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Dimanche 2 décembre à 12 h 30, à l’occasion du deuxième tour de FA Cup, l’AFC Wimbledon (D4) affrontera sa nemesis, son usurpateur d’identité, Milton Keynes Dons (D3). Une rencontre que toute l’Angleterre du football attend sabre aux dents depuis dix ans.

La lecture de l’introduction est fortement recommandée (ainsi qu’un clic sur les photos).

Juillet 1999. Premier entraînement d’Egil Olsen à Wimbledon, des plus mouvementés :  le Crazy gang brûle ses vêtements, dégonfle les pneus de sa voiture et remplit ses pompes de mousse à raser. Bienvenue chez les dingues Egil.

Début 2000. Le Milton Keynes Stadium Consortium est créé. Peter Winkelman (ci-contre), ex chief exec chez CBS reconverti dans l’immobilier, est à sa tête (lire son parcours). Ce groupe, soutenu par des géants de la distribution Asda et Ikea (voir lien ci-dessus), joue d’emblée le souteneur en promettant à tout candidat à la délocalisation la livraison d’un stade de 28 000 places.

Winkelman, parfois décrit comme ressemblant « à un reject geeky de Status Quo », déclare en substance : « Milton Keynes est prêt à accueillir tout club en difficulté. »

Avril 2000. Après presque 25 ans au club, Sam Hammam coupe définitivement les ponts avec Wimbledon FC en vendant le reste de ses actions à Charles Koppel (pour 1M £). Ce dernier sera l’homme lige des Scandinaves durant les négociations de la délocalisation avec Milton Keynes et convaincra, par des méthodes douteuses (absence de comptes, notamment), la commission désignée par la FA que Wimbledon FC n’était plus viable et ne pouvait être « sauvé » financièrement et sportivement que par cette transplantation (voir introduction et footnote [1] première partie)

Sam Hammam ira mettre le feu à Cardiff City quelques mois plus tard (qu’il rachètera pour 11,5M £, voir notre dossier sur Cardiff, actuel leader de D2).

1 mai 2000. Wimbledon perd 3-0 contre Bradford City et tombe dans la zone rouge. Plus que deux matchs pour sauver sa peau.

Olsen est viré, à la satisfaction générale. Vinnie Jones (qui a quitté le club en 1998 mais ramène toujours sa fraise) déclare, toujours aussi poétiquement : « Ce que je regrette au sujet de son départ, c’est de n’avoir jamais pu lui foutre mon poing sur la gueule. »

Terry Burton assure l’intérim.

Mai 2000. Wimbledon finit 18è de Premier League et est relégué en D2, après 14 ans de rêve parmi l’élite. Affluence moyenne sur cette dernière saison : 17 156. Preuve s’il en est que le club est bien viable.

Le tourbillon de folie déclenché vingt-trois ans plus tôt s’arrête net.

Les joueurs les plus cotés sont vendus (notamment Carl Cort et Ben Thatcher – le joueur préféré d’Egil Olsen ! -, respectivement 7M et 5M). La D2 n’intéresse pas les propriétaires norvégiens qui souhaitent se débarrasser du club le plus vite possible.

Août 2000. Milton Keynes fait des propositions concrètes à Wimbledon pour une délocalisation (après avoir approché nombre de clubs en difficulté de la région londonnienne, dont QPR, Luton Town, Crystal Palace et même le petit Barnet !).

Printemps 2001. Le mythique stade de Plough Lane est démoli. Il deviendra une résidence (la Reynolds Gate) dont les six bâtiments portent les noms d’illustres Dons :

–  Dave Bassett (le légendaire manager du début des Eighties qui propulsa ce minot de la D4 à la D1, en 4 saisons)

–  Allen Batsford (le manager qui les fit monter en Football League, 1977)

–  Alan Cork et Lawrie Sanchez (légendaires Dons)

–  Stanley Reed (président du club durant l’ère dorée, de 1983 à 2000)

–  Harry Stannard (ex Wimbledon Legend, joueur d’avant et après-guerre et dirigeant, au club de 1935 à 2000 !).

Sous les immeubles, sont enterrées des time capsules bourrés d’objets, photos et articles liés au club (condition imposée au constructeur par la Wimbledon Independent Supporters’ Association). Voir ici le contenu de l’une de ces capsules.

Début mai 2001. Wimbledon termine 8è de D2 (affluence moyenne : 7 901).

On parle de plus en plus d’une fusion entre Wimbledon et… Queens Park Rangers (club de D2 en redressement judiciaire, dettes de 10M). La Football League a donné son feu vert. Wimbledon déménagerait alors à Loftus Road, ouest londonien, antre des Rangers.

Les supporters organisent la rébellion, une fois de plus (les Rangers sont habitués, leurs anciens propriétaires faillirent fusionner leur club à deux reprises par le passé, 1967 – avec Brentford – et 1987, avec Fulham). Le projet sera abandonné deux mois plus tard car entre-temps Milton Keynes est revenu à la charge…

Juillet 2001. Wimbledon accepte l’offre de délocalisation de Milton Keynes.

2 août 2001. Tous les abonnés et membres de Wimbledon FC reçoivent une lettre du club leur annonçant leur intention de se délocaliser à Milton Keynes. Les manifestations et boycotts (boutique du club, etc.) reprennent de plus belle (ci-dessous).

16 août 2001. Milton Keynes et la Football League se rencontrent. La FL refuse catégoriquement le projet de délocalisation. MK fait appel. La Football League, endettée et sentant que cette histoire pourrait s’avérer fort coûteuse (en frais judiciaires), refile la patate chaude à la FA, elle aussi en proie à toutes sortes de problèmes (notamment l’épineux dossier du New Wembley et ses ramifications politiques).

29 janvier 2002. Une commission de la FA confirme la décision de la Football League rendue l’été précédent : rejet du projet de délocalisation. Mais les désaccords au sein  de la FA sont palpables et le débat fait rage.

S’ensuit une guéguerre entre FA et FL. Koppel et Milton Keynes profitent de ces querelles pour s’engouffrer dans la brèche et faire le forcing. La FL demande à la FA de désigner un autre panel pour statuer définitivement.

10 février 2002. Le Dons Trust est créé par les supporters de Wimbledon FC lors d’un rassemblement au théâtre de la ville. Son but : empêcher la délocalisation et donner une voix aux supporters (mouvement né au début des années 90 puis « officialisé » avec la création de Supporters’ Direct par le gouvernement travailliste en janvier 2000 ; le SD aidera beaucoup le Dons Trust).

Aujourd’hui, le Trust possède 77 % du club et gère l’AFC Wimbledon, qui naîtra trois mois plus tard. Le board, 9 personnes, est élu par les membres. Des réunions entre supporters et dirigeants sont organisées régulièrement. La cotisation annuelle est de 25 £ (adultes), 10 £ pour étudiants, retraités et sans emploi. Le Trust compte environ 2 500 membres.

Mai 2002. Wimbledon termine 9è de D2.

28.05.2002. Le panel indépendant de trois hommes commissionné par la Football Association autorise par deux voix contre une la délocalisation de Wimbledon FC à Milton Keynes (voir introduction).

30 mai 2002. Kris Stewart, Marc Jones et Trevor Williams, à la tête du WISA, créent l’AFC Wimbledon, soutenu financièrement par le millier de membres du Dons Trust et de nombreuses personnalités (locales et londoniennes, la WISA et le Trust sont bien réseautés, le coin est affluent – aisé).

Symboliquement, AFC ne signifie pas Association Football Club comme partout ailleurs (sauf AFC Liverpool) mais A Fans’ Club. Le club devient l’un des tous premiers fan-owned clubs du pays.

29 juin 2002. Des essais sont organisés à Wimbledon Common pour monter une équipe. Environ 250 joueurs se présentent aux sélections.

Août 2002. La FA fait démarrer l’AFC Wimbledon en D9. Le club, qui élit domicile au stade de Kingsmeadow à Kingston-upon-Thames (4 850 places, 10 kms de Wimbledon, aujourd’hui Cherry Red Records Stadium) table sur une moyenne de 1 000 supporters dans son budget prévisionnel. Il triplera ce chiffre pour sa première saison de non-league !

De manière incroyable, l’AFC attire plus de monde en D9 que Wimbledon FC en D2 ! L’AFC enregistre 4 262 spectateurs pour son premier match de championnat.

L’AFC Wimbledon (D9) et le Wimbledon FC (D2) disputeront deux saisons en parallèle (2002 à 2004). Lors de la première, l’AFC fera 3 003 spectateurs de moyenne contre 2 786 à Wimbledon FC (à Selhurst Park).

Février 2003-Décembre 2004. L’AFC Wimbledon aligne la plus longue série d’invincibilité du football anglais : 78 matchs.

Mai 2003. Wimbledon FC termine 10è de D2. Un mois plus tard, le club est placé en redressement judiciaire.

Septembre 2003. Wimbledon FC déménage au National Hockey Stadium de Milton Keynes (9 000 places). Seuls environ 200 supporters de Wimbledon se rendront régulièrement à MK. Les matchs à l’extérieur sont un désastre : parfois seulement 15 supps de Wimbledon font le déplacement ! (chiffre totalement inouï en Angleterre où le moindre club de Football League est suivi hors de ses bases par des centaines de supporters, au minimum).

Mai 2004. Wimbledon FC finit 24è et bon dernier de D2, direction la D3. Visiblement l’expérimentation-greffe n’a pas pris car l’affluence moyenne n’est que de 4 750 spectateurs, loin des prévisions de Peter Winkelman.

Juin 2004. Wimbledon FC est rebaptisé Milton Keynes Dons. Le suffixe Dons pose évidemment problème et une campagne « Drop the Dons » est lancée.

Intersaison 2004-05. Immédiatement surnommé le Franchise FC (parfois aussi le McDons), Milton Keynes Dons, officiellement « continuation légale » du Wimbledon FC, s’approprie l’histoire de Wimbledon FC en faisant venir les trophées du club, y compris son plus beau joyau : la FA Cup 1988. Les supporters de l’AFC protestent.

A peine créé, Milton Keynes Dons est considéré comme « illégitime » et devient le club le plus détesté du pays. La puissante Football Supporters’ Federation (FSF, 200 000 membres) interdit sa membership aux supps du club tant que MK Dons « gardera » l’histoire (trophées et autres) de son créateur, le Wimbledon FC.

Le magazine When Saturday Comes, dans un acte symbolique de non reconnaissance de ce nouveau club, refuse tout contact avec les imposteurs Dons qui démarrent leur maudite existence en D3.

Juin 2005. La solidarité entre supporter-owned clubs s’exprime concrètement : l’AFC Wimbledon aide le FC United of Manchester à se créer (aujourd’hui club semi-pro de D7 en pleine phase d’expansion, nouveau stade de 5 000 places, etc.).

L’Angleterre compte à ce jour sept clubs professionnels et une dizaine de semi-pros dirigés (partiellement ou non) par les supporters. Le petit dernier à rejoindre cette heureuse famille est Portsmouth FC, il y a dix jours (deal cependant à finaliser).

Août 2007. MK Dons, descendu en D4, cède à la pression (notamment de la FSF et de WISA) et le 2 août, au terme d’une longue et féroce bataille judiciaire de trois ans entre les diverses parties, les dirigeants « rendent » l’histoire de Wimbledon FC à l’AFC.

Lors d’une cérémonie émouvante, 18 caisses pleines de coupes, trophées, médailles, objets, documents, photos, programmes de match, etc. sont remises à l’AFC Wimbledon par Peter Winkelman (cette vaste collection trône désormais dans des vitrines de la bibliothèque de Morden, arrondissement de Merton-Wimbledon. Lors de l’inauguration, le 14 juin 2011, le Borough Council de Merton présentera ses excuses au club pour n’avoir « pas tout fait pour retenir le club à Wimbledon dans les années 1990. »).

Paul Ince (ex Man United, Inter Milan et Liverpool) est nommé manager. Il restera en poste une saison.

Un autre célèbre ex Red sera recruté par le club trois ans plus tard : Didi Hamann (en tant que joueur-coach – entraîneur au sein du club).

Novembre 2007. MK Dons déménage au Stadium mk, 22 000 places (bientôt 32 000, apparemment).

Mai 2008. L’AFC Wimbledon monte en D6, premier véritable échelon du football semi-pro.

Milton Keynes remonte en D3. Roberto di Matteo est nommé manager.

Mai 2009. L’AFC monte en D5 et passe professionnel.

Milton Keynes finit 3è de D3 mais rate ses play-offs. L’affluence moyenne est passée à 10 000 spectateurs. Paul Ince revient au club comme manager.

Mai 2011. L’AFC Wimbledon atteint la terre promise de la Football League : les Dons battent Luton Town en finale des play-offs à Old Trafford (aux tirs au but) et montent en D4.

Avant de s’élancer pour tirer le dernier pénalty, l’attaquant Danny Kedwell lance à ses coéquipiers : « Les gars, notre heure est arrivée »

Leurs revenus média passent instantanément de 15 000 £/an à plus de 600 000 £ (couverture de Sky et BBC).

Intersaison 2011. L’AFC Wimbledon confirme son intention de revenir jouer à Wimbledon, un site leur tend les bras : le Wimbledon Greyhound Stadium, situé à 300 mètres de feu Plough Lane (stade multi-usages, course de lévriers, stock car, speedway, concerts, etc.). Ce stade est actuellement en vente et intéresse fortement l’AFC. Le projet serait gigantesque : au final, un stade de 22 000 places, pour un coût avoisinant les 100M £ (détails). Décision du Conseil d’arrondissement de Merton dans environ un an (voir « What happens next? » dans le lien ci-dessus).

Septembre 2012. Jimmy Bullard, grand turlupin du foot anglais, signe un contrat pay-as-you-play pour Milton Keynes (Ipswich refuse de continuer à financer ses séjours à l’infirmerie à hauteur de 180 000 £/mois). Bullard rejoint Alan Smith, 32 ans (ex Leeds, Manchester United et Newcastle) et Luke Chadwick, 32 ans, ex Man United (et ex Fergie Fledgling), entre autres clubs. Un mois plus tard, l’inénarrable Bullard raccroche définitivement les crampons, ici.

19 septembre 2012. Terry Brown est limogé. Brown est le manager emblématique des Dons en place depuis plus de cinq saisons et qui les fit progresser de la D7 à la D4 (son fils est gardien à l’AFC). Le bon Terry est remplacé par Neil Ardley (ci-dessous), 40 ans et ex joueur de l’ex Wimbledon FC dans les Nineties (250 matchs au compteur Dons).

Les medias parlent (évidemment) de fairytale. Ardley déclare :

« Hollywood devrait vraiment acheter les droits de l’histoire du Wimbledon FC, il n’y en a pas deux comme ca. Mais il faut penser au present et à l’avenir, je suis prêt à relever le défi. C’est mon premier poste de manager, c’est même ma toute première candidature, et j’ai la rage de vaincre. Mais ce n’est pas une candidature émotionnelle pour moi, c’est purement footballistique, rien d’autre. »

Toutefois, la réalité n’a rien de romantique pour l’ex membre du Crazy Gang : l’AFC Wimbledon se traîne en bas de classement, talonné par le Barnet d’Edgar Davids, lanterne rouge. Un peu plus haut qu’eux : le Chesterfield FC de Luis Boa Morte et l’Accrington Stanley de l’ex international anglais James Beattie. Ah ! le glamour insoupconné de la D4 anglaise…

Entre-temps, l’increvable gardien vétéran et ex international écossais Neil Sullivan (presque 43 ans), ex Don de la grande époque (1988-2000), est arrivé de Doncaster (prêté).

13 novembre 2012. Replay du first round de la FA Cup : Wimbledon sort York City (D4) 4-3 tandis que MK Dons défait Cambridge City (D7) 6-1. Le tirage avait eu lieu dix jours avant et accouché d’un extraordinaire MK Dons-AFC Wimbledon.

Les réactions sont contrastées. Du côté de Milton Keynes, on exulte, ostensiblement.

A Wimbledon, certains évoquent un possible boycott, ici et ici mais WISA décidera finalement de ne pas appeler au boycott (ici). Simon Wheeler, président de WISA, déclare (à chaud) :

« Les dirigeants de Milton Keynes sont probablement très gênés d’avoir à affronter les gens auxquels ils ont volé le club. […] Je n’assisterai pas au match, je me suis juré de ne jamais mettre les pieds là-bas et jamais je ne verserai un centime à ce club. Je regarderai probablement le match à Kingsmeadow [stade de l’AFC] où j’irai à la jardinerie du coin avec ma belle-mère.

[…]

Maintenant, les supporters de l’AFC sont grands, libre à eux de choisir. Mais pour moi, assister à ce match serait comme si quelqu’un vous piquait votre votre maison et dix ans plus tard, vous deviez payez ce type pour pouvoir aller y regarder la télé. »

Malgré cela, les billets mis à la disposition de l’AFC se vendent comme des hotcakes (il n’en restait plus que 200 hier soir, sur les 2 500 mis à la disposition de l’AFC).

Outre Luke Chadwick (ci-dessus, à gauche) et Alan Smith (s’il joue, photo de droite), Milton Keynes pourra compter sur :

– les milieux internationaux irlandais Stephen Gleeson et Darren Potter

– le latéral droit Jon Otsemobor

– leur solide capitaine, le latéral gauche Dean Lewington (fils de Ray, adjoint d’Hodgson à la tête des Three Lions), le seul ex Don de l’effectif (2002-04) avec le gardien David Martin

– les attaquants Dean Bowditch et Angelo Balanta (Colombien prêté par QPR)

– le jeune prêté de Chelsea Patrick Bamford (19 ans, U19 anglais) qui vient à peine d’arriver mais a déjà impressionné contre Colchester il y a deux semaines (5-1)

A noter la présence du Français Mathias Kouo-Doumbé (arrière central). Milton Keynes a une réputation de passing side et ce n’est pas le leader Tranmere Rovers qui contredira : le troisième club de Liverpool s’est fait battre à domicile 1-0 par un MK Dons intenable il y a deux semaines

Côté Dons, signalons :

– Yado Mambo, arrière central prêté par Charlton

– Will Antwi, arrière central, ex international ghanéen (il n’est cependant plus ce qu’il fut)

– Steven Gregory, milieu classieux prêté par Bournemouth

– Rashid Yussuff, milieu au beau pied gauche

– Jack Midson, meilleur buteur du club l’an dernier (20 buts)

– Luke Moore, milieu offensif / avant-centre, pièce maîtresse de l’effectif

– Byron Harrison, attaquant athlétique, 8 buts  en championnat cette saison

Milton Keynes est actuellement 2è de D3 après 19 journées (sur 46) tandis que l’AFC Wimbledon occupe la 22è place de D4 (sur 24 – 3 831 spectateurs de moyenne cette saison, soit la 13è affluence de D4).

Les faux Dons sont largement favoris mais qui sait, si l’esprit Crazy Gang hante les lieux, tout est possible.

(le match sera diffusé sur ITV dimanche à partir de 12 h 05 ainsi sur leur site internet. Coup d’envoi à 12 h 30).

Kevin Quigagne.

(Teenage Kicks, le blog du foot anglais, sur Facebook et Twitter).

Dimanche 2 décembre à 12 h 30, à l’occasion du deuxième tour de FA Cup, l’AFC Wimbledon (D4) affrontera sa nemesis, son usurpateur d’identité, Milton Keynes Dons (D3). Une rencontre que toute l’Angleterre du football attend sabre aux dents depuis dix ans.

La lecture de l’introduction est fortement recommandée.

[Cliquer sur les photos fait tout chose parfois]

Début années 80.

Si les Dons aiment muscler les matchs, ils affectionnent aussi les entraînements à la fois (très) rugueux et décalés.

Dave ‘Harry’ Bassett ordonne par exemple à ses joueurs de courir les bras en l’air puis d’hurler « Power » en sautant (ce rituel bizarre deviendra une célébration de but) et il encourage activement le jeu dur (notamment lors d’un exercice assez violent intitulé mystérieusement « Harry Ball »). Leur style de foot se transforme en un sport de collision, en une sorte de soule contemporaine, et il n’est pas rare que certaines séances de ce Harry Ball se terminent avec du sérieux grabuge (chevilles esquintées, épaules demises, etc. – on comptera même des cotes cassées).

Et inutile de compter sur les petits nouveaux pour zénifier l’ambiance. Le milieu Dennis Wise arrive de Southampton fin mars 1985 (à 18 ans) après s’être brouillé avec le manager des Saints.

Un an plus tard (mars 1986), débarque une autre forte tête : l’attaquant John Fashanu, 23 ans (Fash the Bash – Fash le Cogneur), acheté à Millwall pour 125 000 £.

Se pointe même… Ian Holloway, 22 ans (pour 35 000 £ et une pige express).

Mai 1986. Le miracle se produit, Wimbledon FC finit 3è de D2 et accède à la D1 ! Leur ascension a été fulgurante : les Dons étaient encore amateurs en 1977 et en D4 en 1983 !

A l’intersaison, le club recrute un parfait inconnu, un joueur amateur du coin manoeuvre de chantier la semaine à 60 £ / hebdo et footeux à ses heures perdues : un certain Vincent Peter Jones, 21 ans. Vinnie Jones arrive de Wealdstone (D9) pour seulement 10 000 £.

Mai 1987. Pour leur toute première saison de D1, les Dons finissent à une superbe 6è place. Derrière eux, du beau linge : Nottingham Forest (8è), Manchester United (11è), Chelsea (14è), Newcastle (17è), Manchester City (21è) et Aston Villa, 22è (tous deux relégués). Les Dons ont collectionné les scalps prestigieux, dont une victoire 2-1 à Liverpool le 28 mars.

Anecdote toute Wimbledonnienne à l’occasion de cette première visite des Dons à Anfield… En descendant les marches sacrées du tunnel, alors que les Reds touchent le This is Anfield de la main, l’impayable Vinnie Jones préfère coller une feuille de papier sur le légendaire panneau. Dessus, le hard man a écrit : « On s’en tape ».

Juin 1987. Dave Bassett quitte le club pour Watford (D1), autre minot inconditionnel du kick and rush (sous le légendaire Graham Taylor, avec Elton John aux commandes) qui a récemment gravi tous les echelons de la Football League en hyper accéléré (D4 a D1 en quatre ans, 1978-1982). Le nouveau manager des Dons est Bobby Gould.

13 mai 1988, veille de la finale de FA Cup. Les Dons viennent de finir 7è de D1 et s’apprêtent à vivre l’évènement le plus important de leur histoire centenaire : la finale de FA Cup contre le quasi invincible Liverpool. Comme il sied tant aux Dons, la préparation sera des plus rock and roll.

Le manager veut faire les choses très professionnellement et isole le groupe dans un hotel chic de Wimbledon (le Cannizaro’s) pour une préparation calme et sereine. Mais la cure de repos va vite tourner à la mise aux verres : les joueurs passent la veille du match à se pinter au Fox & Grapes, le pub local qui servit autrefois de vestiaire à Wimbledon FC à sa création en 1889.

Et ce avec la bénédiction forcée de Bobby Gould, qui après avoir vainement tenté de retenir ses ouailles dans l’hôtel, jette l’éponge et donne lui-même de l’argent aux plus fauchés du groupe pour qu’ils aillent rejoindre la bande à Vinnie au comptoir…

Une soirée qui s’achève sur un sérieux incident entre John Fashanu et un reporter de feu le torchon dominical News of the World (le torchonneux lui avait posé des questions sur ses supposées infidélités ; Fash s’était emporté et, de rage, avait fracassé une porte. Son poing morfla mais il disputa tout de même la finale).

14 mai 1988, Wembley, finale de FA Cup. En déjeunant, les Dons voient Alan Hansen (joueur-cadre des Reds) declarer à la télé, goguenard :

« A Wembley aujourd’hui, il n’y a que des supporters de Liverpool ! Le stade est plein de Reds ! »

Les chants des supps Reds chambrent aussi les Dons, sur le thème des Wombles, leur surnom tiré d’un célèbrissime personnage pour enfants, une sorte de taupe bisounours écolo qui vit dans Wimbledon Common… (clip du tube – numéro 1 des Charts dans les Seventies – et ouais, y’avait pas que les Clash qui cartonnaient à l’époque).

Il n’en faut pas plus pour remonter le Crazy Gang comme des coucous enragés.

Deux heures avant la finale, les Dons commencent leur séance d’intimidation : ils cognent sur les murs du vestiaire des Reds en hurlant insultes et menaces.

Rebelote dans le tunnel de Wembley où ils entonnent leur bizarres chants guerriers, ponctués d’un mystérieux cri hyèneux (« Yiiiiiiiiidaho »). Vinnie Jones va même voir Kenny Dalglish et lui lâche : « Toi, je vais t’arracher une oreille et après je cracherai dans le trou. »

Victoire 1-0 des Dons (voir article TK et clips immanquables), une prouesse considérée comme l’une des plus grosses surprises en finale de la compétition.

Malgré la gloire, l’imprévisible Sam Hammam vit ce triomphe comme un aboutissement et met toute l’équipe en vente ! Dave Beasant, un historique du club (depuis 1979), part pour Newcastle.

1988-1992. Sous la houlette de Bobby Gould (jusqu’en 1990) puis Ray Harford (1992), le club finit 12è, 8è, 7è et 13è de D1. Les affluences moyennes tournent autour de 8 000 spectateurs et ce malgré les prix parmi les plus élevés de D1 (entre 7 et 14 £ – quand un billet dans le Kop d’Anfield ne coûte que 4 £ maximum).

Les joueurs clés de cette période (outre les déjà cités) sont John Scales (futur Red), le milieu Robbie Earle et les attaquants Alan Cork et Dean Holdsworth (à partir de 1992 pour ce dernier).

1991. Hammam déclare vouloir fusionner avec Crystal Palace pour créer « le superclub du sud londonien » et annonce la construction d’un grand stade sur Wimbledon. Les supporters protestent et les médias s’en mêlent. Tous sont unanimes pour condamner cet énième projet insensé. Hammam jette finalement l’éponge.

D’aucuns pensent que ce mariage de convenance n’avait qu’un but strictement financier : Hammam possède des terrains (et parkings) tout autour de Plough Lane et un merger aurait considérablement fait monter la cote du club, surtout à l’orée de cette Premier League qui attisent tant les convoitises.

1991-92. Avec la Premier League qui se profile et le début de la course aux armements, le club connaît de graves problèmes financiers. Les rapports entre Sam Hammam et le Conseil d’arrondissement de Merton (Wimbledon) sont difficiles et le Libanais cherche une solution pour se passer d’eux…

Parallèlement, la ville nouvelle de Milton Keynes (alors ambitieuse cité de 150 000 habitants) continue à rechercher désespérément un club professionnel.

MK, c’est aussi un troupeau de vaches en béton disséminées à travers la ville, triste symbole de cette cité quadrillée à l’américaine et alors seule agglomération européenne de taille sans club de football pro. MK a pigé qu’il serait infiniment plus facile de s’approprier un nid bien douillet plutôt que d’essayer de métamorphoser son piteux club de D8 en machine conquérante bâtie pour affronter les exigences de la Football League.

Eté 1991. Wimbledon quitte le mythique Plough Lane, un stade totalement déglingué que Sam Hammam décrète inadaptable aux nouvelles normes all-seater (rapport Taylor consécutif à la tragédie de Hillsborough).

Pas de superclub avec Crystal Palace mais un partage de stade avec les Eagles ; Wimbledon FC évoluera donc à Selhurst Park dès août 91, sans toutefois abandonner l’ambition de se trouver un chez-soi, ce qui engendrera des années de conflit entre Sam Hammam et le Conseil d’arrondissement. Plough Lane continuera à être utilisé par la réserve Don.

1992. Joe Kinnear est nommé manager. Il fera de l’excellent boulot et restera à Wimbledon jusqu’en mai 1999.

1994. Sam Hammam revend Plough Lane à feu Safeway (supermarchés) pour 4M £. Certains observateurs notent le côté louche de la manoeuvre et l’extrême complaisance du Conseil d’arrondissement concernant la mystérieuse altération des statuts du stade. Envolées donc les covenants, restrictions majeures qui stipulaient que le site, si vendu, ne pourrait servir qu’à la pratique du sport ou d’autres loisirs.

1995. Formation du WISA, la Wimbledon Independent Supporters’ Association, un groupe militant qui éclipsera le Wimbledon FC Official Supporters Club, jugé trop mou pour mener à bien les rudes luttes à venir. WISA deviendra très actif par la suite, notamment dans la création du Dons Trust début 2002, groupe d’un millier de supporters-membres qui fondera l’AFC Wimbledon six mois plus tard.

Côté terrain, les Dons alignent les excellentes saisons en D1 : 9è en 1995, 14è en 1996 et 8è en 1997 (auxquels s’ajoutent  deux demi-finales de coupe en 1997, FA Cup et League Cup).

1996-1997. Plusieurs Conseils d’arrondissement du sud de Londres refusent d’accorder un permis de construire au projet de nouveau stade du Wimbledon FC (on refuse également à Sam Hammam l’implantation de divers business, dont une usine).

Hors de lui, le Libanais met le paquet pour délocaliser Wimbledon qui se voit envoyer aux quatre coins du Royaume et au-delà : Manchester, Gatwick (!), Cardiff, l’Ecosse, la côte Sud et surtout Dublin, destination fortement convoitée. Malgré le feu vert de la Premier League (la FA ne tranche pas) et le fort intérêt suscité à Dublin notamment auprès de la population locale et de personnalités (dont Paul McGuinness, manager de U2), sevrées de football de haut niveau, la fédé irlandaise refuse cette énième excentricité Dons (un Niet approuvé, après coup, par l’UEFA et la Fifa).

C’est à cette époque que Sam Hamman vend 80 % de Wimbledon à deux richissimes pigeons norvégiens de passage (alors parmi les plus grosses fortunes d’Europe) attirés par cette Premier League si aguichante (ils viennent d’échouer dans leur tentative de racheter Leeds United). Hammam leur fait superbement l’article et les assure qu’ils n’auront aucun mal à délocaliser. Les deux gogos mordent à l’hameçon et s’imaginent acheter une franchise à l’américaine.

Tout en restant au board, Hammam réalise une incroyable plus-value :  Wimbledon est officiellement vendu pour 30M de £ [1], soit une invraisemblable culbute de x 750 ! (en 16 ans, et peu d’investissements).

Janvier 1999. Wimbledon frappe un grand coup sur le marché des transferts : le Gallois John Hartson est acheté à West Ham pour 7,5M £, record du club.

Mars 1999. Joe Kinnear, manager, est foudroyé par une crise cardiaque (non fatale) juste avant un match contre Sheffield Wednesday à Hillsborough et se retire temporairement du football. Les Dons sont sous le choc et dégringolent de la sixième à la seizième place en deux mois, leur classement en fin de saison. Cela sent le purgatoire de D2 pour eux et Hammam tempête :

« Si l’on doit descendre, on laissera une trainée de sang d’ici à Tombouctou. »

Eté 1999. Hammam se brouille avec les deux zillionnaires Norvégiens et quitte le club. Enfin, plus ou moins, car tout comme Vinnie Jones (qui vient de raccrocher les crampons après une saison à QPR), il n’est jamais bien loin (il possède encore des actions, qu’il vendra neuf mois plus tard).

Juillet 1999. Un nouveau manager arrive et il détonne sérieusement : il s’agit du marxiste-léniniste norvégien Egil Olsen (ci-contre). Le cérébral Egil, réputé man-motivator hors pair (à la Brian Clough), commettra l’erreur fatale de se pointer aux premiers entraînements Dons… en Wellingtons vertes, déclenchant l’hilarité générale. Enfin, pas longtemps, car le Crazy Gang lui brûlera ses deux paires. Il continuera à les porter en arpentant la ligne de touche pendant certains matchs, ce qui ne manquera pas de faire pouffer.

Le mariage entre ce petit club moribond et celui qui a hissé la Norvège dans le Top 10 du classement Fifa dans les Nineties interloque (4è en 1993 et 7è en 1999, deux phases finales de Coupe du monde. Entre 1993 et 1996, la Norvège n’encaissa qu’un seul but en open play ! Olsen tentera d’adopter ce système à Wimbledon, sans grande réussite).

Les experts rassurent, en soulignant la filiation naturelle entre le Wimbledon de Harry Bassett et la philosophie kick and rush d’Olsen depuis les Seventies (basée sur une défense de zone, des contre-attaques éclairs, un targetman géant et des ailiers supersoniques). Les non experts, eux, ne s’embarrassent pas de ces considérations tactiques et se lêchent les babines à l’idée de voir Olsen se faire bizuter par le Crazy Gang.

Car les énergumènes du CG n’ont que faire de l’éblouissante carte de visite de ce maître-tacticien et le premier entraînement est surtout mémorable pour la sauvagerie de l’accueil réservé à l’intello Scandinave : les joueurs lui…

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] Selon le WISA, l’un des rares à avoir eu accés aux comptes du club au moment du redressement judiciaire en 2003, cette somme de 30M £ souvent avancée dans les médias serait exagérée, sans que l’on connaisse le montant de la vente – comptes opaques.