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Ça y est, les hommes en blanc du Team TK viennent d’extraire Chic Charnley de la salle capitonnée. Après l’intouchable Lars Elstrup en février 2012, ce bon Chic mauvais genre est donc le deuxième spécimen à illuminer notre galerie d’allumés. Chic aurait pu devenir une figure du foot écossais où il sévit de 1982 à 2003. Au lieu de ça, il sera son enfant terrible et restera comme l’un des plus grands originaux du foot british.

Le freak, c'est Chic.

Le freak, c'est Chic.

La préface de Seeing Red, son autobiographie publiée en 2009, dégaine ainsi : Chic Charnley est l’un des personnages les plus controversés et colourful du football écossais. Tu l’as dit MacBouffi. Ce bad boy fut aussi, au début des années 80, l’un de ses grands espoirs mais son indiscipline et sa réputation effrayèrent les clubs majeurs, à l’instar de Robin Friday en son temps. Ce qui explique sa grande vadrouille : 15 clubs et 20 transferts en 21 ans de carrière, de l’Écosse à l’Irlande, en passant par la Suède, l’Angleterre et l’Irlande du Nord.

Cet athlétique milieu de terrain qui grandit dans l’un des plus durs quartiers de Glasgow, et préféra partir picoler avec ses potes au Portugal un été plutôt que d’accepter une offre du Celtic (son club de toujours), collectionna 17 cartons rouges dans sa chaotique carrière, à une époque où on les distribuait avec parcimonie. Une légende en Ecosse – quasi inconnu ailleurs – que Teenage Kicks se devait de vous présenter, histoire d’éviter la faute professionnelle.

[Cliquer sur les photos peut rapporter gros]

Premier essai chez les pros : il finit pinté

Chic Charnley est honnête. Contrairement à la majorité des footballeurs à fort potentiel qui ont merdé mais déclarent presque fièrement « qu’ils ne changeraient rien si c’était à refaire », Chic, lui, n’esquive pas : « Si je pouvais remonter le temps et l’effacer, je changerais 95 % de ma carrière. En vingt ans, je n’ai gagné aucun trophée, que dalle […] Ça me fait mal de l’admettre mais il faut être honnête avec soi-même. Des regrets, j’en ai à la pelle, des millions. » Reconnaître ses errements, Chic le sanguin ne peut faire autrement. Son parcours au long cours, riche en anecdotes improbables, n’aura été qu’une suite de succès immédiatement plombés par de spectaculaires dérapages.

C’est dans le quartier glasvégien sinistré de Possilpark (ci-dessus) que Chic grandit. Un coin si terrifiant, écrit-il, que même les rottweilers vagabondent en bande. Cadet d’une fratrie de six frères et soeurs, élevé par ses grands-parents, James (son vrai nom) est rapidement surnommé Chic car, dès 9 ans, il monte dans sa cité un trafic de chickens congelés (évidemment tombés du camion) que l’un de ses oncles lui refile. James devient Little Chicken, puis Chic.

Père alcoolique, mère dépassée, à 16 ans Chic « s’échappe de l’école » comme il dit et dégote un boulot de magasinier. Son maigre salaire lui sert à suivre son club, Celtic. Il excelle balle au pied et en 1982, à 19 ans, il réussit un superbe coup : il tape dans l’oeil des scouts de Heart of Midlothian (club de D1 d’Edimbourg) qui l’invitent pour un essai d’une semaine avec la réserve. Chic aurait évidemment préféré le Celtic mais l’occasion est inespérée pour ce jeune qui n’a connu que des petits clubs de quartier.

L’essai se passe bien et le dernier jour, Sandy Jardine [1], le manager adjoint de Hearts, lui offre un verre dans un pub. Probablement pour tester son hygiène de vie qui lui semble suspecte… Sans s’en rendre compte, Chic descend six pintes quand Jardine n’a le temps d’en boire que deux. Chic s’est grillé. Hearts ne donne pas suite. La lettre de rejet indique laconiquement « que le club recherche un joueur plus expérimenté ». Plus sobre aussi sans doute.

Premier contrat pro : il agresse son manager

Ses qualités d’excellent passeur et de milieu-aboyeur créatif commencent cependant à se savoir et quelques semaines plus tard, après un essai concluant, il décroche un petit contrat semi-pro chez les Saints de Saint Mirren, club de la banlieue de Glasgow, là où Alex Ferguson fit ses débuts comme manager (octobre 1974 à mai 1978). Là encore, Chic peut être fier de lui car St Mirren évolue parmi l’élite et disputait même la C3 deux saisons auparavant, en 1980-81, après avoir fini 3è en championnat (sorti par Saint-Etienne, ci-dessous photo du programme de match).

Chic évolue avec la réserve mais frappe à la porte de l’équipe première. S’il ne faisait pas tant la bringue, il y serait déjà. Car Chic sort beaucoup. Il n’est certes pas le seul mais contrairement aux autres, il affiche publiquement son goût pour la boisson au point de se transformer en homme-sandwich pour Heineken. Même lors des sorties collectives où ses coéquipiers limitent leur consommation par crainte des engueulades ou sanctions, lui enchaîne bruyamment les pintes et vodka coca (yes, vodka coca…).

Malgré son grand talent, Chic ne disputera qu’un match avec les Buddies (les « Potes », l’autre surnom de St Mirren), en avril 1983. Il n’a pas spécialement démérité lors de ce baptème du feu mais le manager, l’ex Rangers Alex Miller, l’a dans le collimateur.
La goutte d’eau de vie arrive en toute fin de saison quand, histoire de le dresser un peu, Miller lui ordonne un jour de… nettoyer les chaussures des joueurs ! Le rôle de boot-boy était certes courant alors dans le foot britannique, mais seulement pour les jeunes stagiaires. A 20 ans et en tant que (semi) professionnel, Chic ressent cela comme une humiliation. Il refuse et le ton monte vite. Chic pète alors un cable, il se saisit d’une paire de groles et les balance sur son entraîneur en gueulant « Clean them your fuckin’ self ». Sa carrière au mal nommé Love Street (nom du stade) est terminée avant d’avoir commencée. Et peut-être pas qu’à Love Street, se dit-on.

Contrats suivants : commissariat et plate-forme pétrolière

Malgré son casier déjà chargé, il réussit à signer à Ayr United, petit club de D2 de la côte sud-ouest à 70 kms de Glasgow, un comté (Ayrshire) surtout connu pour son aéroport lowcost, Prestwick, célèbre pour être le seul endroit du Royaume-Uni où Elvis Presley posa les pieds (escale durant son service militaire). Le passage du Chic pourrait s’avérer plus rock ‘n’ roll que celui du Pelvis. Peut-être bien aussi sa dernière chance. Now or never.

Mais que nenni. A Ayr, Chic s’oxygène et se refait une santé sportive. Il dispute 17 matchs (3 buts) et participe largement au maintien du club. La tranquillité du coin, loin des tentations glasvégiennes, semble avoir zénifié notre Chic.

Impression trompeuse car en fin de saison c’est la rechute. De retour à Glasgow le temps d’un week-end, il se prend une telle cuite qu’il finit dans un caniveau. La police arrive, Chic s’énerve. Les cops l’embarquent sur l’air de Jailhouse Rock, direction la cellule de dégrisement. Il lui faudra 36 heures pour dessaoûler. Après une brouille avec Ayr United, Chic décide de raccrocher les crampons, à 21 ans seulement.

[Ne partez pas Dear readers, Chic va changer d’avis]

Un mois plus tard, un pote lui propose de venir entraîner les jeunes dans son club très amateur de Nairn County tout en bossant sur une plate-forme pétrolière en Mer du Nord, 15 jours on, 15 jours off. Chic hésite. Nairn est un bled des Highlands vraiment paumé et il ne sait trop comment il s’acclimatera à cette Ecosse si profonde et reculée qu’on croit encore qu’un monstre préhistorique crêche au fond d’un lac. Il finit par accepter, après tout se dit-il, l’éloignement de Glasgow lui fera du bien et ce boulot est très bien payé, 1 800 £/mois. Sa carrière pro semble alors totalement enterrée.

Trois ans s’écoulent, durant lesquels Chic joue occasionnellement pour le minuscule Nairn County, sans trop se soucier de l’avenir mais en gardant un oeil dans le rétroviseur. Forcément. Quand on a goûté au foot pro, difficile à seulement 24 ans d’accepter la routine d’une vie pépère, même grassement rémunérée. Un jour où il s’ennuie, il file sur Glasgow retrouver quelques vieux potes. L’un d’eux se désole de sa situation : « Chic, t’étais trop bon pour arrêter le foot pro si jeune. Ecoute, je connais un mec qui peut t’aider à remettre le pied à l’étrier. » Chic accepte et les pérégrinations reprennent : il signe à Pollok, un club semi-pro ambitieux de la banlieue sud de Glasgow qui lui offre 4 000 £ à la signature. Ambitieux mais limité, Pollok n’évolue même pas en Scottish Football League (D1 à D4).

Il démarre la saison en allongeant l’entraîneur-adjoint

Chic ne disputera aucun match officiel pour Pollok. Il n’y reste que quelques semaines car un bien plus gros poisson l’a contacté entre-temps : Clydebank, club de l’ouest glasvégien qui vient de descendre en D2. Un club très folklo qui sera sponsorisé quelques années plus tard par le groupe local Wet Wet Wet (!) avant d’être liquidé en 2002 (puis reformé l’année suivante).

Chez les Bankies, Chic retrouve son mojo au milieu : 31 matchs, 11 buts. Et seulement deux cartons rouges de la saison. Mais le conte de fée est éphémère. Fin août 1988, lors d’un match de championnat, l’un de ses coéquipiers, Brian Wright, se prend un violent coup de coude d’un dénommé John Boag ; 4 dents éclatées, sorti sur civière. A la mi-temps, Clydebank est mené et l’entraîneur adjoint, Jimmy Gervaise, prend l’agresseur en exemple pour remotiver ses troupes : « Vous avez vu ce qu’a fait John Boag sur Brian, hein ? Et ben c’est ce genre d’attitude de guerrier que je veux que vous ayiez. Est-ce que vous allez me montrer cette attitude ? »

A entendre son propre Number 2 approuver l’agression d’un adversaire sur l’un des leurs, le sang chaud de Chic ne fait qu’un tour. A la question de Gervaise, il répond : « On fait comme ça ? » tout en illustrant son propos d’un crochet au menton. Viré sur le champ.

Chic ne reste toutefois pas longtemps les pieds croisés. Il semble qu’il y ait toujours un manager tête brûlée ou masochiste quelque part qui pense pouvoir tirer la quintessence de l’histrion sans causer trop de dommages collatéraux. Après une pige à Hamilton Academical (promu en D1), il atterrit à Partick Thistle, D2 (surnommé les Jags). L’historique Thistle est hiérarchiquement le troisième club de Glasgow, un larron désargenté qui se gausse haut et fort du tribalisme de clocher Old Firm. Les supps aiment entonner ce chant brutalement égalitaire :

Hello, how do you do?
We hate the boys in royal blue
We hate the boys in emerald green
So fuck the pope and fuck the queen

Et c’est dans ce club décalé que Chic trouve enfin son équilibre, comme s’il avait besoin d’un environnement farfelu pour s’épanouir. Entre 1988 et 1991, il devient une légende Jags : 22 buts en 73 matchs, stat canon pour un milieu de terrain. Malgré son addiction au carton rouge (tacles musclés, bagarres, embrouilles avec arbitres) et une inconstance chronique, Charnley trouve une certaine plénitude et se rend indispensable. La personnalité déjantée du manager, John Lambie, y est pour quelque chose.
Un jour par exemple, après un non match de ses joueurs, Lambie passe un savon carabiné à chacun d’entre eux dans le vestiaire, un par un. En arrivant sur Declan Roche, un jeune Irlandais qui vient de débarquer au club, il sort un pigeon vivant de son survêtement et s’approche de Roche en hurlant :

« Tu vois ce pigeon espèce de bâtard d’Irlandais, et ben t’es aussi utile que ce piaf sur un terrain. »

Sur ce, il tord le cou du pauvre animal et le balance au visage de Roche, terrifié ! [2].

Chic Charnley (à gauche) et Ally McCoist (droite) chahutent le mythique John Lambie, en 2007

Chic Charnley (à gauche) et Ally McCoist (droite) chahutent le mythique John Lambie, en 2007

Charnley n’acquiert pas ses lettres de noblesse Jags que pour ses prestations, ses frasques hors normes lui conférent un statut de cult hero inoxydable. Un jour, à l’entraînement, deux cailleras…

A suivre.

Kevin Quigagne.

Dans la même série TK des grands tarés du foot british :
Lars Elstrup

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[1] Rangers & Hearts legend et ex international écossais, + de 1 000 matchs professionnels ! Malheureusement atteint d’un cancer actuellement.

[2] Dans son autobio, Charnley précise que le pigeon était très malade et allait mourir… John Lambie aimait les pigeons (il était pigeon fancier, hobby répandu au Royaume-Uni) mais il était surtout bien azimuté. Ses dix saisons à Partick Thistle  (trois passages, et trois montées) furent parfois dignes du Crazy Gang de Wimbledon. Lambie et Charnley entretinrent une relation symbiotique ; « Je lui dois tant » écrit Chic sur son mentor qui le managea trois fois à Partick Thistle. « Chic est comme un fils pour moi » confie Lambie dans la préface de l’autobio de Charnley, avant d’ajouter « mais bon sang que j’ai souvent eu envie de l’étrangler ! ».

Si le football anglais a dominé la scène européenne des Seventies aux Nineties, on ne peut pas en dire autant de ses maillots.

Le consensus est unanime : le pire maillot de football jamais créé est le Rodeo Fringe. Instantanément reconnaissable à ses lanières en cuir, il fut porté par les éphémères Colorado Caribous en 1978. In-dé-trô-na-ble.

Mais ne nous gaussons pas trop. Des horreurs, il y en eut aussi des wagons dans le football anglais, surtout au cours des Nineties, la décennie de tous les massacres. Voici donc la deuxième partie de notre longue plongée dans le Hall of Shame du jersey anglais : présentation des dix maillots classés 13è à 22è.

La Dirty Dozen (1ère partie de la série) qui salopa le plus la tunique sacrée est ici. Et pour mieux comprendre et lire moins bête, voir également notre trilogie sur l’historique du maillot anglais (1, 2, 3).

[Cliquer sur les photos réserve souvent des surprises]

13. Birmingham City 1992-93 (D2), maillot domicile

Cette immonde tenue fut surnommée le paintbox kit. Le motif fait penser à une moquette de salon d’aéroport où Mondrian se serait frité à coups de pinceaux et tubes de gouache avec Rothko. Notez le sponsor au goût de douche écossaise : Triton Showers.

Vous remarquerez aussi le haut des chaussettes vert-blanc-orange/ rouge qui jure avec le reste (quoique…) ; non non, le club n’est pas sponsorisé par l’Office de tourisme irlandais ou italien, ou même Lustucru, ce sont les couleurs du drapeau indien, la nationalité des propriétaires (les frères Kumar). Bref, du grand n’importe quoi élevé au rang d’art.

Ce design signé Influence fut finalement jugé tellement abject que le maillot fut retiré en mars 93, avec le board viré dans la foulée. A sa place, le nouveau propriétaire (David Sullivan, aujourd’hui big boss de West Ham) et sa directrice générale (la désormais über-médiatisée Karren Brady, qui suivit le pornographe à Londres), traumatisés, choisirent un maillot ultra minimaliste, tout blanc, qui permit in extremis d’éviter la relégation en D3.

La tenue du pauvre gardien est encore bien pire, forcément, ces pauvres goalkeepers ayant toujours payé un lourd tribut aux égarements délirants des équipementiers. Pour le coup, on dirait bien qu’un dragon de Komodo s’est introduit dans le salon de l’aéroport et a gerbé sur la moquette. Sale bête.

Verdict TK : un design hôtesse de l’air croisé avec un caméléon bien dans l’air du temps.

14. Port Vale 1991-93 (D2 & D3), domicile

Au tout début des Nineties, le vénérable club de Port Vale (alors en D2), rival historique de Stoke City, se la pète un peu. Non seulement les Valiants évoluent une division au-dessus des Potters pour la première fois depuis les années 20, mais le club projette de construire un stade de 25 000 places. Le coût de l’abonnement reflète effrontément cette ambition : le moins cher (75 £) coûte 10 £ de plus que dans le Kop d’Anfield !

Tout cette gloriole provinciale leur détraque visiblement le cerveau et explique peut-être cette horreur signée de l’obscur Valiants Leisure, pur produit de la vogue de l’époque où s’inspirer d’artistes à la mode est très tendance. Pollock, Mondrian, Kandinsky, Klee, Tapiès, Rothko, la clique Cubiste… Ils passèrent tous au broyeur. Cette abomination nous offre un condensé confus de leurs abstractions. Le désolant tableau est complété par le Kalamazoo (à la consonance ridicule faut-il préciser) plastronné en gros et en diagonale, dans un effet visuel dégradé qui rappelle une visite chez Afflelou.

Evidemment, pas de happy ending pour Port Vale. Le club cher à Robbie Williams descendit en D3 en mai 1992, croisant Stoke City dans l’ascenseur un an plus tard. Les Valiants furent placés en redressement judiciaire quelques saisons plus tard. Jusqu’à la saison dernière, ils étaient en D4 endettés jusqu’au Kalamazoo et lançaient des SOS à Robbie (director et actionnaire du club) pour qu’il les sorte de cette mouise. Mais ce dernier ne dit pas Take that de ses plages californiennes, il ignora royalement leurs appels au secours.

Verdict TK : Robbie aurait dû supporter Stoke City, pas bien plus bandant mais les Potters ne mendient pas, eux.

15. York City 2002-03 (D4), domicile

En 2002, York City vient d’être « racheté » (avec des prêts fictifs) par feu John Batchelor (décédé en 2010), grand excentrique devant l’éternel et l’un des pires escrocs que le football anglais ait jamais connu. Un type tellement malhonnête que nombre de journalistes doutèrent même de sa mort…

Ce margoulin d’obédience kachkarienne n’avait pas un rond mais tentera de reprendre sept ou huit clubs des divisions inférieures. Ses exactions en série (ainsi que celles de Darren Brown à Chesterfield – qui écopa de 4 ans de prison en 2005) incitèrent même la Football League et la Premier League à introduire le fameux Fit and proper person test en 2004, censé garantir de bons et intègres propriétaires (comme l’irréprochable Thaksin Shinawatra à Man City en 2007 par exemple).

Batchelor, après avoir exercé comme représentant en papier toilettes et militant politique (il fonda le parti coluchien du « Common Sense Sick of Politicians » – le Bon Sens en a Marre des Politiciens), devint pilote de rallye professionnel. Mais surtout, et tant mieux pour nous, c’était un grand allumé. Pour mieux assurer le marketing US (!) du minuscule club de York, il tenta de le rebaptiser « York City Soccer Club » (voir écusson) et était convaincu qu’un design Nascar avec drapeau échiquier pouvait rehausser le profil du minot… Parfois appelé « the Y front shirt ». Y front, c’est aussi le terme anglais utilisé pour le slip kangourou… The works comme disent les Anglais, la totale.

On devine la suite : grosse sortie de route en 2003, redressement judiciaire et descente en non-League un an plus tard. Une décennie douloureuse pour les Minstermen : de 2005 à 2010, leur sponsor (Nestlé) rebaptisa leur vénérable antre de Bootham Crescent… Kit Kat Crescent. Un club en chocolat remonté depuis en Football League, où ils sont actuellement avant-dernier de D4.

Verdict TK : idéal pour jouer aux Dames dans le bus des joueurs.

16 à 18. La grande famille des Gris Gris foireux : Liverpool, Chelsea et Man United

Liverpool 1989-91 (D1), extérieur

Toujours nos amis d’Adidas qui faisaient alors très fort (c’était pas Tapie le big boss de la marque aux Trois Bandes à l’époque ?).

Si au pays de Candy on pleure et on rit avec les méchants et les gentils, sur les bords de la Mersey les supporters ont bien chialé et chouiné contre les vilains du design avec ce vil dérapage gris. Ce maillot annonce glorieusement les années 90, l’antichambre du mauvais goût et une cascade d’horreurs qui n’en finira plus de se déverser sur le football du maillot. L’évolution des techniques d’impression permettent malheureusement de se « lâcher » et Adidas s’en donna à cœur joie, avec ce design « diamant » effacé sur un fond gris des plus malvenus, ce qui ne l’empêchera pas de faire des émules.

Verdict TK : le domicile étant aussi douteux, doit-on trouver là une explication au brutal arrêt triomphal des Reds ? Question rhétorique évidemment ; Tapie a donc pour lui les échecs de Liverpool en championnat depuis 1990. Raisonnement syllogique imparable.

On compatit José, on compatit, c'est douloureux

On compatit José, on compatit, c'est douloureux

Il devance légèrement dans l’infâmie le maillot extérieur 2013-14, ci-dessus, une fantaisie signée Warrior qui a repris le flambeau d’Adidas, pour 25M £/an s’il vous plaît. Sur l’un des sites de vente, on peut lire :

« Warrior football shirt designs are known for their special look and the new Liverpool 13/14 Kits will be discussed controversially in the next months for their crazy design reminding 1990s football jerseys. »

Sur le site officiel, on nous explique avec tout le pédantisme qui sied à ces baragouinages ampoulés de designer que ce Warrior 2013-14 a été inspiré par « les motifs et le graphisme des maillots années 80 et 90 » et que l’ensemble « adopte un style rétro moderne où le losange est une interprétation contemporaine des motifs présents sur le maillot extérieur 1989-91 ».

(le third n’est pas mal non plus dans le genre, avec ses chaussettes à moitié dépareillées).

Le vintage, ça a du bon mais un retour aux « crazy designs » des Nineties n’était pas indispensable. Les constellations de losanges flous et autres fioritures vaguement géométriques, non merci, on a déjà donné. Et pis alors ce gris, toujours ce gris, bon sang de bonsoir, on croyait en avoir fini avec cette maudite couleur mais visiblement non.

Chelsea 1994-96 (PL), extérieur

Vous imaginez Ruud Gullit portant ça ? Eh ben pourtant… Cette monstruosité graphite-tangerine, mi revêtement de tarmac, mi veste fluo d’ouvrier de chantier, fut le maillot extérieur de Chelsea pendant deux longues saisons. Un incompréhensible enchevêtrement de style et couleurs. L’une des nombreuses bavures d’Umbro, qui mit fin à ce sketch en trouvant un remplacement acceptable à partir de 1996, aussi la dernière année des bières Coors comme sponsor. Tu m’étonnes.

Verdict TK : la foutue grisaille des Nineties fait une nouvelle victime.

Manchester United 1995-96 (PL), extérieur

Flou, petits carreaux, couleurs mal coordonnées, terne, sombre, gris, ce Umbro invisible coche toutes les cases de l’indécence. Par temps brumeux, impossible de repérer ses co-équipiers. Ferguson le détestait tellement qu’à la mi-temps d’un fameux Southampton-Man United d’avril 1996 (clip) il ordonna à ses joueurs d’enfiler le third bleu et blanc. Les Red Devils, menés 3-0 à la pause réduisirent l’écart (3-1).

Fergie déclara plus tard que ses joueurs « ne pouvaient pas se trouver sur le terrain » et que « le soleil brillait si fort que l’on ne pouvait distinguer le maillot gris ». Probablement l’excuse la plus saugrenue de son gros répertoire mais le rougeaud n’avait pas foncièrement tort. Pour une fois, ce n’était pas de la faute de l’arbitre Mike Dean… Les Red Devils ne remirent plus jamais cette aberration couleur brouillard bonne pour le camouflage (le third fut utilisé à sa place).

Six mois plus tard, c’est avec le maillot bleu et blanc que Man United s’en prit six contre ces mêmes Saints ! (6-3 et quelques buts venus d’ailleurs, voir clip).

Verdict TK : Le coup de gueule de Siralex dégoûta (presque) les équipementiers du grisâtre pour de bon et ils furent priés de mieux utiliser leur matière grise.

19 à 22. Le quatuor des sponsors zarbis : WBA, Scarborough, Clydebank et Fulham

L’apparition du sponsoring à la toute fin des Seventies donna lieu à des situations comiques ou ubuesques au fil des années, les clubs manquant parfois de discernement dans leur chasse effrénée au sponsor (voir dossier TK sur l’historique du maillot anglais, liens en intro).

De 1984 à 1986, un West Bromwich Albion (D1) sans partenaire fait la morale en collant un gros No Smoking sur son maillot histoire de mieux faire passer la nouvelle interdiction de fumer dans le stade des Hawthorns (apparemment).

En 1990, on monte de plusieurs crans dans le loufoque. Les génialement surnommés Seadogs de feu Scarborough FC (D4) se font parrainer par… Black Death Vodka ! (sous-titré : drink in peace). Un deal vite annulé par les instances – plaintes de parents affolés – au grand dam de Geoffrey Richard, président des Chiens de mer :

« Cette marque [Black Death Vodka] jouit d’une excellente réputation. La Football League a peut-être eu une réaction excessive. »

En 1994, dans le registre du choix tragico-douteux, Clydebank (D2 écossaise) se fait sponsoriser par le groupe pop local Wet Wet Wet ! A quand un sponsoring de Doncaster par les One Direction ?

En 2001, Fulham débarque en Premier League arborant fièrement sur sa tunique… Pizza Hut, et ses formules all you can eat à 5 £. Lee Clark et John Collins s’en lèchent déjà les babines.

Kevin Quigagne.