Mathieu Valbuena s’empare du ballon, crochète Ben Youssef et s’excentre vers la droite. Sa course croise celle de Nabil Fekir, qui repique vers la surface. L’ancien Moscovite, les yeux rivés sur le ballon, trouve le numéro dix-huit lyonnais légèrement en retrait. À l’instinct. La frappe puissante de Fekir surprend Vercoutre. Nous sommes à la 57e minute de Caen – Lyon, samedi après-midi, et l’attaquant international vient de signer son premier triplé en Ligue 1. Le buteur tombe dans les bras de son passeur.

« Pour ceux qui doutaient de l’incorporation de Mathieu Valbuena dans le système lyonnais, ils ont donné la meilleure réponse », se satisfait Hubert Fournier, l’entraîneur lyonnais. Au-delà même de ce troisième but, éclatante illustration d’une entente naissante, la confirmation se niche dans les détails, des phases de jeu plus discrètes mais tout aussi parlantes, moins visibles dans les résumés, mais tout aussi révélatrices.

À Guingamp, pour leur première rencontre commune sous le maillot de l’OL, Fekir et Valbuena n’avaient échangé que sept ballons. Contre Rennes, déjà, ce total était monté à dix-huit. En Normandie, samedi, les deux techniciens olympiens se sont trouvés dix-neuf fois, neuf dans le sens Fekir-Valbuena, dix dans le sens inverse. « Il y a du mieux dans le jeu, constatait Nabil Fekir sur OLTV. On travaille. On commence à se connaître. »

ZONES D’INFLUENCE SIMILAIRES

Le duo se cherche et se recherche, presque systématiquement. Fekir est censé évoluer un cran plus haut, mais cela ne se voit pas vraiment dans les statistiques. À Caen, il n’a touché que deux ballons de moins que Valbuena (64 contre 66). Leur zone d’influence et la répartition de leurs ballons touchés sont d’ailleurs largement similaires.

Le signe qu’ils se marchent sur les pieds ? La preuve, plutôt, de leur proximité dans le jeu, grâce à laquelle ils peuvent étaler leur technique dans les petits espaces et aider l’OL à installer son jeu court au sol. Car si Nabil Fekir et Mathieu Valbuena ont réussi respectivement 90,7 % et 90,2 % de leurs passes – ratios inhabituellement élevés pour des joueurs offensifs –, c’est d’abord parce que leurs transmissions ont été presque exclusivement courtes : 41 (38 réussies) sur 43 pour le premier ; 50 (46 réussies) sur 51 pour le second.

Des passes majoritairement concentrées dans les couloirs, où les deux créateurs lyonnais ont trouvé un peu d’espace face à un bloc caennais dense dans l’axe.

D’UNE ANIMATION DE DRIBBLES VERS UNE ANIMATION DE PASSES

Hubert Fournier l’a dit et répété : il préfère Nabil Fekir en attaque plutôt qu’en meneur de jeu. Encore samedi, à D’Ornano, où le triplé du franco-algérien a conforté son idée : « C’est là où il est le plus efficace, a-t-il justifié. Il est tellement important dans la zone de vérité… Il n’a pas besoin de perdre de l’énergie dans le coeur du jeu. D’autant qu’on a maintenant quelqu’un qui le fait très bien à sa place. » Certes, mais pas dans le même style.

De Fekir l’accélérateur, le jeu lyonnais est maintenant orchestré par Valbuena l’organisateur. D’un dribbleur à un passeur, la possession rhodanienne se fait moins verticale, plus lente, comme l’a souligné Florent Toniutti dans son analyse des changements offensifs induits par l’arrivée de l’ancien Marseillais. À peine plus d’un tiers des passes des deux hommes ont ainsi été effectuées vers l’avant à Caen. Pour l’instant, ce changement de profil n’a pas d’impact majeur sur la zone où se développe cette possession du ballon (28 % dans le camp adverse cette année contre 27 % la saison dernière).

Cette patience supplémentaire et cette déstabilisation individuelle plus tardive nécessitent, néanmoins, un comportement différent de l’avant-centre. Celui-ci peut moins profiter des décalages créés en amont pour avaler les espaces dans la profondeur. Compte tenu de la mobilité de Fekir et Valbuena, le rôle du troisième offensif se rapproche plus d’un attaquant de fixation. Alexandre Lacazette, certes touché au dos, a pour l’instant eu du mal à s’accommoder de cette altération. À l’inverse, le jeu de surface de Claudio Beauvue, particulièrement dans les airs (cinq duels aériens, tous gagnés à Caen) a déjà prouvé son utilité, en déviation (à l’origine du troisième but) comme sur les centres (une tête au-dessus).

Reste que l’OL paraît jusqu’ici un peu moins déstabilisant avec le ballon, impression confirmée par les statistiques :

Alors que la saison dernière, Lyon effectuait vingt-cinq passes pour un dribble, le ratio est monté à quarante cette saison. Le nombre absolu de dribbles par match a d’ailleurs significativement baissé en même temps que le nombre de passes augmentait. Certes, l’échantillon de données de la saison en cours est encore trop limité pour permettre de tirer des conclusions générales, l’impact de facteurs externes (type d’adversaire, compositions d’équipe, scénario du match…) restant important. Mais ces chiffres permettent tout de même de dessiner les prémisses d’une tendance nouvelle, du dribble vers la passe, imprimée par le meneur-passeur Mathieu Valbuena. Le nombre de tirs reste lui à peu près stable, même si l’OL réalise quatre passes de plus, en moyenne, avant de tirer dans la surface. Problème : les Lyonnais ne seront certainement pas toujours aussi efficaces qu’à Caen (cinq tirs cadrés, quatre buts).

Autre aspect, certes pas le plus visible, des bénéfices de la présence de Mathieu Valbuena pour Nabil Fekir : sur le plan défensif. Dans le 4-4-2 en losange lyonnais, les deux attaquants couvrent les couloirs, Mathieu Valbuena occupant l’axe. De quoi préserver Fekir d’une zone où ses défaillances seraient trop exposées. Ce dernier ne rechigne de toute façon pas à la tâche, et il est régulièrement venu en soutien de ses latéraux à Caen, de Rafael principalement. Une implication confirmée par les chiffres : deux tacles, trois interceptions et trois ballons récupérés. On en parlera moins que son triplé, mais ça aussi, c’est important pour l’OL.

Julien Momont

3 commentaires

  1. Zoumzoum dit :

    A noter que la blessure puis l’absence de Lacazette participe de cette baisse du nombre de dribbles. La saison dernière Fekir est à 2.8 dribbles par match, Lacazette 2, Beauvue à 0.9 (WhoScored). A voir comment ça va s’ajuster quand il sera à 100% physiquement, même si l’ « effet Valbuena » a sans doute une bonne part là-dedans. A voir aussi la relation que Valbuena va développer avec les latéraux.

    Je suis très curieux de voir comment Fournier va gérer le turn-over et les possibilités tactiques offertes devant.

  2. pibi dit :

    @Zoumzoum

    Le départ de N’Jie joue certainement aussi sur cette baisse du nombre de dribbles. Quand Lacazette en réussissait 2 par matchs, N’Jie lui n’en était qu’à 1.3, mais il tentait énormément. Son total de dribbles réussis et de dribbles échoués était ainsi supérieur à celui de Lacazette (3.6 pour N’Jie et 3.5 pour Lacazette)

  3. Méthode de Gasquet dit :

    Bonsoir nous vous félicitons pour la qualité de votre rédaction. Laissez-nous vous faire découvrir les conseils de sage-femme à Lyon. En vous remerciant.

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