Episode XXXIII: Où il y a des citations à comparer

(Si vous n’avez pas lu les épisodes précédents, c’est mal, allez les lire… Oui oui, maintenant.)

Cela s’activait donc à Bordeaux et à Nantes – à Paris, Luc Borespierre n’était pas en reste. Il était ardemment désireux de monter dans la capitale une équipe de plante qui serait l’incarnation des idéaux révolutionnaires, et il en fit part à son camarade Saint-Just Fontaine:

– Vois-tu, Saint-Justo (c’est comme ça qu’il l’appelait dans le privé), nous devons aborder la nouvelle discipline en hommes issus des Lumières, nous devons lui appliquer les principes de la Raison – qui guideront les mouvements de nos joueurs – et ceux de la Vertu – qui guideront leur attitude hors du terrain et sur le terrain. Notre équipe s’appellera les Partisans de la Sûreté Générale et sera composée d’authentiques hommes du Peuple, non corrompus par des accointances suspectes avec l’Ancien Régime.

– A discipline nouvelle, hommes nouveaux, surenchérit Saint-Just Fontaine. Hommes vertueux, qui ne courront pas les cabarets et autres lieux de débauche qui fleurissent dans notre capitale. Hommes dignes de l’antique, qui sauront imposer à l’adversaire toute la ferveur de leur juste détermination.

– Oui, Saint-Justo, il faudra qu’ils portent de rudes coups aux ennemis de la Révolution… Chaque minute passée face à nos troupes doit être pour l’adversaire synonyme de Terreur, car le ressort du jeu de plante est à la fois la Vertu et la Terreur : la Vertu, sans laquelle la Terreur est funeste ; la Terreur, sans laquelle la Vertu est impuissante.

– Ce qui constitue une équipe victorieuse, c’est la destruction totale de ce qui lui est opposé. Il nous faut des joueurs à mon image: dans toutes les positions, ils devront frapper, ne jamais dévier du but, frapper encore et sans relâche, et monter au marquage, ne laisser aucune liberté à l’adversaire… Pas de liberté pour les ennemis de la liberté!

– Tu as mille fois raison! J’entends déjà pleurnicher ceux qui se plaindront de notre pressing oppressant… Eh bien sache que la sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m’est suspecte: alors quoi, citoyens, vouliez-vous une Révolution sans Révolution ?

Et c’est sur ces beaux principes que les deux hommes s’attachèrent à constituer leurs rangs.