Les millions du star-system
"S'ils veulent Zidane, les Madrilènes n'ont qu'à préparer un océan de dollars", a déclaré un dirigeant turinois, répondant aux approches du Real pour le transfert le champion d'Europe. Sur le ton de la boutade, il aurait aussi lancé le chiffre bien rond de 100 millions de dollars (700MF), l'émissaire espagnol disant ne pas pouvoir aller au-delà des 520MF de la clause de session (Sportal 01/08/00). À ce niveau, 200MF, c'est une marge de négociation qui laisse le dossier grand ouvert entre les deux superpuissances.
D'autres facteurs viennent s'ajouter, comme l'attirance déjà ancienne de Zidane pour l'Espagne (dont le jeu brillerait d'ailleurs beaucoup plus dans la Liga). Mais le cœur du problème résiderait dans la propriété des droits d'image du joueur, que veut récupérer le club madrilène, comme il l'a fait pour Figo. De nos jours, ces droits sont devenus une forme de capital qui sert à certains mastodontes du foot européen d'autorisation pour creuser des déficits abyssaux. Les joueurs, qui semblent gagnants sur le plan financier, deviennent de véritables marchandises, ou plutôt des marques qui vont assurer des profits décuplés à leurs propriétaires. Les salaires achètent leur docilité, et leurs mouvements d'une équipe à l'autre semblent commandés par des facteurs totalement extérieurs. Ainsi, quelle raison sportive Figo aurait-il pu avoir de quitter Barcelone pour son rival absolu?
Les records successifs de transfert sont le fait d'une élite économique qui fait monter les enchères à un tel niveau que l'élimination des "faibles" se fait encore plus facilement, que ce soit sur le marché des joueurs ou dans des compétitions sur mesure comme la Ligue des champions. Suivez bien la suite des opérations d'import-export entre les "ennemis" du Real et du Barça, qui fait écho aux échanges PSG-OM de ces dernières saisons. Entre membres des mêmes groupes d'intérêt, il s'agit surtout de se partager un vivier de joueurs starisés à l'extrême, et d'en exploiter l'image en toute exclusivité. Les dirigeants se comportent avec les sportifs comme les patrons de studio avec les acteurs dans le Hollywood des années 40 ou 50. D'ailleurs ils ne parlent plus de sport mais uniquement de spectacle, et nombre d'entre eux frisent déjà la mégalomanie.
On en oublierait presque le terrain. Peut-être même devient-il secondaire, l'incertitude étant finalement assez limitée pour ces protagonistes. La question reste posée de l'avenir des "autres clubs", tant au niveau continental qu'au sein des championnats nationaux. Seront-ils voués à s'amuser dans le petit bassin et à alimenter les effectifs des élus? Quel spectacle sportif en résultera?
Il est vrai que voir Zidane dans une énorme équipe madrilène ne serait pas pour déplaire sur le plan du football lui-même, mais pas au point d'ignorer les conditions dans lesquelles évolue le marché des transferts d'année en année, et quels sont les maîtres de ce jeu-là.