Episode XXVII: Où l’on ne voit pas le rapport

(Si vous n’avez pas lu les épisodes précédents, c’est mal, allez les lire… Oui oui, maintenant.)

Bien qu’elle ait été rapidement acceptée par Louis XVI, il fallut quelque temps pour que devienne effective la proposition d’institutionnaliser le jeu de plante. Exposer le principe durant une nuit de liesse était une chose; en faire une réalité en était une autre.

Au début, Borespierre et Bezrissot souhaitèrent ne pas trop se mettre en avant: ils avaient été les promoteurs initiaux de l’idée, ils préfèraient que d’autres maintenant s’en fassent les défenseurs, que le jeu de plante ne soit pas la création de deux hommes mais de la Nation tout entière représentée par son Assemblée… Ah! Âge heureux où l’on croyait encore à la possibilité de décisions collectives! La suite les déçut quelque peu.

En septembre 1789, l’Assemblée constituante nomma une Commission aux Activités publiques avec en son sein une Sous-Commission au Jeu de Plante.

En octobre 1789, la Sous-Commission se réunit une première fois et mandata un Groupe d’Experts chargé de présenter un « Rapport pour l’institution du Jeu de Plante dans le Royaume de France ».

De novembre 1789 à janvier 1790, le Groupe d’Experts débattit de ses modalités de travail et du barême de ses défraiements lors de ses déplacements d’étude sur le terrain.

En février 1790, le Rapporteur général du Groupe d’Experts s’enfuit en Suisse avec une pleine caisse des assignats récemment mis en circulation… Il fallut le remplacer.

De mars à juin 1790, le nouveau Rapporteur général redéfinit les modalités de travail et augmenta le barême des défraiements. Le calendrier des visites d’étude dans chacun des 83 départements nouvellement créés fut adopté.

De juillet 1790 à février 1791, le Groupe d’Experts se déplaça dans tout le Royaume. Il rassembla autant d’éléments qu’il put sur les jeux apparentés à la soule ou au calcio qui se pratiquaient encore au fond des campagnes françaises.

De mars à juin 1791, le Groupe d’Experts rédigea un rapport contenant 316 propositions et le remit au Président de la Sous-Commission au Jeu de Plante, qui en lut la première et la dernière page, trouva que c’était pas mal et le fit porter au Président de la Commission aux Activités publiques. Celui-ci l’oublia dans la loge d’une danseuse qu’il honorait de ses hommages, laquelle s’en servit pour allumer son feu: il fallut demander au Groupe d’Experts d’en fournir une nouvelle version, ce qu’il fit pour la mi-août.

Et c’est donc le 1er septembre 1791 que le texte fut présenté à l’Assemblée: il devait être adopté et mis en annexe du projet de Constitution que les députés étaient censés examiner à partir du 3 septembre. Ni les membres du Groupe d’Experts, ni ceux de la Sous-Commission au Jeu de Plante, ni ceux de la Commission aux Activités publiques n’imaginaient que des députés liraient leur travail, et encore moins souhaiteraient en débattre… Mais c’était mal connaître Borespierre et Bezrissot.