France-Afrique, rencontres tardives
Malgré sa proximité historique avec le continent, l'équipe de France de football a peu affronté de sélections africaines... Mais elle rattrape ce retard.
En football comme en politique, la France a entretenu des relations compliquées avec l'Afrique. De nombreux joueurs maghrébins et subsahariens se sont pourtant illustrés dans le championnat de France, et les sélections africaines font souvent appel à des entraîneurs français. Malgré cette proximité, et bien d'autres, l'équipe de France A a disputé peu de rencontres contre celles-ci.
Avant de recevoir coup sur coup la Côte d'Ivoire et l'Afrique du Sud en cette fin mars 2022, elle ne compte parmi les 880 rencontres de son histoire que 25 oppositions à une sélection africaine. C'est toujours mieux que l'Asie (16 rencontres), l'Océanie (6) ou la Concacaf (17), mais cela reste peu, d'autant que la première confrontation officielle fut très tardive.

Une histoire parallèle
Dans les faits, ces oppositions franco-africaines n'ont pourtant pas manqué. Depuis les années 1920, sous l'ère de la colonisation, avaient lieu de nombreuses rencontres entre équipes de métropole et sélections du Maghreb, qui servaient surtout à aguerrir les jeunes métropolitains et à repérer quelques Nord-Africains susceptibles de renforcer la "vraie" équipe de France.
Dans les années 1950, les territoires indépendants en Afrique sont assez rares et les nations reconnues par la FIFA tout autant : Égypte, Soudan, Éthiopie et Afrique du Sud - cette dernière étant mise à l'écart pour cause d'apartheid. La France rencontre plusieurs fois l'Égypte, dans le cadre d'une Coupe de la Méditerranée (en 1953 et 1955), mais c'est une équipe de France B qui est envoyée.
La France est invitée à affronter les nouvelles sélections issues des indépendances aux Jeux de l'amitié, mais elle y délègue cette fois son équipe amateur, en grande partie composée de futurs professionnels. Son niveau est suffisant pour remporter les deux premières éditions.
La même sélection amateur bataille également au sein des Jeux olympiques et des Jeux méditerranéens, où elle croise régulièrement des adversaires africains. Mais l'équipe de France A ignore encore l'Afrique, et ce n'est qu'en 1978, plus de quinze ans après la décolonisation, qu'elle en affronte un représentant. À Villeneuve-d'Ascq, la France bat la Tunisie 2-0, quelques jours avant le début du Mundial argentin pour lequel les deux sélections sont qualifiées.
Certes, le premier adversaire africain qui figure sur les registres officiels des Tricolores nous renvoie à 1972, mais il s'agissait alors d'une équipe continentale montée de toutes pièces pour les besoins d'un tournoi international organisé au Brésil. Onze joueurs venus de neuf pays composaient cette formation hétéroclite qui ne s'inclina que 2-0 face aux hommes de Georges Boulogne.
Pas de chance au tirage
On peut reprocher à la sélection française une ouverture tardive au football africain. Contrairement à l'Italie, la Hongrie et quelques autres, elle n'a toutefois pas eu l'occasion de croiser l'équipe d'Égypte dans les épreuves d'avant-guerre - Jeux olympiques puis Coupe du monde, où les Pharaons ont longtemps été les uniques représentants africains.
Plus tard, l'équipe de France aurait pu suivre, nonobstant le contexte politique, l'exemple de l'Allemagne de l'Ouest et du Brésil, qui se sont rendus sur place, dès les premières années d'indépendance, pour des matchs amicaux au Maroc et en Algérie.
Mais, dans la plupart des cas, c'est en compétition que les équipes européennes ont affronté leur premier adversaire africain, telle l'Espagne opposée à son voisin marocain en 1961, en barrage de qualification pour la Coupe du monde au Chili.
Quand elle affronte la Tunisie en 1978, la France n'est donc pas complètement vierge d'opposition africaine. Elle se trouve en fait dans une situation similaire à celle de l'Angleterre, dont l'équipe nationale n'a rencontré son premier adversaire africain qu'en 1986, alors qu'elle comptait déjà quelques tournées, notamment en Afrique du Sud avant que celle-ci ne soit bannie.
Après la Tunisie en 1978, il faut attendre une décennie pour que l'équipe de France croise officiellement une nouvelle sélection d'Afrique. Le Maroc, auréolé de ses exploits mexicains de 1986 et qui prépare une CAN organisée à domicile, participe début 1988 au Tournoi de France, conçu pour relancer les Bleus après leur non-qualification à l'Euro 1988. Ceux-ci remportent la finale opposant les deux sélections au stade Louis-II (2-1).
La fin des rendez-vous manqués ?
Les performances en Coupe du monde de l'Algérie, du Maroc, du Cameroun et du Nigeria rapprochent le continent africain du gotha mondial. Mais c'est seulement le 11 octobre 1997, à Lens, que les Bleus d'Aimé Jacquet reçoivent l'Afrique du Sud, fraîchement libérée des mesures de boycott dont elle faisait l'objet et tout juste sacrée championne d'Afrique.
Les Bleus s'imposent 2-1 face à une équipe qu'ils retrouveront neuf mois plus tard en Coupe du monde. Entre-temps, juste avant le Mondial 1998, la sélection tricolore a disputé son premier match sur le sol africain, à l'occasion d'un tournoi à Casablanca qui lui propose la Belgique puis le Maroc. En une saison, l'équipe de France a connu trois adversaires africains... autant que durant les 94 ans qui ont précédé.
L'histoire s'accélère enfin. Le Maroc se rend à Marseille en janvier 1999 avant d'accueillir de nouveau les Bleus au tournoi de Casablanca en préparation de l'Euro 2000. Le Cameroun, alors champion d'Afrique et champion olympique, est accueilli au Stade de France par des Tricolores champions d'Europe et du monde (qui encaissent un fameux but de Patrick Mboma). Quelques jours plus tard, les Bleus s'envolent pour l'Afrique du Sud afin d'y rencontrer les Bafana Bafana et Nelson Mandela.
En 2001, c'est l'Algérie au Stade de France, match resté dans les mémoires pour les perturbations qui ont contraint à son abrègement. En 2002, le Sénégal fait tomber les champions du monde de leur piédestal en match d'ouverture du Mondial. La France redécouvre ensuite l'Égypte, puis se voit opposée, en amical comme en compétition, au Cameroun (2003), à la Côte d'Ivoire (2005), au Togo (2006), au Maroc et à la Tunisie (2008), au Nigeria (2009 et 2014)...
À ce jour pourtant, la dernière confrontation franco-africaine date de novembre 2016 et d'un France-Côte d'Ivoire à Lens. Deux rencontres consécutives, contre cette même Côte d'Ivoire puis l'Afrique du Sud, ne seront pas de trop pour clore cette nouvelle parenthèse de cinq ans.