Danemark déposé
Quand on bat les Danois au premier tour, on gagne le tournoi (1984, 1998, 2000). Est-ce que ça vaut aussi pour un match de préparation?
le 1 Juin 2006
Face à une équipe danoise plus appliquée qu'inspirée, les Bleus ont remporté leur deuxième match de préparation, avec plus d'arguments que samedi dernier. En respectant leur tableau de marche, ils engrangent quelques assurances et s'offrent un peu de paix médiatique: de nombreux réglages restent à trouver, des questions restent en suspens, mais on doit au moins apprécier la cohésion affichée à Bollaert (à défaut d'une maîtrise totale) et s'attarder sur les signes positifs... Comme ces belles phases collectives ou ces combinaisons qui ont parsemé la rencontre, même si leur caractère sporadique indique que cette équipe ne sera probablement pas très encline à accaparer le ballon et la direction du jeu.
La nalyse : un losange qui penche ?
Si l'équipe a eu plus de difficulté à limiter les situations dangereuses que contre le Mexique – avec notamment quelques cafouillages en défense centrale qui indiquent que les automatismes sont à parfaire –, c'est encore l'organisation offensive qui pose quelques équations encore irrésolues.
D'abord parce que le fameux milieu en losange repose forcément sur Zidane et que l'apport de ce dernier est encore incertain. Ensuite, il est évident que Vieira n'est pas le pendant de Malouda, chacun ayant des penchants variables pour les phases offensives ou défensives. Le second est ainsi enclin à soutenir plus souvent Makelele dans les tâches de récupération, mais on l'a vu beaucoup plus emprunté dans le jeu vers l'avant. Il a notamment peu combiné avec Sagnol, contribuant ainsi à la faible exploitation de leur côté (alors que sur l'autre flanc, Malouda et Abidal disposaient déjà des bons réglages). Dans un tel registre, Wiltord, capable de se replacer et de défendre, semble avoir un profil plus adapté, voire Dhorasoo ou Ribéry...
Enfin, les deux milieux qui flanquent Zidane doivent rester en soutien de ce dernier, et ne s'excentrer que pour combiner avec les latéraux. Le risque est de laisser des espaces dans leur dos en livrant l'arrière à des deux contre un: c'est justement en exploitant la largeur que les Danois ont souvent porté le danger dans le camp français. Pour compenser, c'est toute l'équipe qui doit s'assurer de bons automatismes.
La solution réside bien là, car si le 4-4-2 de l'Euro 2004 était manifestement bancal, rien n'oblige une équipe à se présenter dans une configuration parfaitement symétrique.
Les gars
En dehors d'un bon placement sur la tête à bout portant de Larsen (82e), pas grand chose à dire du match de Barthez. Alors soulignons simplement une capacité certaine à atteindre les micros d'ambiance avec ses consignes criées d'une voix perçante.
Toujours intelligent lors des phases offensives (c'est lui qui adresse le centre à l'origine du premier but), Sagnol a été gêné par l'utilisation danoise de la largeur et fréquemment débordé dans son dos, l'obligeant à commettre de nouveau quelques fautes. Abidal a confirmé sa grosse activité et un engagement sans faille, même si ses interventions sont parfois un peu folkloriques. Son entente avec Malouda est un atout pour lui.
La charnière a été plus secouée par les Danois que par les Mexicains, avec quelques moments de flottement (tête de Silberbauer esseulé à la 18e minute, occasion de Tomasson à la 22e, qui laissa Barthez sans réaction mais fila au ras du poteau). Auteur d'une relance hasardeuse (9e), Thuram se rattrapa dans la foulée par un beau tacle et ses interventions d'urgence (dégagement acrobatique après un cafouillage dans la surface – 40e) furent précieuses aux moments chauds. Costaud dans les duels, Gallas a aussi eu son occasion réglementaire, avec une tête dans les bras de Christiansen à la fin du temps additionnel de la première mi-temps.
Après avoir disputé une excellente mi-temps contre le Mexique, Vieira ne s'est pas montré sous son meilleur jour. Sa "spéciale" (perte de balle + brutalité) sera déconseillée en compétition – à l'image d'un ceinturage un peu surréaliste en pleine surface. Sa position de milieu droit semble lui poser problème (et ce problème risque de devenir tactique pour toute l'équipe). Indépendamment de ces variations qualitatives, son activité a tout de même été constante. Makelele a beaucoup travaillé, en jouant sur son placement et sa science des intervalles pour intercepter et relancer. On comprend que Sven-Goran Eriksson regrette de ne pas en avoir un comme lui en équipe d'Angleterre.
Zidane est apparu sous un meilleur jour que samedi soir, mais en dehors de quelques bonnes orientations et d'une ou deux participations aux bons coups français, son apport est resté très relatif. Vingt ballons perdus (stats TF1), ce n'est pas normal pour lui. On dira qu'il est encore en phase de régénération physique, mais même dans ce cas, il est très en retard sur les autres joueurs. Ce qui est d'autant plus inquiétant. Un Ribéry ou un Dhorasoo en forme serait, au même poste, beaucoup plus utile que ce Zinédine-là.
Malouda reste l'homme en vue du moment : il a créé des différences sur le côté gauche et a fait de l'ombre à Zidane en tant qu'animateur. Il semble avoir confirmé sa place de titulaire dans l'esprit de Domenech...
Saha a touché peu de ballons mais il a su en faire bon usage, à l'image de sa déviation pour le but d'Henry. Son abnégation dans le replacement, indispensable dans ce schéma tactique, joue également en sa faveur. Henry semble en excellente forme physique: c'est une condition sine qua non pour le voir évoluer à son niveau (et pour qu'il soit efficace en bout de course).
L'entrée d'un trio Ribéry-Wiltord-Cissé a permis de dynamiser la fin de match. Si le Djibril à joué à chamboul'tout avec conviction mais sans réussite, une de ses grosses frappes cadrées finira bien par trouer un gardien. Le Marseillais s'inscrit dans une trajectoire de conte de fée: il a été récompensé de ses harcèlements par l'obtention du penalty et son tour d'honneur en solo avait déjà quelque chose d'aussi touchant que comique. On parie qu'il marque mercredi à Geoffroy-Guichard?
Les observations en vrac
> Au moins, on voit que l'équipe de France peut gagner sans Zidane.
> En compétition officielle, Vieira aurait été expulsé trois fois.
> Les Danois sont champions du monde en sixte : dans la largeur du terrain, ils sont imbattables.
> Le défenseur qui a provoqué le penalty a eu une grosse frayeur quand il a vu Ribéry se relever et cru que c'était lui qui lui avait fait ça.
> Un public qui ne siffle pas l'hymne de l'équipe visiteuse ni les joueurs, qui applaudit les entrées et sorties des adversaires et qui est content du début à la fin, ça fait quand même un bien fou.
> Si Zidane progresse autant entre chaque match, il devrait retrouver son niveau de 2000 d’ici à la finale.
> Jean-Michel Aulas était-il heureux de constater qu’Abidal, ayant loupé la moitié de la saison à cause de blessures, est enfin en pleine forme?
> Zidane continue à travailler ses transformations pour la Coupe du monde 2007. Et Vieira ses placages.
Jusqu'ici, tout va mal
Les Bleus commencent vraiment à nous inquiéter. Aucun frisson aux abords du but de Fabien Barthez lors des 180 dernières minutes de jeu. Sans une improbable déconfiture contre les Chinois lors du dernier match de préparation, Raymond Domenech débarquerait presque en Allemagne avec une auréole aussi immaculée que celle d'Aimé Jacquet au soir du 12 juillet 98.
La vox populi a déjà oublié que Pires, Giuly et Anelka étaient sélectionnables. Il lui aura suffit de deux petits matches amicaux pour oublier avec quelle force elle appelait Grégory Coupet à son secours. La Ribérymania file plus vite encore qu'un Djibril Cissé au-delà de la ligne de hors-jeu. On loue la présence de Pascal Chimbonda pour sauvegarder les batteries du nouveau joyau de la nation, Willy Sagnol. Et les sondages sur le futur parcours des Bleus s'enflamment même dans la presse spécialisée avec une poussée de croissance évoquant le dernier semestre de Dame Hollande…
C'est oublier un peu vite que la formidable bande à Platoche, elle, avait préparé son voyage à Séville en enchaînant une défaite contre le Pérou, un nul aussi vierge que piteux en Bulgarie, et une défaite à domicile contre le Pays de Galles - le tout sans inscrire le moindre but – juste avant de se présenter en Espagne. Quand on y songe, la solidité de la défense française et la fluidité partiellement retrouvée des mouvements offensifs, sont-ils réellement de nature à figer les sourires béats sur les faciès des supporters tricolores?...
Le moment d'extase de Jean-Michel Larqué
63e minute : Thierry Henry se prend les pieds dans le tapis, mais sa passe arrive quand même à Zidane.
"Ah ça, ce qu'il a fait là. Je ne sais pas s'il a voulu le faire exprès. Ah ben ça, s'il a fait passe de son pied droit sur son pied gauche avec l'effet, je sais pas en billard comment ça s'appelle, mais la passe de Thierry Henry!"
Premier ralenti : "Regardez. Ah non, il fait exprès, il fait exprès. Ah oui, oui, complètement. Complètement".
Deuxième ralenti : "On va le revoir, il va donner le ballon à Zidane. Oui, oui, complètement. Ah oui c'est, c'est complètement volontaire".
Troisième ralenti : "Alors, plan large… Plan large. Il n'y a pers… Il n'y a personne… Aaah peut-être il veut la donner à Wiltord. Le doute est permis. Le doute est permis".