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Union libre

Récit – Un match de football à Berlin, quand L'Union reçoit Sankt-Pauli, cela ressemble à une soirée au paradis du football populaire.

Auteur : Alice D. le 12 Avr 2013

 

 

Vendredi 15 mars. Je n’ai pas réussi à obtenir de place pour le match de 2. Bundesliga qui oppose Union Berlin à Sankt-Pauli, à guichets fermés depuis de longues semaines. Le coup d’envoi est à 18 heures, horaire dissuasif en France mais acceptable en Allemagne, où la sympathique pratique du Feierabend (fin de journée) veut que l’on débauche le vendredi plus tôt que les autres jours de la semaine, dès 15 ou même 13 heures. Ce sera le premier match à guichets fermés dans l’Alte Försterei (le nom du stade, littéralement "maison forestière" – ce que le club house est d’ailleurs véritablement), flambant neuve depuis l’ouverture de la tribune principale.
 

Je me suis résignée à suivre le match depuis une Eckkneipe, les troquets poisseux de quartier où l’on offre une tournée de schnaps sirupeux pour chaque but de l’équipe locale, quand un ami supporter de Pauli me propose de suivre le match en sa compagnie depuis la tribune principale, la nouvelle tribune, justement. L’histoire est connue: à l’été 2008 et pendant un an, les fans ont reconstruit eux-mêmes le stade qui n’était plus homologué, les finances du club ne permettant pas d’assumer la dépense. Les finitions apportées, elles, par des ouvriers professionnels, à la Hauptribüne, marquent le point final de cette aventure.
 

Même si je me rends d’habitude dans le kop, la Kurve, ou en latérale opposée, je saisis avec reconnaissance l’opportunité inespérée qui m’est offerte. Je saute dans le S-Bahn et me dirige vers Köpenick, ce quartier de Berlin-Est à mille lieux des hipsters des nouveaux endroits en vogue et des spéculateurs immobiliers des rives de la Spree. Köpenick est un quartier résidentiel excentré et même assez plaisant, à l’identité bien particulière, mais pour l’atteindre il faut traverser une longue demi-heure des quartiers industriels gris et tristes.
 


"Nous qui venons de l’Est"

Station Köpenick, les wagons déversent les nombreux supporters d’Union mais aussi beaucoup de Pauli-Fans, pour la plupart à la main une bière Berliner Kindl ou Sternburg (la bière des punks à 80 cents la bouteille, consigne incluse) pour les premiers nommés, Astra ou Jever (les bières amères du Nord de l’Allemagne) pour les autres. Commence le traditionnel chemin vers le stade à travers un petit bois boueux. Aux branches des arbres s’accrochent des volutes de fumée de cigarette et de joints et les lourds relents des saucisses sur les grills, qu’on mangera avec force moutarde et ketchup dans un petit pain.
 

La présence policière, bien visible, semble assez exagérée pour un match à l’enjeu sportif relatif. Pauli ne joue plus que le maintien, mais devrait s’en sortir sans trop de dommages, et Union caresse le doux rêve, encore mathématiquement possible, de monter en première division – mais les supporters n’y croient pas vraiment, la troisième place synonyme de match de barrage contre le seizième de 1. Bundesliga semblant promise à l’un des deux FCK (Köln ou Kaiserslautern). Par ailleurs, les fans des deux clubs ne sont pas réputés pour leur agressivité, au contraire, et les chants communs anti-Dynamo Dresde s’élèvent déjà des travées. Le long du chemin tortueux qui mène au stade, des Pfandsammler (collecteurs de consignes) entassent dans des caddies piqués au Lidl du coin les cadavres de bouteilles que leur tendent sans mot dire, marque d’une solidarité tacite, les spectateurs des deux camps.
 

Deux accès principaux seulement permettent d’accéder au stade, mais pour cette grande affluence, on en a ouvert un autre accès de fortune sur le coté. Ça se bouscule joyeusement tandis que résonnent déjà les premiers accords de l’hymne du club, chanté par Nina Hagen et dont les premières paroles donnent quelque chose comme: "Nous qui venons de l’Est allons toujours de l’avant / épaule contre épaule pour l’Eisern Union / les temps sont rudes, l’équipe est rude / C’est pourquoi nous chantons pour Eisern Union".

 



L’hymne est toujours introduit par un petit texte dit par une voix masculine trépidante qui raconte la légende du club, en mode "petit village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur". Puis le cri de Nina Hagen déchire l’atmosphère et le stade entier reprend le chant, en marquant particulièrement le passage suivant "Qui ne se laisse pas acheter par l’Ouest? EISERN UNION, EISERN UNION".
 


17.000 spectateurs debout

Le speaker du stade, un trentenaire au look de fan de Queens of the Stone Age, cheveux longs, barbe imposante, manteau en cuir et sweet casual du club, aura auparavant eu l’occasion de saluer les (à vue de nez) 1.500 supporters de Pauli présents dans le parcage visiteur). Avec 21.400 personnes présentes, le stade bat son record de fréquentation et promet de résonner encore plus qu’à l’accoutumée. Près de 17.000 places sont des Stehplätze, des places debout. 4.000 places assises seulement (peu ou prou la tribune principale), c’est un record en Bundesliga et un rêve de supporter dans le foot actuel. Et quand le stade lance les refrains les plus populaires, ce sont vraiment 20.000 personnes qui les entonnent à la gloire d’Union.
 

Les tifos sont beaux, Pauli fait dans la valeur sûre avec des drapeaux flanqués de son signe distinctif, la tête de mort. Lors de la seconde mi-temps, les supporters sortiront une banderole en italien pour commémorer la mort de Davide “Dax” Cesare, militant antifasciste italien tué par un policier. La composition des équipes ne livre pas vraiment de surprise. Ginczek, le meilleur buteur de Pauli cette saison, est suspendu, mais Bartels et le capitaine Fabian Boll sont de retour dans le onze de départ, alors qu’Union peut compter sur à peu près tout le monde. Union veut les trois points pour continuer à espérer, mais Pauli reste sur trois victoires lors des trois derniers matches.
 

Après la compo des locaux (comme partout, le speaker lance le numéro et le prénom, le public braille le nom... mais rajoute à chacun un tonitruant "FUß-BALL-GOTT", "Dieu du foot"), le speaker mobilise l'ensemble des forces en présence par un rituel immuable et qui prend toujours aux tripes : il lance Und niemals vergessen... ("Et n'oubliez jamais..." – à l'écrit, ca fait un peu Joe Cocker, mais la VF rend mal) et la foule électrisée scande par trois fois "EISERN UNION"! Cela donne aussi l'acronyme UNVEU, un graffiti assez répandu dans Berlin. Il est aussi de coutume, quand le speaker annonce le score, de systématiquement gueuler "Nuuuulllll" ("zéro") pour l'équipe adverse, même si la réalité est tout autre.
 


Mattuschka : Éric Carrière avec du bide

Dans la nouvelle tribune, des couvertures rouges sont distribuées à l’entrée, on les redéposera dans des grands bacs en partant. Un vendeur de bière passe avec son fût en plastique sur le dos et ravitaille les assoiffés. Et on est assis. Mais à entendre le nombre de personnes accompagner les chants de la Kurve, on ne se croirait pas dans l’équivalent d’une tribune type "haut de gamme". Le temps d’acheter le magazine du club  – plutôt un fanzine rédigé par un regroupement des principaux groupes de supporters –, et le match peut commencer.
 

 



 

Les vingt premières minutes sont équilibrées et techniquement modestes. Union domine et voit ses efforts couronnés à la 20e minute, quand Terodde réceptionne un bijou de passe de Thorsten "Tusche" Mattuschka, le capitaine et chouchou des Unioner. Mattuschka, c’est le symbole du club, mi-loser, mi-génie, viré du centre de formation de l’Energie Cottbus parce qu’il avait redoublé, a repris le foot à plus de cent kilos en 7e division puis en division régionale, avant de gravir tous les échelons de la 4e à la 2e division avec Union. Il a toujours un peu de bide, mais une patte droite qui fait des merveilles et une vision du jeu qui rappelle celle d’Éric Carrière – ou même Xavi, mais n’exagérons pas. Il a son propre chant sur l’air de I Love You Baby: "Thorsten Mattuschka, tu es le meilleur joueur, Thorsten Mattuschka, tu peux ce que personne ne peut, Thorsten Mattuschka, plante pour le club!" Et le stade dans son ensemble, vraiment tout entier, reprend ce chant dès que Tusche se prépare au coup franc, et encore de longues minutes après – qu’il ait planté ou pas. Après une égalisation de Pauli, c'est encore lui qui redonne l'avantage aux Rouge et Blanc juste avant la pause.
 

À la mi-temps, pas d’animation avec un paquet de chips géant, mais l’annonce des résultats du tournoi indoor des vétérans d’Union. Tout reste dans la même ambiance un peu beauf, mais tellement sincère.
 


Concours de chants dans les wagons

Pauli pousse dès la reprise et finit par égaliser un quart d’heure avant la fin, ce qui réveille Union, portée par le public. Un premier coup franc de Mattuschka passe de peu à coté, Patrick Zoundi ne trouve que le petit filet. Il reste dix minutes à jouer et le stade est bouillant, toutes les tribunes, principale incluse, sont debout et chantent. Et cela paie: une-deux entre Mattuschka et l’attaquant international slovaque Adam Nemec, qui envoie une mine dans les seize-mètres. Tusche, qui tient rarement quatre-vingt dix minutes (sauf les derbies contre le Hertha et les matches contre Cottbus, sa ville natale) peut sortir sous l’ovation du public. Le stade exulte encore quand Terodde plante en pivot et inscrit un doublé. 4-2 pour Union, la messe semble dite mais le parcage visiteur continue de donner de la voix et finira la rencontre par un sonore You’ll Never Walk Alone, l’équipe entière venant les saluer.
 

Du côté berlinois, les cinq dernières minutes sont traditionnellement réservées à un chant qui fait résonner et se lever le stade entier (même si comme indiqué, cette fois-ci tout le monde est debout depuis belle lurette): "FC Union, notre amour, notre équipe, notre fierté, notre club, Union Berlin, Union Berlin" – cinq minutes durant et encore au-delà du coup de sifflet final. Après le tour d’honneur des Unioner (qui vont toujours, quel que soit le résultat, saluer le public), le stade se vide lentement.

 

 


 

On ramasse les gobelets en plastique consignés pour s’acheter la bière de retour. Les mecs pissent un bol dans le petit bois et tout le monde regagne soit les alentours, soit le S-Bahn, dans lequel les Paulifans et Unioner se lancent de bruyants concours de chants dans une ambiance bon enfant, en faisant sacrément tanguer les wagons.
 

Tout n’est pas rose à Köpenick, où l’on croise des personnes tout droit sorties de vieux épisodes de Derrick, clope éteinte au bec, nuque longue et lunettes fumées, mais aussi d’autres énergumènes moins sympathiques aux vestes ornées de lettres gothiques dont la signification ne laisse guère de doute quant à leurs penchants politiques. Mais c’est le football qui m’a adoptée depuis mon départ de Nantes et c’est celui qui me rappelle mes belles années en tribune Loire, avant Kita, avant Dassault.
 

La prochaine fois, je retourne dans le kop.
 

Texte initialement publié sur le forum de footnantais.com.
 

Réactions

  • Tonton Danijel le 15/04/2013 à 16h54
    Mais pourquoi ce sont toujours les Dresdois qui ont le mauvais rôle? On est en 2013, on peut avoir une deuxième chance!

    (Bon, nul 0-0 sur le terrain de l'Union après une victoire sur Sankt Pauli, la place de barragiste semble confortable et c'est le yoyo entre le Dynamo et Bochum pour la 17e place).

  • Brian Hainaut le 15/04/2013 à 17h13
    Merci pour cet article ! j'ai eu la chance d'assister à un match de l'Union en début de saison, clairement l'une de mes meilleures expériences de stade (d'autant plus dans le contexte actuel de disneylandisation/qatarisation galopante des enceintes de foot).

    L'Union avait perdu (avec les honneurs), et on avait eu trop au tour d'honneur des joueurs : respect mutuel entre joueurs et supp', ce qui a hélas (hélas) quasiment disparu des stades en France...
    Berlin je t'aime !

  • Leroy Cantona le 16/04/2013 à 03h00
    Merci, super article, et quelle ambiance!
    J'ai l'hymne dans la tête depuis trois jours, Eisern Union! Eisern Union!

    Y'a-t-il (encore) des clubs en France qui ont des supporters aussi engagés? Si oui, ce serait bien d'en parler dans les Cahiers.

    La semaine dernière, Daniel Riolo dans l'After Foot prenait à parti un supporter parisien je crois qui regrettait que le PSG ne soit plus vraiment un club de parisien en lui répondant "ben oui mais avec le foot de main courante" (i.e. ambiance frite-merguez-apero) on ne gagnerait pas la Ligue des Champions. Si un club de l'élite avait la même passion que le FC Union Berlin, même avec des résultats médiocres, j'irais au stade tous les week ends!

  • Tonton Danijel le 16/04/2013 à 12h23
    Leroy Cantona
    aujourd'hui à 03h00

    Si un club de l'élite avait la même passion que le FC Union Berlin, même avec des résultats médiocres, j'irais au stade tous les week ends!
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    Strasbourg fait recette, même en CFA, surtout les soirs de derby (insère ici la traditionnelle vanne sur le fait que c'est un peu l'Allemagne).

    Et il y a toujours au moins 1,000 pèlerins pour suivre Grenoble. (Bon, après, il est vrai qu'avoir un beau stade aide un peu, à Lesdiguières ou à Berty, ça tournait plus autour de 200 personnes).

  • sansai le 16/04/2013 à 17h39
    J'ai beaucoup aimé les images de Bastia à l'aéroport pour fêter le retour des joueurs ces deux dernières saisons.

    Ou celles du départ de Diego Lugano du Fener.

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