Archive for octobre, 2013

Lorsque David Moyes a signé son contrat avec Manchester United, il a dû rêver en imaginant le budget transfert dont il aurait la responsabilité à l’avenir. Il est vrai que le natif de Glasgow n’a pas pu trop frimer sur le marché des transferts avec Everton. Malgré tout, les médias et les supporters ont eu tendance à louer ses recrues, alors en tant que fan de la feue Moyes’ Army, je me suis décidé à faire un petit examen de ses acquisitions. En bien, comme en mal, ça va de soit. Tout d’abord, quelques chiffres : entre son arrivée en 2002 et son départ 11 ans plus tard en 2013, il a validé le recrutement de 84 joueurs (autant en transfert sec qu’en prêt). Dans un premier papier; nous allons voir le Top 10 des recrues de Moyes à Everton. Puis, dans deux semaines, arrivera le Flop 10. Alors maintenant finit de blablater, on passe aux choses sérieuses, le Top 10 garanti 100 % mauvaise foi.

1/ Tim Cahill :

C'est moi que tu cherches ?

C'est moi que tu cherches ?

Né à Sydney en 1979, Cahill signe au club le 23 juillet 2004, en provenance de Milwall pour un montant estimé à 1,5M£. Milwall où il a démarré sa carrière, inscrivant 52 buts et faisant 37 passes décisives en 217 matchs de championnat. Son point fort, c’est son jeu de tête. Il a beau être plutôt petit, 1m78 (désolé, quand on dépasse le mètre 90 on a tendance à voir les autres plus petits qu’ils ne le sont), il dispose d’une détente impressionnante qui lui permet de prendre le dessus sur pas mal de défenseurs plus grands que lui. Récent international australien, Timothy aurait pu jouer pour les Samoa, comme son grand-frère, mais franchement ça aurait été du gâchis.

Avec Everton, il démarre très fort, première saison et déjà meilleur buteur du club avec 11 buts (en 33 matchs), pas mal pour un joueur officiellement pas attaquant. Surtout il permet au club de renouer avec l’Europe, grâce à une très belle 4ème place, juste devant l’ennemi de Liverpool. Hormis sa dernière saison, il sera plutôt régulier tournant entre 5 et 9 buts en championnat. La vérité, c’est que Cahill a souvent du compenser les carences offensives de ses attaquants, sur certains matchs il était carrément placer en attaquant de pointe.

Pour résumer, on dira que c’était un attaquant hargneux, qui a marqué 95 % de ses buts dans la surface, de la tête ou du bout du pied, mais surtout de la tête. Et puis, il y avait cette façon de célébrer les buts, en allant boxer le poteau de corner.

En 2012, après 278 matchs et avec 68 buts dans les sacoches, on sent que le brave Tim commence sérieusement à fatiguer, alors personne n’est surpris quand il décide de prendre un dernier gros contrat avec les New-York Red Bulls.

La chanson des supporters : « His tattoo proved he was a blue, Cahill, Cahill, Everton it said it’s true, Cahill, Cahill« .

Les buts de Cahill sous le maillot d’Everton (cliques jeune homme, ceci est une vidéo).

2/ Mikel Arteta :

"Mon Dieu c'est Luis Fernandez"

Lorsque le Basque arrive en prêt à Everton, en 2005, il n’a pas encore 23 ans, pourtant son parcours en club et surtout sa vision du jeu pourraient faire penser à un vieux grognard. Il ne faut toutefois pas croire que tout était gagné d’avance.

Formé à la Masia, Mikel sent que l’avenir semble quelque peu bouché, du coup, il tente l’aventure à l’étranger et part en prêt à Paris (31 matchs, 2 buts). Une saison pleine de promesses, mais pas suffisante pour tenter les dirigeants parisiens de faire le forcing pour le signer définitivement. Pas découragé, il s’envole alors pour l’Écosse et les Glasgow Rangers où il passera deux belles saisons (50 matchs, 12 buts). En 2004, le natif de San Sebastian est attiré par la Real Sociedad, pour former un milieu de dingue avec Xabi Alonso … sauf que ce dernier s’envole pour Liverpool et notre Mikel se retrouve, tout seul, pour tenir la baraque. Échec total, après 15 apparitions pour 1 but, Arteta trouve refuge à Everton, en prêt, mais avec une option d’achat. Finalement, l’essai est concluant (12 matchs, 1 but, 2 passes décisives), puisque Moyes lâche 2M£ pour le signer définitivement. À partir de là, rien à dire, il se sort les doigts et devient un virtuose. Parlons notamment de la saison 2006/2007, où il rayonne tellement (39 matchs, 9 buts, 12 passes décisives) que la presse britannique demande sa naturalisation pour l’incorporer à l’équipe nationale. Les saisons suivantes sont un peu en dessous, mais Arteta reste le maître du tempo de l’équipe.

En février 2009, il est enfin appelé en équipe d’Espagne, malheureusement pour lui et pour Everton, il se bousille les ligaments du genou. La blessure est grave, très grave même, il ne reviendra qu’en janvier 2010. Confiants, les dirigeants d’Everton lui font signer une prolongation de contrat de 5 ans en août de la même année. Sauf que l’été suivant, Arteta trouve un accord avec Arsenal dans les dernières secondes du mercato, contre 10M£. L’incompréhension règne alors parmi les supporters Toffees, pourquoi vendre un cadre de l’équipe à la dernière minute du mercato ?
Arteta déclare alors « À mon âge, je n’avais plus beaucoup de chances d’avoir une telle offre. J’ai donné mon maximum avec Everton ». Allez mon grand, après 209 matchs, 35 buts et 41 passes décisives, tu l’as bien mérité.

Le chant des supporters : « Follow, follow, follow, Everton’s the team to follow, There’s nobody better than Mikel Arteta, He’s the best little Spaniard we know »

Arteta et sa saison de folie (2006/2007)

3/ Leighton Baines :

"Au fait Leighton, tu connais pas les lingettes anti-décoloration ?"

Le meilleur arrière-gauche du royaume. Que dire de plus ? Il adore le rock et refuse la crête, préférant une coupe plus 60’s. Il clame que le club familial, c’est Everton et que jamais il ne pourra jouer pour Liverpool. Y a-t’il plus belle histoire d’amour ? Gerrard ? Une arnaque ! Osman ? Peut-être.

Formé à Wigan, Baines signe à Everton en 2007, contre une indemnité de 5M£. Mis en concurrence avec Lescott et Nuno Valente, il ne totalise que 17 titularisations lors de sa première saison. Il lui faudra attendre 2008 et le repositionnement tactique de Lescott dans l’axe de la défense, suite à la blessure de Yobo, pour enfin devenir titulaire. À partir de là, son CV est indiscutable. En 2010/2011, il réussit l’exploit de jouer tous les matchs d’Everton, sans jamais être remplacé. De plus il marque 7 buts sur toute la saison et fait 11 passes décisives, soit le meilleur total pour un défenseur cette année là (le cinquième en général). Il reçoit alors pléthore de récompenses par les supporters et par ses coéquipiers : « Joueur de l’année des supporters », « Joueur de l’année des joueurs d’Everton », « Plus beau but de la saison ». La suite, elle est encore plus majuscule, il en arrive même à être nommé dans l’équipe-type de l’année de la Premier League 2011/2012 et 2012/2013. Une performance pour un Toffee, puisqu’il faut remonter à Neville Southall, c’était en 1989/1990, pour retrouver la trace d’un joueur d’Everton nominé.

Courtisé ardemment par Manchester United, du fait de l’arrivée de son mentor Moyes, il reste finalement au club après le refus catégorique de Martinez de le laisser filer. On notera par ailleurs qu’il avait refusé une offre de Manchester United au moment de quitter Wigan. Alors, comme il y a 6 ans et à tout juste 28 ans, il arpente toujours son couloir gauche, n’hésitant pas à venir apporter le surnombre, à balancer du caviar dans la surface grâce à sa patte gauche, à placer quelques coups-francs (n’est-ce pas Mister Jaaskelainen ?) ou penaltys en lucarne.

Pour résumer, Baines avec Everton, c’est 255 matchs et 24 buts, mais c’est également un paquet de passes décisives. En équipe nationale, Baines est victime de la présence d’Ashley Cole. Pas que ce dernier soit meilleur, non ce n’est pas le cas, juste que celui-ci a la chance d’évoluer dans un plus gros club. Du coup, à 28 ans, il n’a que 15 sélections (1 but).

Le chant des supporters : « He’s small, He’s lean, He’s Everton’s number 3, Leighton Baines, Leighton Baines…« 

Baines est le meilleur

4/ Marouane Fellaini :

« Mais qu’est-ce qui lui est passé par la tête ? », c’est la question que devait se poser les fans d’Everton le jour de la signature de Fellaini, le 1er septembre 2008, contre 15M£ (record du club). On peut difficilement leur donner tort, car à ce moment-là, le Belge n’est pas un inconnu certes, mais juste un jeune milieu de terrain de 20 piges, avec deux saisons en pro dans les guibolles. Pourtant, le joueur à la coupe de cheveux afro (que l’on croyait ringarde depuis les 80’s) va mettre tout le monde d’accord et assez vite d’ailleurs. Il faut dire qu’on l’annonce comme un milieu récupérateur, mais qu’il trouve le moyen de marquer 9 buts en 35 apparitions, ce qui en fait le meilleur buteur du club (à égalité avec Tim Cahill). Tout le monde est conquis, le voilà élu « Meilleur jeune joueur d’Everton » sur la saison 2008/2009.
Ses performances ne passent pas inaperçues, à tel point que Moyes décide de le placer en soutien de l’attaquant. Sauf que Fellaini fait la rencontre d’un autre chevelu, Sotiris Kyrgiakos, qui décide lors du derby de la Mersey (le 6 février 2009), de lui arracher la cheville. Images assez impressionnantes, quand on sait que Fellaini sortira finalement en marchant. Du coup, sa saison est quelque peu tronquée et il plafonne à 3 buts en 34 matchs. Quasiment un an jour pour jour après l’attentat à la grecque, il se fait de nouveau mal à la cheville et se retrouve à nouveau arrêté jusqu’à la fin de la saison. L’inquiétude commence à monter, mais les deux saisons qui vont suivre vont avoir tôt fait de rassurer tout le monde. Tout d’abord, il prend le temps de se remettre à niveau, avec une saison à 43 matchs pour 5 buts. Enfin, l’apothéose, saison 2012/2013 il décide de tout casser sur son passage. Grâce à son Belge touffu, les Toffees se prennent à rêver d’une qualification en Ligue des Champions. Il faut dire qu’avec 12 buts en 36 matchs cette saison-là, Fellaini était en feu. Tellement en feu, qu’après avoir raté la qualification en Ligue Europa, il laisse entendre qu’il ne serait pas insensible à un départ. Puis, il revient sur ses déclarations et dit vouloir jouer la Ligue des Champions avec Everton. Pourtant, chaque supporter Toffee sait très bien au fond de lui qu’il ne restera pas, sauf miracle. En plus, Moyes part à Manchester United et annonce vouloir recruter Fellaini et Baines.

Le temps passe, les supporters espèrent et certainement que Fellaini désespère et puis arrive le 2 septembre et enfin, la délivrance pour le jeune belge qui s’engage à la dernière seconde pour Manchester United, contre un chèque de 27,5M£. Petite anecdote, avant de signer pour Everton, il avait refusé une offre de Manchester United. On dira qu’il était prédestiné à y aller.
Fellaini quitte Everton avec un très bon bilan : 177 matchs et 33 buts, entre 2008 et 2013.

La chanson des supporters : « Marouane Fellaini, You are the love of my life, Marouane Fellaini, I’d let you shag my wife, Marouane Fellaini, I want curly hair too ».

Il y a un an, Fellaini faisait l\’amour à Manchester United

5/ Steven Pienaar :

Sunderland c'est vraiment une équipe de tâcherons

Sunderland c'est vraiment une équipe de tâcherons

Lui, il présente un profil particulier, à savoir qu’il a signé par deux fois avec Everton. Toutefois, à chaque fois, il fut essentiel. Né à Johannesburg, en 1982, il a grandi dans un township, celui de Westbury, Pienaar se lance très vite dans le foot et finit par se faire remarquer par l’Ajax Cape Town, le club satellite du « Grand Ajax » en Afrique du Sud. Comme pas mal de jeunes joueurs du club, il finit par atterrir à Amsterdam (2001), à la maison-mère. Il ne fera ses débuts en championnat qu’un an plus tard, mais celui que l’on surnomme « Schillo » en hommage à Totò Schillaci, va très vite dissiper les doutes quant à sa future carrière européenne. En janvier 2006, après 131 matchs et 18 buts avec l’Ajax, il quitte les Pays-Bas pour Dortmund. Censé remplacer le « Petit Mozart » Tomas Rosicky parti pour Arsenal, Pienaar débarque avec une pression folle et n’arrivera pas à assumer sa tâche. Vite pris en grippe par ses coéquipiers, qui l’accusaient de tous les maux de l’équipe, pas soutenu par son coach, il décide alors d’aller voir ailleurs et trouve Everton comme porte de sortie.

En prêt (40 matchs, 2 buts) dans un premier temps, mais Moyes sent le potentiel du joueur et lève très vite l’option d’achat estimée à 2,35M£. Le joueur lui rendra bien en livrant des prestations majuscules et en étant élu « Joueur de la saison » en 2009/2010 par les supporters du club. Le joueur est alors au top de sa forme et veut aller voir plus haut. En janvier 2011, il refuse une offre de Chelsea et s’engage avec Tottenham, contre un chèque de 3M£. Ce sera un échec, souvent blessé et jamais vraiment dans le rythme, il traîne son spleen. Heureusement pour lui, en janvier 2012, Moyes cherche un ailier. Le prêt est signé dans les tout derniers instants du mercato et re voilà Pienaar à Goodison pour 6 mois. Comme par magie, le joueur retrouve ses qualités, joue 14 matchs, marque 4 buts (égalant son meilleur total à l’époque) et fait 6 passes décisives (le meilleur total de l’équipe). Il clame son envie de revenir définitivement à Everton et aussitôt dit, aussitôt fait, il signe contre 4,5M£. Il faut noter que les supporters d’Everton avaient détourné la chanson des Specials « Free Nelson Mandela », en « Free Steven Pienaar » (voir vidéo un peu plus loin). Petite plus-value financière pour les Spurs, énorme apport sportif pour les Toffees. Pienaar est en feu, semblant vouloir rattraper le temps perdu (ça fait Disney, mais ça donne cette impression). Le 9 décembre 2012, il marque de la tête le 1000e but d’Everton en Premier League. L’adversaire du jour s’appelant Tottenham, on peut dire que la vengeance est un plat qui se mange froid. Au final, il réalise la meilleure saison de sa carrière, 40 matchs, 7 buts et surtout un rôle de leader sur le terrain. Blessé durant le début de saison 2013/2014, il revient lors du match face à Hull et ouvre le score 10 secondes après son entrée en jeu.
Joueur fantasque, il n’oublie toutefois jamais de faire sa part de travail défensif, n’hésitant pas à venir soulager Baines. Il totalise 192 apparitions sous le maillot d’Everton et 24 buts. On notera que les supporters n’auront jamais tenu rigueur à Pienaar pour son départ chez les Spurs, car comme dit la devise du club « Once a Blue, Always a Blue »
En octobre 2012, il annonce sa retraite internationale, préférant se consacrer à sa carrière en club. Il plafonnera donc à 61 sélections et 3 buts.

La chanson des supporters : « His name is Pienaar, He comes from Africa and he can play, What can he play, he plays the Pienaar, Piea Piea Pienaar Pienaar »

Libérez Steven !

6/ Tim Howard :

Howard ne peut plus prendre l'avion pour rentrer aux Etats-Unis

Howard ne peut plus prendre l'avion, c'est malin.

C’est l’histoire du mec atteint du syndrome Gilles de la Tourette. Il fait ses débuts en pro avec les Metro Stars New-York en 1998.

C’est en 2003 que sa carrière décolle, il a alors 24 ans et vient d’être recruté, contre 4M£, par Manchester United. En arrivant en Angleterre son principal concurrent se nomme Fabien Barthez. Pas grave, profitant de ces multiples bourdes, Howard prend la place de titulaire. Malheureusement pour lui, il commet également quelques erreurs, ce qui pousse Alex Ferguson a titulariser Roy Carroll. La saison suivante, rebelote, il est à nouveau titulaire, mais après une nouvelle série d’erreurs, Carroll lui reprend sa place de titulaire. En 2005 rien ne s’arrange, car Manchester recrute deux gardiens, Ricardo et surtout Edwin Van der Sar.

Le portier américain demande alors à partir, ce qui sera fait un an plus tard. Il se retrouve prêté à Everton, qui a du mal à trouver le digne successeur de Neville Southall. Moyes est vite séduit par ce joueur de tempérament, puisqu’il lève l’option d’achat (3M£) en février 2007.

Depuis son arrivée à Goodison, il ne laisse que des miettes à ses concurrents, avec seulement 6 matchs de championnat manqués en 6 ans ! Richard Wright a eu droit à deux matchs, tout comme Steffan Wessels ou Jan Mucha. Howard est devenu un emblème du club, sauvant de nombreux penaltys et allant même jusqu’à marquer un but face à Bolton (merci le vent), but qu’il ne célébrera pas, expliquant qu’il n’aurait pas aimé être à la place d’Adam Bogdan, le portier de Bolton. Malgré tout, il est souvent décrié, ses erreurs faisant perdre quelques points à l’équipe. On notera que depuis 2011, Moyes parlait de recruter Jack Butland, histoire d’amener un peu plus de concurrence et surtout de préparer l’avenir.
Avec Everton, Howard pèse 319 matchs et un but, donc.
Il a fêté sa première cape en 2002 face à l’Equateur, mais a du attendre 2007 pour être enfin propulsé titulaire dans les cages américaines. Avant ça, il avait dû se coltiner Kasey Keller et Brad Friedel. Après 11 ans de présence internationale, il compte 90 sélections (mais pas de but par contre).

La chanson des supporters : « Tim timminy, Tim timminy, Tim Tim Tirooo, We’ve got Tim Howard and he says fuck you!! »

Tim Howard, plus dangereux face au but que Victor Anichebe

7/ Phil Jagielka :

Excuses moi Phil, j'ai une dent creuse

Excuses moi Phil, j'ai une dent creuse

Ouh le Philou ! Sheffield United le lâche en 2007 contre 4M$, il est alors âgé de 25 ans. Ironie de l’histoire, il était à l’académie d’Everton jusqu’à ses 15 ans et son départ pour Sheffield. Bon, si Moyes le prend cette année-là, c’est que le club n’a plus que trois défenseurs centraux, Lescott, Yobo et Stubbs. Si on ajoute à cela que Stubbs est plus proche de la fin que du début, 36 ans le pépère, on comprend très bien son recrutement. Pis bon, déjà à l’époque c’est loin d’être une tanche Philip Nikodem (origines polonaises), il était titulaire à Sheffield depuis 2002 et y a joué au total 287 matchs pour 22 buts. Au départ, il subit les performances du duo Lescott/Yobo, mais petit à petit l’oiseau fait son nid et il commence à pointer le bout de son nez. Sa première saison est donc plutôt convaincante avec 40 titularisations et 2 buts. L’année d’après il va confirmer, 42 titularisations et 1 but, poussant Yobo dehors. Il confirme tellement qu’il est appelé en équipe d’Angleterre pour affronter Trinidad et Tobago (le 1er août 2008). Malheureusement, Jagielka va se ruiner les ligaments croisés antérieurs du genou. On est en fin de saison 2008/2009 et du coup il rate la finale de la Cup, tout comme Arteta au passage. Everton s’inclinera et sera obligé de signer John Heitinga, pour suppléer un Jagielka blessé longue durée. Finalement, il revient en février 2010 et reprend sa place de titulaire, en défense centrale au côté de Sylvain Distin. Avec l’arrivée de Roberto Martinez à la tête du club, Jagielka a même récupéré le brassard de capitaine.

Joueur exemplaire, il totalise, depuis 2007, 226 apparitions et a scoré 9 fois.

Présent à l’Euro 2012, mais sans apparaître une seule fois, il semble depuis s’être fait une petite place de titulaire en défense centrale.

Attention, quand Jagielka tire, Jagielka fait mal.

8/ Phil Neville :

Lorsqu'il apprend qu'il va jouer sur un terrain gras, Phil ne peut retenir sa joie

Lorsqu'il apprend qu'il va jouer sur un terrain gras, Phil ne peut retenir sa joie

Le patron. Il rejoint Everton à 28 ans en 2005, mais donne l’impression d’en avoir 40. Pas rapide, incapable de passer un dribble (mauvaise langue, il en a sorti un, une fois, à l’entraînement), mais un vrai chien sur le terrain. Tu lui dis « Bon Phil, le milieu offensif, tu le suis comme son ombre », tu sais que ce sera fait. Tellement un patron, qu’en 2007 avec le départ de David Weir, il se retrouve capitaine. C’est la première fois que deux frères, lui et Gary Neville à Manchester United, se retrouvent capitaines de deux équipes différentes en Premier League.
Jamais expulsé avec Manchester, il termine sa première saison sur les bords de la Mersey avec la stats peu flatteuse de joueur le plus sanctionné de la Ligue.
Son crédit chez les supporters d’Everton est également renforcé par l’agression qu’il subit lors d’un derby à Anfield. Alors qu’il s’apprête à faire une touche, un supporter de Liverpool tente de le frapper. Celui-ci sera interdit de stade pendant 3 ans et sera banni à vie d’Anfield (respect d’ailleurs).
Avec le temps qui passe, arrivent les petits pépins musculaires. Et puis également une plus forte concurrence, Neville a beau être assez polyvalent, il peut jouer arrière-droit, milieu récupérateur ou axial, il rencontre de plus en plus de soucis pour accumuler les matchs. Il faut dire que sur le flanc droit, il doit subir Coleman, Hibbert ou Heitinga, en milieu récupérateur, ce sont Gibson, Fellaini ou encore Heitinga qui le dépassent à de nombreuses reprises. Malgré tout, il garde un rôle de leader dans l’équipe, premier relais de David Moyes. En parallèle de sa carrière de joueur, il décide de passer ses diplômes d’entraîneur et annonce qu’il prendra sa retraite à la fin de la saison 2012/2013. Lorsque que Bill Kenwright considère le départ de Moyes comme acquis, il pose le nom de Neville sur une short-list de successeurs possibles. Finalement, l’ancien lieutenant décide de suivre Moyes à Manchester et devient entraîneur adjoint.
Son bilan personnel avec Everton est plutôt éloquent : 303 matchs pour 5 buts.
Il est apparu à 59 reprises en équipe nationale, faisant ses débuts en 1996 contre la Chine. Il a participé aux Championnats d’Europe 96, 2000 et 2004. Il ne participa à aucune Coupe du Monde, étant écarté au dernier moment par Glen Hoddle en 1998, pas appelé en 2002 et snobé par Eriksson en 2006 (il sera mis en liste d’attente, en cas de  forfait de dernière minute). Sa dernière apparition remonte à 2007 face à Andorre.

La chanson des supporters : « Phil Neville Superstar, He got more medals than Steve Gerrard, Phil Neville Phil Neville »

Le best-off de Phil Neville avec Everton

9/ Sylvain Distin :

MC Distin !

MC Distin !

Méconnu en France, Distin, c’est un grand gaillard qui cumule 420 matchs de Premier League, un record pour un joueur de champ non-britannique. Un défenseur central d’expérience donc, mais si un Ferdinand ne peut plus jouer qu’un match sur trois, notre Sylvain ne se pose pas de question et engrange. Lorsqu’il signe à Everton en 2009, cela fait déjà huit ans qu’il gambade sur les vertes pelouses anglaises, sous les maillots de Newcastle (2001/2002), Manchester City (2002/2007) et Portsmouth (2007/2009). Le club débourse alors 5M£ pour s’attacher ses services et palier au départ de Lescott vers Manchester City. La plupart du temps très performant, il lui arrive toutefois de faire quelques « cagades », comme lors de cette demi-finale de Cup, un après-midi d’avril 2012 face à Liverpool, où il offre le but de l’égalisation d’une passe en retrait bien dosée, à Luis Suarez. Le joueur est touché et s’excusera via Twitter. Excuses acceptées par tout le monde, puisque le club lui proposera une prolongation de contrat d’un an. Depuis 2009, Distin a participé à 166 matchs avec Everton et a inscrit 5 buts. Étonnamment, il ne dispose d’aucune sélection et encore moins de convocation en équipe de France, mais Distin n’est pas rancunier et préfère aller de l’avant, disant « n’avoir aucun regret ». So sad.

Sylvain Distin, sauveur de l\’extrême

10/ Seamus Coleman :

Seamus ? C'est un mec comme ça !

Seamus ? C'est un mec comme ça !

Arrivé de son Irlande natale et plus précisément des Sligo Rovers pour 150 000 £ en janvier 2009, Seamùs a connu des débuts fracassants. Premier match de championnat, contre Tottenham, il rentre en cours de jeu (remplaçant Joseph Yobo) et finit par être élu homme du match. Coleman a alors tendance à évoluer davantage en tant que milieu droit. En mars 2010, Everton décide de le prêter pour un mois à Blackpool en Championship. Le joueur et le club demandent une extension du prêt et Coleman pourra jouer jusqu’à la fin de la saison, participant aux play-off (victorieuses) du club de la station balnéaire. Ironie de l’histoire, c’est face à Blackpool que Coleman marque son premier but en championnat avec Everton. Petit à petit, il descend sur le terrain et finit par s’installer en tant que défenseur latéral. Accumulant de l’expérience, il se rend vite indispensable au club et surtout, devient le parfait alter ego de Baines. Tellement bon que Martinez se sentit obligé de préciser lors de sa prise de fonction qu’avec « Baines et Coleman, j’ai la meilleure paire de latéraux du championnat », ce qui n’est pas faux d’ailleurs.

Solide défensivement et très intéressant sur le plan offensif, il sera l’un des hommes de base du mandat Martinez. Il totalise 113 apparitions pour 8 buts.

Au niveau international, il s’impose enfin comme titulaire au sein de l’équipe d’Irlande. Appelé pour la première fois en 2010, il ne fête sa première cape qu’en 2011 face au Pays de Galles. Depuis, il a joué 9 matchs au total et a surtout été nommé homme du match face à l’Angleterre, à Wembley.

La chanson des supporters : « When Seamus Coleman’s smiling, Evertonians smile too, He’s our star Irish midfielder, In the Mersey Royal Blue, He plays with Irish passion, As he rides his Irish luck, And when Seamus Colemans playing, Gareth Bale Can get to fook »

Man of the Match !

Auraient pu apparaître : Alan Stubbs, Kevin Kilbane, Simon Davies,Yakubu, Andrew Johnson, Joseph Yobo, Joleon Lescott, Manuel Fernandes, Louis Saha, Landon Donovan, John Heitinga, Darron Gibson, Kevin Mirallas et Nikica Jelavic (au début)…

A dans deux semaines pour les flops du recrutement de Moyes.

Didier Feco.

Il y a 150 ans cette semaine, le lundi 26 octobre 1863, une poignée de passionnés se réunissaient dans un pub londonien, le Freemasons’ Tavern, pour fixer quelques règles communes de jeu. La première fédération de football au monde, la Football Association, était née et le football moderne avec.

Suite de la première partie.

Le Freemason's Tavern

Le Freemasons' Tavern

1863, an zéro : naissance de la FA et des premières Lois du jeu

Ebenezer Cobb Morley est un avocat de 32 ans et un joueur émérite. En tant que président et capitaine du club londonien de Barnes, il a contacté l’hebdomadaire sportif Bell’s Life pour suggérer la création d’une instance dirigeante et proposer de nouvelles règles destinées à sortir le football de l’ornière. Il met en exergue le succès de la codification du cricket un siècle plus tôt, ainsi que celle du baseball. Le journal approuve l’initiative et lui prête son concours [1]. Arthur Pember, journaliste et avant-centre du club londonien de No Name Kilburn s’associe à sa démarche.

C’est ainsi que le 26 octobre 1863, les réprésentants et capitaines de huit clubs et trois écoles [2] – tous londoniens ou proche région – se réunissent au Freemasons’ Tavern près de Covent Garden à Londres (réunion appelée « The Meeting of Captains ») pour, enfin, arrêter officiellement quelques règles communes. Avant toute chose, il faut créer une instance et c’est Pember qui devient le premier Président de la Football Association (Morley est nommé Secrétaire général), puisque telle est la dénomination choisie [3]. Cette création est ainsi justifiée par le comité :

« Il est souhaitable qu’une fédération de football soit formée avec pour but l’élaboration d’un ensemble de règles destinées à réguler ce sport. »

La partie semble bien entamée pour Morley et Pember, ardents défenseurs du dribbling game popularisé par Eton College, mais il va falloir convaincre la frange dure des acteurs présents, le petit groupe mené par Francis Maule Campbell, capitaine du club londonien de Blackheath FC. Ce dernier est partisan d’un football rugbystique et rejette la version molle du sport voulu par le clan Morley-Pember, version qui limiterait sérieusement toute brutalité ainsi que l’usage des mains et bannirait le hacking (ou shinning), ce vicieux coup de savate au tibia.

La bataille s’annonce coriace et l’on sait déjà que ce premier meeting en appellera d’autres. Au fil des débats qui dureront six semaines, quelques concessions seront faites au clan Campbell (le football reste un sport hybrique – usage pied/main) mais c’est le tandem Morley-Pember qui sortira largement victorieux des négociations et provoquera le grand schisme entre football et rugby (lire en bas d’article la réaction des footeux pro-rugby).

Lors des six réunions tenues du 26 octobre au 8 décembre 1863, le comité va peaufiner le réglement pour finalement adopter, à 13 voix contre 4, les treize règles suivantes (alors surnommées les « London Rules » [4]) qui ont pour source les brouillons d’Ebenezer Cobb Morley, eux-mêmes inspirés des Cambridge Rules :

Les 13 Lois du jeu de 1863

La traduction ci-dessous est tirée de ce wiki en français. Cette traduction wiki, bonne dans l’ensemble (on passera sur les quelques fautes), a cependant dû être modifiée [5] (à noter également que le texte anglais de ce wiki diffère légèrement de la version officielle originale contenue dans The Rules of Association Football 1863).

Règle 1 : « La longueur maximale du terrain doit être de 200 yards (183 m), la largeur maximale de 100 yards (91,5 m), la longueur et la largeur doivent être délimitées par des drapeaux. Les buts sont signalés par deux montants verticaux, espacés de 8 yards (7,32 m), sans être reliés par une bande ou barre. »

Le premier England-Scotland, 1872

Le premier England-Scotland, 30 nov. 1872 (0-0)

Règle 2 : « Le vainqueur du tirage au sort peut choisir ses buts. Le match commence lorsque l’équipe ayant perdu ce tirage donne un « place kick«  [6] du centre du terrain. L’équipe adverse ne doit pas s’approcher à moins de 10 yards (9,15 m) du ballon jusqu’au coup d’envoi. »

Règle 3 : « Après tout but inscrit, l’équipe perdante doit donner le coup d’envoi. Les équipes doivent changer de camp après chaque but inscrit. »

Règle 4 : « Un but est validé lorsque le ballon passe entre les poteaux, ou au-dessus de l’espace entre les poteaux (quelle que soit sa hauteur), sans y avoir été jeté, poussé ou porté avec les mains. »

Règle 5 : « Quand le ballon sort de l’aire de jeu, le premier joueur à le récupérer doit le remettre en jeu depuis l’endroit où le ballon est sorti et le lancer perpendiculairement à la ligne de touche. Le ballon n’est pas en jeu tant qu’il n’a pas touché le sol. »

Règle 6 : « Quand un joueur tape dans le ballon, tout coéquipier se trouvant plus près de la ligne de but adverse que lui est hors-jeu : il ne doit ni toucher le ballon ni empêcher un adversaire de le toucher. En revanche, aucun joueur n’est hors-jeu quand le ballon est remis en jeu de derrière la ligne de but. »

Règle 7 : « Quand le ballon sort au-delà de la ligne de but, si le premier joueur à le toucher est un joueur de l’équipe qui défend ce but, alors l’équipe obtient à un coup-franc depuis la ligne de but, au point opposé de l’endroit où le ballon a été touché. Si le premier joueur à toucher le ballon est un joueur de l’équipe adverse, alors son équipe obtient un coup-franc d’une distance de 15 yards de la ligne de but, au point opposé de l’endroit où le ballon a été touché. Dans ce dernier cas, les joueurs de l’équipe adverse doivent rester sur leur ligne de but et attendre l’exécution du coup-franc. »

Joe Hart tenant le premier manuscrit des 13 Lois du jeu (attention de ne pas le faire tomber Joe, ça vaut cher ce truc

Joe Hart tenant le manuscrit original des premières Lois du jeu (le fais pas tomber Joe stp, ne nous sors pas une de tes boulettes, ça coûte bonbon)

Règle 8 : « Si un joueur réussit un « fair catch » [7], il obtient alors un coup-franc, mais seulement s’il marque le sol avec son talon immédiatement. Dans ce cas, il peut prendre autant d’élan qu’il le souhaite, sans qu’un joueur adversaire ne vienne le gêner. »

Règle 9 : « Aucun joueur n’a le droit de courir avec le ballon en main. »

Règle 10 : « Ni croche-pied ni coup de pied ne sont permis, et il est interdit d’utiliser ses mains pour retenir ou pousser un adversaire. »

Règle 11 : « Il est interdit à tout joueur de lancer ou passer le ballon à un coéquipier avec ses mains. »

Règle 12 : « Il est formellement interdit de ramasser le ballon avec ses mains tant qu’il est en jeu. »

Règle 13 : « Il est interdit de porter des chaussures avec clous protubérants, plaques de fer ou gutta-percha* sur la semelle ou le talon. » [*sorte de caoutchouc/résine très dur, rarement utilisé aujourd’hui]

Le reste des règles – telles que la durée du match, les sanctions à appliquer ou le nombre de joueurs par équipe – est laissée à l’appréciation des deux capitaines avant le match (même si des conventions vont rapidement s’établir, le jeu à onze va vite s’imposer par exemple).

Forte évolution des Lois du jeu de 1863 à 1900

Ces règles, civilisées pour l’époque (« Le triomphe de l’adresse sur la force », dira l’un des membres fondateurs), déplaisent fortement aux pro-rugby menés par Campbell de Blackheath FC. L’un des points de contention majeurs est le hacking (ou shinning) que le clan Campbell voudrait ardemment conserver et qui, protestent-ils, figurait dans le brouillon de réglement établi par ce bon Ebenezer ainsi que dans les points acquis au cours des débats (ce point crucial n’aurait été changé que sur le tard, rendant les pro-rugby furieux). Campbell s’insurge :

« Le coup de savate au tibia [hacking] est un aspect essentiel du vrai football. Si vous l’enlevez des règles, alors vous éliminerez de ce sport toute notion de courage et de bravoure. »

Les dirigeants de Blackheath FC, en minorité, s’inclineront et, avec une vingtaine d’autres clubs, iront créer leur propre sport : le rugby (la Rugby Football Union – fédé anglaise du rugby à XV – sera fondée en 1871).

Parallélement, la Football Association se dote d’un réglement intérieur, 9 règles qui tiennent en quelques lignes (plus de 600 pages aujourd’hui pour le FA rulebook, Lois du jeu comprises !).

Après vingt ans d’atermoiements, plus de temps à perdre et le premier match disputé suivant les nouvelles règles se déroule onze jours après l’établissement des Lois du jeu, le 19 décembre 1863 : 0-0 entre Richmond et Barnes (le club d’Ebenezer Cobb Morley, qui dispute le match [8]).

Ces nouvelles règles stimulèrent l’esprit compétitif et nombre de clubs se créa dans la foulée. Parmi les plus connus : Notts County en 1862 – mais date très controversée, décembre 1864 selon Keith Warsop, historien des Magpies -, Stoke City 1863, Wrexham FC 1864, Nottingham Forest 1865, Chesterfield FC 1866, Sheffield Wednesday 1867. Les premiers vrais derbys purent avoir lieu, notamment entre Notts County et Forest (le tout premier étant bien sûr Hallam FC v Sheffield FC, disputé pour la première fois le 26 décembre 1860 et récemment ici. Hallam qui a recruté gros cet été, enregistrant l’arrivée de… Chris Waddle, ci-dessous – il habite dans le coin depuis 20 ans).

Modifications et évolutions

Jusqu’à la fin du XIXè siècle, les modifications et ajouts seront nombreux (L’IFAB est créée en 1882). Parmi les plus significatifs :

– 1865 : une bande/corde doit être installée entre les deux poteaux, à une hauteur de 8 pieds (2,44 m). La barre transversale, d’abord en bois, ne se généralisera qu’à partir du début des années 1880 (rendue obligatoire en 1882). Avant 1863, si la longueur avait déjà été fixée à huit yards, aucune hauteur n’était spécifiée ! (Francis Jeffers aurait adoré).

– 1866 : la passe vers l’avant est autorisée et un vrai hors-jeu est introduit : un joueur est désormais hors-jeu s’il y a moins de trois joueurs entre lui et la ligne de but adverse. Ce bouleversement va favoriser le lent essor d’un embryon de jeu de passe, technique alors inexistante.

– 1867 : le nombre de joueurs est fixé à 11 par équipe (pourquoi 11 ? Voir [9]).

– 1869 : le coup de pied de but (goal kick) est introduit, mais comme le marquage du terrain n’existe pas encore (dessin 1863), on place le ballon un peu vaguement devant le but. Ce n’est qu’en 1891 qu’un marquage clair est introduit et il faudra attendre 1902 pour voir apparaître un marquage tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec l’ajout du « D » à la surface de réparation en 1937.

Dans ce superbe clip de 1901 (Newcastle-Liverpool), on voit bien – à 1 minute – que la surface de réparation était arrondie, un peu comme au handball aujourd’hui. Un an plus tard, elle sera totalement redessinée.

– 1871 : la position de gardien est officiellement reconnue par la FA et lui seul peut désormais toucher le ballon avec les mains.

– 1872 : le corner (semblable à aujourd’hui) remplace le « corner » exécuté jusqu’alors comme un coup-franc et tiré à 15 yards de la ligne de but, là où le ballon était sorti.

– 1873 : la règle du hors-jeu est modifiée : le hors-jeu est signalé au départ du ballon et non plus à son arrivée.

– 1874 : Sam Widdowson, cricketteur et footballeur puis arbitre, invente les protège-tibias, qui rentreront dans les lois du jeu bien plus tard (accessoirement, ce futur international anglais et arbitre développa aussi la formation 2-3-5, dite « pyramide » ; ce sera le dispositif standard des années 1890 à la Seconde guerre mondiale, avec quelques variantes parfois).

– 1877 : la durée de match est fixée à 90 minutes.

– 1878 : l’arbitre peut utiliser un sifflet. Avant, c’était armé d’un mouchoir blanc qu’il tentait de se signaler aux joueurs…

– 1891 (année charnière pour les lois du jeu, car professionnalisation en 1885 et création de la Football League à 12 clubs en 1888, les choses très sérieuses commencent donc) : la direction du match par un seul arbitre officiel de terrain devient obligatoire et la fonction de juge de ligne est créée (la présence d’un umpire – nom emprunté au cricket – était cependant habituelle depuis les années 1870, c’était même souvent deux arbitres qui se partageaient le terrain, avec parfois un arbitre « général » sur la ligne de touche. Pré-1885, le football était amateur et en l’absence d’un arbitre, c’est souvent le fair-play cher aux Victoriens – hormis les ancêtres de Lee Dixon – qui prévalait. Le cas échéant, les deux capitaines tranchaient).

– 1891 : le pénalty, sans doute emprunté au rugby, est introduit en juin (on pouvait le tirer n’importe où de la ligne des 12 yards) après un incident lors d’un ¼ de finale de FA Cup où un défenseur toucha le ballon sur la ligne de but. Un coup-franc fut accordé – sur la ligne de but donc – que le gardien bloqua évidemment facilement. cet incident déclencha une telle controverse que les lois du jeu furent changées. Le tireur peut alors toucher le ballon plusieurs fois (beaucoup s’avancent vers le but et fusillent le gardien à bout portant). Un an plus tard, il est interdit au tireur de toucher le ballon une seconde fois (mais il est permis de le tirer à deux, si possible avec plus de succès que le duo Pirès-Henry).

– 1891 : les filets de but sont rendus obligatoires en septembre après des essais concluants la saison précédente. Le premier joueur à les faire trembler en match officiel est Fred Geary d’Everton (le premier grand avant-centre Toffee) contre Notts County en janvier 1892.

– 1891 : le temps additionnel est introduit, après un incident lors d’un Aston Villa-Stoke City. A l’avant-dernière minute du match, alors que Villa mène 1-0, l’arbitre accord un pénalty à Stoke. Le gardien de Villa  balance alors le (seul) ballon hors du stade pour empêcher les adversaires de récupérer le ballon à temps. Stratagème réussi, l’arbitre est obligé de siffler la fin du match à la 90è minute. Cet acte antisportif fut considéré comme une injustice terrible et les règles furent modifiées (comme quoi les embrouilles impliquant Stoke ne datent pas d’hier).

Si les lois du jeu ont bien changé depuis 1863, il n’en reste pas moins que l’élan insufflé par quelques mordus il y a 150 ans a largement façonné le football moderne. Un sport qui mit cinquante ans avant de décoller, et ne prit son envol que grâce à un livret de dix pages vendu 1 shilling et 6 pence. Un minuscule bouquin à 7 centimes d’euros qui changea notre monde.

Kevin Quigagne.

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[1] Entre-temps, quelques semaines avant le meeting du 26 octobre, nos amis de Cambridge University (qui ne lâchent pas facilement le morceau !) ont fait publier dans la presse une troisième proposition des règles du jeu. C’est donc la cinquième codification depuis la première en 1848 (Cambridge 1848, Cambridge 1856, Sheffield 1858, Uppingham 1862, Cambridge 1863) et s’inscrit dans cette filiation qui a abouti à l’élaboration des Lois du jeu d’aujourd’hui.

[2] Seul le club amateur londonien du Civil Service FC (alors appelé War Office) existe toujours.

[3] Les lois du jeu ne seront pas discutées lors du premier meeting qui se borne à créer la fédération ainsi que ses statuts intérieurs, les 9 « Rules of the Football Association » (seule fédération qui ne précise pas sa nationalité car première du genre, on était alors loin de se douter que 208 autres suivraient !). La terminologie du jeu est aussi clairement définie (place kick, fair catch, hacking, free kick, tripping, etc.).

Au cours des réunions suivantes, il sera décidé que ce nouveau sport s’appellera officiellement « association football » pour le différencier de sa forme la plus dure que ses défenseurs (rugbymen) veulent désigner officiellement « rugby football » ainsi que de toute autre forme de football (dans le sens « jeu de ballon hybride main/pied »). Voici le registre (d’une valeur de 2,5M £) où furent consignées les minutes des premières réunions de la FA et d’autres données, actuellement exposé à la British Library.

[4] Le manuscrit des Rules of Association Football de 1863 est exposé au National Football Museum de Manchester, ici.

[5] La traduction de projecting nail par « écarte-narines » – règle 13 – étant notamment fort intrigante !

[6] Le place kick est alors une sorte de remise en jeu (« a kick at the ball while it is on the ground in any position which the kicker may choose to place it » étant la definition officielle de l’époque). Dans le contexte de la règle 2, ce place kick devient le coup d’envoi.

[7] Le terme fair catch est traduit dans le wiki français par « arrêt de volée » mais cette traduction peut induire en erreur. Voici la définition officielle telle qu’elle figure dans le livre The Rules of Association Football 1863 sus-cité :

« A Fair Catch is when the ball is caught after it has touched the person of an adversary or has been kicked or knocked on by an adversary, and before it has touched the ground or one of the side catching it; but if the ball is kicked from behind the goal line, a fair catch cannot be made. ».

Afin d’éviter toute confusion, il convient donc de préciser que :

a) la position de gardien n’existait pas en 1863 (le terme fut officiellement introduit dans les règles en 1871 par la FA), il ne s’agissait donc pas d’un arrêt mais plutôt d’une prise ou réception de balle.

b) jusqu’en 1871, l’usage des mains était permis mais se limitait à une « réception franche » (fair catch) : on pouvait passer le ballon avec la main mais « à condition qu’il soit réceptionné franchement ou au premier rebond par un coéquipier ».

L’usage de la main sera définitivement proscrit en 1871, date de l’introduction du terme goalkeeper dans les lois du jeu publiées par la FA.

[8] Un match Barnes-Richmond était prévu le 19 décembre prochain dans le cadre des commémorations de ce 150è anniversaire mais aucun de ces clubs n’existant, la FA a organisé un match dans le parc de Buckingham Palace entre un club formé en 1875 (Polytechnic FC) et le seul club présent lors des réunions de 1863 et encore existant, le Civil Service FC – voir [1].

[9] Deux théories coexistent :

a) les dortoirs des public schools étaient souvent organisés en chambres de 11 ou de 10 + 1 surveillant

b) le foot a imité le cricket qui se joue à 11

L’hypothèse b) semble plus plausible car on ne jouait pas à 11 dans les public schools prè-1860 mais à 10, 12, 16, 20 joueurs ou plus (il semble cependant qu’on joua souvent à 11 à Eton, dès le début des années 1840), cela dépendait en fait de la longueur très variable du terrain (parfois 300 mètres de long). Il a été dit que le chiffre initial fut de 10 et qu’en ajoutant le gardien, on arriva à 11. Peu probable, car quand le chiffre de 11 devint la norme, au tout début des années 1860, le poste de gardien n’existait pas. Un autre élément tendrait à favoriser b) : le fait que le football s’inspira du cricket pour l’établissement et l’unification de règles communes ; or, le cricket était très pratiqué dans les public schools dont étaient issus tous les fondateurs de la Football Association (sauf les deux principaux, Morley et Pember).

La réponse se trouve probablement dans une combinaison de a) et b) : si le cricket adopta 11 joueurs à la fin du XVIIIè, c’était peut-être dû à l’organisation des dortoirs/chambrées des public schools.

Il y a 150 ans cette semaine, le lundi 26 octobre 1863, une poignée de passionnés se réunissaient dans un pub londonien, le Freemasons’ Tavern, pour fixer quelques règles communes de jeu. La première fédération de football au monde, la Football Association, était née et le football moderne avec.

Si vous visitez Londres, ne cherchez pas le Freemasons’ Tavern, il n’existe plus [1]. Mais sa legacy est universelle : les premières lois du jeu du football y ont été édictées et la Football Association y fut créée. Parmi les hommes à l’origine de cette révolution, deux dirigeants de club jouèrent un rôle déterminant : Ebenezer Cobb Morley (ci-dessous, à gauche) et Arthur Pember. A ce titre, ces deux pionniers injustement méconnus sont considérés comme les deux principaux pères fondateurs du football [2].

Une brève histoire de la FA en photos.

1830-1848 : l’élite scolaire prend les rênes

Avant les années 1830, et contrairement aux idées reçues, le football d’en bas existait bien, à une micro échelle (un jeu de balle, à tout le moins – on recense même un club créé en 1824 à l’université d’Edimbourg, The Foot-Ball Club [3]). Il s’était développé dès le 16è siècle parallèlement à la soule (appelée mob football ou folk football), ce combat de rue généralement considéré comme lointain parent du football (ou du hooliganisme, c’est selon) et perpétué avidemment en Angleterre lors des Mardi Gras turbulents (Shrove Tuesday) et jours fériés où les excès étaient de rigueur.

Toutefois, peu à peu, ce football allait s’éteindre (l’intensité de la révolution industrielle, ainsi que son dévorant besoin d’espace, lui portant notamment un coup fatal) et ce sont les universités et Public Schools, ces écoles privées réservées à l’élite et propriétaires de vastes domaines, qui reprennent le flambeau pour résusciter l’agonisant au milieu du XIXè siècle. Un problème majeur se pose alors à ces jeunes gens élevés dans un esprit victorien très compétitif : chaque école a son propre code (fluctuant), ce qui rend les rencontres inter-scolaires impossibles. La solution est donc d’adopter des règles communes à tous. Si le principe est simple, son application s’avèrera autrement plus compliquée.

Un autre élément souvent occulté va favoriser l’éclosion d’une codification unifiée : la révolution industrielle. L’industrialisation effrénée du pays – qui entraîne des bouleversements si soudains et profonds que Friedrich Engels comparera la révolution industrielle britannique à la révolution française – s’accompagne d’un changement radical des mentalités. A mesure que la société se civilise, les classes dirigeantes, puis le peuple, tolèrent de moins en moins la brutalité de ce sport qui ressemble alors bien plus à une violente forme de rugby qu’au football. Les nombreuses pétitions qui exigeaient la disparition de la soule deux décennies auparavant – « trop moyenne-âgeuse » se scandalisait-on – sont remplacées par des voix s’élevant contre ce football sauvage pratiqué dans les public schools et universités.

1848 : les Cambridge Rules, ancêtres des lois du jeu

Le besoin d’uniformisation des règles se fait pressant et c’est de Cambridge que vont venir les prémices du salut. La célèbre cité universitaire est alors pionnière en matière sportive et une forme de football très viril est prisée des étudiants du cru depuis des centaines d’années. La légende locale veut que le notoire Oliver Cromwell, sorte de Napoléon anglais (toujours aussi haï en Ecosse et surtout en Irlande 400 ans après), ait été un brillant footballeur pendant son embryon d’études à Cambridge au début du XVIIè siècle. L’un des poumons verts de Cambridge est Parker’s Piece, une vaste étendue de dix hectares où se pratiquent toutes sortes d’activités depuis des siècles, parmi lesquelles le football occupe une place de choix (Parker’s Piece revendique régulièrement la paternité du football « moderne et organisé »).

La statue de

La statue de W. Webb Ellis (inventeur contesté du rugby) devant Rugby School

Ce sont les dénommés Henry de Winton et John Charles Thring qui donnent les premiers l’impulsion pour une codification du football (JC Thring refera parler de lui, voir plus bas). En octobre 1848, au terme d’une réunion houleuse de huit heures à Trinity College, les Cambridge Rules [4] sont établies par quatorze étudiants de l’université issus de cinq lycées huppés (Eton, Harrow, Rugby, Shrewsbury et Winchester), chacun défendant le bien-fondé des règles de son alma mater.

Deux clans et philosophies de jeu s’opposent alors clairement : les anciens d’Eton College, partisans d’un football essentiellement pratiqué au pied (souvent appelé le dribbling game [5], développé vers 1845 et parfois joué à 11 v 11), et ceux de Rugby School, prestigieuse public school du centre du pays, défenseurs d’une version bien plus musclée du sport, un football rugbystique où l’utilisation des mains est généralisée (appelée le handling game, type de football que Rugby School codifia en août 1845, mais en interne seulement – ces 37 règles furent d’ailleurs publiées dans un livret intitulé « The Laws of Football played at Rugby School »).

Dans le compromis quelque peu boîteux qui émerge, c’est la vision policée des ex Etonians qui s’est imposée. Ces règles introduisent notamment une sorte de touche, les passes en avant (alors interdites), le coup de pied de but et un principe qui pose un jalon fondamental dans l’évolution formative du football :  l’interdiction de courir ballon en main.

1848-1862 : l’anarchie entraîne l’immobilisme

Las, en l’absence d’une instance nationale, une grande confusion règne et les Cambridge Rules tombent vite en désuétude, chaque établissement préférant conserver ses traditions, forcément meilleures que celles du voisin. Parfois, comme à Rugby School, les règles varient même d’une classe ou d’un groupe d’âge à l’autre…

Certaines pratiques en vigueur sont déroutantes et l’inexistence d’un semblant de norme est problématique, même le ballon peut considérablement varier d’un endroit à l’autre (question taille, poids ou même forme). A  Winchester School, les deux poteaux de buts doivent obligatoirement être… des joueurs. A Charterhouse School, les cloîtres servent de terrain et les piliers de buts. A Eton, Nottingham et autour de Sheffield, on peut scorer un « rouge » (le terme vient du hockey sur gazon, alors à la mode), un croisement complexe entre essai de rugby, corner et but (tout en sachant que le but peut s’étendre sur toute la largeur du terrain !).

avant, les beaux piliers servaient de buts

Les cloîtres de Charterhouse School : avant, les beaux piliers servaient de buts

Force est de constater que la période 1848-1862, après avoir beaucoup promis, a engendré l’immobilisme, voire la régression (les débats animés ayant ravivé quelques vieilles rancoeurs et fait naître de nouvelles). Un facteur explique cette inertie : les rapports entre écoles sont sous-tendus par de profonds préjugés et antagonismes. Eton prend Rugby de haut et considère leur rugueux football comme « vulgaire », tandis que Rugby juge celui d’Eton « efféminé ». Un snobisme de caste envenime les relations entre établissements. Les plus historiques et prestigieux, tels Eton ou Westminster, voient d’un mauvais oeil l’ascension d’écoles récemment créées qui, conjecturent-ils, cherchent simplement se faire un nom. Certains membres de la vieille garde refusent même d’affronter ces « arrivistes », ne considérant pas cet adversaire comme « de vrais gentlemen ». Ces rivalités hautaines et stériles vont stopper la progression du football, au moment où l’élaboration des Cambridge Rules aurait dû le faire décoller.

1862 : les prémices du schisme football-rugby

La standardisation des règles s’annonce d’autant plus difficile que, reflet de la révolution industrielle, de robustes régionalismes apparaissent, surtout dans le nord du pays, à la fois berceau de cette révolution et de l’essor du football (logique, puisque son développement est lié à la révolution industrielle).

En octobre 1858, les Sheffield Rules sont créées (ci-dessus – officiellement nommées Rules, Regulations & Laws of the Sheffield Foot-Ball Club). Inspirées des Cambridge Rules, elles seront progressivement modifiées et utilisées dans un vaste rayon autour de Sheffield jusqu’en 1877, coexistant avec les règles établies par la FA en 1863. En mars 1867, Sheffield crééra même sa propre fédération, la Sheffield Football Association, mais rentrera dans le rang dix ans plus tard (le seul exemplaire existant des Sheffield Rules, et qui appartenait à Sheffield FC, le plus vieux club au monde toujours en activité, a été vendu 881 250 £ aux enchères par Sotheby’s en 2011 –  voir clip. Un tournoi, disputé selon les Sheffield Rules, s’est récemment déroulé à Sheffield).

Sheffield FC

Sheffield FC, à sa création en 1857

En 1862, une version réactualisée des Cambridge Rules est élaborée par… John Charles Thring, le principal co-initiateur des Cambridge Rules 1848 et désormais enseignant à Uppingham School, une école progressiste qui a épousé avec enthousiasme les idéaux victoriens d’effort physique salutaire pour le corps et l’esprit. L’activité sportive, devenue synonyme d’ordre et de discipline, est alors en vogue mais doit désormais s’exercer dans un cadre structurant (c’est l’ère de la « masculinité victorienne »).

Ces nouvelles Uppingham Rules, appelées également « The Simplest Game » et similaires aux Cambridge Rules, réitèrent plusieurs points essentiels de 1848 en restreignant leur portée : l’interdiction de faire des crocs-en-jambe, de mettre des coups et d’utiliser ses mains hormis pour arrêter le ballon et le poser devant soi (avant de continuer l’action). Les footballeurs de Rugby et d’ailleurs qui militent pour un football rentre-dedans accusent le coup.

La situation semble donc se débloquer et c’est cette période favorable que choisit un certain Ebenezer Cobb Morley pour entrer en jeu. Mais pour convaincre les footeux pro-rugby que leur version du sport est moche et archaïque, ce bon Ebenezer va devoir entrer tête la première dans la mélée…

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] Enfin si, mais plus dans son jus. Le superbe Freemasons’ Tavern, ancien QG art déco des francs-maçons anglais, fut transformé et rebaptisé Connaught Rooms en 1905, en l’honneur du Duke de Connaught, l’un des fils de la Reine Victoria. Ce lieu mythique situé tout près de Covent Garden est aujourd’hui le Grand Connaught Rooms, un centre réputé de réunions/galas/soirées/événementiel (qui compte parmi ses clients réguliers nombre d’acteurs du foot et sport anglais, dont la FA, la Football Supporters’ Federation, la Football Writers’ Assciation, la Sports Journalists’ Association, etc.). Samedi 26, la FA célèbrera le 150è anniversaire au Grand Connaught.

[2] Les frères Alcock (Charles et John), fils d’un riche armateur de Sunderland, jouèrent également un rôle clé dans le développement du football. Charles Alcock est notamment le fondateur des fameux Wanderers FC, sud de Londres – cinq fois vainqueur de la FA Cup – et surtout le créateur de la Football Association Challenge Cup (FA Cup), dont la première édition se déroula en 1871-72. Une version bien différente d’aujourd’hui : seuls 15 clubs y participèrent, tous londoniens ou région – sauf Queen’s Park FC, Glasgow – et 15 matchs furent disputés seulement. Wanderers FC remporta la première finale, devant 2 000 spectateurs et fut dissous en 1887 puis refondé en 2009. Ils évoluent en D12 et, avec 5 FA Cups dans leur trophy cabinet, possèdent probablement le plus beau palmarès au monde pour un club de quartier !

Par ailleurs, la FA a retrouvé quelques descendants des huit pères fondateurs et une cérémonie a eu lieu hier (21 octobre) en leur honneur à Wembley.

[3] Club créé par un étudiant, John Hope, et qui peut légitimement revendiquer le titre de premier club « structuré » au monde, même s’il n’exista que 17 ans. Ce club avait établi ses propres règles et compta jusqu’à 80 licenciés. Sheffield FC (actuellement en D8), est le plus vieux club non scolaire au monde, fondé en 1857 par des cricketters qui s’ennuyaient l’hiver venu (le cricket ne se pratique que d’avril à septembre en Angleterre – thank God serait-on tenté d’ajouter).

[4] Il ne reste malheureusement aucune trace écrite des Cambridge Rules, seule subsiste une version révisée datant approximativement de 1856. Elle est conservée à la bibliothèque de Shrewsbury School, lycée des deux instigateurs des Cambridge Rules, Henry de Winton et John Charles Thring.

[5] Dribbling = conduite de balle, dans ce sens (ce terme signifie aussi « technique de dribble » bien entendu). Ni tactique ni positionnement n’existait vers 1850-1860 (même jusqu’au début des années 1880 en Angleterre, au contraire de l’Ecosse, bien plus avancée dans ce domaine), le modus operandi consistant le plus souvent à balancer le « ballon » devant [une vessie de boeuf ou cochon] et courir en masse derrière. Quand un joueur parvenait à contrôler le ballon et filer vers le but, ses coéquipiers l’entouraient pour le protéger des brutalités.

Eton College et Harrow, où le dribbling game a été développé, souhaitaient voir émerger un football moins primitif et violent, avec peu de jeu à la main et basé sur la conduite de balle, mais pas encore sur la passe (passer en avant était interdit et passer latéralement ou en arrière était rare). Sans trop entrer dans les détails, la passe n’arrivera véritablement en Angleterre qu’au début des années 1880 grâce aux Ecossais (même si quelques clubs anglais, tel Sheffield FC, avaient réfléchi au problème avant QPFC – voir le wiki sur le Combination Game) et en particulier grâce au club avant-gardiste de Queen’s Park FC (Glasgow), tenant d’un amateurisme pur et dur – au point que certains de ses joueurs refusèrent des sélections nationales (tel l’Anglais JB McAlpine dans les années 1920). Une dizaine d’années avant tout le monde, QPFC utilisa des dispositifs de jeu révolutionnaires pour l’époque (fin des années 1870), notamment le 2-3-5 alors que les clubs (anglais surtout), si d’aventure ils utilisaient un semblant de schéma tactique, jouaient en 2-2-6. Le 2-3-5 se généralisera à partir des années 1890. Quand les clubs anglais recrutèrent en masse des joueurs écossais, à partir de 1880, ces derniers introduisirent le jeu de passe en Angleterre.

Alors,

a) pourquoi les Anglais firent-ils venir des Ecossais ? et

b) Pourquoi les Anglais n’avaient-ils pas développé le passing game ?

a) Parce que les Ecossais, qui maîtrisaient le jeu de passe, étaient meilleurs que les Anglais et les clubs anglais les payaient généreusement, même avant la professionnalisation en 1885. Le football ne fut professionnalisé qu’en 1893 en Ecosse et dès l’essor du sport en Angleterre à partir des années 1880, beaucoup d’Ecossais irent jouer chez le voisin anglais, surtout dans le Nord. Le surnom du club de Queen’s Park FC, The Spiders, est tiré du jeu de passe « en toile d’araignée », cette toile qu’ils tissaient pour étouffer leurs adversaires (une autre version plausible et largement répandue sur l’origine de leur surnom existe – ici par exemple – mais il semblerait qu’elle ne soit pas avérée. Il convient toutefois d’être prudent avec ces versions, l’histoire du football vers 1870 se transmettant principalement de manière orale, surtout pour les questions de moindre importance comme le surnom).

b) Car la vieille garde, tenante d’un amateurisme pur et dur, considérait la passe comme un acte « lâche » et « contre l’esprit du jeu ». La professionnalisation et le fort apport de joueurs écossais feraient vite disparaître ces idées victoriennes faussement nobles.

Elément clé de la vie d’un club, le Fanzine foot est une géniale spécialité british dont les Continentaux ignorent souvent les charmes. Le temps est donc venu d’organiser un dépucelage de masse. Et, tant qu’à faire, autant choisir la créature la plus sexy du genre : A Love Supreme, le multi-primé zine de Sunderland et (presque) officiellement élu Meilleur Fanzine de la planète. Rencontre initiatique avec Martyn McFadden, son rédacteur en chef anti langue de bois.

Mieux vaut lire l’introduction de cette interview. Suite de la deuxième partie, l’interview avec Martyn McFadden, rédac’ chef de A love Supreme (ALS, 2,50 £, mensuel, sauf intersaison) fanzine le plus primé du football britannique : 8 titres de UK Fanzine of the Year (1994, 95, 97, 98, 99, 2001, 2008 et 2009 – voir ici), 4 places de dauphin et une multitude d’awards supplémentaires, dont plusieurs pour le site internet (soit, à vue de nez, 12 fois plus que les 3 fanzines de Newcastle United réunis).

Interview (suite et fin)

Martyn, parlons de Newcastle United… Dans cette étude sur les fanzines, le rédac’ chef de feu Talk of the Tyne (zine de Newcastle) disait avoir constaté un changement de mentalité dans l’univers fanzine depuis quelque temps. Selon lui, au lieu d’être la voix des supps, beaucoup seraient devenus conventionnels et trop tendres avec leur club, au point de ressembler à « un programme de match ». Es-tu d’accord ?

Pas trop, non. J’entends des gars dire parfois « Les fanzines c’était mieux avant, c’est plus ce que c’était, etc. ». Et d’autres : « Ah ouais, les fanzines, c’est comique, on se marre bien ». C’est tout ce qu’ils semblent avoir retenu du fanzine, alors qu’en fait, non, un zine n’est pas fondamentalement marrant ou comique même si on fait de l’humour, ce qu’on écrit est sérieux.

Je pense que si des gens nous assimilent au programme du match, c’est surtout d’un point de vue esthétique. Au fil des ans, les fanzines ont tellement progressé niveau présentation qu’ils ressemblent désormais aux programmes officiels. Il faut s’améliorer pour vendre et survivre de toute manière, il a fallu faire la différence sur les étagères archipleines des marchands de journaux, alors certains font un amalgame un peu facile.

Donc pour toi, le gars de Talk of the Tyne était à côté de la plaque ?

Tu sais, on entend parfois : « J’adorais les deux premiers albums d’Oasis mais le troisième était mauvais ». Pourtant, c’est le troisième qui s’est le mieux vendu, c’est donc celui qui a le plus plu aux gens. Quelques années après les débuts de A Love Supreme, des gens nous disaient : « Ah, j’adorais les premiers numéros d’A Love Supreme ». Alors que bon, quand tu examines ces premiers numéros, ils étaient bourrés de fautes, de lourdeurs et j’en passe. Et pis bon, le gars dont tu parles est un supp de Newcastle hein, probablement pas super intelligent donc ! [rires gras – illustration ci-dessous]

D’ailleurs, au démarrage du mouvement fanzine, les mecs faisaient leur zine au bureau ! Car t’avais ni photocopieur, ni ordinateur, ni imprimante à la maison et le meilleur matos se trouvait au boulot. Un tas d’histoires circulent sur des gars qui, tout en bossant, concoctaient leur fanzine en douce !

Ouais, exactement, les fanzines ont vraiment commencé de manière hyper informelle et artisanale, c’était quelques potes qui se disaient « Tiens, et si on écrivait sur notre club et donnait la possibilité aux autres de donner leur avis » mais qui n’avaient aucun équipement. Personne n’a commencé ça dans l’optique d’en faire son métier ou son business.

Maintenant, c’est différent, pas mal de fanzines emploient du personnel à temps plein et ont développé leurs activités. Par exemple nous, on a une boutique, un site internet florissant, on organise des déplacements, on publie des livres, produit de la musique, etc. On essaie sans cesse de se diversifier.

Les mecs qu'avaient David Brent comme boss étaient avantagés pour monter leur zine au bureau

Les mecs qu'avaient David Brent comme boss étaient super avantagés pour monter leur zine au bureau

Vous avez sorti des disques sur le foot ?

Oui, deux. En 1995-1996 d’abord, la saison où Peter Reid arrive, on monte en Premiership et on sort Cheer Up Peter Reid [clip – des supps de Newcastle ont produit ce clip pastiche bien limite, ndlr]. Ça a bien marché d’ailleurs, c’était basé sur la mélodie de Daydream Believer des Monkees. On s’était classé dans les 40 meilleures ventes au hit-parade et même Numéro 1 au classement NME des charts indépendants, et vu qu’Oasis était numéro 2, on n’était pas mécontent ! Puis vers 2000, on a sorti Niall Quinn’s Disco Pants [l’Irlandais N. Quinn – 92 capes – est une Sunderland legend]. Avant de démarrer ALS, je faisais partie d’un groupe, j’ai gardé pas mal d’amis et contacts dans ce milieu.

Tu n’écris plus trop dans ALS d’ailleurs ?

Non, je n’écris plus beaucoup car je suis très occupé. Si on fait une analogie musicale, mon rôle s’apparente plutôt à celui de chef d’orchestre. Mais, avec mon associé, je vérifie tout avant chaque sortie de numéro et ça prend beaucoup de temps.

« Sex and Chocolate, 1 £ only »

Neuf ans après avoir lancé A Love Supreme, tu as démarré un autre fanzine de Sunderland au titre amusant, Sex & Chocolate aren’t as good as football (1998-2003, 37 numéros, 1 £). Malheureusement, il a cessé de paraître au bout de cinq ans.

Ouais, j’avais démarré ça via mon groupe ALS Publications, c’était censé être le petit frère d’ALS car comme on recevait trois fois plus de contributions spontanées qu’il nous en fallait, on décida de créer un ALS bis, mais un zine plus mordant tu vois, plus edgy. L’idée avec Sex & Chocolate (S & C), c’était justement de répondre à une demande, à ces lecteurs qui nous disaient : « ALS, c’était bien mieux au début quand ça envoyait du bois, que c’était caustique, brut de décoffrage, etc. ». Gérer deux fanzines était très chronophage, on devait décider quel article mettre dans quel fanzine, etc. Ce n’était pas juste une question de faire un tri et basta. On l’a arrêté pour pas mal de raisons en fait mais surtout parce qu’on voulait se concentrer davantage sur ALS qui, après le déménagement au Stadium of Light en 1997, acquit des locaux et prit une dimension supplémentaire. Et aussi pour développer le site Internet d’ALS [ci-dessous, souvent primé lui aussi, ndlr].

La gouaille des vendeurs de S & C criant « Sex and Chocolate, 1 £ only » dans les rues de Sunderland ou devant le Stadium of Light est restée ancrée dans le folklore local d’ailleurs !

Oui, effectivement ! Les jours de match, nous avons une quinzaine de vendeurs autour du stade principalement et c’était un slogan publicitaire accrocheur qui amusait beaucoup.

Belle expérience en tout cas, j’ai lu que Sex & Chocolate fut élu 2è Meilleur Fanzine du Royaume-Uni une année, derrière… A Love Supreme. Superbe doublé !

Ouais, c’était pas mal mais j’avais pas trop le temps à cette époque, je faisais beaucoup de musique. Bref, après 5 ans, on a dû arrêter l’expérience.

Parmi ces dizaines de textes et articles que tu reçois chaque mois, comment décides-tu de ce qui va sortir, t’as une méthode rapide et efficace au-delà d’un jugement purement qualitatif ?

Ouais, avec mon adjoint, on fait des piles par sujets ou thématiques et on leur attribue des notes sur 10. Comme je te disais, je n’écris plus trop, désormais j’organise, je coordonne, corrige, reprends les textes, etc. Le nombre de gens qui t’envoient des articles en critiquant tel ou tel joueur ou le manager mais sans être foutus d’épeler leur nom correctement… Bon, en général, ceux-là ne sont pas publiés !

Je crois que ALS Publications est impliqué dans la production d’autres fanzines, n’est-ce pas ?

Oui, on s’occupe du design de plusieurs autres fanzines, des zines nord-irlandais, d’un zine de Manchester City, appelé 0161, de celui de Stockport County, The Scarf That My Father Wore, et quelques autres.

Comprendrais-tu qu’un supporter de Sunderland puisse lire un fanzine de Newcastle United sans se cacher ?

Oui, bien sûr. Pour être honnête, on reçoit nous-mêmes des exemplaires de The Mag et True Faith et j’ai des collaborateurs qui les lisent pour voir ce que l’ennemi dit sur nous. En fait, je crois que pas mal de supps lisent les fanzines des rivaux ou autres clubs. Je sais par exemple que certains supps des Rangers à Glasgow lisent les fanzines du Celtic et vice-versa, même si les deux camps se haïssent. D’ailleurs, ces lectures croisées ont pour effet de les exaspérer encore plus… Plus ils lisent les fanzines de l’adversaire, plus ils sont énervés, c’est à se demander pourquoi ils lisent ça ! [rires]. Je crois que c’est la passion qui les emportent, cette obsession-fixation qu’ils font sur leur club.

Fin de l’interview.

Infos complémentaires sur le fanzine foot

– un fanzine compte une cinquantaine de pages en moyenne et il est presque toujours publié en format A5 (mais ça évolue, deux des trois zines de Newcastle sont en A4). Les fanzines contiennent peu de publicité (5 pages par numéro dans le cas d’ALS).

– le tout premier fanzine foot de club est The Zigger, de Barrow FC, créé en 1967 mais on ne sait pas grand chose sur cet obscur zine. Le premier véritable fanzine (général) est Foul, surnommé « Football’s First Alternative Paper ». Créé en 1972 par deux étudiants de Cambridge. Cessa de paraître en 1976 après 34 numéros et une action en justice pour diffamation intentée par un journaliste (Foul fut le premier à s’intéresser aux salades du football, par exemple en mettant son nez dans les affaires internes des instances). Gros tirage, jusqu’à 10 000 numéros. Ce fut un one-off car il fallut attendre le début des Eighties pour voir les suivants apparaître, une poignée seulement.

– le plus ancien fanzine toujours en activité est (The) City Gent, de Bradford City, créé en octobre 1984. Les bénéfices de ce zine dirigé par Mike Harrison sont reversés à Bradford City et le fanzine a également participé au financement du musée du club. Pour ceux qui possèdent le double DVD « Looking for Eric » de Ken Loach (le 2 Disc Special Edition) Mike Harrison y parle de Bradford City et City Gent au début du DVD 2, on le voit notamment le vendre devant et dans le stade. Ce documentaire traite, entre autres sujets, de la passion des supps pour leur club (Everton, Leeds, Man United, FC United of Manchester, Bath City – A week in the life of Bath City -, etc.) et des évolutions dans le supportérisme. A voir.

– le phénomène fanzine explosa à partir de la fin des Eighties. Les titres furent alors scrupuleusement répertoriés par When Saturday Comes et leur nombre passa de 22 en janvier 1988… à 215 un an plus tard !

En janvier 1992, ils étaient plus de 600 et en 1995, une étude conduite par l’universitaire Richard Haynes en dénombra 2 150, existants ou ayant existé (certains ne faisaient que quelques pages et tiraient à une poignée d’exemplaires). La British Library de Londres s’efforce d’en recenser le plus possible, une tâche difficile car beaucoup ne sont pas, ou n’étaient pas, des publications officielles (la BL a plus de 1 000 titres en magasin). Selon cet article, plus de 350 titres existaient en 2008.

Des noms de titres parfois très spéciaux !

L’une des caractéristiques du fanzine est son nom parfois étrange, voire sans grand rapport avec le club. Quelquefois, une phrase marrante entendue à la buvette ou dans les toilettes sera utilisée comme titre ! C’est souvent dans les petits clubs qu’on trouve les titres les plus insolites. Voici parmi les plus originaux ou carrément excentriques (disparus ou encore actifs) :

– Brian Moore’s Head Looks Uncannily Like London Planetarium = la tête de Brian Moore ressemble étrangement au planétarium de Londres (titre d’un fanzine de Gillingham FC pendant 18 ans, ici – et parole d’une chanson du groupe Half Man Half Biscuit). Moore était un commentateur sportif et, un temps, membre du directoire des Gills, seul club professionnel du Kent (en D3 cette saison).

War of the Monster Trucks (Sheffield Wednesday, explication du titre bizarre ici)

– My Eyes Have Seen The Glory, Tottenham

– The Gibbering Clairvoyant (Dumbarton), La voyante qui délire

– 4,000 Holes (Blackburn – en référence à une chanson des Beatles)

– Where’s The Money Gone? (Darlington), Où est passé l’argent ?

– Gary Mabbutt’s Knee (Coventry – Mabbutt est bien sûr une Tottenham Legend mais lors de la finale de FA Cup 1987 entre Coventry et les Spurs, son genou mis le joli but contre son camp de la victoire pour Coventry, dans les arrêts de jeu)

– Roger Connell’s Beard (Wimbledon), La barbe de Roger Connell (joueur Don de 1974 à 1979)

– Ground Control to Wendy Toms (Woking), Bel hommage à Toms, qui fut la première femme à officier comme arbitre dans un match de football masculin en Angleterre (un match opposant Woking à Telford, D5, en 1996, d’où le titre du fanzine)

– It’s Half Past Four And We’re 2-0 Down (Dundee FC), Il est 16 h 30 et on est mené 2-0

– On Suicide Bridge (Abingdon Town)

The Deranged Ferret! (Lincoln City), Le Furet dérangé !

– Where’s the bar? (fanzine représentant le monde amateur)

– Sick In The Basin (Partick Thistle – club glasvégien), J’ai vomi dans le lavabo

– Liverpool are on the tele again! (Norwich City), Encore Liverpool à la télé !

– Aye Aye Rhubarb Pie! (Bradford Park Avenue), Oui Oui, une tarte à la rhubarbe !

– Revenge Of The Killer Penguin (Bath City)

– Where’s the Vaseline? (Billericay Town)

– Keegan Was Crap Really (Doncaster Rovers), Keegan était nul à chier en fait

– The Keeper Looks Like Elvis (Kidderminster Harriers), Le gardien ressemble à Elvis

– Rebels without a Clue (Slough Town), Des Rebelles qu’ont rien compris

Dial M for Merthyr (club gallois de Merthyr Tydfil, inspiré du cinéma tout comme le précédent, ici Dial M for Murder d’Alfred Hitchcock)

– What have I done to deserve this? (Nuneaton Borough), Qu’ai-je fait pour mériter ça ?

– Linesman, you’re rubbish (club gallois d’Aberystwyth = Eh l’ juge de ligne, t’es nul).

Sur le même thème arbitral : Get a grip Ref (Scunthorpe United), Reprends-toi l’arbitre ; Flippin’ Heck Ref That Was A Foul Surely (Waterlooville), Bon sang l’arbitre, y’avait faute là dessus.

Et dans la série « coup de pied aux fesses stimulant » : A kick up the Rs (QPR), un coup de pied au cul (Rs est phonétiquement proche de arse) et Up the Arse d’Arsenal (qui signifie à la fois « Dans le cul » et « Allez Arsenal »).

Kevin Quigagne.

Elément clé de la vie d’un club, le Fanzine foot est une géniale spécialité british dont les Continentaux ignorent souvent les charmes. Le temps est donc venu d’organiser un dépucelage de masse. Et, tant qu’à faire, autant choisir la créature la plus sexy du genre : A Love Supreme, le multi-primé zine de Sunderland et (presque) officiellement élu Meilleur Fanzine de la planète. Rencontre initiatique avec Martyn McFadden, son rédacteur en chef anti langue de bois.

Je recommande la lecture de l’introduction de cette interview. Et si vous n’avez pas lu la première partie, c’est le moment. Un topo complémentaire sur les zines suivra en dernière partie.

Suite de l’interview avec Martyn McFadden, rédac’ chef de A love Supreme (ALS, 2,50 £, mensuel, sauf intersaison) fanzine le plus primé du football britannique : 8 titres de UK Fanzine of the Year (1994, 95, 97, 98, 99, 2001, 2008 et 2009 – voir ici), 4 places de dauphin et une multitude d’awards supplémentaires, dont plusieurs pour le site internet.

Interview.

Martyn, A Love Supreme tire à combien ?

Ecoute, je ne communique pas publiquement là-dessus [les plus vendus en Angleterre dépasseraient les 20 000 exemplaires/mois, ndlr]. Par contre, je peux te dire qu’on avait tiré notre tout premier numéro à 250 (photo)copies en 1989, sans savoir du tout si ça marcherait. Il coûtait 50 pence et comme il s’était très bien vendu, on avait senti que l’attente était très forte. On avait donc tiré le numéro 2 à 1 000 exemplaires. Je m’en souviens bien, on était tellement à la bourre qu’un vendredi soir j’avais dû réunir en urgence quelques amis pour une stapling party, toute la nuit à agrafer les photocopies la veille d’un match contre Brighton… Tout était parti quelques heures plus tard devant le stade [Roker Park, l’ex antre Black Cat]. A partir du numéro 3, on a fait imprimer ALS professionnement, à 3 000 exemplaires d’abord. Là aussi, tous vendus [ALS en est au numéro 223].

Financièrement, vous êtes auto-suffisant ?

Oui, c’est géré comme un business en fait, c’est mon métier à plein temps. A l’intersaison, pas d’ALS, je m’aère l’esprit, je fais autre chose. Je suis musicien et j’organise des concerts, des festivals, comme le Split Festival de Sunderland, des choses comme ça. Par exemple actuellement, je suis impliqué dans le UK Tour des Toy Dolls qui débutera le mois prochain [si vous ne voyez pas, c’est un groupe punk-rock-psychobilly rigolo, originaire de Sunderland et culte dans les Eighties, ici]. Depuis 20 ans, c’est seulement leur deuxième UK Tour. Ils vivent à Londres et sur le continent et se produisent surtout dans des concerts et festivals en Europe du Nord où ils cartonnent. D’ailleurs, lors de leur tournée anglaise, ils utiliseront ma camionnette pour se déplacer !

[clip des Toy Dolls, jouant au Penshaw Monument, l’un des symboles de la ville de Sunderland et représenté sur l’écusson Black Cats. Z’ont pas des groupes comme ça à Newcastle hein… Bon, y’a bien eu Mark Knopfler de Dire Straits, Sting et 2 ou 3 autres, mais bon, qu’est-ce qu’ils ont prouvé ces mecs-là en fin de compte ? Ouais, pas grand chose, leur renommée est largement surfaite, beaucoup de hype pour presque rien #pursproduitsmarketing##boysbandsdes80s]

Vous avez une idée du profil de votre lectorat ?

Vaguement. Ce que je sais c’est que notre fanbase est assez dispersée, des gens de Sunderland qui ont quitté la région, on vend aux 4 coins du pays [par abonnement ou via le site]. Par exemple, quand Roy Keane était manager, on vendait beaucoup d’ALS en Irlande, pas mal d’Irlandais venaient d’ailleurs au Stadium of Light. Les Irlandais n’ont pas de championnat médiatisé et, outre Manchester United et le Celtic qu’ils semblent tous supporter [rires], ils ont tendance à suivre leurs joueurs ou managers préférés ou bien les clubs qui marchent.

J’ai bossé en Irlande au milieu des années 90 quand Blackburn cartonnait et là où j’étais les gamins portaient des maillots de Blackburn… Newcastle marchait bien aussi et j’étais entouré de maillots Magpies, t’imagines l’enfer ! Quand Sunderland tournait bien sous Roy Keane, ils vendaient des maillots Black Cats par wagons entiers à Dublin et Cork, c’était assez dingue.

Vous êtes affiliés à une association de presse ?

Non, je l’ai été mais plus maintenant, c’est devenu bien plus compliqué de nos jours, faut être accrédité, y’a pas mal de contraintes, etc. Ça ne présente pas trop d’avantages pour nous en fait, la Premier League par exemple n’accréditent pas les fanzines, ce qui est quelque peu injuste à mon avis. Avant, je passais pas mal de temps dans les loges de presse et c’était intéressant mais bon, j’ai fait le tour de la question et ça ne m’intéresse plus trop. J’ai une famille aujourd’hui et je préfère aller aux matchs avec eux. Pour tout te dire, ça ne m’a jamais trop emballé d’être catalogué Presse, ça me met pas super à l’aise, même si c’est mon gagne-pain.

Les fanzines ont aussi un rôle éducatif à jouer. Certains servent de relais entre supporters et club et organisent parfois des campagnes, font un travail de sensibilisation (contre le racisme, pour le retour des places debout, etc.), où même lancent des collectes pour acheter des banderoles par exemple (ici). Des organisations comme Supporters Direct leur doivent une fière chandelle à mon avis. Ça te parle ?

Le groupe Haway the Flags monté par A Love Supreme a fait fabriquer cette « surfing banner » pour environ 4 000 £

Le groupe Haway the Flags, monté par A Love Supreme, a fait fabriquer cette « surfing banner » pour environ 4 000 £

Oui, tout à fait. Il nous arrive de sortir des articles là-dessus et on se fait l’écho des campagnes de la Football Supporters’ Federation [220 000 membres] [1]. D’ailleurs la FSF est basée à Sunderland, je connais bien l’un des responsables, l’un de nos contributeurs réguliers y bosse également. On travaille de concert parfois et on va aux réunions importantes ensemble. On n’entretient pas de relations étroites mais on se connaît bien.

Qui écrit dans ALS ?

Des supporters ordinaires surtout, on a un bon noyau de contributeurs réguliers et pas mal d’occasionnels, quelques journalistes aussi. Depuis quelques années, on a aussi développé un partenariat avec l’Université de Sunderland qui offre un cursus Journalisme sportif, ils ont même un module Fanzine ! On invite les meilleurs à écrire pour nous, ça fait partie de leur évaluation. Certains d’entre eux sont vraiment excellents et partent ensuite bosser pour des médias ou journaux nationaux, la BBC, le Guardian, Sky, etc. On reste en contact ensuite.

Sunderland a-t-il d’autres fanzines que A Love Supreme ?

Non, nous sommes le seul aujourd’hui. Il y a juste un magazine intitulé Seventy3, un « retro mag » [mags vintage très à la mode en Angleterre, ndlr]. D’ailleurs le mec qui dirige ça est un ancien d’ALS. Il y en avait trois ou quatre à un moment mais ça remonte déjà.

Les fanzines ne ménagent pas leur club parfois et revendiquent ce droit à la critique sur le principe du « qui aime bien châtie bien », certains appellent ça « l’allégeance critique ». Forcément, quelques-uns sont détestés par leur club car ils fourrent leur nez partout, tel The Square Ball à Leeds du temps de Ken Bates. Cultiver à la fois cette impertinence et garder un lien avec la direction du club tient du numéro d’équilibriste. Quel genre de rapports avez-vous avec Sunderland AFC ?

Depuis quelque temps, nos rapports sont cordiaux mais distants. Les interviews avec les joueurs ou le management, bon, ça ne m’intéresse plus trop, c’est devenu tellement formaté. Faut soumettre les questions par téléphone ou au Press office longtemps à l’avance, ça passe ensuite par des filtres et au final on nous refuse pas mal de questions. Bref, à la fin l’interview est insipide et de toute manière les joueurs ne disent plus grand chose de bien intéressant !

Vers 1997, il y avait collectivement cinq attachés de presse dans les vingt clubs de Premier League, en majorité des anciens journalistes. Aujourd’hui ça serait plutôt cinq par club…

En effet, oui. C’est arrivé à un point d’aseptisation où ça ne vaut plus trop le coup d’interviewer les joueurs ou le manager. Avant, en interview, on déconnait avec eux, on arrivait à leur faire dire des trucs marrants ou intéressants, maintenant c’est limité.

En revanche, ce qui est plus intéressant c’est d’interviewer un joueur une fois qu’il a quitté le club, on a un vrai narratif, un début, un milieu, une fin et il se livre beaucoup plus. Je contacte aussi les autres clubs pour interviewer leurs joueurs et ça passe mieux, les clubs en question savent que l’interview sortira dans un zine non lié au club et, en général, ils sont beaucoup plus coulants pour nous laisser parler aux joueurs.

Parfois, c’est comme si le club était devenu votre ennemi.

Justement, quand le club tombe sur quelque chose qui ne leur plaît pas du tout, ça se passe comment ?

Mal ! J’ai souvent eu des ennuis pour diffamation mais pas récemment. Tu sais, au fil des années, j’ai appris à éviter les écueils. Avec le temps, on sait ce qui peut passer ou pas, on fait gaffe à la formulation. On est obligé d’édulcorer le propos, c’est dommage mais inéluctable. Cette notion de diffamation est assez étrange car, bien forcément, si tu écris un article pour expliquer pourquoi tu penses que le manager est nul à chier, tu vas évidemment le critiquer !

Tu sens un gros changement dans les rapports fanzine-club depuis tes débuts en 1989 ?

Oui, absolument. Parfois, c’est comme si le club était devenu votre ennemi. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai reçu des lettres menaçantes du club ou d’avocats ou ai été directement menacé de poursuites judiciaires, soit par le président, un dirigeant ou le manager. Ça s’est toujours arrangé avant d’arriver au tribunal, c’était surtout des tentatives d’intimidation mais, à neuf reprises, j’ai dû engager des frais pour me défendre.

A ce propos, j’ai lu dans un vieux ALS tout un topo sur les exécrables relations que vous (fanzines et groupes de supps) entreteniez avec Peter Reid [ci-dessus à droite, manager de Sunderland de 1995 à 2002], et aussi entre Lilian Laslandes et P. Reid. C’était bien rock ‘n’ roll !

Ouais, sous Peter Reid, c’était affreux. Entre lui et Laslandes, c’était très chaud et d’ailleurs, j’aimerais bien retrouver Lilian pour lui poser quelques questions ! [2] Reid avait une manière détestable de traiter les gens, c’était un vrai bully (tyran, petit chef), il fallait qu’il contrôle tout. Il m’a même attaqué un jour, physiquement je veux dire, en plus ça s’est passé en pleine soirée officielle de remise des récompenses de la Football Writers’ Association !

A son arrivée en 1995, je connaissais pas mal de joueurs. A l’époque, les clubs n’avaient pas de press officer, on pouvait assister aux entraînements, parler librement aux joueurs, c’était très relax. Je connaissais personnellement des gens haut placés au club, on sortait ensemble avec les joueurs, etc. Ça lui a déplu et nos rapports se sont progressivement détériorés.

Si on organisait une compétition pour comparer les QI de Peter Reid et Martin O’Neill, on sifflerait la fin du truc au bout de deux minutes.

Quelles étaient tes relations avec Martin O’Neill, MON était différent, non ? Par exemple, peu après son arrivée fin 2011, il avait tenu à voir où Roker Park se trouvait avant sa démolition. Il disait vouloir « retrouver l’âme de Sunderland » (ici). Il avait fait pareil à Aston Villa en déplacement à Middlesbrough un jour, quittant l’hôtel pour aller trouver la maison d’enfance de Brian Clough. C’est quand même pas courant.

Martin O’Neill est quelqu’un d’intelligent, de réfléchi, il a fait des études, c’est pas vraiment ton manager lambda, surtout ceux d’avant. J’veux dire, si on organisait une compétition pour comparer les QI de Peter Reid et Martin O’Neill, bon, on sifflerait la fin du truc au bout de deux minutes quoi ! [rires]

Tu m’autorises à mettre ça dans l’interview ?

Absolument, mets-le !

Bon, parlons de nos très chers voisins, Newcastle United…

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] La FSF vient d’ailleurs hier de remporter une victoire dans sa campagne-pétition « Twenty’s Plenty » (20 £, c’est bien assez) lancée en janvier 2013 pour mettre les billets extérieurs à 20 £ en Premier League, le coût souvent élevé du billet extérieur – 50 ou 60 £ dans les grands clubs, ici par ex. – s’ajoutant bien sûr aux frais de déplacement.

[2] Martyn a d’ailleurs contacté Lilian Laslandes peu après mais l’ex Black Cat n’a pas répondu à sa demande d’interview. Dommage.

Elément clé de la vie d’un club, le Fanzine foot est une géniale spécialité british dont les Continentaux ignorent souvent les charmes. Le temps est donc venu d’organiser un dépucelage de masse. Et, tant qu’à faire, autant choisir la créature la plus sexy du genre : A Love Supreme, le multi-primé zine de Sunderland et (presque) officiellement élu Meilleur Fanzine de la planète.

Inspiré indirectement des bandes dessinées de science-fiction US d’avant-guerre et plus directement des cultures alternatives et mouvements musicaux du milieu des Seventies (surtout Punk, voir ici et ici), le fanzine de foot anglais est un enfant de la révolte contre le football malade des Eighties (voir dossier TK). Bien aidé par l’apparition d’associations indépendantes de supporters à la fin des Eighties, le petit fanzine (quelques pages ronéotypées initialement) va fortement se développer à cette époque. Un essor qui sera loin de ravir certains… (lire l’édifiante page 245 de cette étude [1]).

Humoristique, irrévérencieux, incontrôlable, quelquefois puérile ou bien barré, ce drôle de « magazine de club » tient toujours la route, malgré l’Internet et les prédictions des doom merchants (Cassandre) à l’orée des années 2000 qui le voyaient mort et enterré sous dix ans. Parfois sous-estimé ou discrédité en raison de son côté déconneur, le fanzine (mot-valise inventé aux USA vers 1949, fusion de fans et magazine) recèle pourtant bien souvent ce qu’il y a de mieux à lire sur son club – et parfois même sur le football en général.

A love Supreme (ALS, 2,50 £, mensuel, sauf intersaison) possède tout simplement le plus beau palmarès du Royaume-Uni : 8 titres de UK Fanzine of the Year (1994, 95, 97, 98, 99, 2001, 2008 et 2009 – voir ici), 4 places de dauphin et une multitude d’awards supplémentaires.

Rencontre initiatique avec Martyn McFadden (ci-dessous) son rédacteur en chef anti langue de bois. Et c’est entre deux interviews pour les médias nationaux que le très sollicité Martyn m’a fait sa longue séance d’effeuillage.

Interview avec Martyn McFadden, rédac’ chef de A Love Supreme

Martyn, s’il te plaît, rassure nos millions de lecteurs toujours traumatisés par ces deux matchs qualificatifs pour l’Euro 2008 contre l’Ecosse car je crains qu’ils arrêtent de lire tout net en voyant ton nom : as-tu un lien de parenté avec le très brièvement Black Cat James McFadden ?

[Rires] Absolument aucun ! Mais je me souviens bien du France-Ecosse de 2007 où il marque un but venu d’ailleurs, j’étais justement en vacances en Ecosse, grosses célébrations. Quand il est arrivé à Sunderland [octobre 2012, en prêt] je pensais au départ que ça serait cool d’avoir mon nom sur le maillot Black Cat car c’est pas un nom si courant. Pis quand je l’ai vu jouer, j’ai vite changé d’avis !

Ami(e) lecteur/trice, continue sereinement ta lecture, Martyn n'a rien

Ami(e) lecteur/trice, continue sereinement ta lecture, Martyn n'a rien à voir dans l'histoire

Pour ceux qui connaissent mal la chose, un fanzine, ça sert à quoi ?

Un fanzine a plusieurs rôles : informer les supporters autrement que par les voies traditionnelles, donner aux supporters une tribune et les impliquer dans la vie du club. Ce sont les raisons de l’éclosion et de la longévité des zines. A la fin des Eighties, les supporters avaient envie d’autre chose car hormis quelques pages dans la presse locale et les journaux nationaux, impossible de s’informer. Donner son avis était également très difficile, à part envoyer une lettre au canard local et fallait encore qu’elle soit publiée. On ne pouvait ni râler contre son club ou des joueurs, ni le(s) féliciter. Le fanzine permet avant tout aux supporters de s’exprimer, par le biais de contributions écrites dans le zine ou en ligne, ainsi que de créer une vraie interaction entre supps, ce qui n’existait pas avant, ère pré-Internet.

Parmi les premiers fanzines

Parmi les premiers fanzines

Permettre au supp lambda de s’exprimer, n’est-ce pas d’ailleurs votre devise, comme inscrit en page 3 de ALS ?

Oui, l’expression se fait donc via le magazine (contributions, lettres, etc.) et via notre site A Love Supreme, avec ses forums, réactions, etc. On s’exprime et on échange. Notre site enregistre 3 millions de visites par mois, avec d’énormes pointes. Par exemple, le jour où Di Canio a été nommé manager [31 mars 2013], on a fait 4 millions de hits, en 24 heures !

Comme tu le dis, les supporters voulaient pouvoir s’exprimer et entendre parler de foot différemment car niveau presse foot à l’époque, c’était soit les journaux, soit des mags pour ados, style Shoot! et Goal [l’équivalent de Mondial et Onze] et basta. Ressentiez-vous aussi un sentiment de révolte contre ce foot anglais qui partait en vrille, comme ce fut le cas pour le fanzine-devenu-magazine When Saturday Comes [2] ?

Dans notre cas, non pas trop. J’ai davantage créé ALS pour donner une voix à tous nos supporters qu’autre chose. C’est vrai qu’on a dit ça des premiers fanzines dans les Eighties mais j’ai pas l’impression que les gars qui les avaient lancés étaient anti-football ou anti-système. C’était simplement des supps ordinaires qui voulaient surtout parler de leur club et échanger. Moi, j’ai été particulièrement influencé par des fanzines musicaux, comme Sniffin’ Glue. Je me souviens du premier fanzine de zique que j’ai lu, c’était lors d’un festival estival avec Echo and the Bunnymen en tête d’affiche, j’ai pris le zine sans savoir ce que c’était, ai ouvert la première page et là, énorme claque, le truc m’a tellement scotché que je l’ai lu d’une traite !

Pourquoi ce titre A Love Supreme ?

En 1989, quand mon meilleur ami Jeremy Robinson et moi-même avons lancé A Love Supreme à 21 ans, la reprise par Will Downing de l’album jazz A Love Supreme de John Coltrane marchait bien au hit-parade anglais [numéro 14 en 1988, ndlr]. Je suis musicos et j’ai trouvé que le titre collait parfaitement à Sunderland AFC, par rapport à l’amour et la passion que les supps ont pour ce club. Par exemple, quand on était en D2 il y a quelques saisons sous Roy Keane, 5 à 8 000 supporters se déplaçaient régulièrement à l’extérieur. Malheureusement, après une dizaine de numéros, Jeremy a eu un accident de la route et a dû arrêter. Après sa convalescence, il a été embauché comme journaliste et j’ai continué en solo.

ALS peut s’enorgueillir d’avoir le plus beau palmarès britannique des fanzines. Pas trop difficile d’être le Manchester United des zines ? Tu ressens une pression permanente ou tu prends numéro après numéro ?

L'extérieur de la boutique de A Love Supreme

L'extérieur de la boutique A Love Supreme près du Stadium of Light

[Rires] Ouais, ou plutôt le Liverpool des fanzines par rapport à notre époque de lancement. Sans vouloir m’auto-féliciter, je crois que pas mal de fanzines observent ce qu’on fait, on essaie donc de maintenir la barre haut, aussi bien côté zine que site internet et autres, dans les services qu’on propose. Comme tu le sais, on a des locaux, une boutique, avec une gamme de produits dérivés [ALS Merchandise], un département de publications de livres [ALS Publications], un gros site internet, on sort des disques, on organise les déplacements [ALS Coaches], etc.

Très tôt, j’ai eu la chance de pouvoir utiliser des moyens technologiques avancés, mettre de la couleur par exemple, bref, rendre ALS le plus professionnel possible, à une époque où beaucoup de fanzines étaient en noir et blanc ou ne soignaient pas trop leur présentation. Le contenu c’est bien mais ça ne suffit pas. On s’est aperçu qu’on aurait plus de succès si on travaillait la présentation. J’ai eu un peu de chance, ma soeur sortait avec un gars qui avait une boîte de design et graphisme et ça m’a bien servi !

Vous entretenez des liens avec d’autres fanzines ?

Oui, par la force des choses, je connais bien les rédac’ chefs de The Mag et True Faith [les deux principaux fanzines de Newcastle United]. On se rencontre occasionnellement, professionnellement, on fait des interviews ou des trucs ensemble parfois au moment du derby, etc. On a pas mal de choses en commun, même si on se déteste !  Le rédac’ chef de True Faith [Michael Martin] me chambre non-stop quand on se voit… Sans déconner, il n’arrête pas, je te raconte pas comme il me prend la tête parfois !

Au-delà de tout ça, ALS sert un peu de modèle. Par exemple, les fanzines de Newcastle United se sont inspirés de nous en terme de design ou d’organisation, ils ont adopté nos initiatives d’organiser des déplacements pour les supps, louer des autocars, etc.  Pour nous, c’est flatteur et on prend ça comme un compliment.

Je m’entends aussi très bien avec Andy Mitten, le rédac’ chef de United We Stand (Man United, [3]). On s’entraide, les joueurs changent souvent de club aujourd’hui et certains zines aiment bien savoir comment ça s’est passé pour tel nouveau joueur dans son ancien club, ce genre de chose.

Si par exemple un gars du zine de Wolves nous appelle pour une info ou un contact local (médias, joueur, etc.), on l’aidera et vice-versa. On s’interviewe aussi entre fanzines de clubs. Dans ALS, on a par exemple une rubrique What the Fan(zine)s say, on interroge les fanzines ou blogs de nos adversaires du mois. On forme une communauté relativement soudée, tous unis contre le bloc formé par les press officers des clubs ! [rires – on reviendra sur ces attachés de presse…]

Vous vendez aussi en déplacement ?

Oui, pas mal. D’ailleurs, ça peut étonner mais jusqu’à la moitié de nos ventes extérieures le sont à des supps de nos adversaires du jour. Enfin, ça dépend, certains supps sont bien plus réceptifs que d’autres.

Ouais, j’imagine qu’essayer de vendre ALS autour de Saint James’ Park ne doit pas marcher terrible !

[Rires] Effectivement… Mais tu vois, quand on se déplace à West Bromwich Albion par exemple, on a du succès, les supps Baggies viennent nous voir, nous posent des questions et pas mal achètent le fanzine. Dix miles plus loin, à Birmingham City, c’est l’inverse, les mecs sont fermés et ça ne les intéressent pas de s’informer sur un autre club. C’est bizarre.

ALS n'est pas un best-seller autour de SJP...

ALS n'est pas un best-seller autour de SJP.

L’internet, les blogs, l’abondance d’infos, etc. sont parfois perçus comme un danger pour les fanzines. Cela entraînerait une baisse des ventes, surtout en ces temps de crise. Vous avez constaté un coup de mou ces dernières années ?

Non, pas vraiment. Nous, on s’est servis de l’Internet pour développer notre site qui tourne fort ainsi que d’autres activités annexes. On y fait la pub du fanzine aussi, on sort un ALS digital, on vend des produits dérivés, etc. Je ne suis pas un business analyst dans l’âme et je n’ai aucun chiffre en tête mais ça a été un atout. Comme je te disais plus tôt, on fait 3 millions de visites par mois, donc on génère un revenu publicité de cette activité.

Le fanzine semble mieux se porter ces dernières années et sa cote a grimpé (voir article). Il sont moins nombreux qu’avant mais les « survivants » ou les nouveaux marchent bien. Selon toi, leur succès est-il dû au fait que le supp lambda a le sentiment que son club « lui échappe » et que le fanzine recrée ce lien ?

Ouais, je crois. Mais aujourd’hui, celui qui veut démarrer un fanzine le fera probablement sur Internet (e-zine), les investissements design et impression c’est illico des milliers de £ et puis niveau réactivité aussi c’est plus logique de mettre ça sur le Net. Il serait risqué de démarrer un fanzine sans moyens de nos jours, beaucoup ont vite disparu dans les années 2000 et la plupart des clubs n’en ont plus qu’un.

Vous tirez à combien ?

Ecoute, je…

A suivre.

Kevin Quigagne.

PS : Et si vous nous découvrez, nous avez oublié, négligé ou zappé, on est sur Facebook et Twitter.

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[1] Surtout ce passage en milieu de page 245 qui montre à quel point les fanzines étaient considérés comme subversifs par certains : « Sellers were hounded […] their voices heard. » Traduction : les vendeurs de fanzines autour des stades étaient harcelés par la police, celle-ci craignant que le contenu des textes incite à la violence ; les clubs poursuivaient en justice les rédacteurs à la moindre occasion ; la police prévenait les imprimeries qu’elles risquaient la fermeture (lois sur la publication de matériel à caractère obscène). Et tout cela simplement parce que les supporters voulaient se faire entendre.

Les clashs entre fanzines et clubs ou autorités (police) sont toujours (on y reviendra dans l’entretien), par exemple ici entre Red Issue et Man United.

[2] When Saturday Comes fut lancé en mars 1986 par Andy Lyons et Mike Ticher, supporters en colère. De quelques feuilles tapées à la machine au tout début (le numéro 1 faisait douze pages et fut tiré à 200 exemplaires, 15 pence), WSC devint vite un magazine de référence (culte, même) qui tire aujourd’hui à 20 000 exemplaires et semble se porter comme un charme (WSC facture jusqu’à 2 650 £ la page de pub par numéro). Andy Lyons est toujours rédacteur en chef de WSC et Mike Ticher, aujourd’hui résident australien, est un contributeur régulier du célèbre fanzine-devenu-mag.

Off the ball, autre fanzine « général » (non rattaché à un club), fut créé en même temps que WSC et pour les mêmes raisons mais ne survécut pas. Le succès de WSC contribua largement au développement du mouvement Fanzine.

[3] Fondé par Andy Mitten en 1989, alors âgé de 15 ans. Mitten est le petit-neveu du grand Charlie Mitten, le « Bogotá Bandit ». United We Stand est le seul fanzine anglais disponible nationalement dans les bonnes maisons de la presse, au même titre que le magazine Four Four Two par exemple.

Les boss des clubs de Premier League n’ont plus guère de secret pour nous [1]. A de rares exceptions, ils semblent tous sortir du même moule corporate, aussi lisses et predictable qu’un « exclusif » de Téléfoot sur Lionel Messi. Au contraire des quelques patrons de clubs de divisions inférieures sélectionnés pour illustrer cette nouvelle série.

Premier spécimen passé aux rayons X : Barry Hearn, 65 ans et propriétaire atypique de Leyton Orient, deuxième plus vieux club londonien et actuel superbe leader de D3. Hearn et Leyton Orient, c’est aussi une belle histoire d’amour typiquement britannique entre un supporter et son club de toujours.

[Cliquer sur les photos fait parfois un p’tit kekchose]

Le choix du coeur

Quand Barry Hearn acquiert Leyton Orient en avril 1995, le club de l’est londonien ne vaut rien, littéralement. Enfin, si : 2,47 £, à peine 3 €. C’est cette somme d’une précision loufoque que débourse Hearn pour empêcher la liquidation de ce club historique qu’il supporte depuis toujours. En fait, Tony Wood, le propriétaire vendeur, avait dit à Barry qu’il lui donnait volontiers le club, gratos. Barry, grand seigneur, répondit qu’il acceptait de le payer à sa juste valeur, au cours des actions. « Justement » lui dit Wood, « j’ai vérifié et les actions valent 2,47 £… Allez, donne-moi 5 £ si tu veux. »

Conversation surréaliste vite plombée par la brutale réalité des chiffres : 2M £ de dettes à éponger. Même le pauvre laitier attend son chèque depuis des mois. Il était temps que Barry se pointe. Toutefois, cette somme est colossale pour un club qui descend en D4 et ne génère quasiment aucun revenu hormis la maigre billetterie. Sans compter qu’il faudra urgemment rénover le vétuste stade.

Hearn hésite franchement, au point de presque renoncer à son projet un peu fou. Il est pas encore riche à millions [2] et le pari est très risqué. S’il se rate, c’est le redressement judiciaire assuré et de gros ennuis financiers pour lui et sa famille. Mais ce qui va se passer juste après cette discussion avec Tony Wood décidera du cours des choses (anecdote qu’aime raconter le sieur Hearn).

Pour se changer les idées, Barry-le-businessman laisse son costume de gestionnaire au vestiaire et c’est Barry-le-supporter qui s’en va fouler la pelouse du stade de Brisbane Road un long moment. Et là, en perdant son regard dans les travées, les souvenirs d’enfance lui remontent. Quand, en 1960, sa maman l’emmitouflait soigneusement pour l’envoyer au stade par le métro, de leur cité HLM perdue au fin fond de l’Essex et qu’il se débrouillait tout seul, sans son père (au boulot le samedi), comme un grand de 11 ans, se mêlant aux autres supporters de ce club de D2… Quand, Leyton Orient, pour la première fois de sa longue histoire, monta en D1 en 1962 en compagnie de Liverpool, qu’Orient tint en échec 2-2 à domicile, devant 26 000 spectateurs. Pour redescendre illico, la saison suivante. Joies et désillusions classiques du supporter. Le jeune Barry n’était qu’un ado mais avait déjà son club profondément dans la peau et ses couleurs dans les veines. Pour toujours. Orient till I die

Ce jour-là, en balayant Brisbane Road des yeux, Hearn revit aussi les matchs d’anthologie du club, comme ces victoires 2-0 sur l’ennemi juré West Ham en 1962 et 1978 ou la formidable épopée de FA Cup en 1978, où Orient, mal classé de D2, élimine successivement Norwich (D1), Blackburn Rovers (D2), Chelsea (D1) et Middlesbrough (D1) avant de tomber en demi-finale contre Arsenal.

L. Cunningham, Stan Bowles et Peter Shilton

Il se remémore les vedettes révélées ou passées par le club. La goal-machine écossaise Tommy Johnston, un ex mineur de fond qui claqua 121 buts en 180 matchs pour Orient de 1956 à 1961 ; l’immense Laurie Cunningham (WBA, Real Madrid, Marseille, etc.), cette « Black Pearl » qui lança sa carrière à Orient avant de mourir tragiquement à 33 ans dans un accident de voiture ; le fantasque Stan Bowles, un showman qui passa par Brisbane Road ; l’inusable Peter Shilton, qui finit sa carrière chez les O’s et y disputa son 1000è match de championnat, à 47 ans…

La réflexion ne s’éternise pas, au diable la raison… Barry Hearn fait le choix du coeur et dit banco. Les supporters O’s poussent alors un énorme ouf de soulagement.

Un club à la dérive et la risée de tous

En cette fin de saison 1994-95, Leyton Orient, vieux club fondé en 1881, descend en D4, après une saison catastrophique (32 défaites sur 46 matchs) et qui plus est filmée par la caméra expertement baladeuse de Jo Trehearne, une étudiante en cinéma supportrice d’Orient à qui le club a donné carte blanche pendant toute une saison. Un docu à priori inoffensif mais qui aura des conséquences désastreuses pour le manager, John Sitton, un personnage aux méthodes très particulières. Bien malgré lui, Sitton sera la « vedette » du film [3]. Ce documentaire de 50 minutes, devenu culte, fut diffusé par Channel 4 et intitulé « Orient, club for a fiver » (Orient, club à vendre : 5 £). Il est souvent considéré comme l’un des tous meilleurs docus britanniques de foot jamais réalisés, les coups de gueule monstrueux de Sitton – un ex karatéka qui virait les joueurs en plein match, les insultait ou les invitait à la baston (ici et ici) – ajoutant indéniablement à l’intérêt de la chose (voir article TK là dessus, avec traductions des moments chauds).

Début 1995, quand Tony Wood, le propriétaire d’Orient approche Barry Hearn pour lui proposer le club après la faillite de ses plantations de café au Rwanda (suite à la guerre civile), Hearn est un promoteur de boxe qui cherche à diversifier ses activités. Après le rachat, il rebaptise le stade de Brisbane Road du nom de sa société (Matchroom) et organise toutes sortes de shows à l’américaine avant les matchs. Orient, anonyme de D4, se signale alors par quelques coups spectaculaires, notamment l’acquisition en octobre 1998 de l’ex international français Amara Simba, un vétéran de 37 ans (l’expert ès bicyclette, grassement payé – 10 000 £/mois – claquera 12 buts en 37 matchs et laissera un excellent souvenir).

Coup de poker gagnant sur le billard

Rien ne prédestinait Barry Hearn, 65 ans, à devenir le promoteur sportif le plus successful du Royaume-Uni. Et Lady Luck joua un certain rôle dans son destin, ce qu’il admet humblement. Issu d’une famille très modeste (père chauffeur de bus, mère femme de ménage) Hearn grandit dans la cité HLM du Debden Estate à Dagenham, l’est ouvrier du Grand Londres. Ford y a une gigantesque usine depuis 1931 qui emploiera jusqu’à 40 000 personnes dans les années 50. Y avait. Ce qui restait de l’ex plus grande usine automobile d’Europe vient en effet de pousser ses derniers râles.

Encouragé par sa mère, Barry étudie la comptabilité. Il a du bagout et, au début des années 70, il est nommé directeur financier d’une entreprise de design textile. Mais l’exubérant Barry se sent à l’étroit dans ce milieu et convainc son patron d’investir dans l’immobilier commercial. En 1974, avec l’aide financière du boss, il acquiert par hasard une chaîne de salles de snooker (billard anglais de compétition). Le sport est confidentiel et Hearn achète le lot pour seulement 500 000 £. Il ne connaît rien au snooker mais se dit que l’emplacement des salles (situées en plein centre-ville) vaudra forcément bonbon un jour.

Barry Hearn, à droite, avec Steve Davis (après la finale 1985)

Barry Hearn, à droite, avec Steve Davis (après la mythique finale des championnats du monde 1985)

Par chance, les médias se mettent soudain à promouvoir ce loisir bon marché qui sied à la récession en cours. Entre-temps, Hearn s’est lié d’amitié avec un jeune joueur talentueux qui vient régulièrement s’entraîner dans sa salle de Romford, un certain Steve Davis. Un prodige qui deviendra six fois champion du monde (toute l’Angleterre se souvient de la mythique finale du Championnat du monde 1985 opposant Steve Davis à Dennis Taylor, suspense insoutenable – 18-17 score final, après 15 heures de jeu !). Le snooker explose et Hearn empoche un bénéfice de 1M £ en revendant la chaîne en 1982 pour 3,5M. Dans une interview accordée à un quotidien londonien en 2010, il déclarait : « Tout le monde me félicita en me disant que j’avais réussi un coup de génie, que j’avais eu le nez creux, etc. En fait, rien de tel, j’ai simplement été très chanceux ! »

Deuxième round gagnant

Dans la foulée, il devient l’agent-promoteur des meilleurs joueurs de snooker et prend de belles commissions sur leurs gains, jusqu’à 20 %. Il profite de la fulgurante ascension de ce sport (qui devient plus rentable pour les chaînes que le football, voir article TK – presque 19 millions de téléspectateurs britanniques regardent cette finale du Championnat du monde 1985 !) pour s’associer avec la BBC et créer Matchroom Sport, une société de promotion sportive.

C’est la boxe qui lui donnera son deuxième souffle à la fin des années 80, quand l’un de ses poulains, le poids lourd Frank Bruno, devient mondialement connu. Hearn, lui-même ancien boxeur amateur, managera ensuite tous les grands boxeurs britannniques et irlandais, de Lennox Lewis au très excentrique Chris Eubank, en passant par Carl Froch aujourd’hui.

Au début des Nineties, l’essor de Sky lui permet d’étendre son empire. Hearn produit un peu de tout (boxe, snooker, fléchettes, poker, etc.) en l’adaptant au format télé. Mais son vrai génie est ailleurs : il ne se contente pas de promouvoir ces sports ou loisirs très masculins et un peu poussiéreux, il les glamourise. Rapidement, il devient le premier promoteur sportif du pays et peut enfin se consacrer à sa passion de toujours : son club de Leyton Orient.

Barry Hearn, touche-à-tout faiseur de miracles

Des fléchettes, autrefois loisir ringard cantonné aux pubs enfumés, Hearn en a fait un vrai sport richement doté qu’il a réussi à vendre au prix fort à Sky et la BBC. Les darts font aujourd’hui des cartons d’audience. La Coupe du monde de fléchettes se déroule annuellement à Noël à Londres sur trois semaines devant des milliers de spectateurs déchaînés et souvent bien imbibés (on peut dîner sur place, voir clip, très impressionnant). Le prix offert au vainqueur n’est pas de la petite bière non plus : 250 000 £. Les cadors de la discipline, tels Phil « The Power » Taylor, sont adulés des tabloïds et starisés, avec des pages Wiki et contrats publicitaires à la mesure de leur notoriété. Grâce à Barry Hearn.

Idem pour le circuit des douze tournois majeurs de snooker que Hearn a reformaté en l’internationalisant (Chine, Qatar, etc.). Et surtout, il l’a généreusement doté :  9M £ de prix. L’Anglais Ronnie « The Rocket » O’Sullivan, numéro 1 mondial et grand showman devant l’éternel, a largement profité de l’explosion de ce sport : à seulement 37 ans, il a déjà empoché plus de 7M £ en gains et est l’un des sportifs britanniques les plus (re)connus. Merci qui ? Merci Barry.

Et coup magistral, Hearn a même réussi à transformer un banal concours de pêche en évènement incontournable de la grille Sky depuis 20 ans, le Fish ‘O’ Mania, avec la bagatelle de 30 000 £ au vainqueur !

Des miracles, Hearn en a fait aussi pour son club. En 2003, peu après la faillite d’ITV Digital (ex bailleur de fond de la Football League), Leyton Orient a un besoin vital d’argent frais. Qu’à cela ne tienne, en plein boom immobilier, Hearn vend à un constructeur… les virages du stade (pour la belle somme de 8,5M £). Quatre immeubles y sont dûment construits par Bellway Homes, avec balcons (certains ont une vue imprenable sur le terrain, ici et iciUne centaine de spectateurs regardent regulièrement le match des balcons, parfois en se faisant leur petit BBQ…). Les bénéfices sont illico réinvestis dans la reconstruction des tribunes Ouest et Nord et le financement de la promotion de Leyton Orient en D3 en 2006, les 3 millions de revenus annuels ne suffisant plus à faire tourner le club [4].

Brisbane Road, centre de l’univers

Aujourd’hui, Hearn a beau vendre annuellement 2 500 heures de sport et loisir dans une centaine de pays (40 000 h avec les rediffusions), du bowling au golf, en passant par le poker ou les boules anglaises (bowls), il n’est pas rassasié et cherche toujours le produit magique le plus porteur possible. Et quand il n’existe pas, il l’invente.

Comme en 2011, quand il annonce sa dernière idée fumeuse : transformer le tennis de table en un « sport glamour capable de brasser des millions de dollars ». Tout au moins sa propre version du sport, avec raquettes d’antan (à picots courts) et règles modifiées. Un sport qui, dixit Barry, serait un « ping-pong bien plus rock and roll à même d’attirer de fortes audiences. » Le premier tournoi du genre, baptisé World Championship of Ping-Pong et doté de 70 000 £, s’est disputé à Londres en janvier dernier, avec l’inévitable retransmission sur Sky Sports (ici), son fidèle partenaire depuis 22 ans. L’ITTF, la fédé internationale pongiste, ne goûte guère de ses excentricités et a menacé d’exclure tout participant. Barry n’en a cure et réplique que 600 millions de foyers ont vu les images de son ping pong. Il prévoit bien sûr de remettre ça en janvier 2014.

L'humour sauce Leyton Orient

L'humour sauce Leyton Orient

Au fil des ans, Hearn a réussi à bâtir un club qui tient bien la route en D3, où il évolue depuis 2006. Et ce n’est pas un mince exploit, coincés qu’il est au centre d’un losange dévoreur de supporters : Tottenham (au nord), West Ham (à l’est), Millwall (au sud) et Arsenal (à l’ouest), tous à quelques kilomètres seulement de Leyton. Malgré cela, les O’s font mieux que résister : 7è l’an dernier, avec les barrages d’accession en D2 ratés de peu et une affluence moyenne de seulement 4 000 spectateurs, la 18è de D3 (sur 24). Cette saison, Orient signe le meilleur départ en championnat de son histoire : 1er avec 25 points engrangés sur 27 possibles (grâce en partie au duo irlando-jamaïcain Mooney-Lisbie, déjà 15 pions à eux deux en championnat. Trois Frenchies dans l’effectif, dont deux dans le XI type : l’ex Chamois Niortais Romain Vincelot et l’ex Troyen Mathieu Baudry, récemment interviewé par Romain Molina pour zonemixte.fr. L’ex Grenoblois Yohann Lasimant vient d’arriver).

« Pourquoi se droguer ? Supportez Leyton Orient à la place. Ce soir, je plane. On va tous boire l’élixir de la vie ici à Brisbane Road, centre de l’univers. » Barry Hearn se prend pour Salvador Dalí, 16 mai 2001, après la victoire contre Hull City en demi-finale des play-offs pour l’accession à la D3.

Depuis 1995, Hearn a injecté environ 15M £ dans Orient, un club régulièrement endetté (comme tant d’autres) mais « raisonnablement » aime ajouter ce franc-tireur qui milite vigoureusement pour « que le système arrête de faire des cadeaux aux clubs qui dépensent bien au-dessus de leurs moyens et faussent le championnat ».

Quand on lui demande si Leyton Orient pourra un jour se hisser en Premier League, il sourit et répond d’un « maybe, who knows? » espiègle qui laisse penser que la PL n’est pas vraiment son but. Cet iconoclaste préfère probablement rester parmi les siens, dans l’univers décalé de la Football League. L’erreur serait de prendre son côté débonnaire pour un manque d’ambition. Car maintenir un bon club de FL dans ce coin de Londres, a fortiori avec la venue très controversée de West Ham en 2016 au stade olympique tout proche [5], est déjà en soi un petit miracle. Un de plus.

Kevin Quigagne.

PSJe recommande le blog The O Zone écrit par le Chargé  de communication de Leyton Orient (et publié le lundi dans The Independent). Il raconte avec humour les coulisses d’un club professionnel, la préparation des matchs, les relations avec les médias et les autres clubs, la détection, les « candidatures spontanées de stars ivoiriennes », etc.

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[1] Et si vous ne les connaissez pas, ils sont présentés dans cette série.

[2] Sa fortune, estimée aujourd’hui à 25M £ par le Sunday Times, fut largement constituée à partir du milieu des années 90, en partie grâce à son étroite collaboration avec Sky qui décolla aussi à ce moment-là.

[3] Il fut limogé après seulement un an en tant que manager et ne retrouva plus jamais de poste d’entraîneur (c’était son premier). Il vécut très mal l’après Leyton Orient et après plusieurs années d’inactivité, il se reconvertit en chauffeur de taxi, métier qu’il exerce toujours. Il y a quelques mois, et pour la première fois devant les caméras depuis 1995, il revenait sur cette période douloureuse – clip. Son autobiographie devrait sortir bientôt.

[4] La masse salariale y était de 1,8M £ en 2011-12, dans la moyenne de la D3. Au sujet des immeubles dans les virages, quelques joueurs/membres du staff – y compris le manager, Russell Slade – habitent dans ces tours. Le club y possède plusieurs appartements – un studio y vaut environ 170 000 £ –, ce qui permet de loger facilement les joueurs de passage, soit gratuitement soit à loyer réduit. Cette pratique (historique) est courante en Football League où contrats sont souvent courts et les mouvements très nombreux (prêts, essais, etc.). On dénombra environ 3 200 mouvements de joueurs la saison 2011-12 dans les 72 clubs de Football League (ce chiffre comprend les prolongations de contrats).

[5] Une relocalisation que Barry Hearn a combattu de toutes ses forces depuis trois ans, à grands frais (légaux). Voir article TK là-dessus ainsi que les fils Olympic Stadium du Guardian et Leyton Orient de la BBC. Leyton Orient est situé à un mile seulement du Stade Olympique que West Ham occupera à partir d’août 2016. Au-delà de la possible illégalité* de ce déménagement, Leyton Orient craint une érosion progressive de sa fanbase et, à terme, des difficultés à se maintenir en Football League. Pour Hearn, c’est l’existence même du club qui pourrait être remise en question.

Les détracteurs de Barry Hearn pensent qu’il remue ciel et terre depuis octobre 2010 pour des raisons financières (ses tentatives de faire capoter la venue de WH au Stade Olympique étant vouées à l’échec dès le début de cette interminable saga – toujours en cours ! Hearn envisage maintenant de faire appel ou poursuivre la Premier League -, il essaierait selon eux d’obtenir une forte compensation).

[*Selon Hearn, la règle I. 6.5 du règlement de la PL a été enfreinte. Cette règle (légèrement modifiée depuis) était la suivante en 2011 : « La Premier League refusera le droit à un club de changer de stade si la nouvelle enceinte proposée nuit à un club situé à proximité immédiate, y compris un club de Football League. ». Mais comme bien souvent avec ce type de législation,  l’interprétation d’une partie du texte s’est retrouvée au centre des débats, en l’occurence « nuit à un club situé à proximité immédiate »]