Dans les cartons des Dé-Managers : #7
Milan qui se cherche, des petites équipes qui ne trouvent pas la solution, la définition de la tactique par Oscar Tabarez, le système de Klopp, démonstration de conservation de balle en vidéo...
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les trois Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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L’AC Milan, au pays du désintérêt
Christophe Kuchly (@CKuchly) – La multiplicité des matches télévisés permet de tout voir ou presque. Pourtant, le fan neutre, spécialiste ou non, se rendra vite compte qu’il regarde chaque semaine les mêmes équipes jouer, le même type d’oppositions encore et encore. À l’image de tous ces bouquets qui proposent 400 chaînes mais qu’on n’exploite jamais vraiment, le football donne accès mais n’incite pas à aller piocher partout pour autant.
Dans ce contexte, pour attirer au-delà de ses supporteurs, il faut bien jouer, ou tout du moins proposer un spectacle qui incitera à ne pas zapper. Délaisser l’alléchant Leverkusen-Dortmund pour regarder Livourne-Milan samedi n’avait rien d’évident. Mais bon, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise... Alors, verdict? L’ennui. L’œil qui commence à changer d’écran et le cerveau qui fait comprendre que rien n’oblige à s’infliger ça.
Ça, c’est une équipe de Milan qui ne va nulle part, sinon droit vers le mur. C’est Andrea Poli, le relayeur, arrière droit, quand Mattia de Sciglio est sur le banc. C’est aussi Valter Birsa titulaire et sorti à la 38e après avoir fait... une minuscule passe vers l’avant. C’est enfin Antonio Nocerino, sans influence et incapable de faire le lien entre Urby Emanuelson et Kaka… Beaucoup trop de problèmes liés à l’animation offensive et qui se retrouvent dans une statistique: 66% de possession pour 11 tirs, sept de moins que Livourne, 18e. S’il est facile de maîtriser le jeu quand on a les joueurs les plus techniques, être percutant ne vient pas tout seul. Mario Balotelli a certes les qualités pour convertir en buts des demi-occasions, mais ça ne fait que masquer le problème.
Les Milanais n’ont plus les fuoriclasse d’antan, preuve en est l’entrée du toujours très limité M'Baye Niang, ce qui donna lieu à un rigolo duel entre Ibrahim Mbaye et Niang dans le couloir droit. Mais, en mettant en place un axe fort De Jong-Montolivo derrière Kaka et Balotelli, il y a moyen de faire mieux que 18 points en 15 matches, un total gonflé par les nombreux buts inscrits en toute fin de match. Faire briller Kaka avec un vrai projet de jeu durable serait déjà un bon début. Il donnerait au moins envie de s’intéresser au match...
Faut-il euthanasier les machines de guerre footballistiques ?
Philippe Gargov (@footalitaire) – La victoire du Bayern 7-0 contre le Werder, à Brême, est peut-être la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà largement plein. En Allemagne, en Espagne et maintenant en France avec le PSG, quelques monstres écrasent tout sur leur passage. Les amateurs se réjouiront de ce déluge de buts, les détracteurs regretteront les externalités négatives de ces superpuissances, qui n’aboutit qu’à des duels unilatéraux où l’équipe adverse n’a d’autre choix que de se recroqueviller pour obtenir un précieux nul.
La question est d’abord d’ordre politico-sportif: les changements de règlements, notamment économiques mais aussi d’arbitrage, pourraient ainsi pallier les vicissitudes liés aux différentiels de talents individuels. Les politiques de ligues fermées, à l’américaine ou à la qatarie, s’avèrent une réponse alternative – et bien plus discutable – à ces enjeux aussi vieux que le football lui-même. Mais le problème est aussi tactique.
En effet, le succès de ces grosses machines ne peut s’expliquer uniquement par le talent de quelques-uns. Les entraîneurs ont une lourde responsabilité dans ces scores écrasants. Ceux des “petites” équipes s’avèrent souvent plus que frileux – la faute à l’épée de Damoclès du licenciement. Mais les coaches des “grosses” équipes sont loin d’être exempts de tout reproche: quand Pep Guardiola invite ses joueurs à s’emparer du jeu dans sa totalité, d’en assurer seuls la maîtrise spatiale, temporelle et technique, il nie implicitement le droit à l’adversaire d’exister.
Certains y voient une forme de respect. Mais le véritable respect serait de plaider en faveur d’un rééquilibrage des forces. Ou au moins de laisser à l’adversaire une chance de ne pas boire la tasse. Guardiola se plaint de voir ses plans de jeu quitter le secret du vestiaire. Mais si cela permet aux coachs adverses de préparer leurs contre-plans, est-ce vraiment une mauvaise chose? Dans ce contexte, on se prend à rêver d’un Wikileaks du coaching, qui permettrait aux petits de concurrencer les gros sur leur propre terrain. Et d’en finir, peut-être, avec ces tristes matches à sens unique.
On a aimé
La double course croisée de David Alaba et Franck Ribéry sur le sixième but bavarois, peut-être le seul à sauver de la septante infligée au Werder, qui nous rappelle que les chorégraphies footballistiques valent les plus beaux ballets du Bolchoï.
Adoubé par Johan Cruyff, déjà espéré en sélection, le jeune milieu Davy Klaassen enchaîne les prestations de haut vol. Et quand il marque, c’est avec classe.
Les dribbles d’Eden Hazard, à la fois contre Stoke et Sunderland. Obligé de mettre deux hommes sur lui pendant tout le match, Gus Poyet a tout de même vu son équipe de Sunderland incapable de le contenir.
Vitesse Arnhem continue à mener les débats aux Pays-Bas et c’est en grande partie dû aux performances de Lucas Piazon. Vitesse, qualité technique, finition: à dix-neuf ans, il a déjà tout ce qu’il faut. Le PSV, apathique défensivement, s’est laissé marcher dessus (6-2).
Sans faire de bruit, le Borussia Mönchengladbach revient à hauteur de Dortmund et confirme son statut de très bon club du championnat. Avec un effectif homogène et bien construit, Lucien Favre continue à prouver qu’il est un excellent coach. En attaque, Max Kruse confirme qu’il n’est pas en sélection pour rien tandis que Marc-André ter Stegen, excellent contre Schalke, continue à accumuler de l’expérience. Et comme Juan Fernando Arango, peut-être le meilleur tireur de coups francs au monde depuis cinq ans, est toujours vaillant, chaque coup de pied arrêté est une occasion de but.
Alessandro Diamanti, perdu au milieu de partenaires médiocres à Bologne, qui enchaîne les caviars sans que personne n’en profite. Au lieu d’être passeur décisif, il se contente tristement de n’être que passeur.
Southampton et ses sept Anglais titulaires continue à faire le jeu, même si ça ne paye pas toujours au niveau comptable. Le but contre City ne vient pas d’une erreur du gardien, une Pantilimonade, mais d’un exploit de Pablo Osvaldo.
Alfred Duncan n’est pas encore un produit fini mais, à voir la manière dont il a dominé le match au milieu face à Milan, il devrait pouvoir postuler à une place à l’Inter une fois de retour de son prêt à Livourne. La Team Duncan va vite s’agrandir.
On n’a pas aimé
Les relégations de Fluminense et Vasco da Gama. Autant pour les joueurs qui sont dans ces équipes (Fred, Rafael Sobis, Juninho Pernambucano, Diego Cavalieri, Wendel, Dario Conca) que pour le symbole. Souhaitons-leur de pouvoir garder leur groupe comme ce fut le cas de Palmeiras cette année (Jorge Valdivia, Alan Kardec) pour remonter rapidement. Une Serie B brésilienne qui perd Paysandu, relégué en Serie C, et son latéral droit buteur au joli nom: Yago Pikachu.
Xativa joue certes sur un minuscule terrain synthétique, mais la performance du Real Madrid, contraint au nul chez cette équipe de D3 en cadrant seulement deux tirs, fut catastrophique.
Hernanes a visiblement décidé de passer la saison à dormir. Comme Lucas Biglia se contente du minimum sans prendre de risques et que Antonio Candreva ne possède pas de touche “passe”, la Lazio souffre énormément.
Les productions sans aucun sens du Werder Brême. Devenue célèbre pour son jeu offensif un peu fou, l’équipe a perdue une partie de son identité avec le départ de Thomas Schaaf. Contre le Bayern, le Werder a combiné indigence offensive et absence de défense. Il y a pourtant du potentiel, même si Gebre Selassie et Ekici ont plus des noms à faire un 3.000 mètres steeple qu’à jouer au foot. Aussi belle soit la démonstration offensive du Bayern, difficile d’apprécier un tel spectacle.
Le schéma de la semaine
Le tableau tactique de Jürgen Klopp avant le match retour de Ligue des champions face à Malaga (3-2), exposé au musée de Dortmund. (via @AlexHoliga)
La décla
“Les livres peuvent dire beaucoup de choses mais un entraîneur doit avoir ses propres concepts et, pour moi, ça s’appelle la stratégie, ou stratégie de jeu. Pour moi, la stratégie de jeu est la manière de jouer idéale, comment vous voulez que votre équipe évolue. La tactique entre en ligne de compte quand il y a un adversaire mais souvent, en tant que coach, vous entraînez votre équipe sans savoir quand la compétition commencera ou qui sera votre adversaire. Dans ces moments-là, vous travaillez sur la stratégie de jeu, qui est un idéal, quelque chose d’inaltérable, avec des fondements techniques, tactiques et psychologiques. La tactique mise en place avant un match sera toujours basée sur cette philosophie de jeu que vous prêchez depuis longtemps et qui est la pierre angulaire de tout ce qui est travaillé ensuite sur le terrain.” Oscar Tabarez, le sélectionneur uruguayen, dans un long entretien dans le dernier numéro de The Blizzard.
La vidéo de la semaine
Analyse d’une phase de jeu de Villareal face à Valence lors de la saison 2011/12 pour montrer comment la flexibilité du milieu de terrain aide à conserver la possession.
La revue de presse (presque) anglophone
Première Touche s’attarde sur la première défaite du PSG cette saison face à une équipe d’ETG mourinhesque.
Moins créatif, moins solide, moins efficace, Manchester United ne doit pas viser trop haut cette saison suggère The Guardian.
Michael Cox met en lumière le travail de Ross Barkley, l’un des meilleurs éléments d’Everton cette saison.
Barcelone avait-il besoin de ce changement de style apporté par Tata Martino? L’avis de thesefootballtimes.
La prestation de Laurent Koscielny, impeccable contre le puissant Romelu Lukaku, a marqué les esprits et prouve la qualité du joueur pour Bleacher Report.
Yohan Cabaye est le chouchou des fans à Newcastle. Sam Tighe, à l’aide d’images et de gifs, explique quelles sont ses qualités.