Dans le tunnel
Luttons contre la déprime d’avant-Mondial en assourdissant les lamentations et en dédramatisant le conflit entre les Bleus et le peuple.
le 9 Juin 1998
Comme les jours qui ont précédé l’ouverture du Mondial et le spectacle incertain des matches de préparation semblent tirer la France du foot vers son pessimisme atavique (la France du pas-foot s’étonne même de ce manque d’entrain et ricane de ce profil bas), il est temps de dédramatiser sérieusement les enjeux de la compétition et de modérer l’auto-flagellation générale qui anticipe sur les prestations bleues dans la compétition (“l’Everest en espadrilles“ annonce Gérard Ejnès dans l’Equipe, fidèle à son mix de Cassandre et de Saint-Just). Pour retrouver un peu de sérénité, il convient de commencer par regarder les performances médiocres d’autres équipes, les déboires sérieux de certaines. Le Nigeria se fait cartonner en jouant une sorte de tournoi de France bis (Allemagne, Yougoslavie, Pays-Bas) ; le Brésil perd Romario, s’empêtre dans l’affaire qui s’ensuit, et déjoue au point de contredire sa réputation de favori; le Danemark essaie encore de faire croire qu’il ne s’est pas qualifié en alignant des matches minables ; le Cameroun a déjà une affaire sur les bras... Ajoutons que les matches de préparation ne définissent pas un ordre sur la grille de départ, et que par exemple les 10 buts des Pays-Bas ne compteront pas pour leur goal-average. Ces scores et ces résultats ne sont pas aussi significatifs qu’on le fait croire, et ils auront vite fait de basculer dans l’oubli. Quant aux Français eux-mêmes (ceux qui font partie de la liste des 22), leur situation n’est pas aussi dramatique qu’on peut l’entendre. On sait que derrière, sauf grosse faute d’inattention, c’est du solide (sauf bourde spectaculaire). C’est évidemment l’attaque qui entretient les doutes. Dugarry est son propre procureur et la foudre le menace plus que jamais (mais son Mondial sera nécessairement un martyre ou une rédemption). Diomède est moins fort que cet hiver et prend un coup. Djorkaeff est titulaire devant les micros, mais refuse toujours de jouer quand il est sur le terrain (mais pas de marquer de temps en temps). Pirès semble encore atteint par un complexe d’adolescence prolongée qui l’empêche d’élever son niveau de jeu (son mariage l’a peut-être déniaisé mais pas sûr). Heureusement, pour éclaircir un peu le tableau, Henry et Trezeguet semblent en bonne forme. De toute façon, il ne faut pas trop idéaliser les rencontres du groupe C, le combat sera rude et probablement peu esthétique contre des équipes au blindage renforcé. C’est ensuite, dans les tours à élimination directe, qu’il faudra lancer la cavalerie, prendre des risques et mettre le feu. Restons calmes.