Il y a vingt ans, le 20 février 1992, la dernière pierre de la création du championnat de Premier League était enfin posée. Cet aboutissement mettait fin à douze ans d’un combat sans merci entre les clubs majeurs et les instances, le tout sur fond de déliquescence – puis résurrection -du football anglais.

Pour l’intro, voir première partie. Quatrième et dernière partie aujourd’hui : du printemps 1991 à la création de la bête.

[abréviations : FA = Football Association ; FL = Football League].

1991 : la Premier League voit enfin le jour

Début 1991, un mois après les réunions entre le Big Five et la FA, la fédération consulte individuellement tous les clubs de D1 pour prendre la température de la situation sur le terrain. Ces derniers ont tous reçu la visite de Rupert Murdoch et savent que les droits TV pour la période 1992-97 seront renégociés en fin de saison 91-92. En clair, au lieu de toucher de la FL environ 400 000 £ par an, celui que l’on surnomme Dirty Digger (le fouille-merde) leur en promet dix fois plus. Les derniers réticents sont vite convaincus.

Début avril 1991, lors d’une conférence de presse, le président de la FA annonce officiellement la naissance imminente de la Premier League (d’inspiration Bundesliga comme le souhaitait la FA, théoriquement prévue pour 18 clubs – un mois plus tard le Big Five la fera passer à 22 clubs).

Le modèle allemand a fait long feu

Le modèle allemand coopératif a fait long feu

Le 13 juin 1991, 16 clubs signent un accord préalable. La FA pense avoir  réussi son coup en obtenant l’inscription dans les textes que la PL évolue « within the administration of the Football Association », comme outre-Rhin où la Bundesliga fait partie intégrante de la fédération (DFB). La FA s’est en effet inspirée des structures allemandes en organisant l’affaire avec le Big Five. En réalité, la PL ne s’éternisera pas dans le giron de la FA…

Dans le même temps, la FL traîne la FA devant les tribunaux, l’accusant d’avoir créé une League « illégalement » (le 31 juillet 1991, au terme de quatre jours d’audition, le juge Sir Christopher Rose renverra l’amère FL dans ses foyers).

Le 17 juillet 1991, tous les clubs de D1 signent le Founder Members Agreement et le 23 septembre 1991, le document est ratifié par la FA, les clubs et la FL. Après quatre heures de palabres, on se met d’accord sur le nom du bébé : FA Premier League. Certains clubs anti-FA sont farouchement opposés à la présence de la FA dans l’appellation – on ne démarre pas sous les meilleurs auspices et, de fait, les relations FA-PL seront tendues. Un an plus tard, la PL adoptera le nom du sponsor et s’appellera (Carling / Barclaycard / Barclays) Premiership de 1993 à 2007.

1991-92 : trois instances et un coup fin

En théorie, le sigle FA est toujours utilisé pendant cette période mais, fatalement, il disparaît définitivement lors des renégociations avec Barclays en 2007, les relations FA-PL s’étant considérablement refroidies. Outre les considérations juridiques, nombre de propositions émanant de la FA et qui figuraient dans son Blueprint for the future of football (voir fin de troisième partie), initialement acceptées par la PL, furent graduellement abandonnées (surtout celles d’ordre financier – partage des revenus du sponsoring – et en rapport avec la représentation de la FA au directoire PL). La vision initiale que la FA entretenait sur la PL, centraliste et quelque peu paternaliste, diffère grandement de la version actuelle.

Nonobstant ces tiraillements FA-PL qui iront crescendo, la création officielle de la FA Premier League signe la fin d’années de conflit permanent entre les principaux acteurs du football anglais (y compris des menaces de grèves, via la PFA, équivalent de l’UNFP). Le cordon ombilical centenaire entre  l’élite des clubs et les instances est définitivement coupé. La PL est indépendante, souveraine et promise à un avenir des plus prospères. Le 20 février 1992, l’ultime acte légal est adopté, la FA donne officiellement naissance au championnat de Premier League.

Les discussions sur le partage des revenus médias s’engagent. On se met d’accord sur une formule à l’esprit comparable aux débuts de la FL. Il est décidé que les droits perçus par le champion ne seront pas supérieurs à une fois et demie ceux versés au dernier du classement.

En avril 1992, les clubs de l’élite démissionnent de la FL et se constituent en limited company le  27 mai. La Premier League prend ses modestes quartiers dans une aile de la FA (la fédération est aujourd’hui installée dans le New Wembley et la PL en plein coeur de Londres – photo du haut -, dans Mayfair, à deux pas du Sherlock Holmes Museum…).

1992 : Sky remporte la bataille des droits télévisuels

Le moment clé de la négociation des droits TV pour la période 1992-1997 survient le 18 mai 1992. Sky (devenue BSkyB en novembre 1990) est en concurrence avec ITV. Toutes deux proposent environ 200M aux clubs. ITV surenchérit à 224M et son package a largement la faveur des clubs du Big Five. ITV est une chaîne terrestre et commerciale aux audiences vingt fois supérieures à Sky, chaîne câblée encore confidentielle (600 000 abonnés seulement – 10.5 millions aujourd’hui).

Peu avant le meeting, ITV a finement joué en promettant au Big Five de diffuser prioritairement leurs matchs (un point sur lequel Sky est resté vague). Quatre clubs du Big Five se laissent convaincre par ITV. L’affaire semble perdue pour la Team Murdoch qui a pourtant impérieusement besoin du football pour remettre d’aplomb un Sky mal en point (500M de dettes).

Sky sort alors sa botte secrète : Alan Sugar. Cet hommes d’affaires en électronique et informatique (Amstrad) a racheté Tottenham la saison précédente. Pendant les négociations, il ordonne à Murdoch au téléphone de mettre le paquet. Et pour cause : si Sky remporte les droits, Sugar fournira tout le kit d’installation aux futurs abonnés. Mais Sky est déjà fortement endetté et l’Australo-Américain hésite.

Va alors se dérouler un épisode demeuré célèbre dans le folklore de la PL. Au plus fort des négociations, Alan Sugar appelle Sam Chisholm, le chief exec d’un Murdoch prêt à jeter l’éponge, et lui aboie au téléphone : « Dis au boss de mettre le paquet, il faut exploser ITV ». Murdoch s’exécute et offre 250M. ITV surenchérit : 262M. Sugar d’agite de plus en plus au bout du fil. Sky abat sa toute dernière carte : 304M de £. ITV est « explosé ». Les clubs votent au deux tiers pour Sky. Depuis, le couple Sky-PL est inséparable.

Le 15 août 1992, la PL démarre enfin. Les 22 heureux élus sont (entre parenthèses, division actuelle) : Arsenal, Aston Villa, Blackburn Rovers, Chelsea, Coventry City (zone rouge D2), Crystal Palace (D2), Everton, Middlesbrough (D2), Norwich City, Nottingham Forest (zone rouge D2), Oldham Athletic (D3), Queens Park Rangers, Sheffield United (D3), Sheffield Wednesday (D3), Southampton (D2), Tottenham et Wimbledon (D4, AFC).

Une révolution aussi dans les mentalités

Le but de ce dossier n’est pas d’étudier ou comparer les transformations entre le début des Nineties et l’ère PL actuelle, telles l’évolution du profil du « supporter moyen » (beaucoup plus âgé, 41 ans), « l’invasion » des joueurs étrangers, la prolifération des agents, la nature des investisseurs ou même l’explosion du coût global d’un match – billet, déplacement, etc. – (calculé à 101 £ par la Football Supporters’ Federation lors d’une enquête récente auprès de 4 000 suppporters). Cette thématique appartient à l’histoire proprement dite de la PL.

Toutefois, arrêtons-nous brièvement sur un aspect fondamental des bouleversements que la PL a entraînés : le changement radical dans la gestion d’un club. Jusqu’au début des années 90, seuls les résultats comptent. Le but de tout club ambitieux est de remporter le plus de trophées possibles en fonctionnant sur le mode d’un « utility maximiser » comme l’écrira un économiste, à savoir le plus chichement possible. On maximise l’outil de travail (les infrastructures) sans chercher outre mesure à dégager des bénéfices.

La « Révolution financière » post 1992 va faire voler en éclat cette loi d’airain. Les clubs vont progressivement se transformer en machine commerciale et sportive tournée vers la diversification et le profit (revenus médias, merchandising, sponsoring, flottation en bourse, utilisation du stade hors match, recherche d’extension de la fanbase, etc.). Les clubs se muent alors en entreprises et en épousent le jargon. On parle autant de brand awareness, de global brand equity ou de profit maximisation (et parfois de debt recovery plan) que de 4-4-2 ou back four.

Une success story sans équivalent

En fin d’année, la Premier League débutera son tour du monde des renégociations de droits médias overseas pour la période 2013-2016 (211 pays et territoires, couverts par 98 diffuseurs partenaires de la Premier League plc).

La dernière fournée pour 2010-13 a rapporté gros : 1.6 milliards £. Soit presque le triple du terme précédent (2007-10) et presqu’autant que les droits domestiques, 1.78 milliards. A titre d’exemple, WinTV déboursa 30M pour la Chine ; Canal Plus 60M pour la France et Pologne ; Cable TVHK 150M pour Hong-Kong ; SingTel 200M pour Singapour ; Abu Dhabi Media Company plus de 200M pour le Golfe Persique, Moyen-Orient et Afrique du Nord. Cette fois-ci, les revenus provenant de l’étranger dépasseront probablement le montant des droits domestiques, qui devraient stagner. La PL lorgne désormais bien davantage vers la Chine et le Sud-Est asiatique que l’Europe.

En 2010, Irving Scholar, l’un des initiateurs de la PL déclarait :

« Personne ne peut contester que la Premier League est un succès retentissant qui a transformé le football. »

Le produit PL est une success story sans doute inégalée dans l’histoire du sport. Le football anglais, ce gueux des années 70 et 80, est aujourd’hui über glamour. Cependant, nombreux sont ceux qui jettent sur la First Division d’antan un regard nostalgique en se remémorant les ingrédients magiques qui firent du football anglais l’envie de l’Europe ; les chants, le soutien indéfectible du public, la communion et proximité avec le douzième homme sont ancrés dans la légende. Pour beaucoup, ce mythe a été sacrifié sur l’autel de la health & safety et du consumérisme.

Certes, il serait vain et absurde de comparer les deux époques tant l’univers du football anglais a changé ces vingt dernières années. Néanmoins, incontestablement, l’aspect aseptisé et mercantile de « l’expérience PL » est pour beaucoup dans cette vague de nostalgie inconvenable et ambivalente (personne en effet ne voudrait revivre les heures sombres des Eighties). Le match est devenu un « spectacle », policé par des stadiers zélés et suivi sagement par un public quadragénaire embourgeoisé (cette fameuse gentrification). Des avatars qui paraissent incompatibles avec la nature passionnée et le substrat populaire de ce sport.

Ces dernières années, ce que l’on nous présente souvent comme le « modèle allemand » en matière de stade (sécurité, ferveur, prix raisonnables) a viré à l’obsession chez les médias anglais. Il y a quelques semaines, Aston Villa évoquait la possible réintroduction d’une section safe-standing à Villa Park (voir article), ces mythiques terraces qui firent tant fantasmer l’Internationale des supporters et ultras.

Si le « Soldat » Football anglais a été sauvé grâce à la création de la Premier League, hyperboliquement surnommée « The greatest show on earth » par les médias anglais, tout le monde semble aujourd’hui s’accorder sur le besoin urgent de réanimer l’ambiance plate de ses stades, victime collatérale de la révolution PL. Le « plus grand show planétaire » méritera alors pleinement son surnom.

Kevin Quigagne.


Before and after (tous chiffres en £)

Abonnement meilleur marché dans le Kop d’Anfield saison 1989-90 :  60 £
Abonnement meilleur marché dans le Kop d’Anfield saison 2010-11 : 730 £

Affluence moyenne D1 1991-92 : 21 622 (69 % taux de remplissage)
Affluence moyenne PL 2010-11 : 35 283 (92 % taux de remplissage)

Chiffre d’affaires de la Premier League plc en 1992-93 : 46M
Chiffre d’affaires de la Premier League plc en 2010-11 : 1,2 milliards

CA de Manchester United en 1989-90 :     6M
CA de Manchester United en 2009-10 : 286M

Salaire mensuel du joueur le mieux payé en 1992 : 45 000 £ (John Barnes)
Salaire mensuel du joueur le mieux payé en 2012 : entre 850 000 et 1M (C. Tévez et W. Rooney)

Masse salariale D1 1991-92 : 31M
Masse salariale PL 2009-10 (y compris charges) : 1,38 milliards

Montant des droits TV touchés par les 22 clubs de D1 en 1991-92 : 7M
Montant des droits médias touchés par les 20 clubs de PL en 2010-11 : 1 milliard

Montant des dettes des clubs de D1 saison 1990-91 : quelques dizaines de millions
Montant des dettes des clubs de PL à l’été 2010 : 2,6 milliards

Nombre de joueurs de D1 non britanniques et irlandais saison 1992-93 : 22
Nombre de joueurs non britanniques en 2011 : 257 (sur les listes des 25 de sept. 2011)

Pourcentage masse salariale/CA des clubs de D1 en 1991-92 : 41 %
Pourcentage masse salariale/CA des clubs de PL en 2009-10 : 77 %

Prix moyen d’un match de D1 en 1990 : approx. 4 £
Prix moyen d’un match de PL en 2012 : approx. 35 £

Revenus médias PL en 1992-93 : 80M
Revenus médias PL en 2010-11: 1,17 milliards

Revenus total des 22 clubs de D1 en 1991-92 : 75M
Revenus total des 20 clubs de PL en 2009-10 : 2,1 milliards

Salaire mensuel moyen PL 1992-93 : approx. 6 000 £ (4 fois plus qu’un joueur de D4)
Salaire mensuel moyen PL 2009-10 : approx. 125 000 £ (30 fois plus qu’un joueur D4)

Transfert record première saison PL entre clubs anglais : Roy Keane, 3.75M (08/1993)
Transfert record PL entre clubs anglais à ce jour : Fernando Torres, 50M (01/2011)

Valeur de Man United en 1990 (tentative d’achat par M. Knighton) : 20M
Valeur de Man United en 2012 : entre 1 et 2 milliards

17 commentaires

  1. Schattenmann dit :

    Toujours aussi bon, Kévin.

    Une interrogation suite à la lecture de l’article: les clubs sont criblés de dettes, et dépendent quasi-intégralement des droits TV. Qu’arriverait-il si Sky venait à mettre la clé sous la porte?

  2. jepigepo dit :

    Nostalgie quand tu nous tiens…

    La PL a tué le supporter d’ antan , tu as raison Kevin et tout cela a un prix.. il est loin le temps dans clameurs, des chants continus remplacés aujourd’ hui par le crépitement des appareils photos et le bruit des caisses enregistreuses.. Alors oui je regrette ces ambiances mais si le prix en est la sécurité dans les stades je me fais raison.
    La « jeune » génération n’ ayant connu que ces années 90-2000 n’ a surement pas les mêmes opinions ou points de vue , mais ayant en mémoire les 3 tragédies du football britannique , ayant connu l’ appréhension de retourner dans un stade , ce prix à payer me parait « raisonnable »
    Mais la raison et le football font souvent mauvais ménage.
    Quant SkyTV et leur monopole , le combat continue. Il me semble qu’ ils viennent de perdre dernièrement contre HellasTV
    Sky pratique des coûts d’ abonnement faramineux. A l’ avenir si d’ autres bouquets empiètent sur leur place en PL , de deux choses l’ une : ou Sky reverra ses abonnements à la baisse ou les spectateurs se tourneront vers d’ autres horizons. Dans un cas comme dans l’ autre , cela signifiera moins de profit.
    L’avenir de la PL est entre les mains de Sky

    Une autre question Rushie : la séparation FL – FA influe t elle sur l’ équipe nationale ?

  3. Zapatista94 dit :

    Très bon article de fond… où l’on est conforté dans l’idée qu’une DNCG européenne ne verra jamais le jour à moins de rétrograder les 3/4 des clubs anglais… et espagnols… et italiens (les plus « prestigieux », le prestige étant d’après le dico, une illusion produite sur l’esprit… ben oui quand Messi ou Ibra s’expriment balle au pied, je ne pense pas au déficit colossal des grands clubs espagnols ou italiens,… je me régale c’est tout).
    Les télés européennes et leurs annonceurs se foutent comme de leur première chemise que les clubs soient déficitaires, c’est l’entertainment qui compte… Triple A pour tous!!!
    « On va droit dans le mur mais qu’est-ce qu’on en profite » pourrait être leur maxime.
    L’histoire des championnats européens n’est finalement qu’un pâle copier/coller de l’histoire économique de ces 20 dernières années.
    Mais comme Vince disait, « le plus dur c’est pas la chute, c’est l’atterrissage ».

  4. roberto cabanastonvilla dit :

    « Le but de tout club ambitieux est de remporter le plus « de trophées possibles en fonctionnant sur le mode d’un « « utility maximiser » comme l’écrira un économiste, à « savoir le plus chichement possible. On maximise l’outil « de travail (les infrastructures) sans chercher outre « mesure à dégager des bénéfices. »

    ******************

    que c’était admirable ! Il faudrait le seriner à nos clubs français (et à la majorité, hélas, des supporters) qui disent souvent aujourd’hui quelque chose qui me choque : « si on doit choisir entre le maintien et la victoire en coupe de france, on choisit le maintien ».

    Ajouter des lignes au palmarès me semble pourtant le seul but légitime d’un club sportif.

  5. Kevin Quigagne dit :

    Merci à tous.

    @ Schattenmann.

    Si Sky cessait (très difficile à imaginer mais bon), le vide serait comblé par ITV, ESPN (qui diffuse déjà environ 23 matchs par saison, Sky 115) ou tout autre groupe étranger ambitieux, du Golfe par exemple. Apple y a pensé y’a quelques semaines, avant de se raviser.

    Les négociations droits TV domestiques et Overseas devraient démarrer dans quelques mois ou à l’automne prochain. Google se positionne(rait) en ce moment, ainsi qu’al-Jazeera. ESPN aurait l’intention d’augmenter sa part de marché actuelle (20 %).

    @ Jepi, effectivement on est tous nostalgiques des Eighties pour ce dont tu parles, pas du reste bien entendu.
    Tu veux dire « séparation PL–FA », non ? L’un dans l’autre, je ne pense vraiment pas que ça ait une influence sur les perfs de l’équipe nationale. Trouver une rationalité à ce que font les Three Lions depuis X années est « challenging » !

    Au-delà des bravades patriotiques et tarasconnades d’usage au moment des qualifs et tournois internationaux (eg les bookies qui mettent systématiquement l’Angleterre gagnante à 6/1 ou 8/1 par ex.), en grattant un peu, on sent comme un manque de confiance dans l’équipe nationale, une espèce de résignation, d’ambiance « doom and gloom », le sentiment qu’une place en ¼ de finale suffirait à tout le monde (sauf médias).

    J’ai du mal à ressentir un esprit « gung-ho » (conquérant) dans cette équipe d’Angleterre. Après, il y a aussi peut-être aussi un peu de malchance parfois (Angleterre-Allemagne en Afsud par ex.).

    @ Zapa.

    La PL et les instances ont toujours férocement rejeté la création d’idée d’une DNGC, « old chestnut » (marronnier) du foot anglais – environ 75 placements de clubs en administration depuis la fin des Eighties.

    Les deux boss indéboulonables de la PL, Richard Scudamore (chief exec) et Dave Richards (président), veulent surtout régner en maîtres absolus, pas question d’avoir un organisme de contrôle au-dessus d’eux. La position de la FA sur le sujet ne compte plus guère, même si elle souhaitait une version light du DNGC, aucune chance que la PL ou même la FL approuve (la FA est affaiblie depuis des années).

    @ Roberto. Je suis en partie d’accord mais comme les temps ont changé depuis les Eighties… Tu te souviens la phrase que je mettais en introduction (de l’écrivain anglais L.P. Hartley) : « Le passé est un pays étranger… » (« The past is a foreign country: they do things differently there »).

    Sujet passionnant, fais-nous un papier (même court) sur le sujet si tu veux.

  6. roberto cabanastonvilla dit :

    ô non, kevin, ça rejoindrait trop ton papier actuel et j’ai pas ton talent d’écriture.

    Par contre, commme tu es sunderlandiste, et que j’ai des amis châteauneuviens, j’aimerais bien te lire sur la ferveur des fans du northumberland et la rivalry black cats/magpies (avec ses aspects sportifs, financiers, historiques -il me semble que newcastle était plutot roundhead et sunderland cavaliers-, politique, etc.)

    Et aussi peut-être pourrais-tu me (nous) éclairer sur un point qui reste un peu obscur pour moi : quelle est la différence entre la culture ultra italienne et la culture kop anglaise (et quid dans ce cas de la france, l’espagne et l’italie)?

  7. Kevin Quigagne dit :

    Vaste sujet, un jour peut-être.

    Pour ce qui est des différences de culture des supportariats entre pays, je serais bien incapable de vraiment t’éclairer là-dessus au-delà du savoir commun, c’est à dire que l’Italie, c’est les tifos, etc. et l’Angleterre, les chants, etc. Je crois que SF avait fait un article ou dossier là-dessus y’a longtemps.

  8. Pimousse dit :

    Il me semble qu’aujourd’hui la plupart des clubs sont toujours des « utility maximiser » comme l’a ecrit Peter J. Sloane.

    En effet je ne connais pas beaucoup de club qui font des bénéfices ni de propriétaires de clubs de football qui se soient beaucoup enrichis grace au football.

    L' »utility maximiser » maximise ses revenus afin de les réinvestir pour obtenir de meilleurs résultats, lá ou le « profit maximiser » cherchera a maximiser ses revenus pour gagner de l’argent, par exemple en vendant ses meilleurs joueurs pour se mettre de l’argent dans les poches sans réinvestir derriere pour maintenir ou améliorer les résultats de l’equipe.

  9. Kevin Quigagne dit :

    wow, on a même des économistes qui lisent TK ! (damn !).

    Je crois voir ce que tu veux dire quand tu écris « la plupart des clubs sont toujours des “utility maximiser” comme l’a ecrit Peter J. Sloane ». Les clubs maximisent leurs infracstructures plus qu’avant en fait, puisqu’ils cherchent à en tirer des ressources supplémentaries et toussa.

    Moi, armé de mes compétences très limitées en économie, j’expliquais ça différemment (voir mes 2 paragraphes là-dessus) car d’après ce que j’ai lu sur le club de football en tant que « utility maximiser », lu brièvement bien sûr (vu que la teneur de ce gros dossier n’a rien à voir avec ce genre de considération économiques), il m’a semblé que le but de ce utility maximiser est d’utiliser l’outil de travail, sans forcément chercher à faire des bénéfices, non ? Y’aurait-il plusieurs types de utility maximisers alors ? (ou plusieurs interprétations, selon les ères mettons).

    Moi, je parle d’avant la PL hein, dans mon paragraphe : « Toutefois, arrêtons-nous brièvement… jusqu’à « sans chercher outre mesure à dégager des bénéfices » et le paragraphe suivant aussi : La révolution financière post 1992 va faire voler en éclat cette loi d’airain, etc.

  10. Kevin Quigagne dit :

    @ Pimousse. Un truc important aussi. Tu écris : « Je ne connais pas beaucoup de clubs qui font des bénéfices ni de propriétaires qui se soient beaucoup enrichis grâce au football »

    Aujourd’hui oui, effectivement c’est vrai, mais nettement moins vrai pour la période qui nous intéresse et à laquelle ce dossier est consacré (avant la globalisation de la PL et le coût astronomique d’un club, souvent appelé « bottomless pit »).

    Beaucoup d’investisseurs et hommes d’affaires qui reprirent des clubs entre les années 80 et le début des Noughties, et les revendirent au moment du gros boom de la PL (globalisation) firent de gros bénéfices à la revente. C’est ce dont je parle dans la première partie.

    Parmi ceux-là, à la volée : le duo Shepherd-Hall à Newcastle, Martin Edwards à Man United, John Moores à Liverpool, Alan Sugar à Tottenham, Sam Hammam à Wimbledon, etc.

    Eux ont réalisé d’énormes plus-values. Je te mets un article du Guardian, justement sur Hall & Shepherd à Newcastle (pré ère Mike Ashley), il parle de l’avant boom commercial. Quand le foot ne valait pas grand chose, beaucoup investirent en espérant faire de l’argent.

    http://www.guardian.co.uk/football/2009/feb/11/newcastle-united-freddy-shepherd-john-hall

    Depuis quelques saisons, mettons 2005 pour simplifier, on note un changement. Une nouvelle race d’acheteurs s’est pointée : ceux qui ont tellement de blé qu’ils ne pensent pas sérieusement faire des bénéfices ou s’en foutent un peu, au moins à court terme (à cause du coût astronomique d’un club – un « bottomless pit » comme on dit souvent). Leurs réelles motivations sont ailleurs, eg Abramovich ou les financiers du Golfe.

    Y’a plusieurs categories parmi ceux-là (et on pourrait s’amuser à compléter ma liste) dont : ceux qui sont dans un ego trip ; ceux qui ont acheté un club pour faire connaître leur brand (Venky’s à Blackburn). Et d’autres sûrement.

    Même si, évidemment, un homme d’affaires préférera toujours réaliser des bénéfices à la revente bien sûr, et c’est bien normal.

  11. Pimousse dit :

    « il m’a semblé que le but de ce utility maximiser est d’utiliser l’outil de travail, sans forcément chercher à faire des bénéfices, non ? »

    Oui c’est a peu pres ca. En fait une entreprise « classique » va utiliser l’outil de travail pour faire des bénéfices et c’est tout. L’utility maximiser a une autre variable dans l’equation: l’utility (mesure de satisfaction) qui dans le football serait les resultats de l’equipe.

    Si ton club n’a pas de resultats, tes revenus baissent et tu ne fait pas de profit. Donc tu es oblige d’investir une grosse partie de tes benefices (voir meme de d’endetter dans le cas du foot) pour maintenir tes resultats et du coup, tu fais pas de profit.

    L’ancien president du Barca, Laporta a donne un tres bon exemple sur l’utility maximiser, lorsqu’il a voulu defendre son bilan alors qu’on l’accuse de laisser le club avec de mauvaises finances il dit: Apres la final gagnee contre Arsenal j’ai recu 2 offres pour Ronaldinho et Puyol pour un montant total de pres de 200 ME (info ou intox lui seul sait). La realite economique voulait que je vende les 2, ce qui aurait permis de rembourser la quasi totalite de la dette du club. Mais un club de football ne peut pas se maintenir au sommet en vendant ses 2 meilleurs joueurs, donc j’ai refuse les 2 offres.

  12. Pimousse dit :

    Pour ce qui est de la periode dont tu parles tu as completement raison, a cette epoque les proprietaires doivent voir le football comme un business de plus et pense que si ils augmentent les revenus ce sera pour les mettre dans leurs poches. La preuve de nombreux clubs vont etre cotes en bourse. Je pense qu’ils n’ont pas anticipé ou ont mal jugé l’inflation des salaires et des transferts qui allaient suivre. Si on prend les chiffres que tu donnes on se rend compte que les clubs ont multipliés leurs revenus par 28, mais dans le meme temps ont multiplies leur masse salariale par 45 !!!

  13. julesverne dit :

    4 chapitres tres tres interessant
    toujours un plaisir a lire, des chiffres qui font tourner les tetes, un regret l’aseptisation des stades avec un cout des places exorbitants mais comme le dit jepigepo si c’est le prix de la securité pour ne pas retomber dans les 80’s…

  14. Kevin Quigagne dit :

    @ Pimousse. Merci de ces précisions.

    Je viens de trouver cet extrait ci-dessous sur les « utility maximisers », début années 1970, intéressant, ça correspond et complète ce que j’écris en fin de dernière partie (je sais plus où j’ai lu sur ces “utility maximisers”, ça fait des années que je prends des notes et lis sur les 70s & 80s et la création de la PL, probablement sur un truc de ton Sloane) :

    « In an influential paper Sloane (1971) argued that a plausible characterisation of the owners of football clubs is as “utility maximisers” subject to a budget constraint, where utility is largely associated with success on the pitch. Reasons for this view include the perceived lack of profitability of football clubs and the opinions expressed by club officials »

    Et dans « utility maximiser », y’a « miser »… (pingre en anglais – ça sent le Doug Ellis à Villa, qui faisait descendre ses joueurs dans des motels basiques et leur refilait des collations low-cost !).
    Au sujet de la flottation en bourse, il est intéressant de noter que les clubs en sont bien revenus. Tottenham commença la mode en 1983, environ 25 clubs britanniques suivirent et aujourd’hui, il en reste plus que 4…
    (Arsenal, Celtic, Glasgow Rangers et Tottenham).

    Forcément, dans les Eighties, quand les businessmen du foot sont arrivés, ils ont trouvé des clubs aux finances exsangues et fallut trouver des capitaux par tous les moyens (vu que pas de droits TV ou dérisoires, pas de revenus européens pendant des années, sponsoring négligeable, etc.).

    Et pis bon, ce qui pouvait être un investissement rentable entre les Seventies et les Nineties apparaît comme beaucoup moins reluisant aujourd’hui, d’où le peu de succès du ticket Football-Bourse aujourd’hui, en tous cas en Angleterre.

    @ Jules. Des chiffres délirants en effet. Niveau « coût des billets » qui est dingue aussi c’est le prix dans les divisions inférieures, c’est souvent à peine moins cher que la PL, même en D5 !

    Un season-ticket à Luton Town en D5 (ou plutôt “season-card” comme on dit maintenant), c’est 300-350 £, soit à peine moins cher que dans une bonne dizaine de clubs de PL. Et pareil en D4, D3, etc. avec les billets à l’avenant.

    L’une des raisons de ces prix élevés en Football League et en non-League est que ces clubs touchent très peu en droits TV (3M ou 4M par saison maximum pour les plus gros de D2), donc ils se rattrapent sur la billetterie. Vu la fidélité à toute épreuve du public anglais (public captif), les clubs en profitent aussi.
    Par exemple, Luton Town faisait des affluences moyennes de 8 000 ou 9 000 en D1 dans les années 80. Aujourd’hui, les Hatters sont en D5 et ils font 6 000 !

    Et en non-League, n’en parlons pas, les clubs de D5 touchent chacun 8 000 ou 10 000 £ par saison de la chaîne qui diffusent leurs matchs (Premier Sports) et un petit pécule de la Premier League, au titre des « Solidarity payments » (dont bénéficie aussi la FL).

  15. roberto cabanastonvilla dit :

    Je trouve que jules verne et jepigepo sont trop facilement convaincus par les arguties de la PL : « c’est 45 livres ou vous serez brûlé vifs »

    c’est un peu gros, messires.

  16. jepigepo dit :

    @ Roberto : ne me fais pas écrire ce que je n’ ai pas écris. Facilement convaincu , je ne le serai jamais , mais acceptant les règles , oui
    Le football est devenu un spectacle , une comédie orchestré et le nombre d’ artistes a considérablement augmenté ces deux dernières décennies.
    Alors oui , les prix affichés sont considérables , les prétextes ou arguments avancés , parfois fallacieux.
    Maintenant si j’ ai le choix , ou le sacrifice , d’ assister à un match de PL pour 45 € ou un match de L1 pour 20 € , j’ opte sans hésiter pour la première proposition. Vendre un match , un spectacle ( même si parfois nous sommes déçus du déroulement ) 45 € je trouve cela « excessif » ( tout comme une place de ciné à 10 € grrr ) mais que dire du match vendu 20 € où tu seras parfois satisfait ( il doit bien y avoir un match sur 38 cette année où je penserai ne pas avoir jeté mon argent par la fenêtre )
    En clair tu as le choix : tu dors au Georges V ou au formule1 du coin..dans les 2 cas tu passeras ta nuit , la tranquillité sera au rendez vous dans le 1er et aléatoire dans le second établissement, les prix ne seront certainement pas les mêmes, les services non plus et le plaisir à la sortie surement différent..mais je ne dis pas que le prix payé au Georges V se justifie..tout est histoire de comparaison

  17. redingue dit :

    J’ai lu tous ces billets d’un seul trait et cela se boit comme du petit lait (oui je ne bois pas)

    On dévore ces « articles » : j’ai un appétit féroce…. on en vient même à regretter THE END ! mais on ne reste pas sur notre faim ! récits complets, passionnants, instructifs…

    Tout est si fluide que l’on en oublierait presque le travail de recherches, les heures passées… uniquement pour nous faire partager ton amour du football. Merci Monsieur, au plaisir de vous lire à nouveau !

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