Archive for septembre, 2012

Matchbox vintage – Liverpool 6 – 2 Tottenham (8 mai 1993)

Graeme Souness, parti superviser Peter Ndlovu à Coventry, n’a pas pu/voulu assister à la probable plus belle performance de son équipe sous son commandement. Victoire sans l’ombre d’une moustache. 

Buts : Rush (20′, 88′), Barnes (45′, 89′), Nethercott (csc) (47′), Walters (85′, pen) ; Sheringham (46′), Sedgeley (77′)

Le point sur le classement au coup d’envoi (statto.com)

Titré en 1990 (le 18ème) et tenant du titre en Cup, Liverpool est 8ème à l’orée de cette saison, et suit une mauvaise pente (2ème en 91, 6ème en 92). Pour eux, il s’agit de bien finir la saison.

Troisième en 1990 et vainqueur de la Cup en 91, Tottenham est 10ème à l’orée de cette saison, et fait du faux plat (10ème en 91, 15ème en 92). Pour eux aussi, il s’agit de bien finir la saison.

Le onze de Liverpool

Coach : Graeme Souness (en place depuis deux ans et un mois)

Le onze de Tottenham

Coach : Doug Livermore & Ray Clemence (en place depuis dix mois)

La première mi-temps

Une première période plutôt animée, avec des occasions côté visiteurs, notamment une barre transversale de Van den Hauwe sur un centre élémentaire de Watson, ou encore un tir foudroyant d’Anderton après une contre-attaque éclair, mais du réalisme côté local. Un 2-0 cher payé pour Liverpool, qui n’en demandait pas tant.

Les buts au ralenti

20ème minute (Liverpool) : le moustachu Ian Rush récupère un centre de Barnes au deuxième poteau, résiste au retour du défenseur et fusille le gardien de but. Simple comme bonsoir. Son 300ème but pour Liverpool. On ignore toujours si le commentateur a crié « It’s goal » ou « It’s God ». 1-0.

45ème minute (Liverpool) : le moustachu Grobbelaar anticipe un ballon en profondeur et l’intercepte hors de sa surface. La balle circule dans les pieds des Reds jusqu’à Redknapp, qui alerte Walters sur sa droite en transversale. Un passement de jambes, une course vers l’avant, et un centre pour Barnes esseulé au point de pénalty qui place sa tête. Le retour de Sedgley n’y change rien, et le gardien est battu. 2-0.

"Le vert est satanique."

Rush dit :"Le vert est satanique."

La deuxième mi-temps

Quarante-cinq minutes d’excellente facture, où les trois-quarts des occasions que les joueurs se sont procurées ont modifié le tableau d’affichage. Tottenham a réduit deux fois la différence, mais les velléités offensives de Liverpool ont eu raison de leur persévérance. Rush a raté un duel face au gardien, et Sheringham un pénalty dans les arrêts de jeu.

Les buts au ralenti

46ème minute (Tottenham) : sur un coup-franc joué depuis son propre camp, Ruddock* envoie un ballon dans la surface adverse en espérant une tête ou une déviation. Miracle, la défense joue (très) mal le hors-jeu. Sheringham se retrouve au point de pénalty et ne loupe pas son face-à-face. 2-1.

47ème minute (Liverpool) : dans la foulée, David Burrows obtient un corner sur le flanc gauche. Le frère de Lincoln le joue vite avec Redknapp, qui transmet à Harkness en passe courte. Son centre est dévié par Nethercott, remplaçant de Van den Hauwe à la pause. Le gardien dévie le ballon mais ne peut rien. 3-1.

77ème minute (Tottenham) : un long dégagement imprécis du gardien, une déviation chanceuse de la tête, une simili-passe-lob, puis un contrôle approximatif de Sedgeley aux 16 mètres qui lui permet de devancer miraculeusement le défenseur. Mais, finalement, une jolie frappe de l’intérieur du pied gauche. Ca compense en partie. 3-2.

85ème minute (Liverpool) : un pénalty que Rush obtient au métier. Transformé par Barnes, sans trembler. 4-2.

88ème minute (Liverpool) : joli mouvement en triangle des Scousers sur le côté droit, mais le ballon est intercepté par Danny Hill, qui veut relancer rapidement. Erreur, Redknapp traine dans les parages, récupère aux 25 mètres, rentre dans la surface côté droit. Il passe facilement Ruddock, qui se livre autant qu’un libraire, et centre pour Rush, qui finit le travail au milieu de trois défenseurs. Le jeune Jamie, à peine vingt ans, est amplement félicité. 5-2.

89ème minute (Liverpool) : le ballon circule proprement au milieu de terrain entre les chaussettes rouges. Il arrive jusqu’à Walters, qui a tout le temps de soigner son centre pour Barnes. Mabbutt néglige son marquage, et permet au capitaine Red de réussir le doublé. 6-2.

In the end

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*Neil «Razor » Ruddock, plus connu pour son match contre Cantona (durant lequel il parvint à le déstabiliser en lui rabaissant le col) que pour ses interventions défensives.

Il y a 120 ans, le 3 septembre 1892, Liverpool FC disputait le premier match de championnat de son histoire. Deux cents spectateurs assistèrent à la correction (8-0) infligée par les Reds à Higher Walton en Lancashire League à Anfield, stade occupé ces huit dernières années par… Everton ! Des Reds qui portaient le maillot bleu et blanc des Toffees, et ce pour quatre ans encore. Un anniversaire qui mérite un retour sur la plus insolite et acrimonieuse création de club du football anglais. En route pour une longue plongée dans le Liverpool glauque de l’ère victorienne.

A l’origine de la fondation du Liverpool Football Club, le principal Founding Father of Merseyside football : John Houlding (1833-1902). Un saint homme responsable à lui seul, excusez du peu, du développement d’Everton FC au tout début des années 1880 et de la naissance de Liverpool FC le 15 mars 1892 (lire le reste de l’introduction ici).

Suite et fin de la saga.

[cliquer sur les photos donne parfois des frissons un peu partout]

Liverpool FC, un club « sure to prosper »

Le 3 septembre 1892, dans le programme du premier match de championnat (Lancashire League) de Liverpool disputé à Anfield, John Houlding prophétise :

« The Liverpool Club is sure to prosper »

Il faut pourtant une bonne dose d’optimisme pour fanfaronner de la sorte : 200 personnes assistent à ce match de championnat régional contre les anonymes d’Higher Walton (l’affluence moyenne sera de 1 990 à Anfield cette saison-là). Une telle confusion règne autour de cet inconnu Liverpool FC que le match débute en retard, une partie des joueurs visiteurs s’étant rendus à Goodison Park pensant y trouver Liverpool FC…

Justement, ce même après-midi, les Toffees accueillent Nottingham Forest (2-2) devant 14 000 spectateurs pour leur premier match de championnat à Goodison Park, ce superbe et tout nouvel écrin entièrement dédié au football qui a coûté bonbon aux Caramels (plus de 8 000 £).

Liverpool s’étant vu refuser l’entrée en Football League, le club évolue d’abord en Lancashire League à partir de septembre 1892. L’équipe assemblée chichement et à la va-vite pendant l’intersaison est largement écossaise : le manager John McKenna a recruté treize Scots ! D’où son surnom de Team of Macs (McBride, McCartney, McLean, McQueen, etc.) qui remplace celui des tous débuts, The Anfielders.

Le fort accent écossais de l’équipe déplaît à la presse locale qui se lamente du « manque d’opportunité des jeunes du cru de jouer pour les meilleures équipes de la région. » De fait, le premier XI de LFC à fouler la pelouse d’Anfield, le 1er septembre 1892 contre Rotherham Town en amical, ne contient aucun Anglais…

Le premier derby Everton-Liverpool a lieu le 22 avril 1893, en finale de la Liverpool Senior Cup à Bootle devant 10 000 spectateurs. Les sans-grades de Liverpool sortent le ténor de D1 Everton, 1-0. C’est un ancien Toffee qui marque le but victorieux, Tom Wyllie, au terme d’un match qui aurait ravi les commentateurs actuels : il offre de la controverse et des talking points à gogo. Everton portera réclamation, citant notamment « la totale incompétence de l’arbitre ». Un match tellement houleux que le trophée n’est même pas présenté aux Reds… (il le sera peu après mais sera volé quelques mois plus tard !). La polémique fait rage mais John Houlding n’en a cure : il tient sa revanche sur les Toffees.

Après le championnat régional, la D2 et enfin l’élite

Le club est admis en deuxième division de Football League en 1893-94, puis en D1 en 1894 (relégation immédiate). Liverpool décrochera finalement son premier titre de champion d’Angleterre en 1901.

Le 17 mars 1902, une terrible nouvelle venue de France s’abat sur Liverpool : John Houlding vient de s’éteindre dans le quartier chic de Cimiez à Nice, des suites d’une longue maladie. Le politicien philanthrope qui, hormis le développement d’Everton et la fondation de LFC, fit tant pour la ville (notamment envers sa jeunesse, ses indigents et sans-abris) n’avait que 69 ans. Six joueurs de Liverpool et d’Everton transportent son cercueil dans les rues du centre-ville. John McKenna prend les affaires Reds en main.

Malgré sa legacy considérable dans le football anglais, étrangement, Merseyside n’a réservé à King John of Everton qu’une place insignifiante. Seules traces du créateur de toute chose à Liverpool : une minuscule Houlding Street près d’Anfield, une plaque commémorative apposée devant le salon d’honneur des dirigeants Reds ainsi qu’un tableau au musée du club. C’est toutefois bien mieux qu’à Everton FC où King John joue l’homme invisible. On est bien peu de chose tout de même…

De cette époque restent cependant de fascinants documents cinématographiques, tel ce Newcastle-Liverpool disputé à Saint James’ Park devant 18 000 spectateurs le 23 novembre 1901, sans doute le tout premier « clip » de Liverpool FC (commentaire d’Adrian Chiles, le célèbre présentateur radio & TV). Plusieurs points intéressants :

–  les panneaux publicitaires font leur apparition

–  le  maillot du gardien : identique à celui des joueurs de champ (changement à partir de 1908, voir article TK sur l’historique du maillot)

–  la tenue de l’arbitre, particulière !

–  la surface de but aux angles arrondis…

Ainsi que ce bijou, tiré de la même série : le premier derby Everton-Liverpool filmé (3-1), le 27 septembre 1902 devant 40 000 spectateurs [1].

Deux clubs rivaux unis par l’histoire… et la défense de leur ville

Malgré la rivalité féroce  – plus marquée qu’avant la création de la Premier League – qui caractérise aujourd’hui les rapports entre les supporters des deux clubs, on ne saurait occulter la part commune de leur histoire, un destin qui s’est souvent entremêlé et confondu.

La statue de Cecil et John Moores à Liverpool

Statues de C. et J. Moores à Liverpool

Situés dans le quartier d’Anfield et largement développés par le même homme, les deux clubs ont même partagé un matchday programme rigoureusement identique entre 1902 et 1935, fait unique dans le football anglais. Leur destinée sportive s’est écrite en parallèle. Tous deux connaissent le succès avant la deuxième guerre mondiale (cinq titres pour Everton, quatre pour Liverpool), puis la descente en D2 quasi simultanément, au début des années 50 (1951 pour Everton, 1954 pour les Reds) et enfin la sortie du tunnel quelques saisons plus tard.

De 1960 à 1975, John Moores, éminent membre de la dynastie liverpudlienne des Moores si longtemps associée à Liverpool FC [2], dirige même Everton !

Dans les années 1976-1990, à l’écrasante hégémonie de Liverpool FC (22 trophées domestiques et européens), Everton répond par deux titres de champion d’Angleterre (1985 & 87), une FA Cup (1984, et 3 finales) et une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe.

C’est au coeur de ces Eighties qu’un rapprochement s’opère entre Reds et Toffees, bien décidés à faire front commun face à l’hostilité d’une bonne partie du pays (surtout « le Grand Sud ») contre la ville de Liverpool, devenue la paria de l’Angleterre depuis la fin des Seventies (lire ce passage en bas d’article sur Liverpool et le Friendly derby – un derby qui n’a que très rarement été marqué par la violence et le hooliganisme, contrairement à tant d’autres. Etant donné la proximité géographique des deux clubs – 950 mètres d’un rond central à l’autre – beaucoup de familles et groupes d’amis comptent à la fois des Reds et Blues en leur sein, d’où une hostilité largement diluée. Bien évidemment, c’est moins amical sur le terrain ! Prochain derby : Everton-LFC le 27 octobre, le 219è du nom).

Illustration de cette union sacrée : les célèbres scènes de solidarité Merseyside lors des deux finales de la League Cup 1984 ainsi que les fiers chants « Merseyside, Merseyside, are you watching Manchester ? » des Scousers mélangés dans les tribunes pour l’occasion, chants qui s’élèvent de Wembley puis Maine Road (ancien stade de Man City) lors du replay, comme un fantastique pied de nez à un Manchester du football à la dérive. Tout comme cet émouvant hommage d’Everton aux victimes d’Hillsborough hier soir avant la rencontre Everton-Newcastle.

Wembley et Londres, où les deux Grands de Liverpool se retrouvent trois fois en finale de coupe dans les Eighties, deviennent alors un extraordinaire lieu de communion des Liverpurdliens contre l’Establishment et le fort sentiment anti-Liverpool de l’époque – émeutes de Toxteth en 1981, grèves à répétition, chômage record, image d’impudente rebelle, réputation de ville dangereuse et gouvernement local en guerre contre Thatcher. Liverpool est alors la paria de l’Angleterre, surtout de l’Angleterre du sud, la « prospère » (mais pas uniquement, il s’en faut).

Un Merseyside souvent attaqué (et pas que par le Sun, oh non)

Après la tragédie d’Hillsborough et ses longues séquelles douloureuses, certains journaux (le torchon Sun en tête) reprochent à la région de ne pas « vouloir passer à autre chose ». Discrimination et stigmatisation gratuites peuvent (re)commencer.

C’est à l’occasion de la très médiatisée affaire James Bulger que Liverpool acquiert nationalement le surnom de « Self-pity City », odieuse expression sortie de la plume fielleuse de Jonathan Margolis en février 1993 (alors et toujours journaliste au Sunday Times – il sévit également aujourd’hui au magazine américain Time, au Daily Mirror, Financial Times, Guardian et à l’Independent). Dans son éditorial haineux, Margolis compara également Liverpool à « un parc à thème de la paranoïa doublé d’une culture de l’apitoiement et de la barbarie naissante ».

De surcroît, à chaque fait divers majeur, les médias et une certaine « culture populaire » aiment ressortir des tiroirs le stéréotype archi-éculé et abject du Liverpool grouillant de whingeing and thieving Scousers (locaux râleurs et voleurs). En somme, l’archétype de la ville criminogène qui s’apitoie sur son sort en rejetant systématiquement la faute sur les autres. Feu Brian Clough [3], personnage très complexe et encore souvent cité aujourd’hui dans toutes sortes de débats (étrangement, il sert toujours à certains de « mètre étalon du bon sens »), alla même plus loin, voir ici.

La méfiance, voire le mépris, envers Liverpool transcende les classes sociales et se cultive des Cornouailles à Newcastle, via les Midlands. Liverpool a toujours entretenu des rapports ambivalents et compliqués avec le reste du pays. Souvent encensée pour son riche apport culturel (Beatles, The Liverpool Poets, etc.) et son humour scouse réputé (cf John Bishop, la superstar du moment), Liverpool a néanmoins souvent servi d’exutoire malsain et de déversoir pervers aux maux de la société britannique contemporaine.
De fait, nombreux sont les journalistes de tous bords qui ont ironisé sur « l’émotivité » de ces Liverpudliens écorchés vifs et leur soi-disante propension à s’attrister sur leur (mauvais) Karma.

Au lendemain d’Hillsborough, entre autres horreurs, le Times catalogua Liverpool « Capitale mondiale de la self-pity ». Même l’icône John Lennon, mort et enterré depuis longtemps, ne trouva grâce aux yeux de Euan Ferguson, ce journaliste du Guardian qui se déchaîna dans un article de 2002 sur ce pauvre John coupable selon lui de la liverpudlianisation du pays (comprenez : une foultitude de tares rédhibitoires découlant de cet apitoiement qui seraient la marque de fabrique congénitale du Merseyside…).

Le constat est atterrant : nombre de médias traînent derrière eux d’ignobles casseroles anti-Liverpool dont ils essaient actuellement  de se débarrasser plus ou moins habilement (les dernières « révélations » sur Hillsborough ont déclenché un chapelet d’excuses). Voir ce brillant article du bimensuel Private Eye à ce sujet – PE est une sorte de Canard Enchaîné anglais (dirigé par le célèbre Ian Hislop qui a dû passer plus de temps dans les tribunaux pour procès en diffamation qu’au siège de son mag satirique).

L’histrion anglais number 1 perpétue la tradition honteuse

Un mini aparté Hillsborough s’impose donc. Dans ce concert de clichés infamants colportés éhontément par les médias et une frange de la population traditionnellement suffisante envers Liverpool et le Nord (qui, pour les Anglais, commence dès le Watford Gap, à 100 kilomètres de Londres… ici), un personnage clé de la vie politique britannique s’est particulièrement distingué : Boris Johnson, actuel maire de Londres et accessoirement probable futur candidat Tory au poste de Premier Ministre (sinon aux General Elections de 2015, à celles d’après, soit 2019 ou 2020 – c’est le PM qui décide de leur tenue entre la 4è et la 5è année de son mandat en cours).

S’il est aujourd’hui internationalement connu, surtout pour ses pitreries, cet Old Etonian (un de plus) n’était que simple député et journaliste il y a quelques années. Voici ce qu’il (co)écrivit (ou autorisa, peu importe) sur Liverpool en 2004 dans The Spectator en référence à la mort atroce (par décapitation) de l’otage liverpudlien Kenneth Bigley :

Traduction à partir de la 4è ligne :

[…] et une prédilection excessive pour l’Etat Providence ont forgé chez beaucoup de Liverpudliens une mentalité particulière et détestable. Ces derniers sont prompts à s’ériger en victimes tout en s’offusquant de ce statut de victime. Pourtant, ce faisant, ils se complaisent dans ce rôle. Une explication partielle à cet état psychologique déficient réside dans leur refus d’accepter la moindre responsabilité dans leurs malheurs ;  ils préfèrent imputer la faute à d’autres, alimentant ainsi leur sentiment d’injustice commun et tribal envers le reste de la société. La mort de plus de 50 supporters de Liverpool FC à Hillsborough en 1989 constituait indéniablement une plus grande tragédie que la disparition solitaire, fût-ce-t-elle horrible, de M. Bigley. Cela n’excuse toutefois aucunement le refus de Liverpool, encore aujourd’hui, de reconnaître dans cette tragédie le rôle joué par ses supporters ivres qui tentèrent imbécilement et violemment de pénétrer dans le stade en ce samedi après-midi. La police devint alors un bouc émissaire bien facile et le journal The Sun un souffre-douleur pour avoir osé faire allusion, certes trivialement, aux véritables causes de l’incident…

Pour conclure cette longue série Liverpool sur une note plus en rapport avec la thématique d’ensemble, un mot sur un dossier cher aux Liverpudliens et qui revient régulièrement depuis une quinzaine d’années, comme un symbole de la fraternité qui sous-tend les relations entre ces deux clubs : le Grand stade unique de la ville [4].

S’il donne souvent l’impression de n’être qu’un serpent de mer qui se mordille la queue, il s’inscrit néanmoins dans la longue tradition de partage et d’histoire commune qui a jalonné le vécu de ces deux institutions omniprésentes parmi l’élite du football anglais : 208 saisons de D1 à eux deux ! (Everton détient le record national, 110. Liverpool, avec 98, est troisième, derrière Aston Villa, 102).

En lançant Everton il y a 130 ans, puis Liverpool dix ans plus tard dans le salon de son pavillon du 73 Anfield Road, John Houlding pensait sans doute écrire une page marquante du football local. Mais il était très loin de se douter du service qu’il rendait au football mondial.

Kevin Quigagne.

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Dans le genre historique, on a aussi en magasin :

Les plus grands joueurs d’Arsenal (numéros 1, 2 et 3 – série en cours)

Le mythique 92 Club

L’historique du maillot anglais (1, 2 et 3)

Les matchs d’anthologie (dont les mythiques 1 et 2 – série en cours et éternelle)

La Renaissance de Manchester United (1 et 2)

Le foot anglais dans les Eighties et la naissance de la Premier League (1, 2, 3 et 4)

Les pires maillots du foot anglais (série en cours)

Les pires coiffures du foot anglais (série en cours)

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[1] Ces deux films sont tirés de la collection Mitchell & Kenyon, une compagnie cinématographique créée à Blackburn en 1897 et qui filma tout le début du 20è siècle anglais, y compris le football bien entendu, qui connut un essor phénoménal dans les années 1900-1914 (période qui vit les affluences annuelles combinées des deux divisions de Football League atteindre régulièrement les 7 millions de spectateurs).

Pendant 70 ans, plus de 2 000 films dormirent tranquillement dans des malles à Blackburn. En 1994, alors que le bâtiment de la compagnie allait être démoli (liquidation de la société), 800 bobines furent découvertes dans plusieurs malles. Ces films uniques sont actuellement restaurés par le British Film Institute et l’Université de Sheffield. Depuis mai 2011, cette collection figure au Registre international de la Mémoire du monde de l’Unesco. Quelques autres films de la collection, dont le premier match filmé de Manchester United en décembre 1902 en tant que MU (et non plus Newton Heath).

[2] Les Moores, célèbre famille d’hommes d’affaires de Liverpool (feu l’empire Littlewoods, inventeur du loto foot en 1923, voir article TK) ont été liés à Liverpool FC comme directors et  propriétaires du club pendant près de 60 ans jusqu’en 2007, quand David Moores vendit le club à Gillett et Hicks.

[3] Brian Clough était le manager de l’adversaire Nottingham Forest en ce tragique 15 avril 1989.

[4] Cf articles 1, 2, 3, 4, 5 et 6 (ainsi que ce clip) sur ce sujet et ce qu’en pensent les supporters, ici.

Il y a 120 ans, le 3 septembre 1892, Liverpool FC disputait le premier match de championnat de son histoire. Deux cents spectateurs assistèrent à la correction (8-0) infligée par les Reds à Higher Walton en Lancashire League à Anfield, stade occupé ces huit dernières années par… Everton ! Des Reds qui portaient le maillot bleu et blanc des Toffees, et ce pour quatre ans encore. Un anniversaire qui mérite un retour sur la plus insolite et acrimonieuse création de club du football anglais. En route pour une longue plongée dans le Liverpool glauque de l’ère victorienne.

A l’origine de la fondation du Liverpool Football Club, le principal Founding Father of Merseyside football : John Houlding (1833-1902). Un saint homme responsable à lui seul, excusez du peu, du développement d’Everton FC au tout début des années 1880 et de la naissance de Liverpool FC le 15 mars 1892 (lire le reste de l’introduction ici).

Suite du troisième épisode.

(en raison de l’actualité Hillsborough, la fin de ce dossier a été légèrement allongée – rassurez-vous, bien moins que le jeu de Stoke -, d’où la nécessité d’une cinquième partie. Nous nous soucions terriblement de votre confort de lecture).

[cliquer sur les photos peut réserver des surprises]

1890, la presse plante son premier marronnier footeux : les salaires

Hormis de rares voix qui s’élèvent pour déplorer tout autant la décision d’Everton que la manière, la presse n’est pas tendre avec John Houlding. En définitive, elle ne fait que suivre le durcissement prévalent dans cette ville qui basculera quelques mois plus tard du parti Conservateur (alors considéré comme affairiste et laxiste) à la politique dure du mal nommé Liberal Party.

Une (r)évolution va jouer contre Houlding (et en faveur du modéré George Mahon) dans le contexte paupérisant de l’époque : le salaire « indécent » des footballeurs. Il commence sérieusement à choquer la population et scandaliser la presse (ainsi que l’important secteur du caritatif, qui martèle son grief fétiche du « football qui a détourné quantité de bienfaiteurs et donateurs »). Une presse qui sera prompte à en faire son marronnier-cliché favori.

C’est en effet aux alentours de 1890, quelques années seulement après l’officialisation du professionnalisme [1], que les salaires et primes flambent suffisamment pour entretenir une polémique. La Football League est un immense succès populaire, les revenus des clubs flambent, de nombreux hommes d’affaires se lancent dans le football et une certaine inflation des émoluments s’institutionnalise. La majorité de la population, qui (sur)vit dans des conditions déplorables, est encore loin d’avoir « intégré » cette nouvelle réalité du footballeur parvenu.

John Houlding paie généreusement ses joueurs et après le titre de 1891, la masse salariale a flambé. Selon les journaux locaux qui semblent se disputer la palme de l’indignation, elle dépasse 5 000 £ / an pour 36 joueurs pros ( !), primes comprises (presque dix fois la wage bill des plus gros clubs professionnels de la première saison officielle du professionnalisme en 1885-86, soit une sacrée inflation en seulement six ans !). Certains d’entre eux touchent cinq fois le salaire d’un ouvrier.

Everton FC, 1891

Everton FC, 1891-1892

Population horrifiée et presse qui annonce une football war

Des chiffres choquants pour la population qui a vu ces joueurs passer en quelques années du quasi amateurisme à des émoluments princiers versés  « pour huit mois de travail seulement » comme le répète à l’envi la presse (le championnat se déroule alors de septembre à avril) qui souligne aussi « le nombre élevé de footballers étrangers » [Ecossais/d’origine irlandaise, ndlr]. A l’intersaison 1892-93, le Liverpool Review s’interroge longuement ainsi [2] :

« […] Jusqu’où ira ce nouveau phénomène et les spectateurs seront-ils prêts à en payer le prix ? A ce rythme-là, la masse salariale annuelle atteindra 12 ou 15 000 £ la saison prochaine et les footballers deviendront bientôt plus importants que les Premiers Ministres. Songez que les mieux payés d’entre eux touchent trois shillings par minute ! »

Le LR continue dans le sensationnel (non, les tabloïds n’ont rien inventé) :

[…] Liverpool grouille d’enfants abandonnés et affamés errant dans les rues, blottis les uns contre les autres sur des caniveaux d’une saleté indicible. Autour d’eux, une masse d’ivrognes, de vagabonds, d’étrangers miséreux et de matelots échoués sur nos rives ont envahi la ville, sans oublier dix mille filles de joie. Comment peut-on alors justifier de tels salaires versés à de simples footballeurs au beau milieu de ce chaos, de cette misère et dépravation ? »

… et conclut d’une touche apocalyptique pour faire bonne mesure :

« […] Cette saison, et pour la première fois, Liverpool alignera quatre clubs dans des compétitions importantes [3]. A n’en pas douter, ces rivalités déclencheront une guerre qui fera rage jusqu’en avril prochain. Une question s’impose : combien de morts et blessés feront ces huit mois de carnage ? »

Cette même presse se fait aussi largement écho des exigences salariales de certaines vedettes qui n’hésitent pas (déjà) à aller au clash à l’intersaison ; tel John Miller, meilleur buteur du LFC saison 1892-93 avec 25 buts en 24 matchs : il quittera Liverpool pour Sheffield Wednesday après un bras de fer avec LFC qui refuse de doubler son salaire et lui verser une énorme prime de 100 £ (l’équivalent du prix d’une petite maison).

Ces comportements de footballeurs-divas donneront naissance au troisième bouleversement notable depuis l’officialisation du professionnalisme en 1885 et la création de la Football League en 1888 : l’instauration du retain and transfer system en 1893. Une législation très restrictive sur les transferts qui ne sera abolie qu’en 1963 par la High Court de Londres suite à l’affaire George Eastham, le Bosman du football anglais (voir article TK). Le quatrième changement majeur arrivera en 1901 [4].

15.03.1892 : Naissance officieuse du Liverpool Football Club

Revenons à John Houlding. En sortant de cette assemblée meurtrière du 15 mars 1892, humilié et animé d’un profond sentiment d’injustice et de révolte, Houlding réunit ses maigres troupes chez lui. Sont présents les exclus du directoire d’Everton : Edwin Berry, William Barclay (premier entraîneur d’Everton et vice-président d’Everton depuis 1888) et l’Irlandais John McKenna, le fidèle bras droit d’Houlding auquel il est associé en affaires.

Le quatuor décide de créer un club sur le champ. Hormis un beau stade, Anfield, ils n’ont ni équipe, ni supporters, ni alliés dans la presse mais ils ne manquent pas d’ambition. Symboliquement, ils tiennent à ce que Liverpool figure dans le nom du club afin de représenter toute la ville… et piquer des « clients » potentiels au désormais ennemi Everton, qu’Houlding a pourtant créé en y laissant une bonne partie de sa santé et fortune. Le nouveau-né s’appellera donc le Liverpool Football Club. Cette fondation sera officialisée le 30 mars au Neptune Hotel lors du premier meeting du club.

Houlding devient président et actionnaire principal du club ; Berry chairman ; Barclay, first secretary (sorte de directeur adjoint) et co-entraîneur avec John McKenna (à gauche), le manager principal et factotum. A eux quatre, ils bâtiront les fondations du succès. L’Irlandais McKenna, surnommé « Honest John », combinera ses différents rôles majeurs au LFC (manager-recruteur-administrateur, haut dirigeant puis président) avec de hautes fonctions nationales jusqu’à sa disparition en 1936 (ici).

Toutefois, hic de taille en cette fin mars 1892 : le nouveau club que John Houlding veut immédiatement opérationnel est totalement fictif. Et pour cause, le LFC n’a aucune équipe (seuls trois Toffees les ont suivis). Qu’à cela ne tienne…

Houlding, déterminé à aligner une équipe coûte que coûte (il reste 3 matchs de championnat à Everton, tous à domicile), tente un putsch de despérado : il essaie de s’emparer administrativement du calendrier et de la position d’Everton au classement de D1 ! Hélas pour Houlding, les autorités torpillent ce club-jacking insensé.

Houlding ne lâche cependant pas l’affaire et décide ensuite de barrer l’accès de « son » stade à Everton. Là encore, les instances interviennent et le menace de sanctions. Contraint et forcé, il laisse les Toffees utiliser Anfield un mois encore, jusqu’à la dernière journée de championnat le 18 avril.

Peu après, sans doute en guise de représailles, un commando d’Evertonians débarquera nocturnement à Anfield et y volera une quantité d’équipements (dont des tourniquets) afin d’équiper leur Goodison Park en construction !

03.06.1892 : Naissance officielle du Liverpool FC

Le 3 juin 1892, le Liverpool Football Club and Athletic Grounds Ltd naît, cette fois officiellement (ratification du changement de nom). Il n’y a pas de petites économies et puisqu’il reste à Houlding les tenues bleues et blanches d’Everton 1887-90, Liverpool les portera à domicile de 1892 à 1896 ! (voir ces premiers kits).

En 1896 [5], comme il est courant à l’époque, LFC adopte les couleurs municipales, le rouge vif et le blanc (le célèbre emblème de la ville, le Liver Bird, sera adopté par LFC en 1901).

certificat du changement du nom de Liverpool FC

Enfin, le Liverpool FC est créé

De son côté, Everton joue en rouge (!) et à Goodison Park de surcroît, qui, prouesse technique, vient d’être inauguré en grande pompe le 24 août 1892 par le président de la Football Association, six mois seulement après le début des travaux (capacité : 15 000). Goodison devient alors le premier stade dédié uniquement au football et, suprême honneur, il accueillera la finale de FA Cup en 1894 (37 000 spectateurs).
Mahon a tenu parole sur les changements dans la structure d’ownership du club (qu’il voulait « populaire ») et, après le déménagement à Goodison, les 500 membres du club et 5 000 supporters détiennent la grande majorité des actions du club.

La saison 1892-93 va bientôt démarrer et la situation des deux clubs ne pourrait être plus contrastée.

D’un côté, Everton, vice-champion d’Angleterre 1890 et champion 1891, qui s’apprête à accueillir Nottingham Forest devant un stade plein. De l’autre, le nouveau-né et financièrement exsangue Liverpool, dont la naissance est passée quasi inaperçue (entrefilet dans la presse locale), qui va débuter son existence en championnat régional dans un Anfield quasiment vide (voir chapô).

Le Liverpool 1892 devant le Sandon à sa création (première photo, été 1892)

Liverpool FC été 1892, devant le Sandon (Houlding est au centre, McKenna à sa droite)

Et pourtant, malgré la situation peu reluisante du Liverpool Football Club, un homme déborde d’optimisme pour ces Reds qui jouent en bleu et blanc : John Houlding. Dans le programme du premier match de championnat contre Higher Walton ce 3 septembre 1892, l’ex King John of Everton écrit crânement : « Liverpool is a club sure to prosper »… 

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] En juillet 1885, la FA cède à la menace sérieuse de sécession des principaux clubs – jacquerie fomentée à l’automne 1884 – et officialise à contrecoeur une pratique devenue courante : le versement d’argent aux joueurs (le premier cas officiellement constaté – et sanctionné – date de 1876). Il arrivait alors à la FA, créée en 1863 par des gentlemen tenants de l’amateurisme pur et dur, d’exclure de la FA Cup ou des championnats régionaux des clubs soupçonnés de rétribuer leurs joueurs d’une manière ou d’une autre.

Il convient toutefois de noter que l’acharnement de la FA  à préserver l’amateurisme n’avait pas qu’un but noble : l’honneur sportif des classes supérieures était aussi en jeu. Il s’agissait pour la fédération – alors unique instance – d’affirmer la suprématie sportive des classes dirigeantes (qui créèrent la FA et développèrent le football britannique entre 1840 et 1880) sur la working class qui montait en puissance footballistique durant cette période marquée par de profonds changements, dont le passage de témoin entre deux football : celui de l’Upper class et la classe ouvrière.

En effet, jusqu’au début des années 1880, les clubs socialement huppés, tels les Old Etonians et Wanderers, dominèrent le football anglais, via la FA Cup et les matchs amicaux (aucun championnat national). Le meilleur moyen de pérenniser leur supériorité était de conserver un football totalement amateur. Cet instinct de self-preservation devint intenable quand les clubs « prolétaires » commencèrent à prendre l’ascendant… et réclamèrent avec insistance – jusqu’à cette menace sécessionniste citée plus haut – la création d’un championnat national (la FA, souhaitant à la fois protéger l’amateurisme et la FA Cup, fit la sourde oreille jusqu’à la création de la Football League en 1888).

Plus tard, la presse donna un nom à cette pratique du faux amateurisme : le shamateurism (sham = faux, artificiel). Les stratagèmes utilisés par les clubs pour contourner le versement d’argent pré 1885 étaient nombreux (primes dans les chaussettes après le match, double comptabilité, emploi fictif, etc.). Il faudra plusieurs décennies avant que le professionnalisme à temps plein se banalise.

[2] Extraits tirés de l’excellent Red Men, cité en source dans le premier épisode de cette série.

[3] Everton en D1, Bootle en D2, Liverpool Caledonian et Liverpool FC en championnats régionaux.

[4] Tous ces excès amèneront la FA à instaurer un salary cap de 4 £ / semaine en 1901 – le double d’un ouvrier qualifié – ainsi qu’une interdiction de primes de match/fin de saison (la prime à la signature fut toutefois conservée). Ces mesures resteront en vigueur jusqu’en janvier 1961, voir milieu d’article. Notons toutefois que les paiements illégaux furent monnaie courante – et connus de tous – durant les soixante ans que dura le plafonnement.

[5] Certaines sources datent le changement autour de 1896, d’autres vers 1894. La date de 1896 semble plus probable car LFC n’adopta le rouge et blanc qu’à partir de 1896 – 1897 pour la tenue extérieure. Ces incertitudes illustrent mon propos – footnote 1 premier épisode – sur la façon floue et imprécise dont l’histoire du football de club était alors enregistrée, reflétant l’organisation et le développement « organique », voire chaotique, du football de l’époque. Post création de la FA en 1863, il fallut plusieurs décennies avant que le football, dans ses grandes lignes, ne se mette en place, et ce, dans tous les domaines (championnat, règlement/lois du jeu, couleur des maillots, structure des clubs, etc.).

Il y a 120 ans, le 3 septembre 1892, Liverpool FC disputait le premier match de championnat de son histoire. Deux cents spectateurs assistèrent à la correction (8-0) infligée par les Reds à Higher Walton en Lancashire League à Anfield, stade occupé ces huit dernières années par… Everton ! Des Reds qui portaient le maillot bleu et blanc des Toffees, et ce pour quatre ans encore. Un anniversaire qui mérite un retour sur la plus insolite et acrimonieuse création de club du football anglais. En route pour une longue plongée dans le Liverpool glauque de l’ère victorienne.

A l’origine de la fondation du Liverpool Football Club, le principal Founding Father of Merseyside football : John Houlding (1833-1902). Un saint homme responsable à lui seul, excusez du peu, du développement d’Everton FC au tout début des années 1880 et de la naissance de Liverpool FC le 15 mars 1892 (lire le reste de l’introduction ici).

Suite du deuxième épisode (pas totalement illogique vu que c’est le troisième volet).

[Vous faites comme vous voulez mais on recommande de cliquer sur les photos]

Everton détrône The Invincibles

Saison 1889-90, Anfield (ici) est devenu un vrai stade d’une capacité d’environ 18 000 places, avec quatre tribunes, entièrement financées par Houlding. Une presse dithyrambique salue ce triomphe de l’ingénierie britannique.
Tout comme elle s’extasie pour… le filet de but, inventé cette même saison par l’ingénieur liverpudlien John Brodie et rendu obligatoire en 1891.

Fin mars 1890, Everton finit 2è de Football League, derrière les Invincibles de Preston North End qui signent leur deuxième titre d’affilée. Un PNE qui allait cependant vite passer la main à Everton et surtout au Big Two des années 1890 : Sunderland et Aston Villa (huit titres de Champion d’Angleterre à eux deux).

Un an plus tard en effet, en avril 1891, Everton remporte son premier titre de Champion d’Angleterre, en déposant PNE grâce à une attaque de feu, 63 buts en 22 matchs. Everton fait alors partie du Big Four anglais (certaines affluences dépassent les 20 000) et compte 36 professionnels dans l’effectif ! (pour une wage bill extravagante et qui fit scandale, prochain épisode).

En septembre 1891, après trois ans de conflits larvés entre Houlding et le directoire – seule la réussite sportive fait encore tenir l’attelage –  on sent la rupture approcher. Lors d’une assemblée générale exceptionnelle le 15 du mois (d’où la presse est exclue), Houlding suggère au comité de transformer Everton en Limited Company au capital de 12 000 £ (autant d’actions à 1 £, les membres du club en recevant chacun une, le reste étant mis en vente au public). C’est sous cet angle qu’Houlding tente de persuader Mahon et le directoire du bien-fondé de son plan.

La structure que propose Houlding est alors rare dans le football anglais. Everton, comme la grande majorité des clubs, fonctionne bicéphalement avec un président à la tête du directoire (alors souvent appelé Comité de direction) et un système de members – environ 500 à EFC – qui votent sur divers points (un héritage de la structure associative des débuts et qui s’estompera progressivement… pour renaître de ses cendres cent ans plus tard sous diverses formes [1]).

Un tel montage, explique Houlding, permettrait au club de rassembler le capital nécessaire pour lui racheter à la fois Anfield et une parcelle adjacente appartenant toujours à l’ex propriétaire d’Anfield (John Orrell) qu’Everton utilise pour s’entraîner.

Néanmois, Mahon convainc le directoire de rejeter cette option. Il prétend vouloir éviter que ce people’s club [2] se retrouve aux mains de quelques puissants actionnaires, situation qui fragiliserait la structure existante (si ce risque est bien réel, le rival d’Houlding a un intérêt tout personnel à bloquer ce projet).

Méfiant envers la proposition d’Houlding et sa valorisation du club, le directoire procède à sa propre évaluation de biens. Le résultat accable le politicien Tory : il est accusé d’avoir survitaminé la valeur d’Everton de 65 %.

Le temps de l’affranchissement est venu

Le businessman joue alors l’apaisement et propose de geler le loyer annuel d’Anfield à 250 £ pendant une décennie (le club lui verse alors 150 £), indépendamment de l’évolution du chiffre d’affaires du club pendant cette période, un CA amené à augmenter fortement. Les affluences – seule source de revenu hors ventes de joueurs – ne cessent en effet de grimper : 11 375 en moyenne pour la saison passée, soit 57 % de hausse sur la première saison du club en Football League deux ans auparavant.

Anfield, vers 1891

Anfield, vers 1891

Mais le directoire, qui verse déjà 120 £ à Orrell pour l’annexe d’entraînement, trouve la facture globale (370 £) bien trop élevée. Dans l’immédiat, Everton n’est pas disposé à payer plus de 180 £ annuels et on s’enlise dans une impasse.

Les difficultés logistiques des dernières saisons ont fait réfléchir le board qui pense au long terme : posséder son propre stade éviterait bien des tracas au club. Les dirigeants, George Mahon en tête, se mettent alors à chercher un autre terrain. Début décembre 1891, ils dénichent un coin particulièrement inhospitalier près de Goodison Road (Mere Green Field, voir carte d’époque), un terrain vague décrit comme un « morne désert ». Le loyer annuel est à la mesure de l’endroit, insignifiant : 50 £.

On savait ruser à l'époque (Anfield, 1892)
Des poteaux plus bandants qu’à Koh-Lanta (Anfield, 1892)

Si Everton devait continuer en Football League ailleurs qu’à Anfield, le défi sera titanesque : construire un stade de 12 000 places en six mois ! (deux mois plus tard, Everton rachètera Mere Green ainsi que quelques hectares avoisinants, fera construire Goodison Park en un temps record et George Mahon initiera le changement de stade le plus inouï au monde : d’Anfield à Goodison Park).

Fin janvier 1892, la situation étant irrémédiablement bloquée entre les deux camps, Mahon s’empresse de faire ré-enregistrer le club sous un nouveau nom pour avoir les coudées franches : The Everton Football Club Limited, au capital de 500 £. Mais là, coup de théâtre :

« Impossible » répond la Football Association, « un certain John Houlding a déposé un nom similaire le 26 janvier, The Everton Football Club and Athletic Grounds Company Limited et l’on ne peut avoir deux Everton Football Club dans la même ville. »

Le clan Mahon est furieux et si la guerre n’était pas officiellement déclarée entre eux et Houlding, elle l’est bel et bien maintenant !

Début février, nouveau rebondissement : la FA, après consultation du Board of Trade, rejette finalement le nom proposé par Houlding le 26 janvier. Mahon (ci-dessous) sort grand vainqueur de ce bras de fer qui dure depuis presque quatre ans. Le nouvel homme fort d’Everton décide alors de porter le coup de grâce.

Après gloire et adulation pour Houlding, l’humiliation publique

Le 15 mars 1892, une assemblée générale d’Everton se tient dans une école religieuse sur Royal Street, à un kilomètre d’Anfield. A l’ordre du jour (document ci-dessous) : l’éviction du directoire de John Houlding et deux de ses alliés. Houlding, autrefois sacré King John of Everton par la ville entière, n’a pas été invité à ce qui ressemble fort à son exécution publique.

A 21 h 30, les débats sont déjà bien lancés quand un homme entre dans la salle archicomble. Sans mot dire, il fend la foule, s’avance vers l’estrade et fixe George Mahon : c’est John Houlding en personne, flanqué de ses lieutenants. Et les parias d’Everton FC sont bien décidés à en découdre publiquement.

Sans se décontenancer, Mahon invite Houlding à présider le meeting, puisque, officiellement à tout le moins, King John est toujours président du club.

Dans une ambiance survoltée digne d’un procès d’hérétique, John McKenna, bras droit d’Houlding, tente de prendre la parole mais la salle le hue en lançant des « Disparais, traître » et autres amabilités. Houlding intervient et prononce ces paroles immortelles :

« Vous organisez ici mon procès et un criminel n’officie jamais comme juge, il s’installe sur le banc des accusés. »

Houlding se défend bec et ongles en évoquant des adversaires « fanatiques de l’abstinence » (Mahon et sa clique du Temperance Movement) mais il est très isolé et la cause est entendue. Au final, il ne récolte que 19 votes sur les 500 membres présents [3] et est démis de son poste de président séance tenante. A 22 h 30, George Mahon, chairman du meeting, conclut son allocution ainsi :

« Monsieur John Houlding n’est plus digne de demeurer président de ce club. »

Rarement le cliché No one is bigger than the club, le « Nul n’est prophète en son pays » du ballon rond, ne s’est mieux appliqué à un acteur clé du football anglais. John Houlding, King John of Everton, celui qui monta de toutes pièces les Toffees pour en faire le champion d’Angleterre en titre (1891), celui qui finança Anfield et l’achat de joueurs est viré comme un malpropre (il faudra attendre 1915 et 1928 pour revoir EFC sur la plus haute marche).

Houlding écarté, le champ est libre pour George Mahon qui est nommé président d’Everton. Quelques jours plus tard, le Liverpool Echo porte l’estocade en félicitant Mahon d’avoir « débarrassé Everton d’Houlding, un homme autoritaire et dogmatique qui considérait le club comme son domaine privé et le dirigeait de manière condescendante et autocratique. »

De son côté, le Liverpool Review publie un dessin cruel pour John Houlding, intitulé The Kicking of King John (ci-dessus à gauche). Nul doute que certains auraient aimé enfermer Houlding dans la Prince Rupert’s Tower visible sur l’écusson du club (à partir de 1938, ici), monument du quartier qui servit autrefois de prison !

La situation est une véritable avanie pour John Houlding. Rejeté et humilié publiquement, après douze années de labeur acharné à bâtir Everton FC et le porter au sommet du football anglais, John Houlding se retrouve sans club, sans joueurs, seul contre tous. Il ne lui reste qu’Anfield, vide, comme un symbole majestueux de sa fall from grace.
Même le Conservative Party le lâche sans crier gare… Fortement pressenti pour briguer un mandat de député à Liverpool à l’occasion d’une élection partielle en ce début 1892 (suite au décès subit d’un deputé Conservateur en place), John Houlding doit céder sa place, le « scandale » d’Everton FC ayant déplu à l’état major Tory de Londres.

Si l’ex Roi d’Everton est déchu, il est cependant loin d’avoir abattu sa dernière carte. Et ce qu’il décidera, en compagnie d’une poignée de fidèles, en sortant de cette assemblée meurtrière marquera le début d’une épopée comme nulle autre pareille dans le football anglais.

A suivre…

Kevin Quigagne.

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[1] Des variantes modernes de ce système sont revenues en force ces vingt dernières années dans le football britannique, un retour aux sources largement dicté par l’invraisemblable vague de redressements judiciaires qui débuta fin Eighties pour se muer en déferlante au début des Noughties (une cinquantaine entre 1984 et 2004 !). Les supporters voulurent avoir un droit de regard dans la gestion de leur club malade et se mobilisèrent pour le racheter – souvent via un Supporters’ Trust – ou être impliqué de près. Cette aspiration participative était un pur produit des Eighties, décennie qui transforma le football anglais, avec notamment l’apparition des fanzines, des programmes Football in the Community, de la Football Supporters’ Association – FSF depuis 2002, qui accouchera de Supporters Direct en 2000 -, etc. Voir dossier Teenage Kicks Naissance de la Premier League).

Si ce mouvement des supporter-owned clubs fut amorcé par Aldershot FC et Northampton Town au début des Nineties, Swansea est aujourd’hui l’exemple de ce type le plus connu parmi les clubs professionnels : 20 % du club est détenu par les supporters (voir notre dossier Swansea). Une dizaine de clubs pros et semi-pros anglais sont des fan-owned clubs, à des degrés divers d’ownership. Hormis les Swans en Premier League, mention à Arsenal pour son fanshare.

[2] David Moyes surnomma Everton The People’s Club à sa prise de fonction en mars 2002. Selon plusieurs historiens du club, cette expression pourrait venir de l’ère George Mahon.

[3] Les chiffres varient, d’autres sources parlant de 400 membres présents, dont 279 votants. Toutes s’accordent cependant sur le nombre de voix favorables à John Houlding lors du vote à main levé : une petite vingtaine seulement.

Il y a 120 ans, le 3 septembre 1892, Liverpool FC disputait le premier match de championnat de son histoire. Deux cents spectateurs assistèrent à la correction (8-0) infligée par les Reds à Higher Walton en Lancashire League à Anfield, stade occupé ces huit dernières années par… Everton ! Des Reds qui portaient le maillot bleu et blanc des Toffees, et ce pour quatre ans encore. Un anniversaire qui mérite un retour sur la plus insolite et acrimonieuse création de club du football anglais. En route pour une longue plongée dans le Liverpool glauque de l’ère victorienne.

A l’origine de la fondation du Liverpool Football Club, le principal Founding Father of Merseyside football : John Houlding (1833-1902). Un saint homme responsable à lui seul, excusez du peu, du développement d’Everton FC au tout début des années 1880 et de la naissance de Liverpool FC le 15 mars 1892 (le reste de l’intro est ici).

Suite du premier épisode.

[Vous faites comme vous voulez mais on recommande de cliquer sur les photos]

De club de quartier à l’élite nationale en quatre ans

En deux ans, les affluences locales entre rivaux ont été multipliées par cinq, grimpant jusqu’à 8 000 spectateurs payants (pour la finale de la Liverpool Cup en avril 1886 entre Everton et Bootle par exemple ; on savait se montrer généreux avec la communauté à l’époque et le comité de district versera la recette – la somme princière de 130 £ – à des œuvres caritatives locales). Inexorablement, le club développé par John Houlding commence à intéresser fortement quelques notables du cru.

En mai 1886, un personnage qui deviendra capital dans l’histoire d’Everton entre en scène : George Mahon, 32 ans. Cet expert comptable est d’abord simple member du club, sorte de socio de l’époque. Mahon est un chef d’entreprise (de comptabilité) très pieux et membre du Liberal Party, le parti rival des Conservateurs d’Houlding (le parti Travailliste n’existe pas encore).

Au printemps 1888, la situation sportive et financière d’Everton a radicalement changé. En passant d’association paroissiale au Big Twelve anglais, le club est devenu une affaire très juteuse (les revenus ont augmenté exponentiellement).
Car, en effet, lors du meeting fondateur de la Football League le 17 avril 1888 à Manchester, Everton a été choisi avec onze autres clubs pour inaugurer la toute première saison de Football League (1888-89). Un choix peut-être influencé par le joliment réseauté John Houlding et qui laisse sur le carreau plusieurs grosses cylindrées « historiques », dont Nottingham Forest et Sheffield Wednesday (appelé alors The Wednesday).

Le Management Committee de la Football League avança des critères géographiques pour partiellement justifier sa sélection (six clubs des Midlands et six du Lancashire – dont Liverpool dépendait alors) mais il est légitime de penser que John Houlding fit jouer ses relations pour permettre à Everton d’intégrer l’élite. Les rejects durent se rabattre sur la très inférieure Football Alliance et les championnats régionaux (voir ici sur l’organisation des principaux championnats de l’époque).

Le club a poussé à la vitesse grand V et l’argent débarquant en force, les premiers problèmes apparaissent en fin de printemps 1888. Un banal rapport de causalité en somme. Sauf qu’ici, les différends déclencheront une chaîne d’évènements aux conséquences inattendues.

Everton est une belle affaire et Houlding, logiquement, veut sa part du gâteau. Il annonce au directoire d’Everton qu’il a décidé de faire passer le loyer annuel d’Anfield de 100… à 250 £ ! Le board est sonné. Houlding a beau exposer des arguments cohérents et chiffrés (investissements lourds, emprunts contractés, revenus du club en forte hausse, etc.), la pilule ne passe pas. Soudain, aux yeux de certains, surtout ceux du clan Mahon, Houlding n’est plus ce bienfaiteur désintéressé qui a hissé ce club jusqu’à l’élite du football anglais mais un vulgaire arriviste.

Ses détracteurs, qui rongeaient leur ressentiment en silence, vont profiter de l’aubaine pour l’attaquer frontalement. Et pour ce faire, ils choisissent le terrain favori des Victoriens bien-pensants : la moralité.

1888, l’argent arrive (et les embrouilles avec)

Une partie des dirigeants d’Everton est constituée de religieux d’obédience presbytérienne ou méthodiste. Quelques-uns appartiennent même au Temperance Movement, des militants qui prônent l’abstinence totale face aux excès de la société urbaine victorienne. En clair, pas les joyeux drilles qui fréquentent les pubs de John Houlding.

George Mahon, fraîchement élu au directoire d’Everton et féroce adversaire politique du Conservateur Houlding (parti qui entretient des liens étroits avec la puissante industrie de la bière), appartient lui-même au mal nommé Liberal Party, une formation alliée localement au Temperance Movement sur les questions sociales. Mahon vient d’ailleurs de battre un protégé d’Houlding lors d’élections locales où les coups bas ont fusé. Entre les deux hommes, le torchon brûle.

Liverpool, aux mains des Conservateurs depuis trente ans [1], est alors en proie à une profonde crise multidimensionnelle et le discours law and order du Liberal Party commence à fortement séduire la population. Liverpool est alors la ville des extrêmes par excellence.

Côté pile (la vitrine), une cité opulente et monumentale, à la pointe mondiale de la technologique portuaire (ici), qui se gorge de culture dispensée dans des bâtiments majestueux à l’architecture internationalement réputée [2] ; les Américains de passage et certains journaux londoniens ne tarissent pas d’éloges sur ce « Chicago ou New-York de l’Europe ». Côté face, à la nuit tombée et sorti du centre-ville, un cloaque tout dickensien. Pour une partie de la presse nationale, Liverpool n’a rien de lumineux ou triomphal : elle est le black spot on the Mersey.

Les griefs de la population sont légion : alcoolisme, chômage chronique, violence (gangs notoires [3]), situation sanitaire épouvantable, logements inhabitables, surpopulation, enfants errants, malnutrition, pauvreté effroyable, taux de délinquance et mortalité records – jusqu’à trois fois plus élevés que la moyenne nationale selon les historiens. La prostitution galopante complète ce tableau dantesque et la presse en fait ses choux gras, titrant régulièrement sur les « 10 000 prostituées de Liverpool au service des matelots de passage ».

C’est donc dans ce contexte explosif que le Conservateur Houlding demande au board une augmentation de loyer de 150 %… Les puritains du directoire (ceux du Temperance Movement et du Liberal Party) qui ne trouvaient jusqu’ici rien à redire sur les activités professionnelles « immorales » de John Houlding (brasserie et pubs) tant que ce dernier finançait le club, lui collent désormais tous les vices de la terre sur le dos. Ils décrètent par exemple que les vestiaires d’Everton, situés à l’arrière du pub-hôtel que tient Houlding sur Anfield Road, ne sont  plus « moralement » convenables. Houlding est même accusé de pousser les joueurs à la boisson !

Succès sur le terrain, crise en coulisse

Lors de l’assemblée générale du club en juillet 1888, Houlding est contraint de lâcher du lest : le loyer n’augmentera pas de 150 % mais de 50 % (il passe donc à 150 £). Le brasseur se négocie toutefois une jolie prime de fin de saison (90 £ – soit un bon salaire annuel) dont le versement sera conditionné à la hausse du chiffre d’affaires du club. Houlding sait qu’il joue sur du velours, les revenus d’Everton ne flambent pas, ils explosent : sur les cinq dernières saisons 1883-1888, les recettes billetterie ont été multipliées par 47 ! (de 45 à 2 111 £).

Si diverses théories (d’ordre politique, religieux, personnel, etc.) coexistent pour expliquer le split entre Houlding et le directoire, le motif financier semble tenir la corde. Depuis 1888 et l’intégration en Football League, Everton (ci-dessous, maillot bleu et blanc) est devenue une superbe affaire commerciale qui attise maintes convoitises.

Le premier match de Football League contre Accrington (8 sept. 1888) attire 10 000 spectateurs à Anfield. Le spectacle ressemble parfois à du cirque et la sauvagerie de certains joueurs participe à l’immense succès populaire. Des joueurs n’hésitent pas à faire le coup de poing sur le terrain… et dans les tribunes. Un jour, en plein match, le no-nonsense défenseur Toffee Alec Dick se dirige vers un spectateur un peu agité et lui met un coup de boule ! Un bon siècle avant Eric Cantona, le public est très friand du spectacle viril proposé.

Everton-Newton Heath (Man United) en amical, 1889

Everton v Newton Heath (Man United) en amical, 1889

Surtout qu’en coulisses, le divertissement est tout aussi turbulent : supporters qui harcèlent les joueurs, équipes visiteuses qui arrivent la nuit tombée ou perdent la moitié de l’effectif en route, calendrier chaotique (le football s’organise), capitaine qui reçoit un colis avec 11 souris mortes en guise de menace… Tout y passe et la presse en redemande.

La formidable réussite financière d’Everton (4 328 £ de recette billetterie en 1888-89 [4], 7 260 spectateurs de moyenne) a notamment attiré quelques opportunistes qui reprochent à Houlding sa mainmise sur une activité lucrative dans cette société victorienne intempérante : les buvettes d’Anfield. En bon brasseur et tenancier de pubs, Houlding contrôle ce business florissant de A à Z (seules ses ales peuvent être vendues à Anfield par exemple) et refuse d’envisager un partage avec de potentiels associés.

Peu à peu, ce bienfaiteur qui a entièrement financé l’extraordinaire ascension du club  vers la Football League passe pour un profiteur autocratique aux penchants de débauché. Pour certains dirigeants, il va devenir l’homme à abattre. Entre-temps, en 1889, de nouvelles histoires de tambouille politique municipale ont intensifié la brouille entre Houlding et le nouveau numéro 2 des Toffees, George Mahon.

A suivre…

Kevin Quigagne.

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[1] Comme les temps ont changé… : les Conservateurs ont obtenu 4,49 % aux dernières élections locales organisées pour la première élection d’un vrai maire (à la française) à Liverpool. Le maire anglais, ou Lord Mayor, change tous les ans et n’a qu’une fonction honorifique et cérémoniale, sauf à Londres depuis 2000 ainsi que dans une quinzaine d’autres villes ou arrondissements londoniens, voir détails. Le système anglais de local government est complexe et non uniforme, voir ici – il change et évolue régulièrement : fréquents référendums et consultations locales sur maires, assemblées régionales, structure des comtés, etc.

Un système hétérogène qui donne parfois l’impression « de se chercher » comme s’il était tiraillé entre le système britannique traditionnel et le modèle européen auquel semble aspirer le gouvernement actuel, ici – qui lui aussi se cherche pas mal depuis deux ans et demi. Liverpool a donc un vrai maire depuis mai 2012, un politicien qui était en fait jusqu’ici Leader of the City Council (l’élu choisi par les Conseillers municipaux et qui fait office de maire dans le système britannique).

[2] Liverpool compte aujourd’hui plus de 2 500 monuments et bâtiments classés (listed buildings). Seules Londres et Bristol font mieux en Angleterre. La ville a été inscrite au patrimoine de l’Unesco en 2004.

[3] Cf le livre The Gangs of Liverpool de l’historien Michael Macilwee sur les hordes urbaines de voyous qui sévirent sur Merseyside durant toute la deuxième partie du XIXème siècle et défrayèrent la chronique locale et nationale. Certains gangs, forts de 200 membres, agissaient avec une violence extrême et n’hésitaient pas à attaquer dockers, matelots, forces de l’ordre et même les prisons ! (les employés du port pour voler les marchandises et les prisons pour libérer leurs membres).
Ces gangs, d’abord établis sur des bases religieuses ou identitaires (Prostestants contre Catholiques, souvent irlandais) terrorisèrent la ville pendant quarante ans. En février 1886, la presse locale rapporte même que l’une de ces bandes, le notoire High Rip Gang, causa des incidents avant un match d’Everton, nécessitant l’intervention de la police. Depuis cette époque, la réputation de Liverpool en souffre (souvent dépeinte en Angleterre comme la ville de tous les crimes et trafics – cité portuaire). Avec rechute sérieuse à la fin des années 1970, lire ce passage sur Liverpool en bas d’article.

[4] A noter que la moitié de la recette des matchs est alors versée au club visiteur – moins les dépenses de fonctionnement, environ 20 %. Cela restera le cas pendant… cent ans (!), jusqu’au milieu des années 1980 et la révolte du Big Five – dont Liverpool et Everton (voir Dossier Teenage Kicks sur la Naissance de la Premier League).

Il y a 120 ans, le 3 septembre 1892, Liverpool FC disputait le premier match de championnat de son histoire. Deux cents spectateurs assistèrent à la correction (8-0) infligée par les Reds à Higher Walton en Lancashire League à Anfield, stade occupé ces huit dernières saisons par… Everton ! Des Reds qui portaient la tenue des Toffees, et ce pour quatre ans encore. Un anniversaire qui mérite un retour sur la plus insolite et acrimonieuse création de club du football anglais. En route pour une longue plongée dans le Liverpool glauque de l’ère victorienne.

A l’origine de la fondation du Liverpool Football Club, le principal Founding Father of Merseyside football : John Houlding (1833-1902). Un saint homme responsable à lui seul, excusez du peu, du développement d’Everton FC au tout début des années 1880 et de la naissance de Liverpool FC le 15 mars 1892 [1].

Les éternelles querelles stériles entre clubs rivaux, tout autant que l’esprit clanique et territorial prédominant aujourd’hui, masquent une réalité historique trop fréquemment oubliée (sciemment ou non) dans le cas de Liverpool : les liens et l’héritage commun entre Liverpool FC et Everton FC sont multiples et forts. Un point illustré par ce fait unique dans les annales du football anglais : de 1902 à 1935, LFC et EFC partagèrent le même programme de match [2] ! De fait, les destins respectifs de ces deux institutions [3] se sont souvent entremêlés et sans les Toffees, Liverpool FC n’aurait probablement jamais vu le jour. Et sans John Houlding, le football aurait un tout autre visage dans cette ville à part.

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Le football à Liverpool : une entame poussive

Il faut attendre le début des années 1880 pour voir le football véritablement décoller sur Liverpool. Un démarrage très tardif comparé aux grandes villes du Nord et des Midlands (telles Sheffield, Birmingham, Stoke-on-Trent ou Nottingham) qui tapent déjà dans le cuir depuis deux bonnes décennies.

Dans son livre Red Men, le sociologue John Williams développe deux raisons principales pour expliquer ce retard à l’allumage.

D’une part, la structure socio-culturelle très hiérarchisée et cloisonnée de la ville (ainsi que sa polarisation extrême) fait que les décideurs locaux, hégémoniques, ont privilégié la pratique des deux sports de l’époque réservés aux classes aisées : le rugby et le cricket. Parallèlement, les niveaux de pauvreté et d’insalubrité affligeants – dont est notamment victime l’imposante colonie irlandaise échouée à Liverpool durant l’exode de 1845-50 – maintiennent la large population ouvrière ou inactive dans un état de santé alarmant. Le manque criant de verdure (docks et entrepôts dévorent l’espace) empêche également l’éclosion de tout sport de masse.

D’autre part, le prolétariat – employé dans les activités marchandes et portuaires – ne bénéficie ni des avancées sociales ni de la législation en vigueur ailleurs dans le pays (congé du samedi après-midi, durées de travail, etc. voir ici et ici), acquis souvent conquis de haute lutte. On baigne en plein cambouis de la révolution industrielle et le « progrès social » ne suit pas le rythme effréné des bouleversements économiques à grande échelle (des changements si soudains et profonds que Friedrich Engels comparera la révolution industrielle britannique à la révolution française). Aussi, depuis l’avènement du Luddisme – mouvement qui nourrira d’autres révoltes, dont celle des Canuts -, le militantisme est de rigueur. Sauf à Liverpool qui souffre d’un isolement social partiellement dû à sa condition de ville non manufacturière. La main d’œuvre, souvent intérimaire, y est fragmentée et peine à se mobiliser (les syndicats, légalisés nationalement en 1871 après des décennies d’oppression, y sont largement absents).

La nature précaire de l’emploi local fait donc accuser à la région un retard considérable sur le reste du pays et l’essor du ballon rond s’en trouvera d’autant plus freiné. Le samedi après-midi de repos, l’un des facteurs clés du développement du football de masse au Royaume-Uni (aussi bien niveau pratiquants que spectateurs), ne sera par exemple octroyé aux dockworkers qu’en 1890… quarante ans après leurs collègues ouvriers du textile de l’East Lancashire voisin ! (où certains derbies attiraient plus de 10 000 spectateurs dès 1880).

Un curé et un franc-maçon pour donner le coup d’envoi

Le football est donc inexistant à Liverpool jusqu’à la fin des années 1870. John Williams rapporte des chiffres éloquents, tirés des journaux des West Midlands et de Merseyside, sur le nombre officiel de matchs disputés localement en 1880 : 811 sur Birmingham contre… 2 à Liverpool.

Le Père Chambers, un curé comme on aurait aimé en avoir un au cathé

Le Père Ben Chambers : un curé comme on aurait aimé en avoir un au cathé

Comme souvent à l’époque, c’est un religieux qui donne au football l’impulsion nécessaire, l’église ayant fait sienne les idéaux victoriens d’effort physique salutaire et de virilité.

En 1878, Ben Swift Chambers, prêtre fraîchement rattaché à la nouvelle église méthodiste de St Domingo située dans le quartier d’Everton [4], monte un club, le St Domingo’s FC (l’église a été détruite par des bombardements pendant la seconde guerre mondiale, mais une truelle et un maillet qui servirent à sa construction trônent aujourd’hui dans la réception de Goodison Park – bel exemple de tradition à l’anglaise !).

Everton et la religion, c’est une histoire d’amour : Goodison Park est le seul stade au monde à compter une église dans son périmètre ! (ici) Jusqu’aux Eighties, des spectateurs grimpaient sur l’édifice, situé dans un virage du stade, pour suivre les matchs… Depuis, la health and safety est passée par là – escalade impossible – et un écran géant a été installé dans l’angle.

L’été étant réservé au cricket, il s’agit surtout pour le Reverend Chambers d’occuper ses ouailles l’hiver et les préserver ainsi des fléaux ravageurs de l’époque (dont le jeu et l’alcool – Liverpool intra-muros, 550 000 habitants, compte alors 2 600 débits de boissons !). Les jeunes du club se retrouvant souvent devant un hôtel voisin de la confiserie Ye Anciente Everton Toffee House qui vendra ensuite ses caramels en quantité industrielle aux supporters (supplantée quelques années plus tard par la Mother Nobletts Toffee Shop près de Goodison Park), le club acquiert peu après son célèbre surnom.

Les « Moonlight Dribblers » d'Everton FC, vers 1881

Les « Moonlight Dribblers » d'Everton FC, vers 1881

Le succès est immédiat et en novembre 1879, ce club SDF est rebaptisé Everton FC. La municipalité l’autorise à jouer dans le grand parc local ouvert quelques années auparavant, Stanley Park.

Mi 1880, John Houlding, un riverain et politicien Tory de 48 ans mordu de sport, se prend d’intérêt pour ce minot qui s’illustre surtout dans les matchs amicaux et la Lancashire Senior Cup (le premier championnat local ne verra le jour qu’en 1882-83, en même temps que la Liverpool Senior Cup, coupe toujours disputée).

Le club grandit vite et sa renommée s’étend rapidement. En 1881-82, Everton se semi-professionnalise et ses joueurs gagnent le surnom de « The Moonlight Dribblers » car ils s’entraînent quasi quotidiennement après le travail (ils se font également appelés « The Black Watch » – du nom d’un célèbre régiment écossais – et jouent une saison en noir).

L’envol dans l’errance

Le football devient une affaire sérieuse sur Liverpool et cela n’échappe pas à Houlding, un notable philanthrope [5] (il fait aussi beaucoup pour la jeunesse désœuvrée) qui pense aussi sans doute que ce sport est le vecteur idéal pour l’épanouissement de sa carrière politique.

Cet ancien employé de brewery (brasserie de bières) a gravi tous les échelons pour devenir chef d’entreprise. Il possède alors la Houlding’s Brewery Co. Limited et deux pubs-hôtels, dont le Sandon Hotel (voir plus bas). Ce franc-maçon vit sur Anfield Road, dans une maison adjacente à Stanley Park, là où les Evertonians s’entraînent. Fin 1881, Houlding est nommé président du club.

Saison 1882-83, l’engouement local pour le football est tel que les clubs ont poussé comme des champignons (on en dénombrera 112 en 1885). Certaines affluences d’Everton, en particulier contre Bolton Wanderers ou leur grand rival Bootle FC, dépassent les 2 000 spectateurs, massés anarchiquement dans un coin de Stanley Park. La municipalité s’inquiète des nuisances causées, en particulier du bruit et des mouvements de foule. Ces derbies occasionnent même parfois des incidents entre supporters. Un enthousiasme débordant qui, selon la presse locale, est symptomatique d’une « football fever » qui gagne le centre et le nord du pays.
Par ailleurs, les nouvelles législations health and safety qui fleurissent un peu partout (déjà !) obligent les mairies à règlementer la pratique du football de masse. Everton est prié de décamper.

Eté 1883, un riverain prête alors au club un terrain adjacent à l’immense cimetière d’Anfield. Everton y fait installer une main courante, des vestiaires et même une petite tribune. Mais au bout d’un an, ce propriétaire altruiste se ravise : ce football est décidément trop braillard et la taille des chambrées l’affole (ainsi que les personnes venues se recueillir sur les tombes voisines…).

Printemps 1884, Everton se nomadise donc de nouveau. Mais cette fois, les Toffees accueillent l’expulsion avec philosophie, opportunisme même : ce site ouvert les empêchait d’imposer un droit d’entrée et l’on décide qu’il faudra dorénavant payer.

La naissance d’Anfield

John Houlding convainc l’un de ses amis brasseurs, un certain John Orrell, de sous-louer au club une parcelle de terrain (abandonnée par l’Everton Cricket Club) qu’il possède, entre Anfield Road et Walton Breck Road. Anfield est né. Toutefois, les Toffees ayant acquis une réputation d’enfant terrible, les termes du contrat entre Everton FC et Orrell sont stricts [6] :

« Everton Football Club s’engage à a) maintenir le site et les murs en bon état b) ne causer de trouble ni à Mr John Orrell ni à l’ordre public ou aux résidents et locataires avoisinants c) s’acquitter des taxes locales et d’un petit loyer ou verser un don annuel au Stanley Hospital au nom de M. John Orrel. »

Le 27 septembre 1884, le premier match (amical) s’y dispute entre Everton et Earlestown (5-0), devant une bonne chambrée. Cette rencontre est en effet une sorte de Trophée des champions de l’époque, Everton étant détenteur de la Liverpool Senior Cup et son adversaire l’un des clubs phares de la ville.

En 1885, année de l’officialisation du professionnalisme du football, Houlding sent que ce sport est rapidement amené à connaître un avenir exceptionnel. Celui que la presse surnommera King John of Everton ou Honest John (il cultive un contact simple et un langage populaire) met alors le paquet : il emprunte lourdement – 4 000 £ – et rachète le terrain à Orrell pour 6 000 £ (plus d’un million de £ actuels). Il y fait installer barrières et tourniquets ainsi que des gradins temporaires.

Le club organise désormais ses réunions dans le principal pub d’Houlding, le Sandon Hotel, situé à 300 mètres d’Anfield (aujourd’hui quartier général des supporters du LFC. En 2008, Tom Hicks Junior, membre du directoire et grossier fiston du très controversé ex co-propriétaire Tom Hicks Snr, y aurait été chahuté alors qu’il y sirotait un verre, ici).

L’année suivante, Houlding fait construire une tribune en dur sur Kemlyn Road (aujourd’hui la Centenary Stand, inaugurée le 1 septembre 1992 pour marquer le centenaire du premier match officiel disputé par LFC, photo de gauche). Luxe suprême pour l’époque, ce stand est couvert. Houlding facture Everton FC un loyer annuel modique pour l’utilisation d’Anfield : 100 £, une somme qui ne couvre même pas ses remboursements de prêt.

Si en cette année 1886 tout baigne pour Houlding et les Toffees, l’arrivée de l’ère professionnelle – donc de l’argent, des investisseurs, du public et bientôt de la Football League – est susceptible de bouleverser la donne à tout moment…

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] L’autre date officielle étant le 3 juin 1892 (date administrative de la fondation de LFC, voir ici).

Je me suis efforcé de restituer les événements et personnages impliqués de la manière la plus objective et documentée possible. La difficulté de l’entreprise est réelle car il n’existe pas une version « officielle » mais deux, au moins : celle de Liverpool FC et celle d’Everton FC. Pour schématiser, la première présente John Houlding sous un jour favorable ; la dernière est dans l’ensemble critique à son égard (et donne le beau rôle à son grand rival, George Mahon). Compte tenu de l’ancienneté des faits et la manière parfois aléatoire, voire subjective (ou même involontairement tronquée), dont l’histoire du football de club fut enregistrée au XIXè siècle, il est impossible d’être définitif et catégorique sur nombre de points. A l’avènement du football, et par conséquent des rubriques Sports des journaux locaux, très peu de journalistes ou d’historiens suivaient les clubs (et absolument pas obsessionnellement comme maintenant) ; on devait souvent s’en tenir à la version de témoins ou d’insiders, plus ou moins partiaux ou fiables, version des évènements racontée parfois bien après les faits.

Parmi les dizaines de sources étudiées au cours de mes recherches (sites et livres* « neutres » ou émanant d’historiens de ces clubs), les avis et témoignages de l’époque se sont parfois opposés. En l’absence occasionnelle de preuves avérées ou « irréfutables », une démarche quelque peu heuristique s’est imposée d’elle-même : il s’est agi de tenir compte à la fois du contexte et d’un ensemble de probabilités pour trancher ou s’abstenir. Un point fait toutefois l’unanimité : sans John Houlding, le football liverpudlien ne serait pas fort de cette unique richesse qui le caractérise.

[*Liverpool: The complete record est à citer tout particulièrement. Ce pavé publié en août 2011 est l’œuvre des créateurs islandais de l’incontournable www.lfchistory.net. L’équivalent Toffee Everton: The Official Complete Record coûtant 70 £, je me suis rabattu, entre autres publications, sur The Essential History of Everton et l’indispensable www.toffeeweb.com].

[2] Voir ici et ici.

[3] Le terme « institution », souvent galvaudé, est à manier avec précaution. S’il s’applique incontestablement à Liverpool FC, le standing d’Everton est plus problématique à définir (palmarès moins étoffé, rayonnement moindre, etc.). Toutefois, parmi les critères retenus, l’incroyable longévité des Toffees en D1 – la plus remarquable du football anglais – a fait pencher la balance en leur faveur : 110 saisons parmi l’élite sur 114 possibles ! Leur déclin relatif, passage en D2, eut lieu dans les années 50… comme pour le voisin Liverpool !

[4] Everton, l’un des trente Council Wards de Liverpool, est situé à trois kilomètres au nord-est du centre-ville. Dans les années 1880, ce ward – division administrative et électorale d’une ville – était un quartier relativement aisé, prisé de la petite bourgeoisie locale. Everton FC n’a en fait jamais joué dans le ward du même nom mais dans celui d’Anfield (voir carte des wards de Liverpool ci-dessus). Aujourd’hui, les wards voisins d’Everton et Anfield sont officiellement classés parmi les plus pauvres d’Angleterre. Dans le dernier Index of Multiple Deprivation à classer les 8414 wards du pays selon les critères suivants, Everton figure dans les cinq most deprived wards in England. Le classement IMD s’établit désormais sur les 326 districts anglais – un District est une sous-division administrative (ville, comté, bout de comté, etc. voir ici). Le IMD 2010 plaçait Liverpool District « en tête », devant les deux Boroughs londoniens d’Hackney et Newham et Manchester District.

A lire cet intéressant article sur le quartier d’Everton et Simon Abrams, un médecin pas comme les autres (qui n’est pas sans rappeler l’icône britannique Florence Nightingale, cette légendaire fille de richissimes industriels qui réforma totalement le métier d’infirmière et consacra sa vie à soigner les indigents et blessés de guerre).

[5] Dans le sens victorien du terme, à savoir souvent un industriel ou tout autre bienfaiteur qui escomptait un retour sur investissement – surtout si engagé en politique, comme J. Houlding -, au moins en terme de notoriété.

[6] Extrait tiré du livre Everton FC: The Men from the Hill Country (the development of Everton FC during the reign of Queen Victoria)