La Gazette, numéro 45
Sphinx marrant
"L'association Desailly-Silvestre dans l'axe central a très bien marché, mais cela ne leur donne pas de droits. Demain, j'espère me féliciter du retour de Frank Lebœuf. Je suis également très content de Youri Djorkaeff qui a prouvé qu'il avait toujours le niveau, mais cela ne veut pas dire que je l'appellerai demain. C'est la souplesse et l'ouverture qui me guident" (AFP 26/04/01). Roger Lemerre nous laisse à nos supputations, il n'a pas l'air de se poser les mêmes questions que la plupart des journalistes, qu'il embarrasse considérablement.
C'est vrai que parfois il ressemble à l'accompagnateur de l'équipe de France, ou à son biographe, avec ses propos d'observateur un peu émerveillé (ou de "premier supporter", selon ses propres termes). En tout cas, Lemerre est certainement le meilleur "commentateur" des Bleus. On ne va pas prendre le travers de ceux qui voient en lui un ahuri, alors que c'est probablement un sage dans un monde de flûte. On n'a pas à s'en faire, tant que c'est "la souplesse et l'ouverture" qui le guident.
Rengaines
Pendant des années, on a entendu que Pirès devait vraiment prendre une autre dimension. Maintenant, on va entendre pendant des années que Pires a vraiment pris une autre dimension.
Tellement meilleur en bleu qu'en blues
Desailly perd-il son temps dans un club de Chelsea qui lui va assez bien avec son profil de grand bourgeois mais qui ne lui a pas rapporté les titres espérés? Le grand Marcel apparaît même parfois débordé au sein de sa défense, à mille lieues de son niveau en sélection, comme ce week-end avec une nouvelle défaite contre Leeds. Un petit déménagement serait peut-être judicieux, mais il doit offrir les meilleures garanties à un an de la Coupe du monde. Un retour en France serait idéal à cet égard, mais le défenseur a des prétentions financières (entre autres) très élevées et lui-même semble considérer un tel retour comme impossible selon certaines lois économique intangibles. Dommage pour Marseille?
Eternel recommencement
Boban est annoncé par le Journal du dimanche comme ayant signé à L'OM pour la saison prochaine. C'est à l'annonce de cette rumeur (déjà démentie par Tapie) que nous repensons à l'une de nos archives, datée du 16 mai 1992. Ce jour-là, L'Equipe publiait son traditionnel tableau des transferts et désignait comme "transfert définitif" celui de Boban à Marseille. C'est bien sûr le Milan AC qui allait arracher à Bari son jeune Croate, que l'équipe de Tapie retrouverait au Stade olympique de Munich.
Mais ce n'est pas le plus drôle, car dans cette même catégorie des transferts définitifs, figure également… Zidane lui-même, en provenance de Cannes. Pour finir, Blanc (Naples) est évoqué comme recrue possible, en compagnie de Skuhravy (Genoa) et Omam-Biyik (Cannes). Parmi les joueurs annoncés par ce tableau magique, seuls le Camerounais et deux Nantais devenus célèbres pour des raisons différentes viendront effectivement renforcer le club. Le texte de commentaire est lui aussi assez savoureux: "L'OM s'occupe de son banc de touche en engageant des joueurs Omam-Biyik, Zidane, Eydelie et Desailly". Déjà sous surveillance de la DNCG, le club marseillais se "contentera" des arrivées de Völler, Thomas, Boksic (retour de prêt à Cannes), Barthez et Martin-Vasquez, pour une saison qui est restée dans les mémoires.
L'histoire repasse donc certains plats, même un peu froids.
Superstar
Jean-Michel Aulas n'a pas que des ennemis dans les médias, et il a tout récemment bénéficié d'un article de quatre pleines pages, dont une photo à la limite du poster à accrocher au-dessus de son lit, et une interview sans aucune question dérangeante sur ses récentes interventions concernant l'arbitrage. Ce texte admiratif qui rend hommage à ce patron-modèle n'a pas été publié dans Les Echos, La Tribune ou Capital, mais dans France Football mardi dernier.
C'est ce qu'on adore dans le journalisme sportif, qui est avant tout un journalisme de révérence, pour paraphraser Serge Halimi*. Comment un journaliste peut-il décemment passer sous silence ce qui a médiatisé le président lyonnais ces derniers mois (sans oublier son implication dans les déboires actuels de la Ligue)? Une pareille complaisance est en effet bien utile pour restaurer un peu une image très dégradée. Elle ressemble terriblement à un service rendu, dans une période difficile, à un "président tout puissant" dont le portrait, sérieusement expurgé, est bien moins critique que son titre le suggérait.
* Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, Raisons d'agir Editions.