Marc Overmars font valeur de tesst pour le titre.

La première mi-temps

Après une première occasion d’Heskey sans grand danger, les Gunners prennent rapidement l’avantage grâce à Bergkamp. Sur un corner frappé par Overmars, le Néerlandais hérite du ballon à l’angle gauche de la surface, contrôle et enroule un amour de ballon dans la lucarne opposée. Keller le voyait dehors. 0-1.

La providence a décidé de ne pas aider Keller, dont le dégagement raté entraine un tir puissant d’Overmars. Keller repousse, mais dans les pieds de Wright, qui frappe à côté.

Sur son aile gauche, Guppy n’est pas ridicule et livre quelques ballons intéressants à Heskey. Qui, hélas, n’en fait pas grand-chose.

Leicester multiplie les occasions pour revenir à la marque, mais le bal des maladroits se poursuit : sur une remise en retrait d’Izzet, Matt Elliott reçoit le ballon aux vingt mètres et envoie une cartouche. Mais le vieux fusil est rouillé et la balle effleure un spectateur du virage sud.

Une ultime frappe de Bergkamp clôt une première mi-temps agréable, pendant laquelle la balance a plutôt penché du côté d’Arsenal.

On espère que ces supporters ont pu repartir avec le dernier métro

On espère que ces supporters ont pu repartir avec le dernier métro

La deuxième mi-temps

La seconde période met du temps à démarrer. Les gardiens ne sont pas inquiétés outre-mesure. Jusqu’à cette contre-attaque menée par Vieira, qui donne à Bergkamp dans l’axe aux 30 mètres. On connait la chanson : celui-ci élimine le dernier défenseur puis trompe le gardien. 0-2.

Leicester ne baisse pas la tête pour autant. Sur un centre astucieux d’Heskey, Seaman glisse et Guppy est à deux doigts de réduire la marque. Mais Dixon veille, et dégage en corner.

Leurs efforts sont finalement récompensés, à la faveur d’un dégagement raté de Bould. La touche est rapidement jouée, Parker centre et Dixon se troue. Heskey pousse dans le but vide. 1-2.

Leicester continue de pousser, et Arsenal de reculer. Sur un corner repoussé par Arsenal, Elliott hérite du ballon aux 20 mètres, dans la même position que Bergkamp sur son premier but. Il esquive le défenseur venu à sa rencontre. Son tir dévié termine dans le petit filet de Seaman. 2-2.

Leicester croit avoir fait le plus dur, mais c’est mal connaître the artist Dennis Bergkamp. Un ballon aérien de David Platt,  le reste se passe de mots. 2-3.

O’Neill a la haine, mais ses hommes ont de la ressource. Corner de Parker, concours de têtes bleues dans la surface, et c’est Steve Walsh qui reprend victorieusement. 3-3.

Au revoir les enfants

Au revoir les enfants

This is the end

Matthew Dymore

Au début des années 60, Bill Nicholson devient le deuxième homme à gagner le championnat en tant que joueur et manager, avec Tottenham. Son équipe, inspirante et inspirée, détonne par son système de jeu et la qualité de ses joueurs. Une référence à placer aux côtés d’autres grands techniciens du football.

17 mai 1972, White Hart Lane. Tottenham vient de remporter la Coupe UEFA face à Wolverhampton devant ses 54000 spectateurs (3-2 en score cumulé) et Alan Mullery, capitaine et buteur du soir, de soulever la toute nouvelle coupe, dessinée par Bertoni. Dans les vestiaires, les hommes exultent et les bouchons de champagne vont bientôt sauter. Mais Bill Nicholson surgit, la mine renfrognée. Il demande le calme et dit à ses joueurs : « Je reviens du vestiaire des Wolves. Je leur ai dit qu’ils étaient meilleurs que nous. Vous avez eu beaucoup de chance. La meilleure équipe a perdu ce soir. » Deux ans plus tard, Nicholson démissionnera après quatre défaites consécutives en championnat, et quelques mois après que Tottenham eut perdu contre Feyenoord en finale de la Coupe UEFA [1]. Il avait, selon ses dires, perdu le soutien de ses joueurs, et sentait que le football moderne lui échappait. En réalité, son nouveau groupe de joueurs – Jimmy Neighbour, Philip Holder, Terry Naylor, entre autres – n’était plus à la hauteur.

Mais qui lui en voudrait, après seize ans passés à la tête d’un club ayant connu sous son joug la période la plus glorieuse de son histoire ? Douze trophées, dont deux coupes européennes, et un système inspiré de celui d’Arthur Rowe, manager des Spurs de 1949 à 1955 sous lequel il occupe l’aile du milieu de terrain. Rowe fut lui aussi joueur pour le club, de 1930 à 1939, et les idées tactiques qu’il met en place dans les années 50 révolutionnent le jeu : la possession de balle comme clé de voûte de son schéma, et le « push and run ».

« Le « push and run » était la terminologie utilisée pour un simple, bien que très efficace, système de passe et de mouvement [« pass and move »]. Le joueur qui passait le ballon ne s’arrêtait pas, et continuait de courir pour trouver un espace et recevoir le ballon, soit de la part du joueur à qui il l’avait donné, soit d’un autre partenaire. La technique peut sembler simple, mais elle requiert une rapidité de réflexion, et une capacité à faire une passe dans le mouvement et à la recevoir avec un contrôle parfait. Cela marchait seulement si tous les joueurs offensifs de l’équipe avaient cette capacité. » [2]

Les Spurs remportent le titre de la Division Two en 1949/1950 avec neuf points d’avance sur le deuxième, puis le titre de Division One (actuelle Premier League) douze mois plus tard. Quelques individualités régalent les supporters, telles que Ron Burgess, Eddie Baily, Ted Ditchburn ou Alf Ramsey, parmi d’autres. Mais tandis que la force collective de l’équipe progresse, les joueurs commencent à décliner avec l’âge. En 1955, Rowe démissionne, treize mois après avoir connu une dépression. Avant de partir, il fait signer un certain Danny Blanchflower…

Le 11 octobre 1958, Bill Nicholson joue son premier match en tant que manager, contre Everton. A la mi-temps, les locaux mènent 6-1, puis enfoncent le clou en deuxième période pour l’emporter 10-4. La chance du débutant, sans doute. Car Tottenham lutte toute la saison contre la relégation, et parvient finalement à se sauver. Jeune, ambitieux et tactiquement au point, Nicholson se sert des enseignements de Rowe pour construire son schéma de jeu. Il adapte ainsi son système de « push and run » aux qualités de son effectif, en s’opposant aux inclinations naturelles des joueurs à dribbler excessivement.

« Natif du Yorkshire, […] Nicholson était un perfectionniste. En football, rien n’est jamais tout à fait parfait, mais il voulait s’en approcher le plus possible. Bien qu’il ait réuni un impressionnant collectif de techniciens à White Hart Lane, il exigeait en outre du courage et de l’implication à chacun d’entre eux. » [2]

Lors de la saison 1959/1960, les Spurs ratent le titre pour deux points (l’équivalent d’une victoire), bien qu’ils aient mené le classement durant 28 semaines cumulées. Au début de la saison suivante, le travail de Nicholson porte tous ses fruits et l’équipe démarre la saison en trombe : onze victoires sur les onze premiers matchs, et invaincus jusqu’à la 16ème journée. S’ensuit une campagne glorieuse qui voit l’équipe gagner 31 de leurs 42 matchs de championnat et marquer 115 buts. Le deuxième, Sheffield Wednesday, est relégué à huit points. En fin de saison, les Spurs remportent la FA Cup face à Leicester City (2-0), malgré un effectif ravagé par les blessures. Aucune équipe n’avait encore fait le doublé au 20ème siècle, pas même les Gunners d’Herbert Chapan, les Wolves de Stan Cullis ou les Devils de Matt Busby. Beaucoup pensaient que le jeu moderne ne le permettait pas. Nicholson a prouvé le contraire.

Son système favorise le développement de joueurs qui crèvent alors l’écran. Au milieu de terrain, Dave Mackay, fort et taciturne, met les adversaires au supplice grâce à son agilité technique. Danny Blanchflower, le capitaine vétéran, cérébral et cultivé, en qui Nicholson a remis les clés de l’animation, devient l’architecte du système de l’équipe. En attaque, John White est surnommé The Ghost pour sa capacité à se faire oublier des défenseurs. Cliff Jones mesure 1m72 mais n’hésite pas à  dompter les airs (134 buts en 309 matchs pour Tottenham). Cette année-là, Bobby Smith marque 28 huit buts, son meilleur total sous le maillot des Spurs. La saison de championnat 1960/1961 est une petite partie de plaisir.

Le match décisif se joue le 17 avril, lorsque Sheffield Wednesday, deuxième, vient visiter White Hart Lane. Une victoire (2-1) assure aux Spurs un titre de champion, trois journées avant la fin. En FA Cup, le parcours est néanmoins plus douloureux. Au 6ème tour, l’équipe bute sur Sunderland, alors en Division Two, et doit passer par un replay. En finale, même amputé d’un joueur (blessé) dès la 15ème minute et dès lors incapable de jouer un rôle actif dans le jeu, Leicester City leur pose des problèmes. Et ce jusqu’à la 69ème minute, lorsque Bobby Smith – qui avait brièvement quitté l’hôtel de l’équipe pour des injections d’analgésiques, sans prévenir Nicholson – bat Gordon Banks et ouvre le score. Dix minutes plus tard, Terry Dyson aspire les derniers espoirs de City.

A l’issue de la finale, Nicholson revient brièvement sur son effectif : « Nous avons trouvé la mixture. Avec une ou deux stars, une équipe doit être bonne. Avec quatre ou cinq, elle doit être spéciale. » Mais il reste déçu par le jeu déployé par son équipe. Dave Mackay témoigne : « Nous n’avons pas pensé à la façon dont nous jouions. On savait que c’était pour le doublé donc nous avons préféré la sécurité. J’avais décidé, comme quelques autres, de me reposer et de laisser nos attaquants faire le pressing. Mais Bill n’était pas content. C’était typique de l’homme. Il voulait toujours voir un vrai match de football et n’aimait pas voir son équipe gagner si elle jouait mal. Il voulait qu’on s’amuse. »

Six mois après avoir remporté le doublé, Nicholson dépense 99,999£ pour Jimmy Greaves (AC Milan), refusant d’être le premier à franchir la barrière des six chiffres. Nicholson n’aimait pas l’escalade des indemnités de transferts et des salaires, mais plus important, il ne voulait pas que Greaves soit le premier joueur étiqueté 100,000£. [3] Celui-ci deviendra le recordman de buts marqués au cours des années 60, mais sera incapable d’ajouter une ligne de champion d’Angleterre à son palmarès.

Néanmoins, les Spurs deviennent une équipe de coupe, d’abord en conservant leur FA Cup en 1962, puis en battant l’Atletico Madrid (5-1) en finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe, à Rotterdam, en 1963. Nicholson devient ainsi le premier manager d’un club Britannique à remporter un trophée européen. Ce qui ne l’empêche pas de maintenir une grande exigence sur ses joueurs, comme sur Cliff Jones, à qui il dit : « Le ballon est rond, il roule ; pourquoi n’essaierais-tu pas de faire une passe à l’occasion ? »

Danny Blanchflower annonce sa retraite à la fin de la saison 1963/1964. Un mois plus tard, John White est tué par la foudre sur un terrain de golf, à l’âge de 36 ans. Nicholson perd là deux de ses plus précieux relais sur le terrain, et il lui faut attendre le début des années 70 pour retrouver le succès européen.

Homme d’un seul club, Nicholson reste associé au club jusqu’à sa mort, en 2004. « Il n’y a pas lieu d’être satisfait quand les choses vont mal. Je veux la perfection. »

Matthew Dymore

[1] Les supporters de Tottenham exportèrent le hooliganisme à l’occasion du match à Rotterdam, ce qui réchauffa les velléités de départ de Nicholson.

[2] George Best, in Hard Tackles and Dirty Baths: The inside story of football’s golden era, paru chez Ebury Press en 2006.

[3] Une anecdote qui rappelle celle de Matt Busby avec Tommy Taylor, que nous vous racontions ici même il y a quelques semaines.

(Crédit photos : http://tottenham-summerhillroad.com)

Liverpool, tellement plus qu’un club. Une institution, un mythe, une terre de légendes. Ville et football ne font qu’un : on y cultive le souvenir autant que l’espoir. Un club qui prend aux tripes et ne lâche plus. Jamais. Présentation de son Hall of Fame version Teenage Kicks.

Dans quelques semaines, le site de football britannique Hat-trick verra le jour. L’une des originalités de Hat-trick sera ses « fiches de club », où le Hall of Fame occupera une place de choix. Par manque de disponibilité, je ne pourrai être de l’aventure mais quand Romain Molina, créateur du site, me demanda en juin dernier si je voulais rédiger quelques fiches, je lui dis OK et choisis immédiatemment Liverpool, mon tout premier club anglais de coeur. Romain me conseilla d’aligner quantativement mon texte sur les autres fiches, 5 000 signes environ. OK, lui répondis-je sans trop réfléchir (« 5 ou 6 000 on a dit ? T’en fais pas, pas de problèmes » ajoutais-je pour le rassurer, le sentant quand même un poil tendu…).

Un mois plus tard, je le priais de m’excuser : j’avais pondu un pavé de presque 25 000 signes, sans m’en rendre compte. Il le comprit parfaitement car j’avais une excuse en béton : LFC a un tel vécu que les calibres standards sont ri-di-cu-le-ment inopérants. Alors en avant-première de la naissance de Hat-trick, le Hall of Fame LFC, à ma sauce.

[Cliquer sur les photos peut rapporter gros]

Le Hall of fame TK du Liverpool FC

[Nb: Etant donné la pléthore de grands joueurs/entraîneurs Reds, impossible d’inclure pour diverses raisons tous ceux qui auraient légitimement leur place ici. On pense notamment à Chris Lawler, Ian St John, Phil Neal, Jimmy Case, Gerry Byrne, Peter Thompson, Ray Kennedy, Steve Heighway, Bruce Grobbelaar, Terry McDermott, Alan Kennedy, Mark Lawrenson, Joe Fagan, John Toshack, John Aldridge, Jan Molby, Jamie Carragher, Xabi Alonso et Fernando Torres. Pour complément d’infos, consultez le Hall of Fame officiel et cette page ainsi que 100 Players Who Shook The Kop].

Elisha Scott (1912-1934), gardien, 467 matchs, 31 capes nord-irlandaises. Considéré par certains comme le plus grand portier du club (avec Ray Clemence) et comme celui qui généra les tous premiers chants pour un joueur à Anfield (« Lisha, Lisha »). Rejeté par Everton à 18 ans car jugé trop jeune et trop petit (1m75), « Lisha » était un personnage haut en couleurs et maladivement compétitif qui entretint longtemps une féroce rivalité avec Dixie Dean, le fantasque avant-centre d’Everton aux 395 buts Toffees – inscrits avec un seul testicule, il convient de préciser (Everton, où le frère d’Elisha Scott joua d’ailleurs pendant 8 ans). Pour le centenaire de ses débuts Reds le premier janvier 1913, un documentaire d’une heure intitulé « Lisha, The first King of the Kop » fut réalisé.

ça mérite une mention spéciale même ici dans le temple Red

395 pions avec une seule burne: ça mérite une mention spéciale même ici dans le temple Red

Billy Liddell (1938-1961), avant-centre/ailier gauche/inside-forward (inter), 537 matchs/229 buts, 28 capes écossaises. Considéré par les vieux supporters Reds comme le joueur le plus talentueux de l’histoire du club. Et c’est une légende de Manchester United que le peuple Red doit remercier pour Billy : Matt Busby. C’est en effet ce dernier qui repéra en Ecosse, par hasard, ce discret gamin de 16 ans. Busby, alors capitaine du LFC, insista auprès de son manager pour le faire venir.

Puissant, rapide et doté d’une belle frappe, Liddell fit ses débuts professionnels en janvier 1940, sous les bombes de la Luftwaffe (malgré le Liverpool Blitz – plus de 4 000 victimes d’août 1940 à mai 1941 – le club continua de jouer à Anfield), ce qui n’empêcha pas le jeune Billy de marquer lors de son tout premier match à domicile, devant 2 000 spectateurs (capacité réduite à cause des risques de bombardement).

Pendant vingt-trois ans, Liddell fit tellement vibrer Anfield que sa popularité dépassa celle du club, qu’on surnomma « Liddellpool » dans les Fifties, les moins glorieuses de l’histoire du club. Sérieux et appliqué (jamais averti, jamais une goutte d’alcool et faisait dans le caritatif à ses heures perdues), Liddell continua à travailler comme comptable – à mi-temps – dans une entreprise de la ville la majorité de sa carrière !

On continua de jouer au football pendant la Seconde Guerre mondiale, en Wartime League (ici à The Valley, Charlton Athletic, où un soldat surveille les airs)

On continua de jouer au football pendant la Seconde Guerre mondiale, en Wartime League (ici à The Valley, Charlton Athletic, où un soldat surveille les airs)

Roger Hunt (1958-1969), avant-centre, 492 matchs/286 buts (dont 245 en championnat, record du club). 34 capes anglaises, 18 buts (champion du monde 1966). Avec Ian St John, le vif et puissant Hunt fut le principal fer de lance de la révolution Shankly à partir du début des Sixties et, à ce titre, occupe une place de choix dans le coeur des supporters Reds. Sans ses wagons de buts, pas sûr que Liverpool se soit extirpé de la D2 où le club végéta de 1954 à 1962. Saison 1961-62, Hunt signa 41 buts en autant de matchs de championnat !

Deux ans plus tard, en 1964, LFC devenait champion d’Angleterre après une longue période de vaches maigres (Hunt : 31 buts en 41 matchs). Vainqueur de la FA Cup en 1965 – la première du club, buts de Hunt et St. John -, puis de nouveau Champion national en 1966 où Hunt s’illustra de nouveau : 30 buts en 37 matchs de championnat. Intronisé au English Football Hall of Fame en 2006.

Bill Shankly (1958-1974), écossais, le plus grand manager de l’histoire du club, 609 matchs (319 victoires, 152 nuls, 138 défaites). Quand « Shanks » débarqua à Liverpool en décembre 1959 fort d’une dizaine d’années d’expérience, le club touchait le fond. Non seulement LFC végétait en D2 depuis 1954 (pour la première fois de son histoire) mais le moral était à zéro et les installations indignes d’un grand club : le centre d’entraînement de Melwood n’avait qu’un seul robinet, deux préfabriqués et les joueurs devaient se changer et doucher à Anfield via un système de navettes… Et pour ne rien arranger, Everton pétait la santé parmi l’élite (5è et 4è début années 60 et titre en 1963).

Shankly persuada un directoire somnolent de mettre la main à la poche et bâtit une équipe capable de jouer les premiers rôles, notamment en se débarrassant d’une vingtaine de joueurs dès la première saison et en utilisant la réserve et le centre de formation du club, qu’il restructura totalement. Sous sa houlette, LFC décrocha trois titres nationaux, deux FA Cups et une Coupe UEFA (ainsi qu’une finale de Coupe des coupes en 1966 et une élimination de justesse – et controversée – en demi-finale de la Coupe d’Europe des clubs champions contre l’Inter Milan en 1965). Créa la légendaire Boot Room (voir « Particularité » dans le volet suivant).

En juillet 1974, à la surprise générale, Shankly annonça sa retraite immédiate (il se dit fatigué après 40 ans dans le football). A sa disparition d’une crise cardiaque en 1981 (à 68 ans), ses cendres furent dispersées sur la pelouse d’Anfield, devant le Kop. De hautes grilles portant son nom (les Shankly Gates) ainsi qu’une statue sont visibles devant Anfield.

Bob Paisley (1974-1983), 535 matchs (308 victoires, 132 nuls, 96 défaites). Trop souvent injustement oublié ou ignoré hors Merseyside (réduit au rôle de « gestionnaire de l’héritage Shankly » comme l’écrit justement feu le site kick and rush), Paisley est pourtant l’un des managers les plus titrés de l’histoire du football : 6 championnats, 3 C1, 1 C3 et 3 Coupes de la Ligue.

Latéral droit Red de 1939 à 1954, il ne connut que Liverpool FC dans sa carrière professionnelle et son association avec le club s’étend sur plus d’un demi siècle (entraîneur de la réserve, kiné, etc.). Quand Shankly annonça sa retraite en juillet 1974, le directoire se tourna vers lui, alors âgé de 55 ans, l’adjoint taiseux de Shanks-le-charismatique, et le persuada de prendre ce job dont il ne voulait pas (Shankly insista aussi pour qu’il prenne sa relève). Sa première allocution hésitante aux joueurs illustra sa réticence :

« Bon, ben, je ne voulais pas de ce poste mais maintenant que je suis là, va bien falloir s’y mettre. De toute manière, faut bien qu’il y ait un entraîneur. Cela dit, c’est sans doute provisoire »

Ses points forts étaient la tactique, la détection, le recrutement (il fit notamment venir Kenny Dalglish, Alan Hansen, Ian Rush et Graeme Souness) ainsi que le timing dans le recrutement : il savait exactement quand il fallait se séparer d’un joueur et n’avait pas peur de pousser les anciens vers la sortie ou la retraite (ce qui fut reproché à Shankly sur la fin) et ainsi renouveler l’effectif. En outre, Paisley connaissait parfaitement le club et, grâce à sa connaissance intime du jeu, des joueurs et du corps humain (il fut un kiné très réputé), il s’attacha à faire progresser certains (tel l’attaquant Ray Kennedy, qu’il repositionna milieu gauche) plutôt que de chercher à les vendre.

Réservé et taciturne, ce bon Bob ne manquait cependant pas d’humour. Ayant participé à la libération de Rome par les Alliés en juin 1944 en tant que « Desert Rat » (contre l’Afrika Korps de Rommel en Afrique du Nord), quand Liverpool disputa sa première finale de C1 en mai 1977 dans la Ville Eternelle, il s’exclama (en admirant le Colysée de l’autocar des joueurs) : « Ah tiens, la dernière fois que je suis passé par ici, j’étais assis sur la tourelle d’un char ». Disparu en février 1996 (maladie d’Alzheimer), l’ex maçon de Sunderland a été intronisé au English Football Hall of Fame dès sa création en 2002. Tout comme Shankly, des grilles portent son nom devant Anfield.

Ian Callaghan (1960-1978), ailier droit/milieu central, 857 matchs/69 buts, 4 capes anglaises (fit partie du groupe Coupe du monde 1966). Détenteur du record de matchs du LFC ainsi que du nombre d’apparitions en FA Cup (88), « Cally » est le seul joueur à avoir vécu l’intégralité de la formidable épopée Red [1], de 1960 (début de la « Shankly revolution ») aux grands triomphes européens sous Bob Paisley à la fin des années 1970. Il fut aussi le premier Red à être élu Footballer of the Year par la Football Writers’ Association, en 1974.

Eut la lourde tâche de faire oublier le légendaire Billy Liddell et il ne fit pas les choses à moitié : en avril 1960, à 17 ans, pour son premier match il eut droit à une standing ovation du stade, des 22 joueurs et même de l’arbitre ! En 1970, une blessure au genou le força à se repositionner au coeur de l’entrejeu et le club dut faire venir de Scunthorpe un p’tit jeune prometteur pour continuer d’assurer l’animation offensive : Kevin Keegan.

Kevin Quigagne.

A suivre.

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[1] Tommy Smith, arrivé au club à 15 ans en 1960, pourrait éventuellement lui être associé mais « Anfield Iron » ne fit ses débuts qu’en 1962.

Il y a 150 ans cette semaine, le lundi 26 octobre 1863, une poignée de passionnés se réunissaient dans un pub londonien, le Freemasons’ Tavern, pour fixer quelques règles communes de jeu. La première fédération de football au monde, la Football Association, était née et le football moderne avec.

Si vous visitez Londres, ne cherchez pas le Freemasons’ Tavern, il n’existe plus [1]. Mais sa legacy est universelle : les premières lois du jeu du football y ont été édictées et la Football Association y fut créée. Parmi les hommes à l’origine de cette révolution, deux dirigeants de club jouèrent un rôle déterminant : Ebenezer Cobb Morley (ci-dessous, à gauche) et Arthur Pember. A ce titre, ces deux pionniers injustement méconnus sont considérés comme les deux principaux pères fondateurs du football [2].

Une brève histoire de la FA en photos.

1830-1848 : l’élite scolaire prend les rênes

Avant les années 1830, et contrairement aux idées reçues, le football d’en bas existait bien, à une micro échelle (un jeu de balle, à tout le moins – on recense même un club créé en 1824 à l’université d’Edimbourg, The Foot-Ball Club [3]). Il s’était développé dès le 16è siècle parallèlement à la soule (appelée mob football ou folk football), ce combat de rue généralement considéré comme lointain parent du football (ou du hooliganisme, c’est selon) et perpétué avidemment en Angleterre lors des Mardi Gras turbulents (Shrove Tuesday) et jours fériés où les excès étaient de rigueur.

Toutefois, peu à peu, ce football allait s’éteindre (l’intensité de la révolution industrielle, ainsi que son dévorant besoin d’espace, lui portant notamment un coup fatal) et ce sont les universités et Public Schools, ces écoles privées réservées à l’élite et propriétaires de vastes domaines, qui reprennent le flambeau pour résusciter l’agonisant au milieu du XIXè siècle. Un problème majeur se pose alors à ces jeunes gens élevés dans un esprit victorien très compétitif : chaque école a son propre code (fluctuant), ce qui rend les rencontres inter-scolaires impossibles. La solution est donc d’adopter des règles communes à tous. Si le principe est simple, son application s’avèrera autrement plus compliquée.

Un autre élément souvent occulté va favoriser l’éclosion d’une codification unifiée : la révolution industrielle. L’industrialisation effrénée du pays – qui entraîne des bouleversements si soudains et profonds que Friedrich Engels comparera la révolution industrielle britannique à la révolution française – s’accompagne d’un changement radical des mentalités. A mesure que la société se civilise, les classes dirigeantes, puis le peuple, tolèrent de moins en moins la brutalité de ce sport qui ressemble alors bien plus à une violente forme de rugby qu’au football. Les nombreuses pétitions qui exigeaient la disparition de la soule deux décennies auparavant – « trop moyenne-âgeuse » se scandalisait-on – sont remplacées par des voix s’élevant contre ce football sauvage pratiqué dans les public schools et universités.

1848 : les Cambridge Rules, ancêtres des lois du jeu

Le besoin d’uniformisation des règles se fait pressant et c’est de Cambridge que vont venir les prémices du salut. La célèbre cité universitaire est alors pionnière en matière sportive et une forme de football très viril est prisée des étudiants du cru depuis des centaines d’années. La légende locale veut que le notoire Oliver Cromwell, sorte de Napoléon anglais (toujours aussi haï en Ecosse et surtout en Irlande 400 ans après), ait été un brillant footballeur pendant son embryon d’études à Cambridge au début du XVIIè siècle. L’un des poumons verts de Cambridge est Parker’s Piece, une vaste étendue de dix hectares où se pratiquent toutes sortes d’activités depuis des siècles, parmi lesquelles le football occupe une place de choix (Parker’s Piece revendique régulièrement la paternité du football « moderne et organisé »).

La statue de

La statue de W. Webb Ellis (inventeur contesté du rugby) devant Rugby School

Ce sont les dénommés Henry de Winton et John Charles Thring qui donnent les premiers l’impulsion pour une codification du football (JC Thring refera parler de lui, voir plus bas). En octobre 1848, au terme d’une réunion houleuse de huit heures à Trinity College, les Cambridge Rules [4] sont établies par quatorze étudiants de l’université issus de cinq lycées huppés (Eton, Harrow, Rugby, Shrewsbury et Winchester), chacun défendant le bien-fondé des règles de son alma mater.

Deux clans et philosophies de jeu s’opposent alors clairement : les anciens d’Eton College, partisans d’un football essentiellement pratiqué au pied (souvent appelé le dribbling game [5], développé vers 1845 et parfois joué à 11 v 11), et ceux de Rugby School, prestigieuse public school du centre du pays, défenseurs d’une version bien plus musclée du sport, un football rugbystique où l’utilisation des mains est généralisée (appelée le handling game, type de football que Rugby School codifia en août 1845, mais en interne seulement – ces 37 règles furent d’ailleurs publiées dans un livret intitulé « The Laws of Football played at Rugby School »).

Dans le compromis quelque peu boîteux qui émerge, c’est la vision policée des ex Etonians qui s’est imposée. Ces règles introduisent notamment une sorte de touche, les passes en avant (alors interdites), le coup de pied de but et un principe qui pose un jalon fondamental dans l’évolution formative du football :  l’interdiction de courir ballon en main.

1848-1862 : l’anarchie entraîne l’immobilisme

Las, en l’absence d’une instance nationale, une grande confusion règne et les Cambridge Rules tombent vite en désuétude, chaque établissement préférant conserver ses traditions, forcément meilleures que celles du voisin. Parfois, comme à Rugby School, les règles varient même d’une classe ou d’un groupe d’âge à l’autre…

Certaines pratiques en vigueur sont déroutantes et l’inexistence d’un semblant de norme est problématique, même le ballon peut considérablement varier d’un endroit à l’autre (question taille, poids ou même forme). A  Winchester School, les deux poteaux de buts doivent obligatoirement être… des joueurs. A Charterhouse School, les cloîtres servent de terrain et les piliers de buts. A Eton, Nottingham et autour de Sheffield, on peut scorer un « rouge » (le terme vient du hockey sur gazon, alors à la mode), un croisement complexe entre essai de rugby, corner et but (tout en sachant que le but peut s’étendre sur toute la largeur du terrain !).

avant, les beaux piliers servaient de buts

Les cloîtres de Charterhouse School : avant, les beaux piliers servaient de buts

Force est de constater que la période 1848-1862, après avoir beaucoup promis, a engendré l’immobilisme, voire la régression (les débats animés ayant ravivé quelques vieilles rancoeurs et fait naître de nouvelles). Un facteur explique cette inertie : les rapports entre écoles sont sous-tendus par de profonds préjugés et antagonismes. Eton prend Rugby de haut et considère leur rugueux football comme « vulgaire », tandis que Rugby juge celui d’Eton « efféminé ». Un snobisme de caste envenime les relations entre établissements. Les plus historiques et prestigieux, tels Eton ou Westminster, voient d’un mauvais oeil l’ascension d’écoles récemment créées qui, conjecturent-ils, cherchent simplement se faire un nom. Certains membres de la vieille garde refusent même d’affronter ces « arrivistes », ne considérant pas cet adversaire comme « de vrais gentlemen ». Ces rivalités hautaines et stériles vont stopper la progression du football, au moment où l’élaboration des Cambridge Rules aurait dû le faire décoller.

1862 : les prémices du schisme football-rugby

La standardisation des règles s’annonce d’autant plus difficile que, reflet de la révolution industrielle, de robustes régionalismes apparaissent, surtout dans le nord du pays, à la fois berceau de cette révolution et de l’essor du football (logique, puisque son développement est lié à la révolution industrielle).

En octobre 1858, les Sheffield Rules sont créées (ci-dessus – officiellement nommées Rules, Regulations & Laws of the Sheffield Foot-Ball Club). Inspirées des Cambridge Rules, elles seront progressivement modifiées et utilisées dans un vaste rayon autour de Sheffield jusqu’en 1877, coexistant avec les règles établies par la FA en 1863. En mars 1867, Sheffield crééra même sa propre fédération, la Sheffield Football Association, mais rentrera dans le rang dix ans plus tard (le seul exemplaire existant des Sheffield Rules, et qui appartenait à Sheffield FC, le plus vieux club au monde toujours en activité, a été vendu 881 250 £ aux enchères par Sotheby’s en 2011 –  voir clip. Un tournoi, disputé selon les Sheffield Rules, s’est récemment déroulé à Sheffield).

Sheffield FC

Sheffield FC, à sa création en 1857

En 1862, une version réactualisée des Cambridge Rules est élaborée par… John Charles Thring, le principal co-initiateur des Cambridge Rules 1848 et désormais enseignant à Uppingham School, une école progressiste qui a épousé avec enthousiasme les idéaux victoriens d’effort physique salutaire pour le corps et l’esprit. L’activité sportive, devenue synonyme d’ordre et de discipline, est alors en vogue mais doit désormais s’exercer dans un cadre structurant (c’est l’ère de la « masculinité victorienne »).

Ces nouvelles Uppingham Rules, appelées également « The Simplest Game » et similaires aux Cambridge Rules, réitèrent plusieurs points essentiels de 1848 en restreignant leur portée : l’interdiction de faire des crocs-en-jambe, de mettre des coups et d’utiliser ses mains hormis pour arrêter le ballon et le poser devant soi (avant de continuer l’action). Les footballeurs de Rugby et d’ailleurs qui militent pour un football rentre-dedans accusent le coup.

La situation semble donc se débloquer et c’est cette période favorable que choisit un certain Ebenezer Cobb Morley pour entrer en jeu. Mais pour convaincre les footeux pro-rugby que leur version du sport est moche et archaïque, ce bon Ebenezer va devoir entrer tête la première dans la mélée…

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] Enfin si, mais plus dans son jus. Le superbe Freemasons’ Tavern, ancien QG art déco des francs-maçons anglais, fut transformé et rebaptisé Connaught Rooms en 1905, en l’honneur du Duke de Connaught, l’un des fils de la Reine Victoria. Ce lieu mythique situé tout près de Covent Garden est aujourd’hui le Grand Connaught Rooms, un centre réputé de réunions/galas/soirées/événementiel (qui compte parmi ses clients réguliers nombre d’acteurs du foot et sport anglais, dont la FA, la Football Supporters’ Federation, la Football Writers’ Assciation, la Sports Journalists’ Association, etc.). Samedi 26, la FA célèbrera le 150è anniversaire au Grand Connaught.

[2] Les frères Alcock (Charles et John), fils d’un riche armateur de Sunderland, jouèrent également un rôle clé dans le développement du football. Charles Alcock est notamment le fondateur des fameux Wanderers FC, sud de Londres – cinq fois vainqueur de la FA Cup – et surtout le créateur de la Football Association Challenge Cup (FA Cup), dont la première édition se déroula en 1871-72. Une version bien différente d’aujourd’hui : seuls 15 clubs y participèrent, tous londoniens ou région – sauf Queen’s Park FC, Glasgow – et 15 matchs furent disputés seulement. Wanderers FC remporta la première finale, devant 2 000 spectateurs et fut dissous en 1887 puis refondé en 2009. Ils évoluent en D12 et, avec 5 FA Cups dans leur trophy cabinet, possèdent probablement le plus beau palmarès au monde pour un club de quartier !

Par ailleurs, la FA a retrouvé quelques descendants des huit pères fondateurs et une cérémonie a eu lieu hier (21 octobre) en leur honneur à Wembley.

[3] Club créé par un étudiant, John Hope, et qui peut légitimement revendiquer le titre de premier club « structuré » au monde, même s’il n’exista que 17 ans. Ce club avait établi ses propres règles et compta jusqu’à 80 licenciés. Sheffield FC (actuellement en D8), est le plus vieux club non scolaire au monde, fondé en 1857 par des cricketters qui s’ennuyaient l’hiver venu (le cricket ne se pratique que d’avril à septembre en Angleterre – thank God serait-on tenté d’ajouter).

[4] Il ne reste malheureusement aucune trace écrite des Cambridge Rules, seule subsiste une version révisée datant approximativement de 1856. Elle est conservée à la bibliothèque de Shrewsbury School, lycée des deux instigateurs des Cambridge Rules, Henry de Winton et John Charles Thring.

[5] Dribbling = conduite de balle, dans ce sens (ce terme signifie aussi « technique de dribble » bien entendu). Ni tactique ni positionnement n’existait vers 1850-1860 (même jusqu’au début des années 1880 en Angleterre, au contraire de l’Ecosse, bien plus avancée dans ce domaine), le modus operandi consistant le plus souvent à balancer le « ballon » devant [une vessie de boeuf ou cochon] et courir en masse derrière. Quand un joueur parvenait à contrôler le ballon et filer vers le but, ses coéquipiers l’entouraient pour le protéger des brutalités.

Eton College et Harrow, où le dribbling game a été développé, souhaitaient voir émerger un football moins primitif et violent, avec peu de jeu à la main et basé sur la conduite de balle, mais pas encore sur la passe (passer en avant était interdit et passer latéralement ou en arrière était rare). Sans trop entrer dans les détails, la passe n’arrivera véritablement en Angleterre qu’au début des années 1880 grâce aux Ecossais (même si quelques clubs anglais, tel Sheffield FC, avaient réfléchi au problème avant QPFC – voir le wiki sur le Combination Game) et en particulier grâce au club avant-gardiste de Queen’s Park FC (Glasgow), tenant d’un amateurisme pur et dur – au point que certains de ses joueurs refusèrent des sélections nationales (tel l’Anglais JB McAlpine dans les années 1920). Une dizaine d’années avant tout le monde, QPFC utilisa des dispositifs de jeu révolutionnaires pour l’époque (fin des années 1870), notamment le 2-3-5 alors que les clubs (anglais surtout), si d’aventure ils utilisaient un semblant de schéma tactique, jouaient en 2-2-6. Le 2-3-5 se généralisera à partir des années 1890. Quand les clubs anglais recrutèrent en masse des joueurs écossais, à partir de 1880, ces derniers introduisirent le jeu de passe en Angleterre.

Alors,

a) pourquoi les Anglais firent-ils venir des Ecossais ? et

b) Pourquoi les Anglais n’avaient-ils pas développé le passing game ?

a) Parce que les Ecossais, qui maîtrisaient le jeu de passe, étaient meilleurs que les Anglais et les clubs anglais les payaient généreusement, même avant la professionnalisation en 1885. Le football ne fut professionnalisé qu’en 1893 en Ecosse et dès l’essor du sport en Angleterre à partir des années 1880, beaucoup d’Ecossais irent jouer chez le voisin anglais, surtout dans le Nord. Le surnom du club de Queen’s Park FC, The Spiders, est tiré du jeu de passe « en toile d’araignée », cette toile qu’ils tissaient pour étouffer leurs adversaires (une autre version plausible et largement répandue sur l’origine de leur surnom existe – ici par exemple – mais il semblerait qu’elle ne soit pas avérée. Il convient toutefois d’être prudent avec ces versions, l’histoire du football vers 1870 se transmettant principalement de manière orale, surtout pour les questions de moindre importance comme le surnom).

b) Car la vieille garde, tenante d’un amateurisme pur et dur, considérait la passe comme un acte « lâche » et « contre l’esprit du jeu ». La professionnalisation et le fort apport de joueurs écossais feraient vite disparaître ces idées victoriennes faussement nobles.

Elément clé de la vie d’un club, le Fanzine foot est une géniale spécialité british dont les Continentaux ignorent souvent les charmes. Le temps est donc venu d’organiser un dépucelage de masse. Et, tant qu’à faire, autant choisir la créature la plus sexy du genre : A Love Supreme, le multi-primé zine de Sunderland et (presque) officiellement élu Meilleur Fanzine de la planète. Rencontre initiatique avec Martyn McFadden, son rédacteur en chef anti langue de bois.

Mieux vaut lire l’introduction de cette interview. Suite de la deuxième partie, l’interview avec Martyn McFadden, rédac’ chef de A love Supreme (ALS, 2,50 £, mensuel, sauf intersaison) fanzine le plus primé du football britannique : 8 titres de UK Fanzine of the Year (1994, 95, 97, 98, 99, 2001, 2008 et 2009 – voir ici), 4 places de dauphin et une multitude d’awards supplémentaires, dont plusieurs pour le site internet (soit, à vue de nez, 12 fois plus que les 3 fanzines de Newcastle United réunis).

Interview (suite et fin)

Martyn, parlons de Newcastle United… Dans cette étude sur les fanzines, le rédac’ chef de feu Talk of the Tyne (zine de Newcastle) disait avoir constaté un changement de mentalité dans l’univers fanzine depuis quelque temps. Selon lui, au lieu d’être la voix des supps, beaucoup seraient devenus conventionnels et trop tendres avec leur club, au point de ressembler à « un programme de match ». Es-tu d’accord ?

Pas trop, non. J’entends des gars dire parfois « Les fanzines c’était mieux avant, c’est plus ce que c’était, etc. ». Et d’autres : « Ah ouais, les fanzines, c’est comique, on se marre bien ». C’est tout ce qu’ils semblent avoir retenu du fanzine, alors qu’en fait, non, un zine n’est pas fondamentalement marrant ou comique même si on fait de l’humour, ce qu’on écrit est sérieux.

Je pense que si des gens nous assimilent au programme du match, c’est surtout d’un point de vue esthétique. Au fil des ans, les fanzines ont tellement progressé niveau présentation qu’ils ressemblent désormais aux programmes officiels. Il faut s’améliorer pour vendre et survivre de toute manière, il a fallu faire la différence sur les étagères archipleines des marchands de journaux, alors certains font un amalgame un peu facile.

Donc pour toi, le gars de Talk of the Tyne était à côté de la plaque ?

Tu sais, on entend parfois : « J’adorais les deux premiers albums d’Oasis mais le troisième était mauvais ». Pourtant, c’est le troisième qui s’est le mieux vendu, c’est donc celui qui a le plus plu aux gens. Quelques années après les débuts de A Love Supreme, des gens nous disaient : « Ah, j’adorais les premiers numéros d’A Love Supreme ». Alors que bon, quand tu examines ces premiers numéros, ils étaient bourrés de fautes, de lourdeurs et j’en passe. Et pis bon, le gars dont tu parles est un supp de Newcastle hein, probablement pas super intelligent donc ! [rires gras – illustration ci-dessous]

D’ailleurs, au démarrage du mouvement fanzine, les mecs faisaient leur zine au bureau ! Car t’avais ni photocopieur, ni ordinateur, ni imprimante à la maison et le meilleur matos se trouvait au boulot. Un tas d’histoires circulent sur des gars qui, tout en bossant, concoctaient leur fanzine en douce !

Ouais, exactement, les fanzines ont vraiment commencé de manière hyper informelle et artisanale, c’était quelques potes qui se disaient « Tiens, et si on écrivait sur notre club et donnait la possibilité aux autres de donner leur avis » mais qui n’avaient aucun équipement. Personne n’a commencé ça dans l’optique d’en faire son métier ou son business.

Maintenant, c’est différent, pas mal de fanzines emploient du personnel à temps plein et ont développé leurs activités. Par exemple nous, on a une boutique, un site internet florissant, on organise des déplacements, on publie des livres, produit de la musique, etc. On essaie sans cesse de se diversifier.

Les mecs qu'avaient David Brent comme boss étaient avantagés pour monter leur zine au bureau

Les mecs qu'avaient David Brent comme boss étaient super avantagés pour monter leur zine au bureau

Vous avez sorti des disques sur le foot ?

Oui, deux. En 1995-1996 d’abord, la saison où Peter Reid arrive, on monte en Premiership et on sort Cheer Up Peter Reid [clip – des supps de Newcastle ont produit ce clip pastiche bien limite, ndlr]. Ça a bien marché d’ailleurs, c’était basé sur la mélodie de Daydream Believer des Monkees. On s’était classé dans les 40 meilleures ventes au hit-parade et même Numéro 1 au classement NME des charts indépendants, et vu qu’Oasis était numéro 2, on n’était pas mécontent ! Puis vers 2000, on a sorti Niall Quinn’s Disco Pants [l’Irlandais N. Quinn – 92 capes – est une Sunderland legend]. Avant de démarrer ALS, je faisais partie d’un groupe, j’ai gardé pas mal d’amis et contacts dans ce milieu.

Tu n’écris plus trop dans ALS d’ailleurs ?

Non, je n’écris plus beaucoup car je suis très occupé. Si on fait une analogie musicale, mon rôle s’apparente plutôt à celui de chef d’orchestre. Mais, avec mon associé, je vérifie tout avant chaque sortie de numéro et ça prend beaucoup de temps.

« Sex and Chocolate, 1 £ only »

Neuf ans après avoir lancé A Love Supreme, tu as démarré un autre fanzine de Sunderland au titre amusant, Sex & Chocolate aren’t as good as football (1998-2003, 37 numéros, 1 £). Malheureusement, il a cessé de paraître au bout de cinq ans.

Ouais, j’avais démarré ça via mon groupe ALS Publications, c’était censé être le petit frère d’ALS car comme on recevait trois fois plus de contributions spontanées qu’il nous en fallait, on décida de créer un ALS bis, mais un zine plus mordant tu vois, plus edgy. L’idée avec Sex & Chocolate (S & C), c’était justement de répondre à une demande, à ces lecteurs qui nous disaient : « ALS, c’était bien mieux au début quand ça envoyait du bois, que c’était caustique, brut de décoffrage, etc. ». Gérer deux fanzines était très chronophage, on devait décider quel article mettre dans quel fanzine, etc. Ce n’était pas juste une question de faire un tri et basta. On l’a arrêté pour pas mal de raisons en fait mais surtout parce qu’on voulait se concentrer davantage sur ALS qui, après le déménagement au Stadium of Light en 1997, acquit des locaux et prit une dimension supplémentaire. Et aussi pour développer le site Internet d’ALS [ci-dessous, souvent primé lui aussi, ndlr].

La gouaille des vendeurs de S & C criant « Sex and Chocolate, 1 £ only » dans les rues de Sunderland ou devant le Stadium of Light est restée ancrée dans le folklore local d’ailleurs !

Oui, effectivement ! Les jours de match, nous avons une quinzaine de vendeurs autour du stade principalement et c’était un slogan publicitaire accrocheur qui amusait beaucoup.

Belle expérience en tout cas, j’ai lu que Sex & Chocolate fut élu 2è Meilleur Fanzine du Royaume-Uni une année, derrière… A Love Supreme. Superbe doublé !

Ouais, c’était pas mal mais j’avais pas trop le temps à cette époque, je faisais beaucoup de musique. Bref, après 5 ans, on a dû arrêter l’expérience.

Parmi ces dizaines de textes et articles que tu reçois chaque mois, comment décides-tu de ce qui va sortir, t’as une méthode rapide et efficace au-delà d’un jugement purement qualitatif ?

Ouais, avec mon adjoint, on fait des piles par sujets ou thématiques et on leur attribue des notes sur 10. Comme je te disais, je n’écris plus trop, désormais j’organise, je coordonne, corrige, reprends les textes, etc. Le nombre de gens qui t’envoient des articles en critiquant tel ou tel joueur ou le manager mais sans être foutus d’épeler leur nom correctement… Bon, en général, ceux-là ne sont pas publiés !

Je crois que ALS Publications est impliqué dans la production d’autres fanzines, n’est-ce pas ?

Oui, on s’occupe du design de plusieurs autres fanzines, des zines nord-irlandais, d’un zine de Manchester City, appelé 0161, de celui de Stockport County, The Scarf That My Father Wore, et quelques autres.

Comprendrais-tu qu’un supporter de Sunderland puisse lire un fanzine de Newcastle United sans se cacher ?

Oui, bien sûr. Pour être honnête, on reçoit nous-mêmes des exemplaires de The Mag et True Faith et j’ai des collaborateurs qui les lisent pour voir ce que l’ennemi dit sur nous. En fait, je crois que pas mal de supps lisent les fanzines des rivaux ou autres clubs. Je sais par exemple que certains supps des Rangers à Glasgow lisent les fanzines du Celtic et vice-versa, même si les deux camps se haïssent. D’ailleurs, ces lectures croisées ont pour effet de les exaspérer encore plus… Plus ils lisent les fanzines de l’adversaire, plus ils sont énervés, c’est à se demander pourquoi ils lisent ça ! [rires]. Je crois que c’est la passion qui les emportent, cette obsession-fixation qu’ils font sur leur club.

Fin de l’interview.

Infos complémentaires sur le fanzine foot

– un fanzine compte une cinquantaine de pages en moyenne et il est presque toujours publié en format A5 (mais ça évolue, deux des trois zines de Newcastle sont en A4). Les fanzines contiennent peu de publicité (5 pages par numéro dans le cas d’ALS).

– le tout premier fanzine foot de club est The Zigger, de Barrow FC, créé en 1967 mais on ne sait pas grand chose sur cet obscur zine. Le premier véritable fanzine (général) est Foul, surnommé « Football’s First Alternative Paper ». Créé en 1972 par deux étudiants de Cambridge. Cessa de paraître en 1976 après 34 numéros et une action en justice pour diffamation intentée par un journaliste (Foul fut le premier à s’intéresser aux salades du football, par exemple en mettant son nez dans les affaires internes des instances). Gros tirage, jusqu’à 10 000 numéros. Ce fut un one-off car il fallut attendre le début des Eighties pour voir les suivants apparaître, une poignée seulement.

– le plus ancien fanzine toujours en activité est (The) City Gent, de Bradford City, créé en octobre 1984. Les bénéfices de ce zine dirigé par Mike Harrison sont reversés à Bradford City et le fanzine a également participé au financement du musée du club. Pour ceux qui possèdent le double DVD « Looking for Eric » de Ken Loach (le 2 Disc Special Edition) Mike Harrison y parle de Bradford City et City Gent au début du DVD 2, on le voit notamment le vendre devant et dans le stade. Ce documentaire traite, entre autres sujets, de la passion des supps pour leur club (Everton, Leeds, Man United, FC United of Manchester, Bath City – A week in the life of Bath City -, etc.) et des évolutions dans le supportérisme. A voir.

– le phénomène fanzine explosa à partir de la fin des Eighties. Les titres furent alors scrupuleusement répertoriés par When Saturday Comes et leur nombre passa de 22 en janvier 1988… à 215 un an plus tard !

En janvier 1992, ils étaient plus de 600 et en 1995, une étude conduite par l’universitaire Richard Haynes en dénombra 2 150, existants ou ayant existé (certains ne faisaient que quelques pages et tiraient à une poignée d’exemplaires). La British Library de Londres s’efforce d’en recenser le plus possible, une tâche difficile car beaucoup ne sont pas, ou n’étaient pas, des publications officielles (la BL a plus de 1 000 titres en magasin). Selon cet article, plus de 350 titres existaient en 2008.

Des noms de titres parfois très spéciaux !

L’une des caractéristiques du fanzine est son nom parfois étrange, voire sans grand rapport avec le club. Quelquefois, une phrase marrante entendue à la buvette ou dans les toilettes sera utilisée comme titre ! C’est souvent dans les petits clubs qu’on trouve les titres les plus insolites. Voici parmi les plus originaux ou carrément excentriques (disparus ou encore actifs) :

– Brian Moore’s Head Looks Uncannily Like London Planetarium = la tête de Brian Moore ressemble étrangement au planétarium de Londres (titre d’un fanzine de Gillingham FC pendant 18 ans, ici – et parole d’une chanson du groupe Half Man Half Biscuit). Moore était un commentateur sportif et, un temps, membre du directoire des Gills, seul club professionnel du Kent (en D3 cette saison).

War of the Monster Trucks (Sheffield Wednesday, explication du titre bizarre ici)

– My Eyes Have Seen The Glory, Tottenham

– The Gibbering Clairvoyant (Dumbarton), La voyante qui délire

– 4,000 Holes (Blackburn – en référence à une chanson des Beatles)

– Where’s The Money Gone? (Darlington), Où est passé l’argent ?

– Gary Mabbutt’s Knee (Coventry – Mabbutt est bien sûr une Tottenham Legend mais lors de la finale de FA Cup 1987 entre Coventry et les Spurs, son genou mis le joli but contre son camp de la victoire pour Coventry, dans les arrêts de jeu)

– Roger Connell’s Beard (Wimbledon), La barbe de Roger Connell (joueur Don de 1974 à 1979)

– Ground Control to Wendy Toms (Woking), Bel hommage à Toms, qui fut la première femme à officier comme arbitre dans un match de football masculin en Angleterre (un match opposant Woking à Telford, D5, en 1996, d’où le titre du fanzine)

– It’s Half Past Four And We’re 2-0 Down (Dundee FC), Il est 16 h 30 et on est mené 2-0

– On Suicide Bridge (Abingdon Town)

The Deranged Ferret! (Lincoln City), Le Furet dérangé !

– Where’s the bar? (fanzine représentant le monde amateur)

– Sick In The Basin (Partick Thistle – club glasvégien), J’ai vomi dans le lavabo

– Liverpool are on the tele again! (Norwich City), Encore Liverpool à la télé !

– Aye Aye Rhubarb Pie! (Bradford Park Avenue), Oui Oui, une tarte à la rhubarbe !

– Revenge Of The Killer Penguin (Bath City)

– Where’s the Vaseline? (Billericay Town)

– Keegan Was Crap Really (Doncaster Rovers), Keegan était nul à chier en fait

– The Keeper Looks Like Elvis (Kidderminster Harriers), Le gardien ressemble à Elvis

– Rebels without a Clue (Slough Town), Des Rebelles qu’ont rien compris

Dial M for Merthyr (club gallois de Merthyr Tydfil, inspiré du cinéma tout comme le précédent, ici Dial M for Murder d’Alfred Hitchcock)

– What have I done to deserve this? (Nuneaton Borough), Qu’ai-je fait pour mériter ça ?

– Linesman, you’re rubbish (club gallois d’Aberystwyth = Eh l’ juge de ligne, t’es nul).

Sur le même thème arbitral : Get a grip Ref (Scunthorpe United), Reprends-toi l’arbitre ; Flippin’ Heck Ref That Was A Foul Surely (Waterlooville), Bon sang l’arbitre, y’avait faute là dessus.

Et dans la série « coup de pied aux fesses stimulant » : A kick up the Rs (QPR), un coup de pied au cul (Rs est phonétiquement proche de arse) et Up the Arse d’Arsenal (qui signifie à la fois « Dans le cul » et « Allez Arsenal »).

Kevin Quigagne.

Douze ans après son arrivée à la tête de Manchester United, Matt Busby a enrichi la vitrine de sept trophées et amené de la rigueur et de la régularité à un club qui en était dépourvu. La saison 1956-1957 est sans doute son apogée : 57 matchs dont 38 victoires et 143 buts, record du club [1]. Trois Busby Babes sont à l’origine de ce festin offensif : Dennis Viollet, Thomas ‘Tommy’ Taylor et William ‘Billy’ Whelan, 93 buts à eux trois.

Dennis Viollet est le premier à signer. Sa famille appartient pourtant au clan Citizen, et tout porte à croire que les prédispositions techniques dont il fait étalage dans l’équipe des Schoolboys de Manchester, puis dans celle des Lancashire Boys, l’amèneront à Maine Road [2]. Frank Swift, gardien de but de City de l’époque, l’a croisé à de multiples occasions et, convaincu du potentiel du jeune garçon, a arrangé une réunion avec un recruteur. Le jour venu, Dennis et son père se présentent à Maine Road, et attendent plus d’une heure. La passion ayant ses limites, ils demandent des informations à une secrétaire, qui leur répond que ledit recruteur a quitté le bâtiment pour un autre rendez-vous. Jamais Dennis ne portera le maillot de City.

A quelques miles de là, Joe Armstrong se frotte les mains. L’ancien technicien des télécommunications au General Post Office, appelé par Busby pour devenir le responsable du recrutement à Old Trafford, suit les premiers pas de Dennis avec beaucoup d’intérêt. Il en touche deux mots à Busby, qui n’hésite pas à se rendre chez les parents Viollet, accompagné de son adjoint Jimmy Murphy, pour les convaincre de laisser leur fils aux mains des voisins en leur expliquant le projet qu’ils commencent à mettre en place, dont le récent succès en FA Cup n’est qu’un avant-goût. Littéralement séduits, les Viollet s’en remettent néanmoins à l’avis final de Frank Swift. Celui-ci ayant appris la nouvelle de la réunion avortée, il leur conseille d’accepter : « J’ai joué avec Matt Busby et c’est un super mec. Vous ne trouverez pas de meilleur boss ou de meilleur club. » Dennis signe le 1er septembre 1949 ; il n’a pas encore 16 ans.

Dennis Violett

Son nom étant l’homophone d’une fleur, emblème de la modestie, Dennis prend son temps pour éclore. Aux côtés de Jackie Blanchflower (un duo parfumé) ou de Jeff Whitefoot, il muscle son jeu, parfait sa finition et enfile les buts. Passe professionnel le jour de ses 17 ans. Gratte du temps de jeu, gagne ses premiers trophées en tant que réserviste. Et joue ses deux premiers matchs au sein de l’équipe première pour deux matchs amicaux, au milieu de l’année 1951.

Puis c’est la conscription. Six mois pendant lesquels il quitte femme, enfant et Old Trafford pour rejoindre un régiment de cavalerie de l’Armée de terre. A son retour, il doit lutter pour rattraper le temps perdu et, enfin, prétendre à une place en équipe première. Le 1er mars 1953, il voit arriver un rival de poids : Tommy Taylor, 21 ans, 1,80m pour 79kg. On devine chez le nouvel arrivant un physique de mineur, métier qu’il a pratiqué à 14 ans avant qu’il n’embrasse la carrière de footballeur à Barnsley. Avant et après son intermède militaire, il trompe les gardiens adverses à 26 reprises en 44 matchs. La deuxième division semble trop petite pour son talent naissant, et United l’achète pour 29,999£, afin de ne pas l’étiqueter comme « joueur à 30,000£ » (Busby fera don du pound restant à une tea lady). Taylor est titularisé six jours après son arrivée contre Preston North End et marque deux des cinq buts de l’équipe. Son avenir en rouge semble tout tracé.

Viollet s’impose au fil des saisons comme le pendant de Taylor : l’un est petit et vif, l’autre est robuste et puissant. La saison 1953/1954 marque la naissance de leur relation, qui ira crescendo jusqu’à 1957 : Taylor termine meilleur buteur du club trois années de suite. Une curiosité, cependant : si celui-ci est régulièrement appelé en équipe d’Angleterre, avec succès (16 buts en 19 matchs), Viollet est remarquablement ignoré.

Deux mois tout juste après la signature de Taylor, c’est Billy Whelan qui fait son apparition dans l’effectif Rouge. Le jeune Dublinois a filé à l’irlandaise de son club de Home Farm, comme son compatriote Johnny Carey en 1936, tous deux ayant pour point commun d’avoir été recruté par Billy Behan. Mais, à la différence des autres, ce transfert est d’abord envisagé dans une vision court-termiste : John Doherty est blessé et il manque un joueur pour la finale aller de la FA Youth Cup contre les Wolves. Whelan éclabousse la rencontre de son talent et porte le pied dans la plaie de ses adversaires (7-1). Après un tournoi joué en Suisse, Whelan croise les yeux doux d’un club brésilien, qui formule une demande à United. Busby et ses adjoints refusent, tout comme ils refuseront l’offre phénoménale de 65,000£ avancée pour Tommy Taylor, à la fin de la saison 1956/1957. Ils se moquent de l’argent. Il leur suffit d’attendre le bon moment pour lancer les fruits de leur cellule de recrutement dans la grande corbeille. Ce sera, pour Whelan aussi, un match contre Preston North End, le 26 mars 1955.

Billy Whelan

Whelan progresse vite, tant et si bien qu’en cette fameuse saison 1956/1957, il fait corps avec Viollet et Taylor pour créer un trio qui marche sur les défenses anglaises. En septembre et octobre, l’Irlandais marque un but lors de chacun des huit matchs consécutifs. Invaincu sur les douze premiers matchs, United occupe 38 fois la première place sur les 42 journées de championnat, dont la dernière. Le parcours en FA Cup est un peu plus hésitant. Par deux fois les Babes manquent de se faire sortir par une équipe de Division Three (actuelle League One) : Hartlepool au troisième tour (4-3), puis Bournemouth en quarts de finale (2-1).

La campagne européenne, elle, démarre comme l’exercice national : par une série de succès. Au tour préliminaire, United rencontre Anderlecht. A l’aller, Viollet et Taylor assurent une victoire confortable (2-0). Deux semaines plus tard,  le retour tourne à la démonstration : quadruplé de Viollet, triplé de Taylor et doublé de Whelan (10-0). United passe le premier tour contre Dortmund (3-2), et la presse commence à parler de triplé. Le quart de finale aller contre l’Athletic Bilbao s’avère rocambolesque. Avant le match, d’abord : la descente en avion sur Bilbao tourne au calvaire, la faute à un blizzard persistant qui gêne considérablement le pilote. Estimant la piste d’atterrissage impraticable, celui-ci choisit finalement un champ à proximité pour se poser. Pendant le match, ensuite : la pelouse de San Mames est enneigée, mais le calendrier condamne les Anglais à jouer, au risque de devoir déclarer forfait pour le match de championnat suivant. Mené 3-0 à la pause, puis 5-2 à deux minutes de la fin, United se réveille grâce à Billy Whelan, qui, récupérant le ballon au niveau de la ligne médiane, s’en va dribbler quatre défenseurs avant de décocher une frappe sous la barre de Carmello. Ce but ranime l’espoir, il faudra trois buts d’écart au retour, ou deux pour jouer un barrage. A Old Trafford, Viollet et Taylor préparent le gâteau, et Berry place la cerise (3-0).

Tommy Taylor (à l'extrême gauche) marque le deuxième but du match retour, face à l'Athletic Bilbao

Mi-avril 1957, United retourne en Espagne pour affronter le Real Madrid. Malgré la fougue et la jeunesse des Busby Babes, l’affaire s’annonce délicate. Devant 120 000 spectateurs, ils sont battus par meilleurs qu’eux (3-1). La réduction du score par Taylor entretient néanmoins l’espoir. Surtout que l’équipe se présente au match retour en tant que néo-champion, sacré à trois journées de la fin, et en lice pour une victoire en FA Cup. La dynamique semble favorable, mais Kopa et Rial douchent rapidement les ambitions de Busby. Taylor et Charlton sauvent l’honneur et permettent de tenir le match nul, une moindre satisfaction. [3]

Le 4 mai, United aligne Taylor et Whelan pour la finale de FA Cup, à Wembley. 100 000 spectateurs assistent au sacre d’Aston Villa, que l’ultime but de Taylor en fin de match ne ternit pas  (2-1).

Dennis Viollet et Tommy Taylor terminent meilleurs buteurs de la Coupe d’Europe, dans cet ordre. Liam Whelan termine meilleur buteur du club, avec 26 buts en 39 apparitions. Le trio part sur les mêmes intentions la saison suivante, bien que Whelan soit légèrement mis en retrait. Jusqu’au 6 février 1958, alors que United rôde à six points du leader du championnat, Wolverhampton, et s’est qualifié pour le cinquième tour de FA Cup ainsi que pour les demi-finales de la Coupe d’Europe, on parle encore de triplé dans les rédactions mancuniennes. Le crash de Munich brise net cet optimisme, en même temps qu’il ôte la vie de 23 hommes, dont celles de Tommy Taylor et Billy Whelan. Du trio, seul Denis Viollet demeure vivant, et apte à la pratique du football. Il poursuit sa quête en contribuant à la victoire contre le Milan AC, en demi-finale aller de la Coupe d’Europe (2-1). Deux ans plus tard, il marque 32 buts en 36 journées de championnat, record inégalé. Puis quitte le club en 1962, laissant derrière lui une ligne de statistiques éloquente : 179 buts pour 293 apparitions, l’un des meilleurs ratios buts/matchs du club, derrière Ruud van Nistelrooy et Tommy Taylor.

« Aucun joueur n’a pris davantage de plaisir que moi à jouer au football. Mais je me retire avec tristesse ; je vois que le jeu est en train de changer. Les individus se réduisent, le football est désormais une organisation quasi militaire. Pourtant, j’ai eu le privilège de passer la majorité de ma carrière dans un club que j’ai toujours considéré comme le meilleur au monde – Manchester United ! Durant ces années, et après, j’ai joué avec des géants comme Duncan Edwards, Roger Byrne, Tommy Taylor, et d’autres. J’ai également été très ému de jouer au côté de l’illustre Stanley Mathews, et face à d’imposants footballeurs tels que Puskas et Di Stefano. Pour moi, c’étaient des rois du football, dominant le jeu par leur intelligence et leur énorme autorité. Aujourd’hui, malheureusement, les rois sont partis. »

Il ne reste que des textes et des images pour les célébrer, des acteurs pour les incarner et des peintres pour les magnifier.

Matthew Dymore

[1] Dépasser les cent buts en championnat était chose usuelle dans le championnat anglais des années 30 et 50. Lors de la saison 1930-1931 (22 clubs), trois équipes parviennent à franchir la barrière : Sheffield Wednesday, 3ème avec 102 buts ; Arsenal, 1er avec 127 buts ; Aston Villa, 2ème avec 128 buts, un record aujourd’hui quasi-inaccessible. Au ratio, c’est néanmoins Sunderland qui mène la danse : 3,33 buts par match en 1892-1893 (16 clubs).

[2] Entendu ici comme l’antre de City. A la fin des années 40 et 50, United l’utilisa comme substitut d’Old Trafford, dont une partie fut détruite pendant la guerre. Il leur en coûta 5,000£ par an à la location.

[3] Nous en parlions déjà ici.

Les trois photos sont issues de « The Official illustrated history of Manchester United », par Alex Murphy (l’autre), paru chez Orion en 2006, et de « The Big Book of United », par James Ward, paru en 2011.

A lire :

Le site consacré à Dennis Viollet, duquel est tiré une partie de cet article.

Une base de données sur  Manchester United.

Une base de données sur le football en général.

A voir :

United (2011), de James Strong, qui retrace l’ascension des Busby Babes jusqu’au crash de Munich.

Teenage Kicks a décidé de surfer sur la vague du tollé soulevé par l’article parodique[1] des Cahiers sur la Dream Football League, et de l’impact qu’il a eu sur la rubrique sports du Times. Mais le journal anglais avait déjà été dupé il y a quatre ans, par un Moldave inconnu. On vous rassure, Rob Beal n’a rien à voir là-dedans.

Janvier 2009, le site internet du Times publie une liste intitulée Football’s Top 50 Rising Stars, où apparaissent des joueurs qui sont désormais en effet des stars (Hernanes #1, Benzema #2, Silva #3, mais aussi Ozil #37 ou Moses #42) et d’autres qui n’ont pas ou peu percé (D.Costa #5, Fleck #7, Altidore #8). Bref, un top 50 avec ses réussites et ses ratés, comme il y en a beaucoup. Mais pas seulement. À la 30e position du classement apparaît un jeune Moldave du nom de Masal Bugduv.

30. Masal Bugduv (Olimpia Balti)
Moldova’s finest, the 16-year-old attacker has been strongly linked with a move to Arsenal, work permit permitting. And he’s been linked with plenty of other top clubs as well.

On y apprend donc que le jeune Bugduv, attaquant de 16 ans, est suivi par plusieurs clubs dont Arsenal, mais que le transfert est en attente, en attente d’un permis de travail.
Ce joueur, inconnu du grand public, avait pourtant auparavant été cité par Goal.com dans sa présentation du match Moldavie-Lettonie, mais aussi par le magasine When Saturday Comes, qui le décrivait comme « one bright spot » (comprendre « une lueur d’espoir ») au milieu des conflits nationalistes moldaves.

Un faux nom pour un faux joueur

On pense que Bugduv ressemble à ça.

On pense que Bugduv ressemble à ça.

Pourtant, Bugduv soulève des doutes chez certains bloggeurs influents, comme Neil McDonnell (a.k.a. Fredorraci sur le site sportisatvshow.blogspot.fr).
Inspiré par un commentaire de blog concernant l’article du Times, et qualifiant l’apparition de Bugduv comme un « fanny mistaek » (commentaire posté par un Russe, ce qui explique la mauvaise orthographe : voir ici), il se met à fouiller le web à la recherche d’indices remettant en cause l’existence même du joueur.
En effet, Bugduv n’apparaît pas dans l’effectif professionnel de l’Olimpia Balti, ni dans celui de la sélection -18 de la Moldavie. Poursuivant ses recherches, McDonnell tombe alors sur plusieurs articles de presse qui semblent montés de toutes pièces.
« I will destroy Luxembourg and join Arsenal », déclarerait Bugduv, dans de – fausses – dépêches d’Associated Press (voir ici) publiées sur plusieurs forums. McDonnell trouve aussi des commentaires de blogs qui semblent copiés-collés, ainsi que des incohérences concernant le nom du club (Olimpia Balti devenant Olimpia Tirol), et même une édition de la page Wikipedia concernant Masal Bugduv postée par un utilisateur du nom de… masalbugduv.
McDonnell prend alors contact avec l’auteur du commentaire mal orthographié (voir plus haut, je vais pas faire le travail à votre place non plus), qui s’avère être le rédacteur en chef du magazine Soviet Sport, Ivan Makarov.
Makarov met alors McDonnell en contact avec le rédacteur en chef du site MoldFootball.com, et obtient la confirmation qu’il souhaitait : Masal Bugduv n’existe pas et a été inventé de toutes pièces. Pis, le nom « Masal Bugduv » n’est pas un nom moldave.
Je savais pas trop quoi foutre comme image, alors je vous ai mis un canard avec une casquette.

Je savais pas trop quoi foutre comme image, alors je vous ai mis un canard avec une casquette.

Comment piéger les medias

McDonnell s’empresse alors de poster ses découvertes sur le blog SoccerLens (ici), et explique en détail comment les medias anglais ont été dupés.
Le Times modifie alors son article en douce, remplaçant Bugduv par Jay Simpson, un jeune joueur d’Arsenal, mais il est trop tard, le buzz a déjà été fait, et Bugduv se retrouve en une de tous les forums anglais de football. Un comble pour un joueur qui n’existe pas.
Ce que personne semble avoir remarqué, cependant, c’est la finesse du canular, et le plan monté par l’auteur de celui-ci afin de piéger les medias. Plutôt que de s’attaquer directement aux medias eux-mêmes, l’auteur du hoax n’a publié ses fausses informations que dans des commentaires de blogs, lesquels ont été repris par d’autres blogs, puis d’autres, puis des sites d’information and so on jusqu’à piéger le Times.
Mises bout à bout, toutes ces informations semblent en effet douteuses, mais ce n’est que parce que McDonnell a pris le temps d’enquêter en profondeur sur ce cas, ce que n’ont pas forcément le temps de faire des journalistes pressés par le temps et les contraintes qu’impliquent une publication programmée[2].

Vingt balles à celui qui lit ce bouquin.

Vingt balles à celui qui lit ce bouquin.

Cela dit, certains éléments linguistiques peuvent mettre la puce à l’oreille d’un anglophone, ou plutôt d’un irlandophone. En effet, le journal moldave -fictif encore une fois – qui est à l’origine des premières dépêches d’Associated Press, se nomme Dario Mo Thon. « Diario » signifie bien « journal quotidien » dans certaines langues latines, mais « mo thon » est un terme irlandais signifiant « mon cul ».
Et le nom Masal Bugduv n’est autre que la représentation phonétique de l’expression gaélique « m’asal beag dubh », signifiant « mon petit âne noir », mais c’est aussi le nom d’une nouvelle en gaélique d’un écrivain du début du XXe siècle, Padraic O’Conaire. Cette nouvelle conte l’histoire d’un homme qui se fait avoir en achetant trop cher un âne paresseux.

Une belle allégorie de la situation du Times, à l’époque comme aujourd’hui.

[1] Et non pas « canular », comme l’ont bien précisé nos amis anaux de HorsJeu : Du canular et du cochon.
[2] Ils devraient, certes, mais bon, on ne va pas revenir sur le débat.

Obi vous salue.