Dernières démarques
La tendance de ce mercato plat comme une limande, ce fut la déprime. Même s'il peut quand même prêter à sourire, parfois.
Auteur : Pierre Martini
le 2 Fev 2005
Bientôt, le mercato ne servira même plus à remplir les colonnes et à faire les gros titres (spéculatifs) de nos confrères, qui savent de longue date que les fantasmes font partie de la psyché de l'amateur de football. En effet, même ceux-ci vont finir par se rendre compte que le marché d'hiver ne s'anime vaguement qu'en toute fin de période, pour un nombre minimal de transactions. L'intersaison étant déjà sinistrée depuis deux ou trois ans, pour cause de marasme européen, la rubrique transferts ressemble plus que jamais à un miroir aux alouettes. La crise économique a fait mieux que la FIFA, qui voulait réduire les mouvements de joueurs anarchiques (les mouvements, pas les joueurs) avec une réforme des transferts qu'elle a elle-même édulcorée en autorisant à nouveau deux mouvements par an et par joueur — alors qu'au départ, il ne s'agissait en janvier que de pallier des blessures et d'embaucher des chômeurs. Rares sont les clubs en Europe à avoir bouché leurs cases avec des pièces maîtresses: Liverpool avec Morientes, Barcelone avec Maxi Lopez, l'Ajax avec Charisteas, Le Real avec Gravesen ou encore la Juventus avec Mutu... Et en France, les quatre leaders n'ont recruté personne, l'animation commerciale ayant été surtout le fait des clubs de bas de tableau. Même les stands de l'OM et du PSG sont restés fort calmes: le premier a recruté sur son propre banc, et le second s'est contenté du feuilleton Semak. À l'arrivée, beaucoup de bruit pour quelques replâtrages d'effectifs aussi peu spectaculaires que possible... Le blues des ex-Bleus Pour un Christophe Dugarry qui a emboîté le pas d'Emmanuel Petit et annoncé sa retraite au lendemain de la clôture, d'autres anciennes gloires de France 1998 ont négocié leurs fins de carrière en faisant fi du prestige. Vincent Candela, en perdition dans le club de son cœur, l'AS Roma, a opté pour la maison de préretraite des Wanderers de Bolton, accueillant ce transfert avec un enthousiaste "C'est le moment le plus difficile de ma carrière et je n'y crois pas encore". Le SC Bastia, profitant des dernières démarques avant liquidation totale du Servette de Genève, s'est acquis les services de Christian Karembeu. Bernard Diomède, lui, va fouler la pelouse tristounette du Stade Duvauchelle à Créteil. Notre ami Djorkaeff ne désespère pas de jouer encore, puisqu'il n'a pas annoncé sa retraite, à moins que ce soit une question de calendrier: cet expert en relations publiques n'a peut-être pas envie de se laisser voler ses adieux par les deux chevelus cités plus haut. Dernière hypothèse: il est victime du syndrome Bernard Lama. Du côté des maudits de la sélection nationale, Florian Maurice a bouclé ses valises, destination Châteauroux, et Martin Djetou revient en France et "en guerrier" pour intégrer l'effectif de l'OGC Nice. Bonne chance aux attaquants qui tenteront de passer entre lui et José Cobos. Nicolas Anelka semble parti pour justifier l'obtention, un jour, de l'Oscar des plus mauvais choix de carrière... C'est du moins l'impression qui ressort de son départ à Fernerbahçe, un club dont l'environnement ne semble pas tout à fait adéquat pour un joueur qui n'aspire qu'à la tranquillité et refuse les sollicitations des médias ou du public. Un simple coup de fil à Pascal Nouma aurait pu le dissuader, mais un dirigeant du leader du championnat turc peut aujourd'hui présumer du statut de star de Nico pour se gargariser du fait que "Fenerbahçe est devenu, comme le Real Madrid, le FC Barcelone ou Milan, un des clubs préférés des grands joueurs" (AFP). L'ex-Madrilène portera à Istanbul le numéro 39. De fièvre? Le bal des laissés pour compte En France, la liste des mutés s'apparente surtout à un catalogue d'échecs sportifs — des joueurs ou des clubs qui les accueillent. Lizarazu et Elber partent en Allemagne retrouver leur bonheur perdu. Le Tallec est laissé pour (solde de tout) compte par Saint-Étienne à Liverpool, croisant un Lamine Sakho qui va tâcher de se refaire une santé en Forez. Au rang des revenants, pour ne pas dire des fantômes, on mettra Bakayoko, Delaye et Pérez (Istres), Ziani et Cherrad (Bastia) Mais il y a pire qu'un départ vers des cieux incertains : le surplace. Et les vraies vedettes du mercato sont celles qui n'ont pas trouvé preneur. Fabrice Fiorèse confirme ainsi son destin plombé, risquant de rejoindre Christanval dans les caves de l'OM. Le PSG conserve Boskovic et Benachour, n'ayant réussi qu'à prêter Ogbeche (Metz) et Ibisevic (Dijon). Pendant ce temps, un joueur exceptionnel, qui avait failli s'épanouir au Parc des Princes, est prêté par la Real Sociedad à Everton... Enfin, l'actualité de la mobilité professionnelle hivernale aura été marquée par des événements pittoresques, comme le départ Ribéry à Galatasaray, où il va mettre en péril une carrière prometteuse, quelques mois après sa première sélection en Espoirs. Le choc des cultures, ce sera la découverte de Marseille par le Japonais Koji Nakata (comme en écho au désir de Christophe Bouchet de faire venir son homonyme Hidetoshi). Et pour en finir définitivement avec ce mercato, soulignons que les principales spéculations du numéro spécial de France Football en début de mois ("Les dossiers chauds du mercato") ont tourné court. Essien, Mathieu, Nonda et Ljuboja n'ont pas bougé. Mais admettons que le marché d'hiver, c'est aussi une façon d'exposer en vitrine ses meilleurs produits, en attendant l'été.