Une victoire : deux points, c'est tout
Réquisitoire contre la victoire à trois points, mesure inefficace et consensuelle, dont les beaux principes ne résistent pas à l'analyse…
Auteur : Nico Paul
le 18 Oct 2004
La victoire à trois points est une aberration. Une ineptie comptable à plusieurs égards, mais d'abord parce qu'elle constitue une prime flagrante à l'irrégularité : avec la victoire à trois points, une équipe qui gagne six matches et en perd quatre comptabilise ainsi plus de points (18) qu'une autre, invaincue, qui réalise sept matches nuls et trois victoires (16). Matches nuls glorieux et victoires piteuses Les défenseurs de ce système de décompte objectent souvent qu'une équipe devrait entrer sur le terrain pour vaincre, et non pour ne pas perdre. Et que la victoire à trois points serait donc le meilleur moyen d'inciter les attaques chevaleresques, le football-champagne, les festivités offensives… Sauf qu'un score de parité n'est pas nécessairement la marque d'une volonté délibérée des belligérants de fermer le jeu. Il est des matches nuls glorieux comme il existe des victoires piteuses, acquises dans la souffrance grâce à une foi inébranlable dans l'art du contre et le bétonnage défensif. Ceux qui ont vu jouer le PSG 2003-2004 peuvent en témoigner. Et on oublie souvent l'un des effets secondaires de cet illégitime bonus comptable: une formation qui mène d'un petit but d'avance a en effet beaucoup plus à craindre d'une égalisation avec la victoire à trois points (-2 points) qu'avec la victoire à deux points (-1 point). Voilà un argument qui justifie, chez certaines équipes menant d'un petit but, de casser le jeu et de se replier systématiquement dans ses vingt-cinq derniers mètres. Une mesure inefficace Les chiffres sont d'ailleurs là pour prouver l'inefficacité totale de cette mesure: depuis l'instauration de la victoire à trois points, il n'y a pas plus de buts ni moins de matches nuls, quelle que soient les compétitions. Ce système avait d'abord été créé pour optimiser le spectacle, c'est de ce point de vue là un échec flagrant. Enfin, n'oublions pas le principal effet pervers de la victoire à trois points : celle-ci présente l'inconvénient majeur de donner une image totalement déformée de la réalité des performances sportives. À la moindre série de contre-performances, les entraîneurs en difficulté sont ainsi placés sur la sellette, les écarts de points ayant tendance à se creuser à grande vitesse quand la victoire n'est pas au rendez-vous. Les journalistes amateurs d'arts divinatoires sont aussi parfois victimes du syndrome des "trois points": des équipes sont ainsi régulièrement condamnées ou encensées sur la foi d'une avance ou d'un retard apparemment définitif, avant qu'un enchaînement de victoires consécutives ne rende obsolète, en l'espace de quelques semaines seulement, les analyses édictées quelques jours auparavant. Reviendra-t-on un jour sur cette règle absurde? Il y a peu de chance, tant l'unanimité semble régner pour se foutre royalement de cette question existentielle qui n'intéresse sans doute que les puristes. À moins qu'on ne rappelle avec ironie au très influent Jean-Michel Aulas qu'en appliquant ce système au classement final du championnat de France en 2001, Lyon aurait été champion à la place de Nantes.