Ni buts ni soumises » Agent Oranje

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Agent Oranje

La France a été battue par les Pays-Bas, qui est un peu sa nemesis. En soi une défaite contre un tel adversaire n’est qu’un simple revers dans un match marqué par de nombreux essais, mais elle intervient dans un contexte troublé par la non sélection de Gaëtane Thiney.

Et si une victoire aurait assuré la position des joueuses présentes, cette défaite instille un peu plus de doute sur l’équipe qui se présentera au mois d’août à Rio.

L’amour dure deux ans

Un nouveau sélectionneur dispose en général d’un état de grâce qui dure le plus souvent deux ans, le temps de disputer la première phase finale. Ensuite, sauf s’il est vainqueur (et encore), il subit le flot des critiques de ceux qui savent ce qu’il aurait dû faire pour remporter le titre.

C’est ainsi que le bilan de l’équipe de France de Philippe Bergerôo à la Coupe du monde canadienne est souvent présenté comme un échec et une stagnation puisque les Bleues n’ont pas dépassé les quarts de finale comme lors de l’Euro précédent. On ne reviendra par sur la faiblesse de la comparaison entre une élimination au tirs aux buts contre le Danemark et une autre contre l’Allemagne, ni sur le fait que le principal élément qui a manqué aux Françaises pour arriver en demi-finale aura sans doute été de savoir perdre le premier match contre l’Angleterre.

Le fait est qu’une certaine défiance s’est installée vis-à-vis du sélectionneur.

Les critiques étaient déjà virulentes sur la manière après la victoire contre le Brésil (et celle contre la Roumanie), ce n’est bien évidemment pas la défaite contre les Pays-Bas qui va les calmer.

Philippe Bergerôo

Philippe Bergerôo

Pourtant les Pays-Bas sont en quelque sorte la bête noire des Bleues. Ce n’est pas l’équipe contre laquelle la France a les moins bons résultats, les États-Unis ou l’Allemagne ont certainement un meilleur bilan. Mais c’est une équipe réputée plus faible qui lui a régulièrement posé des problèmes.

Les deux équipes se sont rencontrées 26 fois depuis 1975 pour 11 victoires néerlandaises et 6 nuls. Et dans les dix dernières années, le bilan est de 4 victoires partout et 3 nuls.

On se souvient qu’Élisabeth Loisel a été remerciée pour avoir manqué la qualification pour la Coupe du monde 2007 en grande partie à cause d’une défaite 1-0 à Angers en septembre 2005 lors du premier match des éliminatoires. Puis que l’équipe de Bruno Bini avait concédé une défaite 2-0 à Compiègne1 à six mois de l’Euro 2009, au cours duquel l’équipe hollandaise éliminera les Bleues aux tirs aux buts à l’issue d’un triste 0-0. La dernière défaite avant celle de vendredi date du tournoi de Chypre 2011. Quatre mois avant leur brillante Coupe du monde en Allemagne, les Bleues avaient perdu leurs chances de victoire lors du tournoi chypriote en perdant 2-1 à Larnaca contre les Pays-Bas (et Camille Abily était déjà la buteuse française).

On n’omettra pas de rappeler que ces sélectionneurs successifs ont aussi connu le succès contre l’équipe au maillot orange, les Bleues d’Élisabeth Loisel avaient pris leur revanche au match retour à Zwolle grâce à un doublé de Sandrine Soubeyrand2, celles de Bruno Bini avaient nettement dominées l’équipe alors dirigée par Vera Pauw 4-1 en 2007 (avec encore un but de Camille Abily, et un doublé de Sandrine Brétigny), gagnant à nouveau en 2012 à Nîmes (2-1, buts d’Eugénie Le Sommer et Marie-Laure Delie contre un de Sherida Spitse, trois joueuses encore présentes vendredi) et enfin, celles de Philippe Bergerôo s’étaient nettement imposées 3-0 à Chypre en 2014.

Toutefois, bête noire ou pas, le statut d’équipe troisième au classement mondial et qui vise le titre dans les compétitions internationales se satisfait difficilement d’une défaite contre le 12e mondial, d’autant moins dans un contexte de choix discutables et discutés.

Et tout est dépeuplé

On a suffisamment reproché à Bruno Bini de se passer de quelques unes des meilleures joueuses françaises pour ne pas s’interroger sur l’absence de Gaëtane Thiney de la dernière liste de Philippe Bergerôo.

Bien entendu, c’est la prérogative du sélectionneur que de faire des choix et parfois d’écarter un élément qui quoi que talentueux ne permet pas d’une manière ou d’une autre la meilleure expression de l’ensemble de l’équipe3. La question, difficile à trancher car on ne travaille pas en double aveugle, est de mesurer le différentiel entre l’apport sur le terrain et les difficultés causées en dehors. Dans le cas de la joueuse de Juvisy, on peut imaginer que Philippe Bergerôo a trouvé que ses prestations lors de la Coupe du monde et son travail lors du premier rassemblement depuis ne justifiaient pas les risques causés par d’éventuelles frictions avec certaines de ses coéquipières, voire avec lui-même. Mais il serait sans doute erroné de penser que seul l’aspect extra sportif entre en compte, ou seul l’aspect sportif d’ailleurs : c’est l’ensemble des deux qui est à prendre en compte.

On peut rapprocher ce cas de celui de Sarah Bouhaddi, écartée en 2011 parce que Bruno Bini pensait que c’était une bombe à retardement dans son groupe puisqu’il comptait titulariser Bérangère Sapowicz, mais qui avait été rappelée juste après puisque la gardienne du PSG était indisponible.

Si Gaëtane Thiney revient au niveau qui était le sien en 2013-2014, et il est très probable qu’elle fera ce qu’il faut pour, elle aura toutes les chances de revenir, sauf si d’ici là d’autres se sont faites une place au soleil.

Place aux jeunes

Car c’est plutôt là que se situe le problème. La question n’est pas tant des joueuses écartées que de celles qui sont appelées. Les choix, surtout s’ils sont polémiques, sont soumis à l’intense pression du résultat. La polémique de l’absence de Gaëtane Thiney se serait sans doute dégonflée si les joueuses appelées à son poste avaient particulièrement brillé et fait gagner l’équipe de France.

Là, on ne peut pas dire que la légitimité du choix saute aux yeux. Marie-Charlotte Léger et Valérie Gauvin sont certainement l’avenir de la sélection mais si la première a été assez convaincante lors des dix minutes passées sur le terrain, la seconde a certes montré la qualité de ses déplacements mais sans se montrer particulièrement décisive.

Clarisse Le Bihan commence à prendre le pouvoir de la ligne offensive guingampaise (surtout depuis la blessure de Mélissa Plaza) mais elle n’a encore rien montré chez les Bleues. Et à Juvisy, on se demande encore quels arguments permettent de préférer Kadidiatou Diani à Gaëtane Thiney.

D’ailleurs ce n’est pas l’une des ces joueuses qui est entrée à la mi-temps côté gauche pour remplacer une Louisa Necib particulièrement hors-sujet (et semble-t-il légèrement touchée) mais Aurélie Kaci, joueuse à tout faire mais qui est plus utile par sa polyvalence que comme titulaire potentielle.

Enfin une équipe renouvelée

On donnera toutefois quitus au sélectionneur d’avoir donné du temps de jeu à de nouvelles joueuses : cela ne sert à rien de renouveler l’effectif si on reste en permanence avec la même équipe type, y compris pour les matchs amicaux.

Cette opposition face aux Pays-Bas servait bien à confronter une sorte d’équipe de France A’ à une équipe proche des dix meilleures mondiales. Elle a montré que cette relève n’était pas loin du niveau international mais n’était pas encore à celui des meilleures équipes. On pondérera aussi par le fait que cette équipe fortement renouvelée manquait sans doute beaucoup d’automatismes.

Avec une équipe à laquelle manquaient Sarah Bouhaddi, Jessica Houara, Laure Boulleau, Laura Georges, Amandine Henry et Élodie Thomis (et donc Gaëtane Thiney), et avec Louisa Necib et Sabrina Delannoy dans la lignée de leur début de saison en club, c’est à dire loin de leur meilleur niveau, il fallait que la relève soit impressionnante pour compenser.

Elle ne l’a pas été. Et elle n’a pas été vraiment aidée par les quelques joueuses expérimentées alignées. Le match et le but de Camille Abily ont montré qu’il allait falloir lui réserver un traitement particulier. Le but (et quelques éclairs) en rappelant à quel point elle peut être décisive dans la zone de vérité et donc indispensable. Et le match en montrant qu’elle ne pourra pas jouer toute la saison, encore moins à un poste de numéro 6 qui demande beaucoup d’efforts et surtout en l’absence d’Amandine Henry dont l’activité vaut bien celle de deux joueuses.

Ce qui n’est pas remettre en cause la prestation de Charlotte Bilbault. La Juvisienne a été assez invisible pendant une vingtaine de minutes, celles où on a le plus vu Camille Abily tenter de compenser, ce qu’elle n’est sans doute plus en mesure de faire, puis elle est montée en régime.

Qui pour Rio ?

On ne cherchera pas à se faire peur sans raison : la France n’aura pas de difficulté à se qualifier pour l’Euro 2017 (aux Pays-Bas). Les enseignements de ce match valent donc dans la perspective de Rio dans moins d’un an.

Autant un an avant la dernière Coupe du monde, on connaissait tous les noms de la liste des 23, autant c’est actuellement la bouteille à l’encre pour celle de Rio.

Quand on se retrouve à un moment du match avec une équipe composée de Laetitia Philippe, Griedge Mbock, Sabrina Delannoy, Wendie Renard, Amel Majri, Viviane Asseyi, Charlotte Bilbault, Kheira Hamraoui, Aurélie Kaci, Clarisse Le Bihan et Valérie Gauvin4, c’est qu’on est vraiment dans l’expérimentation. Seule Wendie Renard est normalement titulaire, Amel Majri et Sabrina Delannoy en étant également assez proche.

Le résultat avec une moitié d’équipe type pourrait pousser à se recentrer sur les titulaires habituelles quand elles seront de retour mais on ne jurerait pas que c’est ce que fera Philippe Bergerôo. En particulier parce que les plus satisfaisantes n’ont pas été les plus expérimentées.

Une liste réduite

Afin de limiter le nombre d’athlètes au village olympique5, le CIO limite le nombre de joueuses à 18 (dont 2 gardiennes), ce qui complique beaucoup les choses puisque contrairement aux 23 d’un Euro ou d’un mondial, on ne peut pas doubler tous les postes. Le règlement permet d’inscrire 4 joueuses supplémentaires6 qui pourront remplacer l’une des 18 à tout moment en cas de blessure ou d’indisponibilité et de façon définitive.

En première approximation, on supposera que la liste devrait globalement comporter 6 défenseuses, 6 milieux et 4 attaquantes en plus des 2 gardiennes, et qu’il y devrait y avoir une suppléante par ligne. Autant dire qu’il faudra que des joueuses soient capables de jouer à plusieurs postes.

Cinq gardiennes pour trois places

Quatre gardiennes différentes ont déjà été convoquées cette saison et deux ont été titularisées en l’absence de Sarah Bouhaddi. Elles sont donc 5 en compétition pour les 2+1 places. Rien ne permet de penser que Sarah Bouhaddi pourrait perdre sa place si elle revient normalement. Il reste donc 1+1 places pour lesquelles Laetitia Philippe, Méline Gérard et Karima Benameur ont sans doute un léger avantage sur Amandine Guérin de par leur vécu dans de plus grands clubs et une (petite) poignée de matchs de Coupe d’Europe.

Une défense déjà bouclée

En défense, on ne devrait pas non plus voir arriver de nouvelle joueuse : Wendie Renard, Jessica Houara et Amel Majri seront présentes, tout comme Laure Boulleau et Laura Georges dont l’incertitude est plutôt liée à l’état de santé qui leur joue des tours depuis quelques temps. Enfin, Griedge Mbock semble désormais avoir fait son trou et on ne met en doute la présence de Sabrina Delannoy qu’en raison de son début de saison en club mais il lui reste du temps pour revenir à son vrai niveau et Philippe Bergerôo semble compter sur elle.

On se retrouve donc déjà avec 7 joueuses « indiscutables ». Autant dire qu’on voit mal une joueuse s’immiscer, que ce soit une vraie nouvelle (Marion Romanelli, Aïssatou Tounkara) ou une joueuse proche du groupe (Marion Torrent, Annaïg Butel).

Le besoin de renouvellement en défense se fait d’autant moins sentir que trois joueuses (Wendie Renard, Amel Majri et Griedge Mbock) auront moins de 30 ans en 2019, et qu’on peut largement imaginer que Jessica Houara voire Laure Boulleau ou Sabrina Delannoy qui n’en auront que 32 ou 33 seront encore compétitives pour la compétition en France. Bref, ce n’est pas le chantier le plus urgent.

Un milieu vieillissant

Au milieu par contre, Camille Abily et Élise Bussaglia ne prolongeront sans doute pas pour quatre années supplémentaires, et les « ailières » Louisa Necib et Élodie Thomis auront alors 32 ans tandis que la « jeune » Amandine Henry en aura 30. Bref, il faudra du sang neuf en 2019.

Mais c’est en l’absence d’Élodie Thomis qu’on se rend compte combien elle manque (même si contre les Pays-Bas, Viviane Asseyi a été tout à fait convaincante une fois entrée dans son match). Louisa Necib a une classe qui rend assez impensable de s’en passer durablement. Camille Abily reste la patronne du jeu lyonnais qui ne manque pourtant pas de leaders et elle garde sa capacité à être décisive. Enfin Amandine Henry.

Bref, si on voulait envisager d’écarter l’une des ces joueuses, celle qui semblait le plus en difficulté après la Coupe du monde était Élise Bussaglia. Mais son intégration à Wolfsbourg lui redonne une seconde jeunesse.

En ajoutant Kheira Hamraoui qui conserve la confiance de Philippe Bergerôo, on a là aussi déjà 6 joueuses qui ne semblent pas parties pour sortir. On ne voit pas bien qui laisserait la place à une Charlotte Bilbault qui frappe franchement à la porte ou une Sandie Toletti. Sans parler de Claire Lavogez, qui n’est pas encore apparue cette saison pour cause de blessures mais qui devrait revenir quand elle sera disponible. Ce qui ne sera peut-être pas le cas de Kenza Dali, qui a sans doute perdu gros lors du match contre la Colombie.

Bref, le milieu semble aussi assez verrouillé et c’est le secteur où le choix sera le plus cornélien entre conserver une ossature éprouvée pour Rio ou préparer les compétitions suivantes. Si Philippe Bergerôo décide vraiment de rajeunir son équipes dès les Jeux, c’est là que se trouveront les surprises.

L’incertitude en attaque

Enfin en attaque, les choses sont déjà déverrouillées. Cela rend la situation d’autant plus incertaine mais va limiter l’effet de surprise parce qu’on peut s’attendre à tout. Eugénie Le Sommer reste indiscutable. Marie-Laure Delie semble en retrait de Cristiane, Lindsey Horan et Anja Mittag au PSG mais elle garde la confiance du sélectionneur et connaissant la propension aux blessures du PSG et la versatilité de Farid Benstiti, elle devrait avoir assez de temps de jeu pour figurer chez les Bleues.

On l’a dit, si Gaëtane Thiney est pour le moment écartée, elle reste tout à fait capable de forcer la porte pour revenir en se rendant à nouveau indispensable. Sa coéquipière Kadidiatou Diani est de toutes les listes depuis plus d’un an mais n’a pas encore montré grand chose chez les Bleues (ni à Juvisy à vrai dire), elle ne devra pas tarder à montrer les qualités vues chez les jeunes et qui l’ont amenées là sous peine de se faire passer devant par la génération suivante.

Marie-Charlotte Léger semble comme prévu en train d’exploser et est la nouvelle dont la présence dans les 18 est la plus probable. Sa coéquipière Valérie Gauvin pourrait aussi exploser, surtout que son sens du but pourrait combler un manque récurrent de l’équipe de France7.

Et on l’a vu, des joueuses comme Clarisse Le Bihan ou Viviane Asseyi postulent aussi. Dans ce secteur de jeu, il semble à peu près certain qu’il y a des places à prendre mais il y a aussi beaucoup de candidates.

Aurélie Kaci à tous les postes

Enfin, il est à peu près certain qu’il y aura une place pour Aurélie Kaci même si on ne sait pas encore dans quel contingent : dans une liste avec 18 noms seulement, avoir une joueuse qui peut tenir 8 postes différents, ça a quelque chose de rassurant.

Daniëlle van de Donk, auteuse du premier but néerlandais.

Daniëlle van de Donk, auteuse du premier but néerlandais.



5 commentaires pour “Agent Oranje”

  1. Très bon article comme d’habitude. Bravo!
    Ceci dit, je pense personnellement que Thiney a sa place en EdF sportivement parlant. Aucune joueuse en attaque n’ a son flair et je ne parle même pas de sa technique, de son expérience et tout le reste.

    Le problème est sans doute entre la joueuse et le coach. On verra si la jurisprudence « Jacquet contre Cantona » joue en faveur du coach.

    En attendant, le climat en EdF ne va pas ête de tout repos dans les mois à venir à cause des places à Gagner dans les 18 pour les JO.

    Qui pour les JO, c’est le grand feuilleton qui nous attend d’ici Août 2016. Et chaque épisode nous promet son lot de surprises, de coups bas et autres déclarations tapageuses. Abily se reconnaîtra.

    En tout cas, j’ai déjà hâte d’être au prochain épisode.

  2. Assez logique que Bilbault ait été « assez invisible pendant une vingtaine de minutes », c’est lié à un anneau de pouvoir tout ça…
    Désolé… 🙂

  3. Très bon article ! Cela fait un an que les (très) jeunes peinent à convaincre, hormis Lavogez bien sûr, mais aussi Toletti qui n’a malheureusement pas eu droit à beaucoup de temps de jeu. Pendant ce temps, Bilbault ou Le Bihan enchainaient les performances médiocres sans être remises en question.

    Et sinon, comme à chaque fois qu’Henry est absente, l’équipe ne sait plus rien faire.

    (et vous êtes très gentil avec Sabrina Delannoy 😀 )

  4. Je viens de voir Ukraine-France. Le Bihan est entrée à un quart d’heure de la fin, elle n’a pas touché une balle. Parait que c’est pareil à chaque fois. C’est bien elle qui remplace Thiney ?

  5. Laure Bouleau ? Celle qui ralentit le jeu avec ses passes en arrière et son manque de technique ?

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