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Invité[1] : khwezi
L’histoire de Don Revie, le quatrième membre du trio de génies formé par Matt Busby, Bill Shankly et Brian Clough. Le mec que tout le monde fait mine d’oublier. Sauf à Leeds. Et pour cause. Les grandes heures de ce club, sa notorieté même, la raison pour laquelle ils ont pu avoir des mecs comme Cantona et Strachan, c’est lui. La légende du « Dirty Leeds ».

Je m’appelle Don Revie. Sir Donald Georges Revie en fait, mais appelez-moi Don. J’ai un des plus beaux palmarès du football anglais au XXe siècle, et pourtant peu de gens en dehors de Leeds, quasiment personne en fait, ne se rappelle vraiment de moi. J’aurais dû être LA foutue légende de ce 20e siècle. Et ben non. Tout le monde se souvient de cet ignare de Shankly ou de ce salopard de Clough ou de ce bouddha en plâtre de Busby. Mais personne se souvient de moi. Fichu Karma, foutue vie injuste. Oh, si, pardon. Les gens se souviennent parfois de moi. Enfin, surtout de mon équipe. Ouais, MON équipe. Le « Dirty Leeds ». Attendez que je vous cause de moi et de mon équipe.

Dickens, arrivisme et mauvaise étoile

Je suis né à Middlesbrough. Le premier qui dit « Comme Brian Clough » je lui colle une balle dans le genou. En 1927, moi. Ma mère meurt quand j’ai 12 ans. A quelques décennies près, Dickens aurait écrit « Don Revie » au lieu de « Oliver Twist ». Mon père n’est pas très présent, et l’entraîneur de foot du quartier me fait m’entraîner avec des ballots de fringues usagées en guise de balle. Working Class Hero je vous dis.

En 1949, je suis à Leicester. Pour en arriver là, j’ai ramé. J’ai galéré pour devenir footballeur. Vraiment. J’avais la classe pourtant. La grande classe. Milieu offensif avant l’heure – à l’époque on est attaquant, ailier ou milieu. Pas les trois en même temps – on disait de moi que si l’équipe voulait bien jouer comme je l’entendais, j’avais tout d’un match winner, un golden kid. Et le premier qui dit « oh comme Brian Clough » je lui colle une prune dans le foie. j’ai été un temps le joueur le plus cher de l’histoire en cumul de transferts ! Et toi Brian Clough ? Ah ben non. Toi t’as pas joué assez longtemps.

Le problème au fond, c’est que l’équipe le voulait rarement. Et comme je suis têtu, j’ai passé pas mal de temps sur un terrain, à parler, râler, réclamer, ordonner, intimer, supplier et demander. Assez peu à tacler.
« Il savait pas tacler. Même si sa vie en avait dépendu… » dixit Jack Charlton (frère de, champion du monde 66 et défenseur central de Leeds United).

Que ce soient mes coéquipiers, mes anciens coachs ou les commentateurs de l’époque tout le monde semble d’accord sur moi : le foot, chez moi, c’était cérébral. Et le problème en tant que joueur c’est que les dix autres n’avaient pas le même cerveau que moi. En toute modestie. Pour dire : j’ai fait partie de ces rares Anglais heureux de l’historique leçon de football total reçue par la sélection contre les Hongrois de Puskas, parce que bon sang: la tactique, la tactique, la tactique ! L’intelligence dans le jeu. J’ai aimé ça. Et le premier qui dit « oh, comme Brian Clough » je lui colle une balle dans le rein.

A Leicester, en 1949 donc, j’épouse la fille du manager, et le capitaine Septimus Smith est mon mentor. Leicester atteint la finale de F.A. Cup. La gloire est devant moi. Et elle le restera : pour une hémorragie nasale qui a failli me coûter la vie – Dickens, je vous dis – j’ai loupé cette foutue finale et on a perdu. Karma est une traînée.

Stale bread, French toast

Bref, Leicester, club de nuls. Le manager ne veut pas vraiment faire de moi son dépositaire de jeu. C’est trop lent, pas assez vertical, je défends pas, je râle. Et alors ? Je le vaux bien. Je me suis barré écœuré, à Hull, en D2 pour rebondir. A Hull, ça a marché. Parfois. Moyennement. Pas si mal. Et surtout pas longtemps. Les McDowall, récent manager à City, me veut, en souvenir de mes promesses entrevues à Leicester. Le club a besoin d’argent. J’ai fini par atterrir à Manchester City. On est en 1951. J’arrive dans une équipe promue en première division, et huée dans tout le pays pour son gardien allemand, un ancien prisonnier de guerre qui combattait en face même pas dix ans avant. Cela m’a appris des choses…

Et les choses démarraient mal. Pour faire court, l’équipe avait recruté une flèche devant, un certain Broadis, jouait bas, et vite vers l’avant en défendant beaucoup. Tout ce que je ne sais pas faire. Mais comme les choses marchent mal, le boss teste plusieurs formules. Il m’a même fait jouer half back – demi défensif – alors que je veux jouer meneur, inside forward. Broadis est sélectionné en équipe nationale, et moi je finis ma première saison blessé. Karma’s a bitch.

Les choses commencent à tourner à partir de 53, et le 6-3 subi à Wembley par la sélection face au major Puskas et le football total des Hongrois. Pendant que McDowall refuse de changer le jeu de l’équipe première, la réserve, sous l’impulsion de Johnny Williamson, expérimente un jeu avec un inside forward, et enchaîne 26 matchs sans défaite. McDowall commence à réfléchir. Et décide de me tester dans ce rôle. Avec l’expérimentation du jeu en mouvement.

Là, il a bien fallu que le monde reconnaisse mon talent : j’ai été sélectionné en 1954 pour la première fois en équipe d’Angleterre, puis élu joueur de l’année par la F.A. en Juin 1955. J’ai même publié une autobiographie à ce moment là, Soccer’s Happy Wanderer. Je m’y croyais un peu, oui.

Las, deux mois plus tard, City me fichait au placard – tout ça parce que ce foutu manager trouvait qu’avec moi sur le terrain, l’équipe était moins bien organisée qu’avec les singes savants qui me servaient de coéquipiers. Tous des ânes bâtés. On m’a ressorti du placard une seule fois en fin de saison pour participer à la victoire en F.A. Cup. Et j’ai été le foutu homme du match. Ouais ma pomme. Moi.

Down the hill, to the top.

Du coup, je pars à Sunderland. Ouais ma gueule. T’es pas content ? Je vais voir ailleurs, tiens, et je suis même sélectionné en équipe nationale pour la sixième fois. Et accessoirement la dernière. Moi, un des plus brillants milieux offensifs de l’après-guerre.

En 1958, devenu obscur parmi les obscurs, je quitte Sunderland pour l’obscure et morne ville de Leeds, Yorkshire, décidé à y descendre la colline dans l’anonymat. Sauf qu’en 1961, le coach est viré, l’équipe n’a pas un rond et traîne en fond de D2. Et comme y’a pas des masses de mecs ayant un passé d’international dans une équipe fauchée de fond de D2, on me propose le poste. Entraîneur-joueur de Leeds. Ce coup-ci, l’équipe ne va plus trop avoir le choix : ils vont devoir jouer comme je le veux. Pour moi.

Mais ça marche pas. Le club continue de s’enfoncer.

En Mars 62, un an après ma prise de poste, les choses empirent et le club se retrouve quasi-relégable en 3e division. C’est alors que je dégaine une arme fatale: le chéquier du club. Bobby Collins, Ecossais, quasi-nain, milieu de terrain, chausse du 37, mais tassé comme un buffet Victorien. Avec en prime la particularité d’avoir inventé le free fight, les combats de pitbulls, voire même une douzaine de techniques d’étranglement. Et accessoirement, j’arrête de jouer. Et le premier qui dit « en même temps que Brian Clough » je lui mets une balle dans le coude.

Bobby jouera 5 saisons à Leeds. Lorsqu’il quittera l’équipe, un peu avant sa fin de carrière, Leeds sera l’équipe la plus crainte et la plus sanctionnée de toute l’Angleterre. Ouais. C’est comme ça que tout a démarré. Bobby Collins, le mangeur d’enfants.

Et pendant que Bobby favorisait la vente d’anxiolytiques chez les joueurs, j’ai ajouté par petites touches mon football, ma façon. Et surtout mes âmes damnées : Bremner et Giles. William « Billy » Bremner, mon milieu de terrain, mon métronome, mon régulateur, mon organisateur. Et Johnny Giles, mon provocateur, mon emmerdeur, mon tombeur mon truqueur, mon buteur. Mon fils rêvé et désigné comme tel : mon successeur, un jour. Ouais, ces deux là, y’a deux choses qu’ils détestent dans la vie : les voleurs de chevaux et les décisions d’arbitre.

A ce Leeds, mon Leeds, je vais inculquer quelques principes: mises au vert systématiques. Jeu de cartes et loto obligatoires; ça développe le cerveau, la réflexion et l’instinct de compétition, de contestation, de protestation, mais aussi les liens, l’amitié, l’habitude. La discipline aussi. Et la condition physique. Pour ça, j’avais mon adjudant, Les Cocker. La répétition, la tactique, la technique, c’était moi. Et Owen. Syd Owen. Owen, c’était mon assistant. Ma banque de données.

Ah oui. Un dernier point : Karma est une trainée, le hasard est son maquereau. Le hasard, c’est un truc de loser. Alors j’ai noté, consigné, espionné, discuté. Emmagasiné. Sur tous les coachs. Tous les arbitres. Les principaux joueurs. Les failles et forces de chaque équipe. Les tactiques, toutes les tactiques. Les adresses, les noms, les lieux de naissance, les histoires troubles et les fils cachés. Tout. Chaque détail. Sur mon équipe, ça c’était moi. Et surtout sur tous les autres. Et ça c’était Syd.

Et j’ai gagné. Bordel, j’ai tout gagné. Ou presque. League 2 (1964), League 1 (1969 et 1974), League Cup (1968) et FA Cup (1972), et deux Coupes d’Europe: deux Coupes des Villes de Foires (1968 et 1971). Et je te parle pas des deux Community Shield. Ouais mon gars. Cream of the crop.

The half empty glass

Mais le souci, c’est que j’ai été deuxième. Plus souvent. Finaliste malheureux. La place du con. Je la connais. Je la connais tellement bien qu’on m’en a même érigé comme symbole. Ben ouais. J’ai deux fois le palmarès de Shankly quasiment, et j’ai tout fait avant lui. Et lui, il a une statue, c’est un dieu dans son royaume, et une star dans l’inconscient collectif. Et moi ? Je suis le deuxième. Vice Champion d’Angleterre à cinq reprises (65, 66, 70, 71 et 72), perdant malheureux de pas moins de six finales, et même d’une septième alors que j’avais quitté Leeds ! Foutu Clough qui a refusé d’être sur le banc pour le Community Shield 74… J’ai raté une Coupe d’Europe, une League Cup, 3 coupes d’Angleterre et un Community Shield.

Et mon équipe râlait. Elle frappait aussi. Dans le dos, car c’est beaucoup plus efficace, et l’efficacité prime. Et les enveloppes de Syd circulaient. Vers des joueurs. Vers des arbitres. Rien n’a jamais pu être prouvé. Pas de hasard, je vous dis. Dirty Leeds. C’est comme ça qu’on nous a surnommés. Nobody ever liked us. And we never cared. Petit à petit, j’ai appris à respecter Shankly. Le mec m’a trop battu. Je l’ai trop battu. On s’est trop regardé dans les yeux. Il a lu dans les miens. Par contre, j’ai jamais appris à respecter Clough. Petit con. Ce mec m’a chié dans les bottes jusqu’à mon dernier souffle. Salopard. Tout ça parce qu’un jour je ne lui ai pas serré la main.

Faut me comprendre: alors même que je suis au top du football anglais, pendant toutes les années soixante, et même après, quand vous demandiez aux gens: « C’est qui le mec né à Middlesbrough, joueur prometteur super classe devenu international puis coach à succès, entraîneur de génie, charismatique et destiné à devenir sélectionneur ? », 99% de la planète répondait « Brian Clough ». Putain de Brian Clough. Alcoolique fourbu et fragile, irrationnel et insolent. Moi j’ai toujours porté le blazer. Et on me donne du Sir maintenant.

En 1974, je suis au top. Et vu le fiasco en sélection, la place est libre depuis le printemps. Clough est pressenti pour le poste. En tout cas il le croit. Le Pays le croit. Mais c’est moi qui aurai le poste. Je quitte Leeds en laissant des instructions pour ma succession, mon testament. Et ils m’ont chié dans les bottes. Clough, putain, Clough ! Le mec qui crachait sur mes titres en les appelant « sales ». C’est lui qu’ils ont recruté pour me succéder au lieu de Johnny, mon fils ma bataille. Tout ça pour 44 putains de jours, et un fiasco historique.

Et ouaip. L’a dû en faire une tronche Clough en l’apprenant par la radio.

Sans doute la même que celle des patrons de la fédé, trois ans plus tard, quand ils ont appris que j’avais quitté le poste. Ouais. J’ai quitté le poste. Comme ça. Depuis la défaite contre l’Italie fin 76, je le sentais venir. Le vidage. Et on vide pas Don Revie. Don Revie part, il quitte le poste. Il donne une interview pour s’expliquer au Daily Mail. Ensuite ses anciens employeurs apprennent la nouvelle. Et c’est seulement APRES, qu’ils reçoivent la lettre de dem’. Ils en ont fait un de ces foins : ils ont d’abord voulu me bannir à vie du foot anglais, puis pour dix ans. Je les ai traînés devant la haute cour de justice qui a cassé leur sanction. Foutez-la vous ou je pense. Et ouais.

La classe selon Don. A partir de là, que dire ? Je signe un nouveau contrat aux Emirats Arabes Unis (ouais, j’ai VRAIMENT été un précurseur dans beaucoup de domaines). Mais c’est la fin. Je ne dure guère. Je diminue. Et je m’éteins, en 1989. J’ai même pas vu tomber le mur. Je l’ai raté. A rien. Comme plein de choses dans ma vie, apparemment.

Et le prochain qui me parle de Brian Clough, je lui introduis cette bouteille dans le fondement.

[1] L’auteur de cet article est un de nos lecteurs[2] de la première heure, mais aussi une figure emblématique des Cahiers du Football. Il est l’une des 37 personnes dans le monde à avoir cru à un titre de Liverpool dès le début de la saison.

[2] Comment ça ? Toi aussi, fidèle lecteur, tu veux écrire pour TK ? Rien de plus simple, envoie-nous un mail à teenagekickscdf(at)gmail(dot)com, et découvre la gloire, l’argent sale et les filles faciles.

Liverpool, tellement plus qu’un club. Une institution, un mythe, une terre de légendes. Ville et football ne font qu’un : on y cultive le souvenir autant que l’espoir. Un club qui prend aux tripes et ne lâche plus. Jamais. Présentation de son Hall of Fame version Teenage Kicks.

Dans quelques semaines, le site de football britannique Hat-trick verra le jour. L’une des originalités de Hat-trick sera ses « fiches de club », où le Hall of Fame occupera une place de choix. Par manque de disponibilité, je ne pourrai être de l’aventure mais quand Romain Molina, créateur du site, me demanda en juin dernier si je voulais rédiger quelques fiches, je lui dis OK et choisis immédiatemment Liverpool, mon tout premier club anglais de coeur. Romain me conseilla d’aligner quantativement mon texte sur les autres fiches, 5 000 signes environ. OK, lui répondis-je sans trop réfléchir (« 5 ou 6 000 on a dit ? T’en fais pas, pas de problèmes » ajoutais-je pour le rassurer, le sentant quand même un poil tendu…).

Un mois plus tard, je le priais de m’excuser : j’avais pondu un pavé de presque 25 000 signes, sans m’en rendre compte. Il le comprit parfaitement car j’avais une excuse en béton : LFC a un tel vécu que les calibres standards sont ri-di-cu-le-ment inopérants. Alors en avant-première de la naissance de Hat-trick, le Hall of Fame LFC, à ma sauce.

[Cliquer sur les photos peut rapporter gros]

Le Hall of fame TK du Liverpool FC

[Nb: Etant donné la pléthore de grands joueurs/entraîneurs Reds, impossible d’inclure pour diverses raisons tous ceux qui auraient légitimement leur place ici. On pense notamment à Chris Lawler, Ian St John, Phil Neal, Jimmy Case, Gerry Byrne, Peter Thompson, Ray Kennedy, Steve Heighway, Bruce Grobbelaar, Terry McDermott, Alan Kennedy, Mark Lawrenson, Joe Fagan, John Toshack, John Aldridge, Jan Molby, Jamie Carragher, Xabi Alonso et Fernando Torres. Pour complément d’infos, consultez le Hall of Fame officiel et cette page ainsi que 100 Players Who Shook The Kop].

Elisha Scott (1912-1934), gardien, 467 matchs, 31 capes nord-irlandaises. Considéré par certains comme le plus grand portier du club (avec Ray Clemence) et comme celui qui généra les tous premiers chants pour un joueur à Anfield (« Lisha, Lisha »). Rejeté par Everton à 18 ans car jugé trop jeune et trop petit (1m75), « Lisha » était un personnage haut en couleurs et maladivement compétitif qui entretint longtemps une féroce rivalité avec Dixie Dean, le fantasque avant-centre d’Everton aux 395 buts Toffees – inscrits avec un seul testicule, il convient de préciser (Everton, où le frère d’Elisha Scott joua d’ailleurs pendant 8 ans). Pour le centenaire de ses débuts Reds le premier janvier 1913, un documentaire d’une heure intitulé « Lisha, The first King of the Kop » fut réalisé.

ça mérite une mention spéciale même ici dans le temple Red

395 pions avec une seule burne: ça mérite une mention spéciale même ici dans le temple Red

Billy Liddell (1938-1961), avant-centre/ailier gauche/inside-forward (inter), 537 matchs/229 buts, 28 capes écossaises. Considéré par les vieux supporters Reds comme le joueur le plus talentueux de l’histoire du club. Et c’est une légende de Manchester United que le peuple Red doit remercier pour Billy : Matt Busby. C’est en effet ce dernier qui repéra en Ecosse, par hasard, ce discret gamin de 16 ans. Busby, alors capitaine du LFC, insista auprès de son manager pour le faire venir.

Puissant, rapide et doté d’une belle frappe, Liddell fit ses débuts professionnels en janvier 1940, sous les bombes de la Luftwaffe (malgré le Liverpool Blitz – plus de 4 000 victimes d’août 1940 à mai 1941 – le club continua de jouer à Anfield), ce qui n’empêcha pas le jeune Billy de marquer lors de son tout premier match à domicile, devant 2 000 spectateurs (capacité réduite à cause des risques de bombardement).

Pendant vingt-trois ans, Liddell fit tellement vibrer Anfield que sa popularité dépassa celle du club, qu’on surnomma « Liddellpool » dans les Fifties, les moins glorieuses de l’histoire du club. Sérieux et appliqué (jamais averti, jamais une goutte d’alcool et faisait dans le caritatif à ses heures perdues), Liddell continua à travailler comme comptable – à mi-temps – dans une entreprise de la ville la majorité de sa carrière !

On continua de jouer au football pendant la Seconde Guerre mondiale, en Wartime League (ici à The Valley, Charlton Athletic, où un soldat surveille les airs)

On continua de jouer au football pendant la Seconde Guerre mondiale, en Wartime League (ici à The Valley, Charlton Athletic, où un soldat surveille les airs)

Roger Hunt (1958-1969), avant-centre, 492 matchs/286 buts (dont 245 en championnat, record du club). 34 capes anglaises, 18 buts (champion du monde 1966). Avec Ian St John, le vif et puissant Hunt fut le principal fer de lance de la révolution Shankly à partir du début des Sixties et, à ce titre, occupe une place de choix dans le coeur des supporters Reds. Sans ses wagons de buts, pas sûr que Liverpool se soit extirpé de la D2 où le club végéta de 1954 à 1962. Saison 1961-62, Hunt signa 41 buts en autant de matchs de championnat !

Deux ans plus tard, en 1964, LFC devenait champion d’Angleterre après une longue période de vaches maigres (Hunt : 31 buts en 41 matchs). Vainqueur de la FA Cup en 1965 – la première du club, buts de Hunt et St. John -, puis de nouveau Champion national en 1966 où Hunt s’illustra de nouveau : 30 buts en 37 matchs de championnat. Intronisé au English Football Hall of Fame en 2006.

Bill Shankly (1958-1974), écossais, le plus grand manager de l’histoire du club, 609 matchs (319 victoires, 152 nuls, 138 défaites). Quand « Shanks » débarqua à Liverpool en décembre 1959 fort d’une dizaine d’années d’expérience, le club touchait le fond. Non seulement LFC végétait en D2 depuis 1954 (pour la première fois de son histoire) mais le moral était à zéro et les installations indignes d’un grand club : le centre d’entraînement de Melwood n’avait qu’un seul robinet, deux préfabriqués et les joueurs devaient se changer et doucher à Anfield via un système de navettes… Et pour ne rien arranger, Everton pétait la santé parmi l’élite (5è et 4è début années 60 et titre en 1963).

Shankly persuada un directoire somnolent de mettre la main à la poche et bâtit une équipe capable de jouer les premiers rôles, notamment en se débarrassant d’une vingtaine de joueurs dès la première saison et en utilisant la réserve et le centre de formation du club, qu’il restructura totalement. Sous sa houlette, LFC décrocha trois titres nationaux, deux FA Cups et une Coupe UEFA (ainsi qu’une finale de Coupe des coupes en 1966 et une élimination de justesse – et controversée – en demi-finale de la Coupe d’Europe des clubs champions contre l’Inter Milan en 1965). Créa la légendaire Boot Room (voir « Particularité » dans le volet suivant).

En juillet 1974, à la surprise générale, Shankly annonça sa retraite immédiate (il se dit fatigué après 40 ans dans le football). A sa disparition d’une crise cardiaque en 1981 (à 68 ans), ses cendres furent dispersées sur la pelouse d’Anfield, devant le Kop. De hautes grilles portant son nom (les Shankly Gates) ainsi qu’une statue sont visibles devant Anfield.

Bob Paisley (1974-1983), 535 matchs (308 victoires, 132 nuls, 96 défaites). Trop souvent injustement oublié ou ignoré hors Merseyside (réduit au rôle de « gestionnaire de l’héritage Shankly » comme l’écrit justement feu le site kick and rush), Paisley est pourtant l’un des managers les plus titrés de l’histoire du football : 6 championnats, 3 C1, 1 C3 et 3 Coupes de la Ligue.

Latéral droit Red de 1939 à 1954, il ne connut que Liverpool FC dans sa carrière professionnelle et son association avec le club s’étend sur plus d’un demi siècle (entraîneur de la réserve, kiné, etc.). Quand Shankly annonça sa retraite en juillet 1974, le directoire se tourna vers lui, alors âgé de 55 ans, l’adjoint taiseux de Shanks-le-charismatique, et le persuada de prendre ce job dont il ne voulait pas (Shankly insista aussi pour qu’il prenne sa relève). Sa première allocution hésitante aux joueurs illustra sa réticence :

« Bon, ben, je ne voulais pas de ce poste mais maintenant que je suis là, va bien falloir s’y mettre. De toute manière, faut bien qu’il y ait un entraîneur. Cela dit, c’est sans doute provisoire »

Ses points forts étaient la tactique, la détection, le recrutement (il fit notamment venir Kenny Dalglish, Alan Hansen, Ian Rush et Graeme Souness) ainsi que le timing dans le recrutement : il savait exactement quand il fallait se séparer d’un joueur et n’avait pas peur de pousser les anciens vers la sortie ou la retraite (ce qui fut reproché à Shankly sur la fin) et ainsi renouveler l’effectif. En outre, Paisley connaissait parfaitement le club et, grâce à sa connaissance intime du jeu, des joueurs et du corps humain (il fut un kiné très réputé), il s’attacha à faire progresser certains (tel l’attaquant Ray Kennedy, qu’il repositionna milieu gauche) plutôt que de chercher à les vendre.

Réservé et taciturne, ce bon Bob ne manquait cependant pas d’humour. Ayant participé à la libération de Rome par les Alliés en juin 1944 en tant que « Desert Rat » (contre l’Afrika Korps de Rommel en Afrique du Nord), quand Liverpool disputa sa première finale de C1 en mai 1977 dans la Ville Eternelle, il s’exclama (en admirant le Colysée de l’autocar des joueurs) : « Ah tiens, la dernière fois que je suis passé par ici, j’étais assis sur la tourelle d’un char ». Disparu en février 1996 (maladie d’Alzheimer), l’ex maçon de Sunderland a été intronisé au English Football Hall of Fame dès sa création en 2002. Tout comme Shankly, des grilles portent son nom devant Anfield.

Ian Callaghan (1960-1978), ailier droit/milieu central, 857 matchs/69 buts, 4 capes anglaises (fit partie du groupe Coupe du monde 1966). Détenteur du record de matchs du LFC ainsi que du nombre d’apparitions en FA Cup (88), « Cally » est le seul joueur à avoir vécu l’intégralité de la formidable épopée Red [1], de 1960 (début de la « Shankly revolution ») aux grands triomphes européens sous Bob Paisley à la fin des années 1970. Il fut aussi le premier Red à être élu Footballer of the Year par la Football Writers’ Association, en 1974.

Eut la lourde tâche de faire oublier le légendaire Billy Liddell et il ne fit pas les choses à moitié : en avril 1960, à 17 ans, pour son premier match il eut droit à une standing ovation du stade, des 22 joueurs et même de l’arbitre ! En 1970, une blessure au genou le força à se repositionner au coeur de l’entrejeu et le club dut faire venir de Scunthorpe un p’tit jeune prometteur pour continuer d’assurer l’animation offensive : Kevin Keegan.

Kevin Quigagne.

A suivre.

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[1] Tommy Smith, arrivé au club à 15 ans en 1960, pourrait éventuellement lui être associé mais « Anfield Iron » ne fit ses débuts qu’en 1962.