False par-ci, false par-là… En quelques années à peine, cette locution anglaise s’est imposée dans le discours tactique avec la vivacité d’un ailier tricoteur. Le terme est ainsi devenu le symbole d’une nouvelle génération d’analyse tactique, professionnelle ou amatrice, au point d’en devenir sa propre caricature sur les forums et les réseaux sociaux. Mais au-delà de leur potentiel comique, ces cinq petites lettres reflètent une certaine mutation du football contemporain – de la manière dont on l’observe et le commente, et de cette manie que nous avons parfois de le prendre un peu trop au sérieux.

On connaissait déjà le « false 9 » (inventé par Francesco Totti, transfiguré par Lionel Messi), le « false 6″ (brillamment incarné par Sergio Busquets ou plus rarement par Thiago Motta), et même les « false fullbacks » que seraient David Alaba et Rafinha dans le jeu actuel du Bayern. On notera au passage la prévisible influence de Pep Guardiola dans l’émergence de ces néologismes, dont il est presque le géniteur majoritaire… Et la liste risque encore de se rallonger. À en croire le blogueur ForgottenLibero, il faudra désormais compter avec le « false single pivot », expérimenté par ce même Rafinha le week-end dernier, contre Cologne. On pourrait croire à un running-gag, il semble n’en être rien. Hier cantonnées à des valeurs numéraires, les formulations en « false » avaient le mérite de rester raisonnables ; cette nouvelle trouvaille, qui associe la lourdeur stylistique à l’opacité sémantique, vient ainsi corroborer certaines dérives pompeuses observées dans le milieu de l’analyse tactique. Nous y cédons d’ailleurs régulièrement sur ce blog… [1]

LA DÉMOCRATISATION DU « FALSE »

Mais, aussi ronflantes soient-elles, ces « falsifications » restent un mal nécessaire, pour évoquer certaines mutations du football sur lesquelles nous peinons à mettre des mots plus sobres. Une sorte de pis-aller sémantique qui reflète non seulement notre incapacité à traduire concrètement des concepts novateurs, mais aussi à les définir simplement. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ; or, dans la majorité des cas, il est impossible d’expliciter de manière formelle ce qui se passe sur un terrain, tant cela implique de subjectivité. Il n’y a qu’à voir, pour s’en convaincre, le nombre de définitions qui coexistent d’un « faux n°9 » : chez certains, il s’agira d’un buteur jouant en position reculée ; chez d’autres, d’un non-buteur jouant en position de buteur… À l’heure où l’analyse tactique explose, sur des blogs amateurs ou professionnels, chez les médias généralistes ou spécialisés, de telles variations semblent logiques et inévitables. De fait, les usages plus ou moins libertaires du préfixe « false » reflètent la démocratisation, voire la réappropriation par le tacticien lambda, d’un certain vocabulaire hier réservé aux professionnels de la profession – journalistes, consultants, entraîneurs.

Par corollaire, ce vocabulaire reste éminemment lié à son support de départ – Internet pour l’immense majorité des usages observés –, s’éloignant logiquement du corpus habituel en football. Mais la question des « faux postes » n’est pas uniquement sémantique. Elle dévoile aussi une réalité effective du terrain, une lente évolution tactique aux multiples origines. Si l’on ausculte les cas énoncés, l’émergence d’un « false quelque chose » s’avère principalement lié au repositionnement d’un joueur vers un poste auquel il n’a pas été formé. Toute la complexité du sujet réside dans cette dernière assertion. Car en réalité, être formé à un poste signifie-t-il être « formaté » pour ce poste ? À l’exception du rôle bien spécifique du gardien, la majorité des joueurs de haut niveau possèdent aujourd’hui une palette de jeu dépassant le seul cadre de leur fonction d’origine. Les milieux de terrain n’ont d’ailleurs pas attendu la conceptualisation du « faux n°6 » pour se voir repositionnés en défense centrale, ou inversement. De fait, entre le néologisme d’un blogueur et la réalité du terrain se joue le ballet bien connu de l’œuf et de la poule appliqué à l’analyse tactique… Pour autant, la multiplication de ces formulations interroge : le football est-il réellement en train de glisser vers un mixtion croissante des positionnements ?

L’HYBRIDATION DU « FALSE »

C’est le postulat de départ de « l’hybridation des postes », un concept que l’on pourrait résumer ainsi : depuis les années 2000 et le franchissement d’un nouveau pallier dans la professionnalisation / modernisation du football (notamment liée aux revenus de la Ligue des champions « nouveau format »), les joueurs en formation possèdent des qualités techniques et tactiques leur permettant de jouer à un nombre de postes élargi, dépassant le cadre du corpus traditionnel évoqué plus haut. À cela s’ajoute, dans une moindre mesure, l’élargissement des centres de formation à de nouveaux territoires – Asie centrale et du Sud-Est, mais aussi certains pays post-soviétiques ayant vu leurs structures évoluer au cours de cette époque, etc. –, qui permettent d’injecter dans les championnats européens des profils nouveaux, et donc d’offrir aux coachs les plus inspirés une palette tactique toujours plus touffue pour incarner leurs schémas tactiques. Si ce dernier point reste encore chose rare en Europe, nul doute que l’émergence de jeunes pépites « exotiques » contribuera à renforcer la capacité d’innovation de quelques grandes équipes.

Dans ce contexte, il est presque impossible de dire d’un joueur contemporain qu’il a été « formé » à tel ou tel poste : cela reviendrait ainsi à vouloir lui coller une étiquette obsolète sur le dos, et à s’obliger à utiliser le suffixe « false » une fois qu’il s’en sera affranchi. Au mieux pourrait-on juger qu’il excelle dans le cadre de telle ou telle phase (offensive, défensive, etc.), ou qu’il s’épanouit sur telle ou telle portion du terrain. Autrement dit, de revenir à un vocabulaire plus simple, voire simpliste, qui a eu cours durant des décennies mais semble aujourd’hui dépassé par ses propres variations. Mais on comprendra aisément que cela ne soit pas compatible avec un commentaire tactique que l’on aimerait doux à l’oreille, ou à l’œil, sans pour autant perdre du fond. Dès lors, comment s’affranchir des codes d’hier sans pour autant refourguer des « false » à tout va ?

LE RENVERSEMENT DU « FALSE »

L’enjeu n’est pas simplement esthétique, mais interpelle aussi les processus pédagogiques de transmission des consignes tactiques. Néanmoins, il est pour l’heure particulièrement difficile de trouver un compromis efficace pour résoudre cette équation. Preuve en est, nous sommes les premiers à utiliser ces formulations, faute de temps de cerveau disponible pour trouver plus idoine.

Il semble falloir se résoudre à construire un nouveau corpus linguistique pour décrire l’émergence de nouveaux rôles sur le terrain, plutôt que de positionnements hybrides. Le « shadow striker » en est un bon exemple ; popularisé outre-Manche au point d’être intégré dans une récente version de Football Manager, le néologisme a le mérite d’être suffisamment explicite pour être limpide, tout en restant suffisamment flou pour permettre à celui qui l’entend d’y projeter sa propre subjectivité. Le terme possède d’ailleurs un imaginaire propre, chose qui manque aux « false » emprunts d’austérité.

Le problème est qu’un « false » se définit d’abord pour ce qu’il n’est pas (un 9, un 6, un « single pivot »…) ; commençons donc par définir les rôles d’un joueur pour ce qu’ils sont, et non en comparaison de ce qu’ils auraient été quelques années auparavant. L’analyse tactique en sortira forcément gagnante, ainsi que le plaisir de nos cortex…

Philippe Gargov

[1] Nous avions ainsi moqué notre propre contribution à la prétention sémantique, à travers un vrai-faux inventaire de néologismes tactiques

12 commentaires

  1. The Fab One dit :

    Déjà que je ne sais pas ce qu’est un single pivot, alors un faux… Sinon qu’il semble loin le temps où les numéros des maillots indiquaient le poste sur le terrain.
    Mais je me pose une question : c’est bien beau de dé-zoner, d’avoir des latéraux qui se retrouvent ailiers, etc… mais l’important n’est-ce pas, comme à l’Ajax et son ´´football totaĺ´, que chaque poste soit tenu en fonction du schéma tactique plutôt que dire que untel ou untel est un faux 9 ou un vrai milieu ?
    Sinon je suis d’accord avec votre remarque comme quoi il est difficile d’expliciter clairement ce qu’il se passe sur le terrain. A part voir que les 4 défenseurs sont bien alignés en phase défensive, le reste du temps le schéma de jeu est rarement évident. Ca reste très théorique et surtout utile pour les commentateurs. Et tant mieux, ça rend le match plus intéressant à voir.

  2. Rhoth dit :

    « que chaque poste soit tenu en fonction du schéma tactique plutôt que dire que untel ou untel est un faux 9 ou un vrai milieu ? »

    Bien sur, mais ca déporte juste le probleme. Car justement, ce dernier est que le schema tactique n’est pas continu au cours d’un match.

    Le schema d’attaque est souvent différent de celui de défense (inserez ici une citation d’Ancelotti qui dit qu’il prefere defendre en 4-4-2 et attaquer en chai plus quoi).

    Donc disons, l’arriere droit devient ailier droit. Donc est il un false arriere droit ou un false ailier droit.

    On revient au continuel problème de flexibilité de plus en plus demandé, donc aux variations de postes d’un meme joueur. Au cours d’une saison voir meme d’un match. (entre ici PSG, ou tu peux te faire un milieu Marquinos-Maxwell contre Monaco).

  3. Zlatanist dit :

    Comme quoi le foot corpo a plusieurs générations d’avance avec ses attaquants qui se transforment en gardiens de but à la faveur d’une blessure ou d’un pari perdu.

  4. Newcastle Manchester United 0-1 : La Raide et Vile Academy se souvient - HorsJeu.net dit :

    […] au positionnement le plus énigmatique du monde : Marouane Fellaini. D’aucun parleraient de false-quelque-chose ou de milieu polyvalent, moi je vois plutôt en lui un stakhanoviste du ballon, et surtout un mec […]

  5. Jul dit :

    Et pas un mot sur le false 1, mis en lumière par Damien Gregorini ?

    Cela étant, j’ai plutôt l’impression que ces false sont plus le signe d’une défaite sémantique que d’une spécialisation tactique. Parler de false 9, par exemple, est une manière raccourcie de dire que l’attaquant ne joue pas exactement comme un 9 du temps d’avant. Ce qui est à la fois malin et idiot.

    Malin parce qu’on met ce qu’on veut dans un raccourci, à commencer par ce qu’on y projette, donc la formule fait mouche, c’est normal.
    Et idiot parce que cela signifierait qu’on peut fixer un numéro 9 dont on pourrait se démarquer.

    C’est quoi, un ‘vrai’ 9 ? C’est qui ? Van Basten, Van Nistelrooy, Di Stefano, Eto’o, Ronaldo, Koller ?…

    Au final, la formule est belle, mais s’il ne s’agit que d’exprimer que les dispositifs tactiques s’adaptent à la réalité actuelle de leurs sports, c’est beaucoup de marketing pour pas grand chose.

  6. Charlot dit :

    Le false-Scholes, cauchemard d’Olivier Rouyer.

  7. lovely dit :

    Et le false article ?

  8. Tomfr38 dit :

    Bonjour. Est-ce que quelqu’un sait comment on appelerait un Shadow Striker en francais ? Un 9 et demi ? Merci d’avance.

  9. rodrig dit :

    je n’arrive pas a vous envoyez un mail a votre adresse, sa me dit qu’elle n’existe pas.
    Pouvez vous m’aidez svp ?

  10. site officiel dit :

    bonjour, votre site ne marche pas sous le navigateur NecroPedoSadoMaso :S 2
    site officiel http://libertarien.weebly.com

  11. hounon dit :

    Bonjour !
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