Dossier arbitrage (3) Un débat: le "double arbitrage"
Expérimentée sans conviction et trop vite abandonnée, la solution de doubler le nombre des arbitres de champ, voire de leur adjoindre de nouveaux assesseurs, mérite un deuxième examen… Elle pose en tout cas de bonnes questions.
On se souvient que l'International Board avait lancé en mai 99 un programme de test du "double arbitrage", on se souvient moins de l'annonce de l'abandon de l'expérience, dont les conclusions n'auraient pas été probantes. Ses conclusions ou sa réalisation? Car peu de fédérations majeures s'étaient présentées, et les tests avaient été menés en catimini, à l'exception d'une journée de Coupe d'Italie (à la suite de laquelle les commentaires avaient été très positifs).
Dans un foot pro où chacun y va de sa petite influence, la "famille" des arbitres n'a peut-être pas bien vu son intérêt dans cette initiative. Les arbitres interrogés sur le sujet, parmi les plus médiatiques, avaient en effet tenu un discours très dubitatif, avec des a priori que l'on retrouva tels quels au moment de l'arrêt des tests. Une explication de ce manque d'entrain pointe leur répugnance à abandonner la moitié de leurs prérogatives, et à vivre cet abandon comme une perte de prestige ("Je crois que les arbitres auront du mal à accepter le principe du partage des responsabilités". Alain Sars, L'Equipe 16/10/99). Car aussi malmenés soient-ils, ils sont très attachés à la notoriété qu'apporte leur fonction, qui fait d'eux des personnages publics. Il est évident que s'ils avaient soutenu plus franchement l'idée, celle-ci aurait été essayée avec plus de conviction. Mais elle ne relève donc pas de leurs revendications actuelles.
La comparaison avec des sports collectifs comme le basket —où les arbitres sont bien plus nombreux pour une surface de jeu bien plus réduite— laisse pourtant songeur sur la prétention d'un homme seul à tout voir, tout sanctionner. Un constat assez évident, sur lequel tout le monde s'accordera, est bien que les arbitres ne suffisent plus à couvrir toutes actions se déroulant dans le champ de jeu. Les zones à surveiller sont trop nombreuses et trop éloignées les unes des autres pour qu'un regard et une paire de jambes y suffisent. Les assistants ont suffisamment de travail, avec chacun 140 mètres de lignes à juger dont 50 à parcourir dans un sens et dans l'autre, alors que le contrôle des hors-jeu serait déjà un travail à temps complet…
Deux options se présentent ensuite, selon que les deux arbitres se chargent chacun d'une moitié de terrain ou se déplacent simultanément et peuvent intervenir à tout moment. La première est la plus timide, la seconde, qui avait été celle qui nécessiterait le plus de coordination. C'est une solution mixte qui avait été expérimentée, avec un placement "en diagonale" et des interventions conjointes sur les coups de pied arrêtés, notamment pour surveiller la surface de réparation lors des corners. Des phases de jeu qui ont un urgent besoin d'être contrôlées si l'on veut en finir avec la plaie des accrochages de maillot et autres coups en douce.
Le problème souvent évoqué de la compatibilité du "style" de chaque arbitre est réel mais pas insurmontable. Des duos pourraient être constitués, s'habituant à travailler ensemble et se dotant des automatismes indispensables. Ensuite, il semble normal de poursuivre l'homogénéisation des manières d'arbitrer, notamment afin d'éviter de fâcheux malentendus dans les compétitions internationales (des progrès ont été enregistrés dans ce sens, comme en témoigne l'arbitrage dans les coupes européennes, justement plus rigoureux et mieux respecté). Les différences de style devraient ainsi s'effacer, la "subjectivité" n'étant de toute façon pas vraiment souhaitable si l'on veut voir les contestations diminuer.
Cette hypothèse fait écho à la question de l'intervention des juges de lignes, auxquels il est demandé depuis plusieurs années de prendre plus de responsabilités. Le Board lui en a accordé explicitement de nouvelles, comme en février 2000 celle de signaler les fautes commises dans la surface de réparation. Nous garderons toujours un souvenir ému de l'assistant de France-Portugal qui a suivi cette consigne. Cependant, la surveillance des hors-jeu est trop prenante pour que les assesseurs puissent vraiment assumer l'extension de leur rôle, le constat actuel étant qu'il a bien peu évolué dans les faits.
Là encore, le problème du nombre des arbitres se repose. L'idée de doubler aussi le nombre des juges de ligne n'est pas aussi saugrenue qu'elle en a l'air, et si elle n'est pas retenue, devant le constat de carence actuel, on devra nécessairement reparler de double arbitrage… Le problème du nombre des arbitres semble donc assez évident pour réfléchir à des solutions autres et moins radicales que l'utilisation des caméras. Les avantages du "double arbitrage" semblent bien plus importants que des objections qui concernent surtout les difficultés d'adaptation: moindre fatigue, plus grande proximité avec l'action, meilleur jugement des hors-jeu, baisse des contestations, meilleure couverture du champ de jeu…
Cette solution présente d'évidentes possibilités d'amélioration de l'efficacité de l'arbitrage, sans entraîner le football vers un changement de philosophie radical comme en provoquerait le recours à la vidéo. Son abandon semble une erreur d'autant plus regrettable.
Dossier arbitrage
(1) La vidéo, un crime contre le football.
(2) Les solutions techniques.
(4) Protéger et professionnaliser les arbitres.