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Habitus baballe

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  • Le génie se meurt ? Ah mais l'mage rit le 28/06/2023 à 08h57
    En même temps, ça couvre bien tous les cas, car parfois il n'y a pas volonté de vengeance.

  • Pascal Amateur le 28/06/2023 à 09h16
    Je ne peux toutefois m'empêcher de trouver ce terme mignon.

  • Red Tsar le 28/06/2023 à 16h13
    Ave Franco et gratias maximas.
    Même si la suite se laisse deviner avec cette première réponse, je suis preneur des compléments !

    ps : Desirless : n'est-ce pas le nom choisi par Sénèque pour sa réincarnation parmi nous ?

  • Franco Bas résilles le 28/06/2023 à 18h35
    Tu l'auras compris, le tourisme n'est pas une notion dont l'Antiquité possède un véritable équivalent. Chez les Grecs, on m'objectera par exemple Hérodote et Pausanias, mais chez les deux, les pérégrinations sont subordonnées à l'enquête menée ; certes, Pausanias a souvent été présenté comme précurseur des guides de voyage, mais en fait, il s'inscrit dans une tradition grecque de littérature de voyage où entrent en vrac les romans plus ou moins exotiques, les récits d'expéditions militaires, et surtout une littérature de "circuit" qui avait pour objet la description de sites et de monuments remarquables d'une région (c'est à l'époque hellénistique, vers le IIIe siècle, que commencent de fleurir ces "périégètes"). J'y reviendrai.
    Un mot au passage sur les « romans » grecs (1er-3e siècle environ) : oui, les héros se déplacent ou sont déplacés, oui il y a de l'exotisme, oui le voyage a une dimension initiatique et donc formatrice, mais rien de "touristique", là non plus. D'ailleurs Ulysse le premier n'a pas "souhaité" voir du pays (qu'ils disaient), même s'il en revient enrichi à sa façon. Bref, on a une littérature (et des cultures, mais je m'en tiens à la Grèce et à Rome) trouvant le retour beaucoup plus fécond que le départ, au point qu'à l'autre bout de l'antiquité, chez Augustin (un peu comme chez Plotin), le retour à la patrie symbolise l'initiation à la vie divine...
    Pour répondre donc à une de tes interrogations, le voyage de plaisance et d'instruction c'est plutôt le système de jeu de la Renaissance italienne avec Machiavel, Brunetto Latini, Pétrarque, Fortunat, et jusqu'à l'arrêt Bosman...
    Je reviens à Rome, à l'otium et au paysage pour ta 1e question. Sénèque (dans son traité « De otio ») associe la notion d'otium à la contemplation ; cette notion ne se fixe vraiment qu'au premier siècle av. J.-C., pour désigner la tranquillité de l'existence privée, tournée vers les activités culturelles et qui nécessite un recul (temporaire) vis-à-vis des activités politiques. Or il se produit un phénomène particulier à cette époque, une forme de tourisme migratoire vers la Campanie ou la Toscane, du fait de la multiplication des villas de luxe, elle-même causée par l'afflux des ressources issues de la conquête de la Grèce et du bassin oriental de la Méditerranée. On en trouve l'écho chez Pline le Jeune, entre autres, et avec des descriptions de paysages révélatrices de valeurs et de goûts communs à l'élite aristocratique de son temps : l'habitation est ouverte sur le paysage, souvent via des structures en terrasses, et l'organisation du portique et du jardin intègre au sein des villas des paysages naturels, répliqués souvent par des peintures représentant mer et jardins, montagne et plaine, nature aménagée par l'homme et nature non aménagée. Autrement, dit, on assiste à une appropriation progressive du paysage par l'élite romaine, et ce mouvement rejoint un peu sur ce quoi tu t'interrogeais, me semble-t-il.

    (Suite plus tard)

  • Franco Bas résilles le 28/06/2023 à 18h45
    Je poursuis… Côté grec, pas de terme approprié pour désigner la notion de "paysage" ! Bon.
    Alors quand même, chez Homère, dans les Hymnes homériques et chez Hésiode, les dieux affectionnent les tapis de fleurs, les arbres et les cours d'eau sympas ; les bergers de Théocrite s'ébattent en jouant de la flûte dans des paysages bucoliques, que ce soit pendant un printemps qui dure, ou pendant un automne riche en fruits qui giclent. Bref, la montée de la sève ou la purulence sucrée. De même, Platon dans Phèdre nous décrit les bords de l'Ilisos à Athènes, et c'est reparti pour l'eau limpide, l'herbe accueillante, les arbres bienveillants, les abeilles industrieuses et les cigales, ces grosses feignasses. On peut parler de "paysages", je préférerais parler de "cadres".
    Quant à Pausanias… il parcourt la Grèce continentale au IIe siècle après J.-C., décrivant beaucoup de choses, mais guère les paysages, car sa topographie est avant tout religieuse, telle source renvoie à telle divinité, telle particularité botanique révèle un bois sacré, etc. Parfois, il lui arrive de parler « gratuitement » des fleurs et des oiseaux, mais on est encore loin de Saint François et de Gérard Lenormand, et l'identité paysagère d'un lieu n'apparaît peut-être jamais chez lui.
    Quant à savoir comment il a été « reçu », perçu, lu dans l'antiquité ? Néant, quasiment aucune information, et ce n'est pas bon signe pour lui… En revanche, on sait que Pausanias, dans sa recherche d'informations sur les traditions locales des cités qu'il parcourait, y trouvait des guides, des "exégètes" dépositaires de la mémoire civique qui faisaient aussi (un peu) office du tourisme dans les cités pour les voyageurs de passage. On sait aussi de mieux en mieux que le texte de Pausanias est une construction littéraire « de son temps », qui répond à un projet d'ensemble consistant en gros en un rappel de la supériorité culturelle grecque - une opération en quelque sorte mémorielle, patrimoniale et quasi encyclopédique parfois.
    J'ai évoqué à propos du tourisme de luxe romain, les effets de la conquête et de la provincialisation de la Grèce, mais en Grèce même, quels effets ? Probablement un mélange entre l'affirmation d'une identité, d'une culture, et une intégration partielle des normes romaines. Les monuments et les œuvres d'art chers à Pausanias représentent l'histoire, incarnent la permanence du passé, sont l'occasion de tirer tous les fils culturels. Pas vraiment guide touristique, donc, le texte de la "Périégèse" peut toutefois servir à comprendre comment les Grecs ont cherché à se définir à la fois par rapport à leur passé prestigieux mais un peu écrasant, par rapport à la nécessité d'entretenir la mémoire pour sauvegarder leur identité, par rapport à la culture du conquérant.
    Sur ce dernier point, j'ai lu quelque part qu'il y aurait un rapport entre la "Grèce imaginaire de Pausanias" (selon le sous-titre d'un ouvrage de Christian Jacob, non pas lui, l'autre), d'une part, et la représentation des paysages dans l'art et la littérature de l'Italie d'époque impériale, d'autre part… On a même pu établir que Pausanias développait, chez certains héros dont il raconte l'histoire, des valeurs caractéristiques d'un idéal moral qui est celui … des dirigeants d'époque romaine contemporaine.
    Donc cet ouvrage est plutôt un musée vivant (et à l'air libre en général) d'une mémoire hellénique pas toujours si bien conservée que ça, plutôt qu'un guide ; s'il a pu servir à voyager, ce n'est pas dans l'antiquité, mais plus tard, quand s'est épanouie la figure de l'écrivain-voyageur.

    Je me suis un peu égaré avec plaisir entre paysages et voyage, je crois. J'arrête là !

  • John Six-Voeux-Berk le 28/06/2023 à 19h04
    Très intéressant.
    Et quelle place pour les Epicuriens, Virgile et les Géorgiques dans cette histoire ?
    Parce que les Géorgiques semblent développer une attention aux spécificités des terroirs et des paysages, en partie liée à une manière poétique de voyager et à habiter les lieux et les paysages ? (C'est en tout ce qui m'a frappé lors de ma lecture de Béotien : la campagne de Virgile dans les Géorgiques n'a rien du petit coin de verdure interchangeable et générique que l'on croise souvent en poésie)

  • Franco Bas résilles le 28/06/2023 à 20h07
    Les Épicuriens de stricte obédience sont gens d'un seul club, pas de mercato pour eux, le voyage est une source d'emm… (« Suave, mari magno turbantibus aequora ventis », tout ça), donc on laisse ça aux autres, aux agités. De ce fait, les paysages appréciés sont plutôt d'étendue restreinte, circonscrits, voire clos, avec des trucs à bouffer quand même, mais raisonnablement… Virgile est fortement influencé par l'épicurisme, on a d'ailleurs vu dans les "Bucoliques" de Virgile Tityre comme une image des premiers hommes de Lucrèce, couché sous un arbre, s'apprêtant à jouer de la flûte (non, pas de contrepèterie)…
    Virgile, comme Rousseau, voit le paysage dans les "Bucoliques" comme un état d'âme : la terre italienne se transforme, c'est à l'image des transformations spirituelles. L'Arcadie est un paysage imaginaire, symbolique, civilisé. Je peux développer si cela t'intéresse.
    Concernant les "Géorgiques", l'espace décrit traite surtout les empreintes de la civilisation sur la nature (la perte de l'état sauvage, la domestication). Le point focal, ce sont les champs cultivés des plaines, autour desquels s'organise l'activité humaine (tailler, assembler, tresser pour se faire des outils ou travailler la vigne, etc.) ; ce monde est en équilibre entre l'état primitif de nature et l'organisation du chaos. La civilisation, le progrès permettent de dépasser la vie des premiers hommes, mais le nouveau mode de vie (goût du luxe, paresse) menace cet équilibre, il faut se battre pour reconquérir sur le chaos, édifier une nouvelle Arcadie pour retrouver ce paradis qui subsiste dans le cœur humain comme une trace. Cela se traduit dans les paysages des "Géorgiques" par un caractère plus géométrique (reflet d'un état d'âme, là encore), plus organisé que dans les "Bucoliques", plus... cultivé.
    Nous avons quitté le monde où le berger ne transpire pas pour un autre où rien ne se fait sans l'effort humain et sans les transformations qu'il permet du raisin en vin, du blé en pain... Si les paysages sont beaux, c'est parce que la grandeur du travail de l'homme, la nature sauvage et l'harmonie du cosmos y sont à l'œuvre.

  • Red Tsar le 29/06/2023 à 12h08
    Merci pour tout, c'est très clair et passionnant !
    Et cerise sur le gâteau, l'influence épicurienne chez Virgile, à laquelle je n'avais jamais songé et qui semble également percoler dans L'Énéide : lien

  • John Six-Voeux-Berk le 29/06/2023 à 12h22
    Merci pour les aperçus plus précis.

    En effet, le terroir dans les Géorgiques tresse étroitement traditions humaines et particularités physiques du climat et de la terre.

    Hors sujet : Il y a un passage magique où un "Virgile" tout excité et incrédule chante la greffe qui permet au paysan de tromper l'ordre de la fructification naturelle (les arbres ne reconnaissent plus leurs fruits). Passage magique à mes yeux parce qu'on y voit soudain la préférence antique habituelle pour l'ordre laisser la place à une rêverie sur l'artifice qui "trompe" les lois de la nature (en réalité qui en exploite les particularités dans ce cas) pour produire de beaux monstres.

  • Ivan de la peine le 30/06/2023 à 01h45
    Dites, je vous interromps dans cette belle et poétique discussion pour une question Alan Watts : entre bullshitage sous acide et chuut ce monsieur a quelque chose à dire, on le situe où ?

    "Only suckers put hope in the future"

    C'est raide non ?