Au bout d’une saison européenne dominée par les clubs espagnols, c’est finalement Carlo Ancelotti qui l’a emporté sur Diego Simeone. Grâce à ses choix, mais aussi parce que les joueurs d’El Cholo étaient particulièrement éreintés, et peu aidés par la décision d’inclure Diego Costa.

DIEGO SIMEONE, UN HOMO FOOTBALLISTICUS COMME LES AUTRES

Diego Simeone a tenté un pari, il l’a perdu. Son choix de titulariser l’avant-centre brésilo-espagnol, dont la cuisse droite n’a manifestement pas tellement bénéficié de son traitement au placenta de jument, a été l’une des clés de cette finale. Risqué, forcément, surtout lorsqu’on l’analyse a posteriori.

La décision de Simeone s’est effectuée dans le cadre rationnel, bien connu en économie, d’un calcul coûts – avantages. En bon homo footballisticus, comme n’importe quel autre entraîneur, El Cholo a pesé le pour et le contre. Il a considéré que son équipe était meilleure avec un Diego Costa diminué que sans. Le risque de voir l’attaquant brésilien rechuter était, dans l’esprit du technicien argentin, dépassé par le gain de sa présence sur le terrain.

Problème: l’homo footballisticus Simeone était dans une situation d’information imparfaite. Son choix rationnel a été fait sur la base de ses observations rassurantes lors de l’entraînement la veille de la finale. Des impressions erronées. “Il n’était pas aussi bien que ce qu’on a cru vendredi, a reconnu El Cholo en conférence de presse d’après-match. On s’est regardé et on a compris. On ne voulait pas perdre de temps donc il est sorti rapidement.

Parce que les données à partir desquelles Diego Simeone a fait son choix étaient biaisées, l’Atlético n’en a tiré aucun gain et en a subi tous les coûts. Le changement, effectué dès la neuvième minute, a amputé les Colchoneros d’un remplacement et d’un joker offensif. Déterminant, compte tenu de leur effondrement physique en fin de seconde période et en prolongation.

QUAND ISCO ENTRE EN PISTE

L’absence de Xabi Alonso, suspendu, posait un dilemme à Carlo Ancelotti. Qui pour remplacer son chef d’orchestre? L’entraîneur italien a tranché en faveur de Sami Khedira, revenu il y a quelques semaines d’une longue blessure au genou, certainement pour répondre au défi physique adverse. Mais par ce choix, l’équilibre habituel de l’entrejeu du Real a été ébranlé. L’Allemand brille généralement plus par son pressing que par la qualité de ses passes. Son organisation du jeu a été défaillante sous la pression intense des Colchoneros.


Pendant une heure, l’Atlético a eu le match souhaité, cadenassé dans l’entrejeu, sans besoin de s’exposer outre mesure grâce à la réussite de ses coups de pied arrêtés. À l’inverse, les Merengues ont manqué de maîtrise technique pour se sortir du harcèlement de Gabi, Tiago et les autres, malgré un Di Maria percutant et un Modric actif. Le Croate a d’ailleurs été le principal bénéficiaire de l’entrée d’Isco, à l’heure de jeu. Replacé devant la défense, il a eu plus de temps en possession du ballon pour le distribuer efficacement. La fatigue croissante des Colchoneros, face à l’intensité du Real, lui a également facilité la tâche, comme le surplus technique apporté par le nouvel entrant. Conséquence: le pressing de l’Atlético a perdu en efficacité, son bloc a reculé et des brèches ont commencé à s’ouvrir.

Il n’a certes manqué qu’une minute aux hommes de Diego Simeone. Mais en revenant à un entrejeu prioritairement joueur et technique, qui a fait sa réussite cette saison, le Real a retrouvé ses repères et s’est donné les moyens d’inverser le scénario. Ou l’illustration de l’impact de chaque profil aligné sur l’équilibre et la fluidité globale d’une équipe.

IKER BRISÉ (OU PRESQUE)

Pour atteindre le succès, il faut un grand gardien et un grand attaquant, selon l’adage. D’attaquants, le Real en avait trois de classe mondiale, qui n’ont pas vraiment brillé, tandis que l’Atlético, on l’a vu, a perdu précocément le sien. Quant aux gardiens, c’est le moins bon des deux qui a été récompensé, samedi soir.

Thibaut Courtois a rendu une copie presque impeccable, rassurant sur sa ligne – hormis peut-être sur le but anecdotique d’un Marcelo en promenade dans la défense de l’Atlético – et fidèle au schéma de jeu direct des Colchoneros dans son jeu au pied. Sa relance longue a logiquement mieux fonctionné lorsqu’elle recherchait Raul Garcia, principale cible aérienne de son équipe, côté droit. La sortie du milieu à la 66e minute a considérablement nuit à l’efficacité de ces longs dégagements, et donc également contribué à la pression croissante du Real. De son côté, Iker Casillas a été fautif sur son seul but encaissé, globalement fébrile dans les airs et auteur de quelques relances limites, optant abusivement pour des dégagements précipités en dépit de solutions courtes.

Au-delà de la comparaison des performances d’un soir, ce décalage illustre en partie les risques d’adopter une rotation des gardiens pour une compétition aussi relevée que la Ligue des Champions – certes bénéfique pour la gestion du groupe, dans le cas du Real. Casillas a manqué de repères, ce qui ne l’a pas aidé à paraître serein. Un détail, peut-être, car San Iker reste une valeur sûre du poste. Mais un détail qui a failli coûter au Real sa Décima tant attendue.

Julien Momont

4 commentaires

  1. vivien dit :

    Personne ne parle des joueurs en position de hors-jeu sur la passe de Juanfran précédent le but de Godin…

  2. valery dit :

    A 3 minutes près, qu’aurait-on dit de la décision de mettre Khedira au détriment d’Illarramendi?
    L’allemand a beau être vaillant mais lorsqu’il n’est pas au top physiquement, il ne vaut pas grand chose et cela s’est bien vu durant l’heure qu’il a passé sur le terrain. Tjrs dépassé, sans impact, jamais dans le rythme et c’est même lui qui se fait dominer par Godin sur son but.

    Pauvre Illarra’ qui est venu pour jouer à la place d’Alonso,a tjrs donné satisfaction dans ce rôle mais a surtout joué ailleurs et a fini par perdre confiance. Son histoire est peut-être celle d’Alonso lui-même s’il n’était pas passé par la case Liverpool avant de revenir en Espagne.

  3. Julien M dit :

    L’analyse sur le choix de titulariser Khedira aurait été exactement la même, puisqu’il est ici critiqué alors que le Real l’a emporté.

  4. Gaby Rafa Marquez dit :

    Merci pour cet article, qui a notamment le mérite de ne pas tout analyser en fonction de l’égalisation à la 94e minute. Deux petites remarques tout de même.

    Évidemment l’analyse est facile a posteriori, mais j’ai du mal à voir simplement un « pari perdu » dans la titularisation de Diego Costa. Il n’a pas tenu 10 minutes, à vrai dire il a paru souffrir après moins de 5 minutes, pour moi ils (Simeone et/ou son staff médical) auraient du s’en rendre compte avant le début du match, au plus tard à l’échauffement.

    Côté Carlo, comme souvent dans ce genre de cas on peut se demander si l’entrée d’Isco correspond plus à un bon coaching ou à un mauvais choix de titulaire. A posteriori le choix de Khedira ressemble un peu à un « pari perdu » vu son apport limité dans le jeu, mais sa présence aurait pu s’avérer utile si le Real avait ouvert le score et donc plus défendu.

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