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Samedi 27 septembre, Hartlepool United accueillait Portsmouth pour le compte de la 10è journée de D4. J’y étais.

La semaine dernière, j’étais machinalement parti pour voir mon club, Sunderland, recevoir Swansea au Stadium of Light samedi aprèm. Pis je me suis dit qu’au lieu de me cogner une énième purge Black Cat et être morose tout l’après-midi, autant assister à un p’tit match sympa dans un p’tit club de mon coin, histoire de faire ma B.A pour le foot grassroots et voir de près comment les gueux vivent par la même occasion.

Alors, que je vous explique, dans un rayon de 60 kms autour de chez moi, comme petit club pittoresque t’as : a) Darlington – option vite abandonnée car vraiment trop déprimant (Darlo est passé de la D4 à la D9 en un temps record – long à expliquer, passons ; en D8 aujourd’hui) ; b) Gateshead – possible, mais j’aime ni leur stade (enceinte d’athlé de 12 000 places à 90 % vide les jours de match) ni leur quartier mort et excentré (zone pavillonnaire, 1 seul pub, familial) donc non ; c) Blyth Spartans – ouais pourquoi pas mais j’étais chez eux y’a pas longtemps donc niet aussi ; d) Newcastle United bien sûr, mais les Mags jouaient à l’extérieur donc impossible.

Restait plus que les Monkey Hangers donc. Hartlepool, avant-dernier, vs Portsmouth, 11è.

[Cliquez sur les photos pour les agrandir]

Hartlepool pour les Nuls

Monkey Hangers, ou Pools, sont les deux surnoms de Hartlepool, ville côtière de 90 000 âmes située au bord de la Mer du Nord, entre Sunderland-la-moche et Middlesbrough-la-super-moche-et-polluée-en-plus (because industries chimiques, d’où le surnom de Boro, les Smoggies). La grande métropole du coin qui sauve la mise, c’est Newcastle, à 50 bornes au nord, cité plutôt élégante, si ce n’était pour un méchant furoncle de 52 404 places qui défigure le centre-ville depuis plus d’un siècle.

La croissance de l’économie britannique a zappé Hartlepool. Le coin est « post-industriel » comme on dit pudiquement. Les locaux disent ne pas avoir ressenti la dernière récession, celle démarrée en 2008. Et pour cause, ajoutent-ils l’air résigné, on n’est jamais vraiment sorti de la grande dépression des années 30 ici. Les plus optimistes d’entre eux décrivent Hartlepool comme une ville jeune et pleine d’atouts. Comprendre : le week-end, des dizaines d’établissements abreuvent des milliers de jeunes soiffard(e)s. Et le week-end commence dès le jeudi soir ici. Chaque drinking hole a sa paire de videurs. Et comme partout ailleurs au Royaume-Uni, ça descend autant que ça s’embrouille ou castagne, surtout à la fermeture, de minuit à 2 heures du mat. Veni, vidi, vomi.

Selon la blague locale, avoir des rapports protégés à Hartlepool signifiait qu’on se mettait sous un abri bus pour copuler.

En 2011, Hartlepool avait le plus fort taux de chômage des 18-24 ans du pays et, vers 2000, l’un des taux de grossesse juvénile parmi les plus élevés du monde occidental (résorbé depuis). Il y a une douzaine d’années, circulait cette cynique blague dans les salles de profs et les plannings familiaux du coin : ici, le protected sex veut surtout dire qu’on se met sous un abri bus pour copuler.

Heureusement, y’a le football, et localement on est servi. Chacun y trouve son bonheur. Les plus sains d’esprit supportent les Black Cats, à 30 kilomètres ; les moins finauds Middlesbrough, les cyclothymiques Newcastle United et aux grands neurasthéniques du cru, il reste Darlington. Pour tous les autres c’est Hartlepool, les Monkey Hangers, les Pendeurs de singes.

Un singe obscène comme mascotte : la faute à Napoléon

Mais d’où vient ce surnom étrange ? Ben c’est encore de notre faute pardi. Enfin, celle de Napoléon plus exactement. En 1805, l’un de ses navires s’échoue dans le coin. Seul survivant du naufrage : un singe qui porte l’uniforme de la marine française. Les autochtones, qui redoutaient une invasion de l’ennemi juré, traduisent la pauvre bête devant un tribunal populaire. Le primate ne pipe mot et refuse de répondre aux questions ; c’est con un singe au fond malgré ce qu’on nous raconte à la télé. Les Hartlepooliens, qui n’ont jamais vu ni Français ni singe de leur vie, décrètent que le mammifère est forcément un espion français et le pendent séance tenante. Surtout, n’insultez pas le premier Rosbif que vous croiserez, ce n’est qu’une légende.  Il existe une autre version beaucoup plus sordide, que n’aurait pas renié Emile Louis, mais passons vite dessus.

Aujourd’hui, le singe est le symbole de la ville et d’Hartlepool United. Tellement plus qu’un symbole d’ailleurs. En mai 2002, Stuart Drummond, la mascotte déjantée du club (H’Angus The Monkey”, notez le jeu de mots) se fait élire maire d’Hartlepool. Comble de l’humiliation pour les autres candidats : pour toute campagne, ce Coluche local s’est contenté de déconner non stop en dégainant son slogan fétiche : « Des bananes gratuites pour tous les écoliers ».
Gros buzz médiatique et terrible
camouflet pour Blair et son gouvernement qui tentaient alors de convaincre la population britannique du bien-fondé d’élections municipales à la continentale (voir ce wiki). Et voilà-t-il pas que l’un des tous premiers maires directement élus est un illuminé payé 53 000 £/an pour faire le singe… Drummond restera maire onze ans ! (il devra toutefois s’allier avec les Travaillistes et rentrera dans les clous. Fin 2012, un référendum local mettra fin à la malheureuse expérimentation et Drummond quittera son poste courant 2013. La ville est depuis revenu au système traditionnel britannique de gestion des municipalités, ici).

Le mec était pas trop net faut dire. En tant que mascotte d’Hartlepool de 1999 à 2002, il s’était fait virer de deux stades, celui de Scunthorpe en 2000 pour gesticulations obscènes derrière une stadière et à Blackpool en 2001 pour des faits similaires sur une poupée gonflable… Et pour l’anecdote, il ne tint jamais sa promesse sur les bananes. Ah ces politiciens, tous les mêmes.

Quelques FACTS sur Hartlepool United :

Depuis l’accession en Football League, en 1921, Pools a passé son existence à yoyoter entre la D3 (années 2000) et la D4, où ils végètent depuis l’an dernier (19è, sur 24).

Pools (alors Hartlepools United) fut le premier club de Brian Clough manager. C’est à Pools que la paire Clough-Taylor se fit les dents et se signala pour ses dons de faiseur de miracles. Clough sera limogé fin avril 1967 après un énième accrochage avec le propriétaire et recruté par Derby County, D2. Clough surnomma fameusement Hartlepool « the edge of the world », le bord du monde (la ville et le club ont toujours eu une image de coin un peu isolé et à part, moins aujourd’hui évidemment avec le développement du réseau routier régional et les technologies modernes de communication).

Deux Newcastle United legends y ont fini leur carrière : Peter Beardsley (59 capes anglaises) et Nobby Solano (95 capes péruviennes).

Pour un petit club, Pools compte pas mal de celebrity fans, dont Jeff Stelling, l’un des présentateurs vedettes de Sky Sports (célèbre pour les Soccer Saturday un peu déjantés avec Chris Kamara, Dean Windass et consorts), le réalisateur Scott Ridley et le rocker US Meat Loaf qui explique pourquoi dans ce clip, à 1’22 (très marrant).

Depuis quatre saisons, les vraies celébrités d’Hartlepool sont leurs supps, les Poolies : ils se déguisent pour le dernier déplacement de la saison. En 2012, leurs 171 Schtroumphs ont fait le buzz (ci-dessous dans le Tube londonien, en route pour Charlton).

Hartlepool a le pire ratio de victoire à domicile de la Football League depuis août 2012 : seulement 33 % (17 victoires sur 51 matchs).

Inutile de vous faire un topo sur Portsmouth hein, vous connaissez déjà sûrement bien l’ancien club à Vincent Péricard si vous nous suivez. Pour plus d’infos sur la D4 cette saison ainsi que les quelques cracks présents aujourd’hui sur le terrain (Pat Agyemang, Nicky Shorey, Marlon Harewood – tous ex Premier League ou D2 –, Jed Wallace et Danny Hollands), j’en parlais longuement ici et ici.

Assez de schtroumpheries, passons à l’avant-match.

L’avant-match, au pub évidemment

C’est en train, de Newcastle, que je me rends au match. A ma descente du train, je n’ai qu’à faire quelques mètres pour atteindre mon premier objectif, le Rat Race Ale House, situé sur le quai. L’endroit est singulier et né d’un concept original, le micropub, un mouvement qui apporte une bouffée d’air frais en Angleterre face au rouleau compresseur des grosses chaînes de pubs, impersonnelles et génériques, qui contribuent à couler les pubs traditionnels depuis une bonne décennie (environ 1 500 fermetures par an).

Ancien kiosque de gare reconverti en micropub en 2009, le Rat Race est particulièrement micro : 6 mètres par 4 à tout casser. Sur le mur (et leur site Internet), une affichette avertit de la fermeture du pub le week-end prochain par mesure de précaution « à cause de soi-disant supporters qui ont causé des problèmes par le passé ». Peter, l’affable patron, un ex informaticien qui a utilisé sa prime de licenciement pour se lancer dans l’aventure, m’explique qu’en septembre 2012 quelques « supporters » de Carlisle United (rival d’Hartlepool, par défaut) avaient mis le bazar dans la gare et autour de son pub. Cette année, il préfère donc fermer.

Ce que me raconte Peter ne m’étonne guère : Carlisle, c’est spécial (j’en avais fait un article). C’est dans cette ville qu’a été inventé le lorry-spotting, navrant hobby de dégénérés en phase terminale d’oisiveté qui passent leur week-end à photographier des camions depuis des ponts autoroutiers et comparent ensuite leurs prises sur Internet (Conversation standard : « T’as spotté combien de Daf X22 Norbert Dentressangle sur la bretelle 34a pendant tes dernières vacances ? – Ben, 8 seulement mais j’ai filmé le dernier Scania Eddie Stobart avec l’Opticruise et remorque triple essieu. Absolument méga. Je retourne camper derrière le dépot à Pâques »).

Les murs du Rat Race sont décorés de 1 000 ronds à bière. Ils en servent presque la moitié, dont – évidemment – la Blue Monkey et ISIS, la bière des Djihadistes.

Le pub est trop petit pour avoir comptoir, tireuses à bière et tout le matos alors quand on commande, Peter disparaît dans une petite remise et ressort avec le nectar. Les bonnes semaines, il y stocke 400 différentes sortes de bières & cidres.

Deux pubs plus tard, j’arrive à Victoria Park, « The Vic » pour les intimes, stade de 7 800 places sans grand charme, refait à neuf dans les Nineties. Abords peu engageants, l’enceinte est coincée entre une ligne de chemin de fer, des ronds-points et des grandes surfaces. Ces précisions ont leur importance, comme vous le verrez.

Devant Victoria Park, un supp de Hartlepool déguisé en « Français typique », avec béret, fausse moustache et collier d’oignons. Y’a du progrés depuis 1805 mais clairement, les mecs sont encore bien marqués.

Le match

Je suis à la bourre et file directement dans les Populaires (20 £ la place debout). Honnête chambrée, 3 500 spectateurs (la D4 fait 4 300 de moyenne), dont 500 supps de Portsmouth qui donnent de la voix malgré leurs dix heures d’autocar. Parmi eux, le fameux John Portsmouth Football Club Westwood (ci-dessous), que j’ai déjà eu l’occasion d’admirer de près, notamment au Stadium of Light. Le mec n’a pas raté un déplacement de Pompey depuis 1980 paraît-il.

Contrairement à tant de clubs plus huppés, pas d’hymne à la con ici que personne ne chante, ça démarre direct.

Les temps forts du match.

8’ : A la stat « Tir non cadré/hors cadre » chère aux dataholics, faudrait ajouter celle du tir hors stade : premier ballon envoyé au-dessus des tribunes, basses. Un odieux raté d’un bleu et blanc qui finit probablement sur la ligne de chemin de fer ou dans un caddy sur le parking de Morrisons (hypermarché collé au stade).

15’ : Premier quart d’heure mort, à peine un tir cadré et même pas un tacle assassin. On ne peut même pas parler de kick and rush, (malheureusement) non. C’est une sorte de mélasse de football, sans jeu ni cours du jeu, un résidu fait de mauvaises passes, de surplace, de cafouillages, de courts ballons imprécis sans cesse contrés, de longs ballons directement en touche et autres phénomènes non identifiables. Engagé mais sans plus.

18’ : Le niveau d’excitation passe soudain de zéro à Red Alert car on m’a assuré avant le match qu’à 19’08 secondes (date de fondation du club) il y aurait une protestation en masse des supps contre la boîte propriétaire du club depuis 1997 (IOR, société pétrolière scoto-norvégienne). En 2014, Hartlepool a vendu deux jeunes joueurs talentueux à Peterborough pour 1,5 million £ (Jack Baldwin et Luke James, ce dernier récemment) sans chercher à les remplacer. De fait, le seul vrai attaquant de l’effectif est Marlon Harewood, 35 ans, qui a marqué 3 buts sur ses 27 dernières apparitions (2 000 minutes de jeu).

Ergo, les supps sont révoltés et parlent de tout faire péter aujourd’hui. Gros buzz là-dessus sur les réseaux sociaux (dont leur principal forum de supps, très actif, 650 000 posts !) avec des fils interminables (ici par exemple) où les échanges ont tendance à vite virer à la brachycérophilie.

Fait tout de même inquiétant : des supps recommandent « de ne surtout rien acheter à la buvette à la mi-temps car ça serait leur filer du fric à ces enculés de propriétaires ». Je préviens mon camarade de travée le plus proche que, nonobstant mon soutien fraternel et idéologique à leur légitime lutte contre le Grand Capital, je ne cautionne pas du tout ce genre de boycott et me désolidariserai illico de leur petite jacquerie.

Concrètement, un max de supps sont censés quitter leur place et se rendre derrière leur tribune respective en candant des slogans anti IOR pendant 10 minutes. Apparemment, ça s’annonce méga. L’asso des supps a prévenu le club : on va vous déclencher une World War III version tribune. Youpi, une insurrection. Je prépare mon appareil photo et me mets en position.

19’08. Absolument rien, walou, zilch, nada. Comme d’hab avec ce genre de truc, ça a fait un gros pschitttt. Bah, le militantisme est mort depuis longtemps en Angleterre, faudrait une bonne révolution pour réveiller tout le monde. Je décide d’entonner la Marseillaise mais me souviens de ce qu’ils ont fait au singe et me ravise illico.

25’ : Deuxième tir par-delà les tribunes, odieux raté d’un jaune (Portsmouth) qui finit probablement sur la ligne de chemin de fer ou dans un wagon de charbon en partance pour la centrale de Drax à 100 kms de là.

38’ : Troisième ballon expédié hors stade sur un dégagement en catastrophe d’un bleu et blanc, corner. Je demande à mon voisin combien ils en envoient sur orbite comme ça par match. « Oh, parfois une dizaine, me répond-il en se marrant. Jusque y’a deux ou trois ans, le club avait des stadiers à l’extérieur pour les récupérer mais ça revient trop cher alors on se débrouille autrement. »

J’essaie de voir en fonction d’un plan Google Map du quartier où ce ballon a pu atterrir cette fois.

Mi-temps : Enfin. Buvette time.

55’ : Domination de Portsmouth depuis cinq minutes, on a même eu le droit à une occasion franche, si si.

Survoltés, les supps de Pompey entonnent leur fameux Pompey Chimes, deuxième plus vieux chant du football anglais après le On The Ball de Norwich City.
Enfin, quand je dis « chant » faut le dire vite hein parce que ça fait juste : «
Play up Pompey, Pompey play up » et basta (l’était plus long à sa création en 1900 mais je vous passe les détails).

C’est super limité mais vu le contexte de vide sidéral, je trouve ce chant absolument fascinant.

60’ : Je me force pour essayer de trouver le moindre petit geste technique super intéressant mais non, rien à faire, je m’emmerde dur. Du coup, j’explique à un jeune stadier sympa de l’autre côté du grillage me séparant de la tribune des supps de Portsmouth que je fais un reportage sur ce match pour un gros média français (le mec a l’air impressionné) et lui demande la permission d’aller dans la tribune extérieur pour photographier des supps de Pompey.

L’accès d’une tribune à l’autre est impossible sans ressortir du stade (et encore), alors j’insiste poliment en racontant que le gros média pour lequel je bosse m’envoie de Paris car on s’intéresse de près à Nigel Atangana, le Frenchie de Pompey, présent sur la pelouse. Le stadier ouvre de grands yeux (je l’imagine se demandant : « Quoi, un Français qui s’appelle Nigel ? Et pourquoi pas un Anglais qui s’appellerait Marcel pendant qu’on y est. Putain d’Europe, tout fout le camp. »).

Tout ce que gars aurait à faire est d’ouvrir une porte grillagée et m’accompagner sur quelques mètres mais, health & safety oblige, ça coince. Il s’en remet à son chef qui me mate bizarrement. Le chef s’adresse alors à l’un des dix policiers de faction dans le no man’s land entre les tribunes (malgré les mégas coupes budgétaires, doit y avoir minimum 50 Bobbies dans ce petit stade hyper calme, on se croirait en Vigipirate).

Le chef s’éloigne et converse avec chépaki sur son talkie-walkie (le Grand Chef des Stadiers ? Le proprio du club ?). Quel binz pas possible pour franchir une simple porte. Le capo des stadiers revient vers moi et, l’air très officiel, me fait : « Impossible de vous laisser accéder à la tribune extérieur pour votre reportage, il aurait d’abord fallu demander la permission au club. » Bon, ben, ça m’apprendra à me big up en faisant croire que je suis un grand reporter tiens ; si j’avais dit que c’était pour la collec personnelle de ma grand-mère mourante qui supporte Pools depuis 1930, il m’aurait sûrement laissé circuler et avec une escorte en plus.

65’ : Cinquième ballon sauvagement bouté hors du stade. A en juger par la trajectoire, celui-ci a dû finir sur le rond-point du centre commercial, pas impossible même qu’il ait pris la direction du Pôle Emploi tout proche s’il a été dévié par un camion. Aidé par mon voisin de main courante, je commence à bien visualiser le plan du quartier.


Chaude ambiance au Vic.

77’ : Marlon Harewood (35 ans, ex Premier League) entre en jeu. Vu sa grosse frappe aléatoire, ça risque pas de nous arranger le ratio de ballons hors stade.

80’ : Harewood touche son premier ballon et rate un contrôle facile. « Et dire que c’est payé 1 500 £/semaine ça », peste mon voisin.

Arrêts de jeu : Ça s’anime enfin, 2 tirs vaguement cadrés dans les dernières minutes.

93’ : Terminé.

C’est le troisième 0-0 d’affilée contre Portsmouth à domicile. Comme disent les Anglais, on s’éclate plus à regarder la peinture sécher que des purges pareilles mais ce point permet au moins à Hartlepool de passer 22è et donc sortir de la zone rouge.

Je rejoins des supps déprimés au Mill House, pub sympa mitoyen au stade, avant de quitter Hartlepool, sceptique sur leurs chances de se maintenir en Football League.

Le classement et le résumé TV du match ici dans le Football League Show de la BBC, à 1h10’50 (attention, géolocalisation). Même en raclant les fonds de surface, ils n’ont trouvé que 3 occasions à montrer.

Kevin Quigagne.

Dans la même série :
Gashead for a day
Belfast and Furious

Teenage Kicks démarre sa cinquième saison avec une preview des championnats de Football League (D2 à D4) et Premier League. A tout saigneur, tout honneur, on entame donc avec la D4 (1ère partie aujourd’hui), ce minot avec ses clubs tout pouilleux et leurs buvettes qui puent la Marmite mais qui réservent aussi quelques surprises.

Le classement après quatre journées (sur 46) et la liste & carte des 24 clubs.

Les rubriques :

– Les prétendants à la montée
– Le sketch Benny Hill anglo-français (bonus D4)
– Les clients à la descente
– Les joueurs à surveiller
– Les plus grosses et plus faibles chambrées
– Le club à suivre
– Le club à pas suivre
– Les vieux de la vieille
– Les entraîneurs en vue
– Les pronos TK montées et descentes

Les prétendants à la montée

Une douzaine, pour 4 places (3 automatiques + 1 aux play-offs). Championnat toujours serré, 13 points d’écart seulement entre les 7 premiers l’an passé et 14 la saison précédente (sur 46 matchs). Des budgets homogènes, autour de 3m £ pour la majorité des clubs (approx. 1,8m pour les plus gueux), expliquent ce tassement. Et c’est tant mieux car sans favori qui ne se dégage vraiment, on devrait encore vivre une passionnante saison de D4.

Luton Town, ex D1 (surtout années 80-1992), traité dans la deuxième partie, rubrique « Le club à suivre ». Le promu de D5 (champion avec 19 points d’avance sur le deuxième, Cambridge United) est un peu le nouvel épouvantail de la D4 même si les Hatters ne semblent pas avoir l’effectif pour jouer la montée automatique, surtout depuis le départ de leur buteur Andre Gray (30 buts/44 matchs l’an dernier) à Brentford, D2. Ça pourrait le faire cependant, peut-être via les play-offs. Départ moyen, 5 points engrangés sur 12 possibles.

Bury, moribond et endetté depuis quelques saisons (relégué de D3 en 2012-13, saison pendant laquelle le club fut temporairement interdit de transfert et dut emprunter de l’argent à la PFA – syndicat des joueurs – pour payer les salaires), ce club de Greater Manchester a récemment trouvé son sauveur : Stewart Day, un businessman de 32 ans qui fait dans l’immobilier étudiant. Epaulé par trois associés fraîchement élus dans un directoire renouvelé, ce lifelong fan a sauvé le club d’un redressement judiciaire probable en injectant 2m £ depuis la reprise du mourant en juin 2013 (surtout pour rembourser les dettes). Un gros bon point d’entrée pour le nouveau boss : les billets en baisse, les moins chers de la division même, seulement 15 £ la place (prix unique) et des abonnements très raisonnables à 250 £ (et ouais, 300 € est bien inférieur à la moyenne de la D4 anglaise). Bury fête ses 130 ans cette saison et Day veut faire revenir les 15 % de spectateurs qui ont déserté ces dernières années. A correctement commencé la saison, 7 points pris, mais seulement 5 buts inscrits.


Friends Reunited, tout le monde est back cette saison.

Portsmouth. A fini 3è après une saison fébrile et peu convaincante (22è à sept journées de la fin) mais listé d’office ici vu son standing et aussi car j’ai une tendre affection pour l’ex club de Vincent Péricard (Fratton Park est l’un de mes tous premiers stades anglais visités, il y a presque 35 ans). Un superbe emballage final réalisé sous le leadership d’Andy Awford, l’ex Pompey legend nommé manager fin mars : 5 victoires et 2 nuls sur les 7 derniers matchs. A peut-être sauvé le club de l’humiliation suprême pour un ex Gros : la descente en non-League. A commencé fort, 10 points pris.

L’obstacle principal vers la remontée demeure l’instabilité de Pompey – 3 managers et 41 joueurs utilisés l’an dernier (même si les choses s’améliorent) – et, corollaire naturel, la fragile situation financière (là aussi, ça va mieux, des travaux de mise aux normes porteront Fratton Park à 20 000 places), conséquences d’un quinquennat cauchemardesque : quatre propriétaires désintéressés et magouilleurs, une ambiance hall de gare (77 joueurs en transit sous l’ère Harry Redknapp 2.0 ; normal, ‘Arry touchait – légalement – des commissions sur les achats-ventes), trois relégations, deux redressements judiciaires et plus de dettes qu’un ministère grec. Refonte totale en avril 2013 : 51 % du club appartient désormais à 2 300 supporters via le Portsmouth Supporters Trust et le reste à 11 actionnaires fortunés qui ont injecté plus de 50 000 £ chacun dans le nourrain (2.5m £ collectés au total).

On est loin du Pompey qui s’offrait Peter Crouch pour 11m £, payaient ses vedettes 300 000 £/mois, faisait trembler l’AC Milan en coupe d’Europe (un 2-2 chanceux pour les Rossoneri, acquis dans les dernières minutes) et flambait en Premier League (8è en 2008). C’était pourtant y’a à peine cinq ans…

Le discret John Portsmouth Football Club Westwood (c'est son nom officiel, si si)

Le discret John Portsmouth Football Club Westwood (c'est son nom officiel, si si)

Comme lors des deux dernières saisons, Burton Albion pourrait bien de nouveau surprendre (4è et finaliste des play-offs en mai dernier). Les Brewers, des minots coincés entre Derby et la conurbation de Birmingham (2,5m d’habitants), ne sont en Football League que depuis 2009 (merci Nigel Clough, fils de) mais visent déjà crânement la D3. Va cependant falloir marquer un peu plus, seulement 47 pions l’an dernier (en 46 matchs), 20è attaque de D4. Les résidents du Pirelli Stadium ont commencé pied au plancher, déjà 10 points au compteur.

Southend United et Oxford United (encore un autre ex pensionnaire de D1, dans les Eighties), 6 000 spectateurs chacun de moyenne (contre 4 200 pour la D4), respectivement 5è et 8è la saison dernière, devraient pourraient être aux avant-postes en fin de saison (surtout Southend). Enfin bon, ça c’est la théorie car Oxford connaît quelques turbulences en coulisses et sur le terrain actuellement (zéro point en 4 matchs ! 8 défaites de championnat d’affilée, record du club. Finalement, j’aurais dû mettre ces losers dans la rubrique « Clients à la descente »).
On souhaite bonne chance au jeune et nouveau manager d’Oxford, Michael Appleton (38 ans), qui poursuit sa grande tournée nationale des clubs Barnum : a managé Portsmouth, Blackpool et Blackburn depuis 2011. Bref, en trois saisons, Appleton a dû prendre dix ans et avaler deux caisses d’anxiolytiques. Allez, encore un petit effort et un passage par la case Leeds/Port Vale/Newcastle et le mec sera bon pour la clinique psy avant la quarantaine.

Parmi les quatre relégués de D3 (et donc forcément candidats à la montée), Shrewsbury et Tranmere Rovers semblent les mieux placés pour retrouver l’étage supérieur, surtout le premier cité. Les Shrews ont enregistré pas moins de 17 arrivées (dont le milieu australien James Wesolowski et Liam Lawrence, ex Sunderland & Stoke) qui remplacent les 20 prêtés (!) de l’effectif passé et pourraient faire mal si la mayonnaise prend bien entre tous ces nouveaux. A noter la présence dans l’effectif de l’attaquant toulousain Jean-Louis Akpa-Akpro, 29 ans et déjà vieux routier de la Football League. Bon démarrage, 8 points et 9 buts marqués.

Shrewsbury Town Football Club pourrait jouer les trouble-fête. Ici, leur ancien écusson, de 1993 à 2007, avec la chouette devise du comté (que nos lecteurs non Latinistes – on en a quelques uns, notre grande tare – ne s’excitent pas, ça veut pas dire “salopes en fleur”).

Tranmere Rovers, le troisième club pro de Merseyside et forcé de vivre à l’ombre de ses deux illustres voisins malgré le gros bassin de population local (320  000 habitants de ce côté-ci de la Mersey, appelé le Wirral – évidemment, ces glory hunters supportent en majorité EFC ou LFC), est néanmoins en proie à de sérieux problèmes financiers depuis quelques années (2m £ de dettes), difficultés qui ont forcé le club à vendre des jeunes espoirs tels Aaron Cresswell (aujourd’hui à West Ham) et surtout Dale Jennings, au Bayern Munich, un ex caïd de 21 ans « promis à un grand  avenir » selon la formule rigolote consacrée. Après deux ans glamour (mais pas wunderbar) en Bavière, Jennings porte aujourd’hui les pâles couleurs de Barnsley (D3). Et ouais, les carrières de footeux sont souvent parsemées de reality checks bien cruels.

L’arrivée d’un nouveau duo de propriétaires il y a deux semaines, le couple Mark et Nicola Palios (lui, ci-dessous en photo, est un ex milieu des Rovers et ex chief exec déchu de la FA – célèbre en Angleterre pour cette histoire fédérale de fesses mêlant Sven-Goran Eriksson, who else – et elle, avocate et businesswoman), devrait toutefois relancer ce club qu’on n’avait plus vu traîner en D4 depuis 25 ans. Le proprio partant, l’homme d’affaires Peter Johnson (depuis 27 ans aux commandes) a été grand seigneur, il leur a fait cadeau des 5m £ que le club lui devait, sympa.

Une raison supplémentaire de s’intéresser un peu à Tranmere : ils ont le nom le plus cool de la D4 dans leur effectif, Max Power, milieu de 21 ans formé au club.

Même si la montée paraît hypothétique (surtout avec leur mauvais départ, 2 points), mentionnons également Carlisle United puisque les Cumbrians descendent de D3, eux qui entamaient leur première (et dernière) saison de D1 il y a exactement 40 ans (ils finirent lanterne rouge et descendirent en compagnie de Luton et Chelsea). Carlisle a utilisé la bagatelle de 47 joueurs l’an dernier (dont notre Pascal Chimbonda national, aujourd’hui en D3 grecque), même pour les standards de Football League c’est beaucoup (pléthore de prêts et contrats courts, 3 200 mouvements enregistrés pour les 72 clubs de FL en 2012-13, y compris renouvellements de contrats).
Club notable pour son stade, Brunton Park, tellement vétuste que quand les producteurs du bon téléfilm United (sorti en 2011, sur le crash de Munich) cherchèrent un stade pour filmer les scènes de foot des années 50 et 60, c’était quasiment le seul à faire l’affaire sans trop de retouche ! (y’a encore des populaires sans toit et des rangées entières de vieux sièges en bois dans la tribune principale par exemple). Un nouveau ground serait vaguement dans les cartons, mais pas avant une bonne décennie (problèmes de financement, le club traîne 2m £ de dettes).

York City a fait une belle saison 2013-14 sous la houlette du très expérimenté Nigel Worthington, 7è et battu de justesse par Fleetwood en play-offs. Les Minstermen ont réalisé une phase retour de feu (aucune défaite après la fin janvier !) et sont  invaincus depuis 7 mois (4 nuls en ce début de saison).

On espère aussi voir Plymouth bien figurer, cette grosse cylindrée de D4 plus habituée aux étages supérieurs, D2/D3 (mais qui n’a jamais goûté à l’élite ; avec 261 000 habitants, c’est la plus grande ville anglaise dans ce cas). Toutefois, les Pilgrims sont dans le dur depuis le redressement judiciaire de 2010-11 (17m £ de dettes – il en resterait un tiers à rembourser) et ne semblent pas en mesure de jouer les premiers rôles, malgré leurs 7 000 fidèles (la fameuse Green Army) et leur budget de plus de 4m £. Ils ont cependant fini 10è l’an passé et remontent doucement la pente après les désastreux exercices 2011-12 et 2012-13 où ils frisèrent la descente en non-League.

Plus tous jeunes les fantassins de la Green Army mais toujours prêts à faire des centaines de kms pour soutenir le club aux 4 coins du pays

Plus tous jeunes les fantassins de la Green Army mais toujours prêts à faire des centaines de kms pour soutenir le club aux 4 coins du pays

Y’a Cheltenham Town aussi parmi les prétendants mais vu que c’est probablement le club qui m’intéresse le moins en Angleterre,  j’ai rien à dire sur eux, hormis qu’ils ont bien commencé (10 points), ce dont vous vous foutez probablement autant que moi.

Et pour finir cette rubrique, un souhait : que l’AFC Wimbledon s’en sorte mieux que l’an passé où ils finirent 20è, à trois points seulement du premier relégué.

Le manager des Dons, Neil Ardley, a fait le ménage cet été en virant une douzaine de joueurs. Ayant trouvé ses gars trop inexpérimentés et légers physiquement, l’ex milieu du Crazy Gang a aguerri et musclé l’effectif. Résultat des courses : une dizaine d’arrivées, un mélange de jeunes et de profils chevronnés et/ou bien bâtis, tels Adebayo “The Beast” Akinfenwa, le footballeur le plus costaud au monde (1,80m, 100 kilos de muscles) et Matt Tubbs (prêté par Bournemouth, D2), goal machine de 30 ans présenté par TK dans cet article de 2011 sur Crawley. Pour les hisser vers le haut de tableau, ils compteront aussi sur G. Francomb, le p’tit jeune qui monte, sur les expérimentés B. Fuller (Player of the Year 2014 du club), D. Bulman et l’ex international irlandais A. Bennett, capitaine. Les Dons ont pas mal démarré, 7 points.

Akinfenwa soulève 180 kilos en développé-couché

Akinfenwa soulève 180 kilos en développé-couché et produit l'énergie cinétique d'un TGV une fois lancé

J’ai toujours l’espoir un peu fou de les voir rejoindre MK Dons en D3 et exterminer les imposteurs (dans mon rêve à épisodes entamé il y a douze ans, Milton Keynes prendrait 50 points de pénalité pour malversations et descendrait en D4 ; là, des champignons et xylophages maléfiques inventés par Vinnie Jones devenu scientifique fou transformerait Peter Winkelman en homme-compost, fusillerait leur pelouse et leurs tribunes ; les faux Dons devraient fuir et se nomadiseraient car personne ne voudrait les accueillir, sous peine de représailles de Vinnie et son pote Hollywoodien Sylvester Stallone. Descentes successives jusqu’en Pub League, l’équivalent de la corpo. Entre-temps, Vinnie Jones aurait racheté leur stade sur ebay pour peanuts – car MK Dons en redressement judiciaire permanent –, aurait trouvé l’antidote à son champignon et legué le complexe de 30 000 places au Supporters Trust de Wimbledon. Avec l’argent, les Dons remonteraient les divisions).

Bon, mon scénario rêvé a mal commencé puisque Milton Keynes a battu Wimbledon 3-1 au premier tour de la Coupe de la Ligue il y a deux semaines. Bastards.

Gros Luton-Wimbledon qui fleurait bon les Eighties il y a dix jours, victoire des Dons 1-0 grâce à Matt Tubbs sur une action typiquement Crazy Gang années 80, du pur route-one football : dégagement de 75 mètres du gardien sur l’attaquant et but, voir clip (à 20 secondes).

Le sketch Benny Hill anglo-français

Un bonus sympa qui porte sur un épisode anglo-français exquis de l’histoire récente de Cambridge United, le deuxième promu avec Luton Town.

En mars 2004, à la stupéfaction générale, le petit Cambridge (22è de D4 et fauché) nomme le tandem Claude Le Roy-Hervé Renard comme manager & adjoint. Dès le départ, c’est le flou artistique le plus total sur la nature du contrat et les attributions de chacun. Le « Sorcier Blanc » déclare à un journal local que sa nomination n’en est pas vraiment une et que sa démarche est totalement désintéressée (« C’est avant tout un contrat moral », lâche-t-il au quotidien de la ville).

Interviewé par Canal Plus, le globe-trotter explique (propos rapportés dans le magazine When Saturday Comes de mai 2011) : « Je me suis engagé avec Canal Plus et me dois de leur être loyal. Quand je me suis retrouvé libre [après une pige en Chine], j’ai dit que je serais prêt à donner un petit coup de main à Cambridge, c’est le deal entre nous. On n’a jamais parlé argent ou quoi que ce soit. J’y vais simplement pour faire un audit. »

OK, très charitable au demeurant d’aider les pauvres mais ce n’est manifestement pas ce qu’a compris le président-proprio de Cambridge, l’homme d’affaires Gary Harwood, amateur d’envolées lyriques un brin grandiloquentes : « En faisant venir Claude, nous avons recruté l’un des managers les plus respectés d’Europe, sinon du monde. C’est peut-être la nomination la plus sensationnelle de l’histoire du club. Quand nous aurons, je l’espère, assuré notre place en Football League, Claude pourra bâtir une équipe conquérante et attrayante qui visera bien plus haut. »

Dans un élan émotionnel très « Feux de l’amour », Harwood ajoute (toujours dans cet article de WSC # 291) :

« Claude m’a dit Gary, mon coeur est à Cambridge et y sera jusqu’à ma mort. Je crois sincèrement qu’il s’est vraiment pris d’amitié pour Cambridge United. »

L’étrange attelage se poursuit deux mois (Renard manage l’équipe en tandem avec l’adjoint de l’entraîneur limogé, Le Roy se pointe à l’occasion mais juste pour les matchs, le proprio magouilleur tente de sauver le club du redressement judiciaire). Selon les médias anglais, cet « arrangement contractuel » est censé tenir jusqu’à la fin de saison, suivi en principe d’un vrai contrat de deux ans. Détail cocasse : le…

A suivre. Kevin Quigagne.

Teenage Kicks démarre sa quatrième saison avec une preview des championnats de Football League (D2 à D4) et Premier League. A tout saigneur, tout honneur, on entame donc avec la D4. Et ouais, ce minot avec ses clubs tout pouilleux et leurs buvettes qui puent la Marmite. Mais ne pouffez pas trop vite car vous verrez que même la D4 anglaise, ça déchire.

La Football League, doyenne mondiale des championnats de clubs, fête ses 125 ans cette saison et a produit ce clip commémoratif, à voir absolument (particulièrement conseillé aux supporters d’Arsenal : à 3’20 on y voit les Gunners remporter le titre 1989…). Et si vous savez contourner la géolocalisation, ne manquez pas l’émission hebdomadaire The Football League Show.

Voir le classement après quatre journées (sur 46).

[Cliquer sur les photos peut rapporter gros]

Les prétendants à la montée

Une douzaine, pour 4 places… (3 automatiques + 1 aux play-offs).

Portsmouth, listé d’office ici vu son standing mais Pompey doit encore gérer le club avec des scoubidous après quatre années cauchemardesques (51 % du club appartient depuis avril dernier à 2 000 supporters via le Portsmouth Supporters Trust et le reste à une douzaine de supporters fortunés ayant injecté plus de 50 000 £ chacun dans le nourrin – 3M £ furent collectés au total). Un Pompey qui était encore en Premier League en 2010 et faisait trembler l’AC Milan il y a cinq ans… Le manager et local legend Guy Whittingham a recruté malin, avec des joueurs talentueux (tel l’ailier Andy Barcham) et des vieux briscards comme Patrick Agyemang et David Connolly (voir plus bas). A mal démarré toutefois, 5 points.

Le fameux John Portsmouth Football Club Westwood (c'est son blaze officiel, si si)

Le fameux John Portsmouth Football Club Westwood (c'est son nom officiel, si si)

Chesterfield jouera la montée automatique. Les Spireites ont tout pour atteindre leur objectif : groupe expérimenté, gros recrutement, bonnes affluences et propriétaire aisé, le controversé Dave Allen, bien connu des supporters de Sheffield Wednesday… (voir  ici).

Oxford United devrait être aux avant-postes en fin de saison ainsi que Cheltenham, barragiste pour la montée en D3 ces trois dernières saisons ! (et qui a tenu la dragée haute à West Ham hier soir en Coupe de la Ligue, défaite 2-1).

L’ambitieux Fleetwood Town a bien démarré, sous la houlette de l’ex international écossais Graham Alexander, 41 ans, le défenseur aux 1 000 matchs en championnat pro, de la D4 à la PL (et sublime tireur de pénalty, 77 réussis sur 83 – 92,7 % – et souvent de l’extérieur ! Seul Matt Le Tissier fit mieux : 48 sur 49. Frank Lampard est dans les temps de passage – 48 sur 55 -, ainsi que Rickie Lambert, 32 sur 32 à Southampton).

Bristol Rovers et Exeter City voudront aussi vite retrouver la D3 récemment quittée, et on espère que Plymouth Argyle surmontera ses terribles problèmes financiers récents pour s’extraire de l’ornière. Le potentiel est là : Argyle était encore une valeur sûre de D2 il y a quelques saisons (particulièrement sous Ian Holloway) et Plymouth est la plus grande ville d’Angleterre (300 000 habitants) à ne jamais avoir goûté à l’élite. Les Pilgrims ont parmi les plus fidèles supporters de la division, une « Green Army » qui arrive à mobiliser jusqu’à un millier d’inconditionnels prêts à se taper 1 000 kilomètres A/R un mardi soir de décembre. L’ex Lavallois Maxime Blanchard (voir chouette interview dans le blog Kick-off de l’Équipe) n’a pas encore lancé sa saison (remplaçant).

Northampton Town, sous la houlette de l’expérimenté Aidy Boothroyd, a mal démarré mais le coup de pompe des Cobblers (cordonniers) n’est pas trop inquiétant (interlude Jean-Paul Ollivier : adorable musée de la chaussure si vous passez dans le coin), même sans Adebayo Akinfenwa – ci-contre – parti faire peser ses 100 kilos de muscles sur les défenses de D3 (16 buts l’an passé).

Démarrage également poussif du relégué Scunthorpe United qui a recruté du lourd, pas moins de trois ex joueurs de Premier League : Deon Burton, Andy Dawson et Chris Iwelumo.

Comme l’an passé, Burton Albion pourrait bien de nouveau surprendre (4è et play-offs), les Brewers ont certes perdu leurs deux meilleurs attaquants (le Congolais Jacques Maghoma et le Zaïrois Calvin Zola) mais semblent avoir bien recruté. Eliminé de justesse par Fulham hier soir en League Cup, 2-2 et 5-4 aux tirs au but.

Les clients à la descente

Le micro club d’Accrington Stanley, sempiternel relégable en puissance. Cette intersaison, refonte de l’effectif opérée par le jeune manager et ex international anglais James Beattie, 35 ans. L’ex attaquant d’Everton et Southampton a recruté malin (dont Nicky Hunt, 29 ans, ex PL) mais ça risque de coincer, l’effectif étant léger. Et compter sur Francis Jeffers devant est toujours aussi risqué…

Dagenham & Redbridge est aussi favori à la descente chez les bookies, malgré sa cohorte d’ex starlets qui devaient tout casser il y a peu (Gavin Hoyte, ex Arsenal ; Zavon Hines, ex West Ham ; et Medy Elito, ex U19 anglais).

Idem pour les Shrimps (crevettes) de Morecambe qui connaissent de sérieux problèmes financiers (loin d’être les seuls !) et ont dû réduire la voilure. Avec 1 800 spectateurs de moyenne, c’est déjà un miracle qu’ils soient là depuis si longtemps. Le puissant ailier-attaquant Kevin Ellison, 34 ans, s’il ne se blesse pas ou décampe au mercato d’hiver, pourrait leur sauver le bacon (en attendant le retour dans six mois du jeune Jack Redshaw – blessé à la hanche -, 15 buts l’an passé).

Bury, relégué de D3 avec pertes et fracas, pourrait souffrir malgré un effectif totalement renouvelé : 22 nouveaux joueurs – dont le frangin de Wayne Rooney – pour une vingtaine de départs ! Enfin, espérons que les nouveaux propriétaires payent mieux que le SMIG cette saison… A signaler l’arrivée de l’ex Manceau William Edjenguélé chez les Shakers, très bien noté (8/10) dans The Football League Paper pour son premier match le week-end dernier.

Hartlepool United, également relégué de D3, inquiète sérieusement ses supporters : 1 seul point d’engrangé et aucun but marqué ! (seul club de Football League dans ce cas). Richie Humphreys, cult hero du club aux 544 matchs pour Pools a décampé (à Chesterfield) et rien ne va plus chez les célèbres Monkey Hangers qui se transforment volontiers en Schtroumpfs à l’occasion.

Et un souhait pour finir : que l’AFC Wimbledon s’en sorte mieux que l’an passé où ils flirtèrent avec la relégation. Charlie Sheringham, fils de, les a rejoints ainsi que le virevoltant ailier guadeloupéen Kevin Sainte-Luce, recruté en janvier dernier. Les Dons ont bien démarré, 7 points.

Les joueurs à surveiller

Romuald Boco (Plymouth), 28 ans, 48 capes béninoises, milieu offensif. L’ex Chamois Niortais a convaincu l’an dernier (à Accrington, 10 buts) et « Rommy » tentera de confirmer dans une grosse écurie de D4 après des passages en Chine et en Irlande. Pourrait faire mal en soutien du puissant attaquant Marvin Morgan.

James Constable (Oxford), 28 ans et loin d’être un peintre : 95 buts en 234 matchs en cinq saisons avec les U’s.

Rene Howe, 26 ans, puissant attaquant de Burton Albion.

Jeff Hughes (Fleetwood), 28 ans, 2 capes nord-irlandaises, milieu offensif très expérimenté.

Aaron O’Connor (Fleetwood), attaquant de 30 ans, 18 buts en championnat l’an passé.

L’ailier Gary Roberts (Chesterfield), 29 ans, pilier de la Football League, l’un des meilleurs techniciens de cette division.

Chris Zebroski, 26 ans, l’avant-centre bourlingueur de Newport County (11 clubs) pourrait faire mal s’il ne s’éparpille pas, 3 buts déjà.

Parmi les jeunots à suivre :

– Jed Wallace (Portsmouth), milieu très vif de 19 ans et international U19 anglais, a fini la saison dernière en trombe.

– John-Joe O’Toole (Bristol Rovers), ex U21 irlandais et son coéquipier Ellis Harrison, 19 ans, international gallois U21.

– l’ailier/attaquant de Torquay Jordan Chappell, 21 ans, pétri de classe, déjà 3 buts en 2 matchs.

– le milieu anglo-zimbabwéen Tendayi Darikwa (Chesterfield), 21 ans, pourrait (enfin) éclater s’il arrive à faire son trou dans un effectif fourni (Everton et d’autres l’ont récemment observé, ici)

– la tripotée de cadors de Wycombe, dont le milieu Billy Knott, international U20 anglais, prêté par Sunderland ; le défenseur Charles Dunne, international U21 irlandais, vendu à Blackpool (D2) il y a six jours puis reprêté aux Chairboys ; Matt McClure, U21 nord-irlandais ; et Paris Cowan-Hall, ailier de 22 ans au gros potentiel mais instable (déjà 7 clubs).

Côté jeunes vieux, on gardera un oeil sur Romain Padovani (Portsmouth), milieu défensif de 23 ans transfuge de Monaco (lire cette intéressante interview dans footanglais.com), sur Matty Blair, 24 ans, rapide ailier de Fleetwood et  Jimmy Ryan (Chesterfield), 24 ans.

Les vieux de la vieille

Patrick Agyemang, 32 ans, ex QPR et 2 capes ghanéennes.

David Connolly (Portsmouth), attaquant de 36 ans, joueur le plus expérimenté de D4, 41 capes irlandaises et ancien de D1 (Sunderland, Wigan, Feyenoord). Déjà 4 buts cette saison.

Chris Iwelumo et Deon Burton (Scunthorpe), 71 ans à eux deux et ex Premier League. Le bourlingueur Burton (ci-dessus), 15 clubs et 61 capes jamaïcaines, fait toujours parler la poudre à presque 37 piges : 12 buts l’an passé pour Gillingham, promu en D3.

Rory Delap, 37 ans, balance désormais ses touches-missiles à Burton Albion.

Richard Cresswell (York City), 35 ans, avant-centre pilier de Football League (joua même en PL), de retour au bercail.

L’increvable bourlingueur Jamie Cureton (Cheltenham), 38 ans mais 21 buts en championnat l’an dernier (avec Exeter). En 20 ans de carrière, il a connu toutes les divisions, y compris la PL avec Norwich.

Papa et Maman souhaite bon anniversaire à leur Francis dans le canard local

Papa et Maman souhaitent un bon anniversaire à leur Franny préféré dans le canard local. Touchant.

Dave Kitson, 33 ans, ex avant-centre de PL, a atterri à Oxford United. Il y a cinq ans, Stoke City avait déboursé 5M £ pour s’attacher ses services. Paraît même que c’est lui le fameux Secret Footballer… Wow, glamoureuse notre D4 quand même (on s’est toutefois bien gardé de nous laisser entrevoir son actualité en nous survendant le truc, c’eût pas été franchement glamour de faire savoir que le mec « qui avait évolué avec les plus grandes stars du ballon rond » jouait à Oxford…).

En parlant de glamour, n’oublions pas l’une des idoles de Teenage Kicks, l’ex international anglais Francis Jeffers, 32 ans (Everton, Arsenal puis le quasi néant). Ce phénomène qu’Arsène acheta 8M £ pour l’associer à Thierry Henry pousse ses derniers râles footballistiques à Accrington qu’il a rejoint en fin de saison dernière. Pas encore aligné cette saison ; semble passer son temps sur Twitter à vérifier les horaires de train ou distiller les conseils pour bien faire ramoner sa cheminée. Bah, au moins il se rend plus utile que sur un terrain. Pis ces questions domestiques ça le connaît : Noël dernier, la police l’arrêtait devant le domicile de son beau-père en train d’agiter un manche à balai.

Les entraîneurs en vue

Justin Edinburgh, 43 ans et ancien défenseur de Tottenham (1990-2000), manager de l’étonnant promu Newport County (lire « Le club à suivre » plus bas).

L’ex international anglais James Beattie, 35 ans, manager du minot Accrington Stanley (également entraîneur-joueur l’an passé) et toujours enregistré comme joueur.

Nigel Worthington, 51 ans, ex pilier de D1 & international nord-irlandais et manager chevronné (il fit monter Norwich en Premier League en 2004), a pris les rênes de York City.

Gareth Ainsworth, Wycombe Wanderers (ci-contre, au micro), figure incontournable de la Football League (a évolué dans toutes les divisions pros) qui vient de raccrocher les crampons à 40 ans après avoir été entraîneur-joueur de Wycombe l’an dernier. Le rocker entame sa toute première saison pleine comme manager d’une équipe remodelée alliant jeunesse et experience (et gnack ‘n’ roll).

Phil Brown, ex fantasque manager de Hull City du temps béni de Bernard Mendy et Jimmy Bullard, dirige désormais Southend United, plombé financièrement (interdiction de recruter) mais qui a bien démarré.

Last but not least, Carolyn Radford (ci-dessous), pas un manager mais la chief exec du promu Mansfield Town et mariée au propriétaire John Radford, gars du cru qui a réussi et aime offrir ce genre de cadeau à ses managers. Club également fort intéressant pour la féroce rivalité politico-syndicalo-footballistique qui l’oppose à Chesterfield depuis la grande grêve des Mineurs de 1984-85 (trop long à expliquer ici). Une chose est sûre : le derby toxique Chesterfield-Mansfield du 28 septembre (premier depuis longtemps) devrait être chaud, forte présence policière attendue.

Les plus grosses et plus faibles chambrées

Fratton Park (Portsmouth) devrait attirer une moyenne d’environ 15 000 spectateurs cette saison (plus de 10 000 abonnés). Pompey a fait 18 181 pour la venue d’Oxford il y a trois semaines (1-4).

Plymouth, Oxford ainsi que Chesterfield ont fait respectivement 7 049, 5 954 et 5 431 l’an dernier. Le promu Newport County tourne bien également en ce début de saison (5 009), ainsi que Southend (6 282) et Bristol Rovers (5 914).

Les p’tites chambrées : Accrington, Dag & Red et Morecambe, moins de 2 000.

L’affluence moyenne de D4 était de 4 390 la saison dernière. Ce qui est fort honorable vu qu’une place de D4 coûte en moyenne 18 £ et un abonnement environ 300-350 £ (pour 23 matchs donc mais pas donné – crise oblige, quelques clubs ont des politiques de prix intéressantes depuis quelques saisons, voir l’exemple d’Hartlepool ici et ici).

Le prix du nom du stade le plus prestigieux allant à Fleetwood Town : Highbury. La Cod Army (surnom du club, ancien port) comptait même un Vieira [Magno Vieira] dans ses rangs il y a deux saisons !

Le club à suivre

Newport County, promu gallois (ville située près de Cardiff) avec un boss très atypique, Les Scadding.

Jusqu’au 9 novembre 2009, le quotidien de Les, 58 ans, n’était pas un bed of roses comme disent les Anglais. Cet ancien mécano se remet difficilement d’un cancer des testicules et pointe au chômage, après 27 ans à conduire ses camions-citernes à travers le pays. Fauché, il a dû un temps partir habiter chez sa soeur à Newport, au sud du Pays de Galles. Les rares fois où il n’est pas à découvert, il débourse 10 £ pour aller voir son Newport qui végète en non-League (D5 et au-dessous) depuis deux décennies.

Le 10 novembre, un évènement inouï bouleverse la vie du Bristollien : il empoche 45M £ à l’EuroMillions (pour une mise de 4 £).

Les Scadding, King of cool, au volant de sa Rolls Royce Phantom à 400 000 £

Les Scadding, King of Cool, au volant de sa Rolls Royce à 400 patates

Les fait quelques emplettes (dont une propriété à la Barbade où il compte Gary Lineker et Wayne Rooney pour voisins) et aussi des rencontres, notamment l’état-major de Newport County. Forcément.

En août 2012, Scadding devient président de ce petit club qui connut son heure de gloire au début des Eighties, avec une Welsh Cup, plusieurs belles saisons en D3 anglaise et surtout un mémorable ¼ de finale de Coupe des coupes en mars 1981 contre le légendaire Carl Zeiss Iéna, perdu de justesse 3-2 en score cumulé, avec en prime un match à domicile de feu devant 18 000 spectateurs. C’est sûr qu’avec la future Liverpool & Ireland legend John Aldridge dans l’équipe, Newport avait de la gueule (malheureusement, l’Irlandais, blessé, ne disputa pas cette double confrontation).

Mais les Eighties léguèrent aussi au club ses heures les plus sombres. En février 1989, Newport fut éjecté de la D5 (et de son propre stade) pour non-paiement de dettes contractées par leur propriétaire d’alors, Jerry Sherman, un aigrefin américain sorti de nulle part et qu’un juge de Washington enverra six ans en prison en 2007 pour multiples arnaques à la Madoff. Le club se nomadisa et acquit alors son surnom The Exiles car il dut aller jouer ses matchs « à domicile » un peu partout dans l’ouest du pays. Après un redressement judiciaire suivi du coup de grâce au printemps 1989 (liquidation, même les trophées du club furent vendus aux enchères pour rembourser les 330 000 £ de dettes !), le nouveau Newport County AFC repartit de zéro en D9 anglaise.

Pour Scadding et le club, la délivrance arrive le 5 mai 2013 quand Newport bat le compatriote Wrexham en finale des play-offs de D5 à Wembley. Confortablement installé dans sa Royal box, privilège de tout président de club, Les assiste à la victoire 2-0 de ses poulains sur les Dragons. La montée en Football League est synomyme de respectabilité mais surtout d’un changement de statut et de budget : un club de D4 touche au minimum 750 000 £ / an de revenus médias, contre seulement 10 000 £ environ pour un club de D5 (voir précisions à ce sujet dans l’annotation # 1 sous cet article TK consacré à Bradford – 600 000 £ dans cet article, chiffre de 2010. L’arrivée de British Telecom en D5 cette saison – diffusion de matchs sur sa nouvelle chaîne BT Sport – a probablement fait augmenter ce chiffre de 10 000 £/an par club mais sans changer la proportion : un club de D4 touche 60 fois plus de revenus médias qu’un club de D5, grâce à Sky et la BBC).

Après 25 ans de purgatoire en non-League, Newport est de retour dans cette Football League où il évolua presque sans discontinuer de 1920 à 1989 (dont  deux saisons de D2 au sortir des deux guerres).

Les Scadding s’est juré de ne pas se laisser griser et « dépenser sans compter ou filer 100 plaques au club tous les mois ». Au lieu de ça, comme il l’a fait pour financer la montée en D4, il s’est engagé à « aider un peu son club si besoin est, par exemple s’il nous manque 50 ou 60 000 £ pour convaincre un joueur de venir chez nous. »

Mais qui sait, Les pourrait bien se laisser prendre au jeu. Au lendemain de la montée en Football League, l’ex routier sympa confiait aux journalistes de ne plus avoir trop le temps ou l’envie de séjourner dans sa propriété des Caraïbes : Newport County l’accapare trop. Et comme il dit, « la vie de château c’est bien sympa, mais au bout de dix parties de golf, on s’emmerde et on a envie de passer à autre chose. »

Ce mois-ci en Coupe de la Ligue, Newport County a éliminé Brighton (D2) 3-1 à l’extérieur avant de se faire sortir 3-0 par West Bromwich Albion hier soir.

Le club à pas suivre

Aucun club réellement antipathique ou superflu comme MK Dons en D3, Millwall en D2 ou Newcastle United en PL mais « l’habitat naturel » de Dag & Red étant la non-League, on n’en voudra pas aux Daggers d’y retourner.

Les pronos TK montées et descentes

Montées (4) : Chesterfield, Fleetwood, Oxford et Portsmouth.

Descentes (2) : Accrington Stanley et Dagenham & Redbridge.

Kevin Quigagne.

L’effervescence footballistique de ces derniers mois a balayé un évènement remarquable : Vincent Péricard a raccroché les crampons.

Fin février, celui que les médias anglais aiment à présenter comme un « ex Juventus striker » a dit stop. Basta. A seulement 29 ans. Ou plutôt c’est son club de Havant & Waterlooville (mini cylindrée de D6 anglaise) qui l’aurait envoyé à la retraite anticipée en décidant, fin décembre 2011, de ne pas prolonger son contrat de trois mois. Une fin brutale pour un chasseur de buts qui fit jadis rêver dans certaines chaumières reculées de l’Angleterre profonde.

Des débuts bioniques

Tout commence chez les Verts pour ce joueur d’origine camerounaise. Vince fait toute sa formation à Sainté et après deux matchs de Ligue 1 saison 1999-2000, la Juventus le kidnappe. L’effet Mondial 1998 joue à plein pour les mini-Bleuets et la formation à la française a la cote. Vince fait partie de cette génération de jeunes cadors français dont les clubs italiens raffolent soudain (citons Mickaël Sylvestre, Ousmane Dabo ou Jonathan Zébina).

C’est Carlo Ancelotti qui l’a repéré avec l’équipe de France des U18. A 17 ans et demi, Vince cotoie les Zidane, Thuram, Nedved et autre Trézéguet et en profite pour s’imprégner de l’ambiance d’un grand club auquel il semble promis.

Tous lui prédisent en effet un avenir d’extraterrestre, à la Steve Austin. A commencer par Julien Courbet qui est frappé d’une inspiration géniale en lui consacrant en 2000 un numéro choc, sobrement intitulé « Vincent Péricard, l’homme qui vaudra des milliards », dans son émission Les 7 péchés capitaux (voir Top 10 des Cahiers ici).

Toutefois, loin de déraciner les arbres, Vince doit se contenter de la réserve Bianconera pendant deux ans (et de trente minutes de Ligue des Champions contre Arsenal, en mars 2002). Chez les coiffeurs, il décoiffe – deux fois meilleur buteur – mais la concurrence est féroce. Dans une interview accordée à The Independent en novembre dernier, il revient sur son étourdissant séjour transalpin :

« Au début, je ne parlais pas italien et je ne connaissais personne.  […] Zinédine Zidane était un ami et il m’arrivait de passer chez Edgar Davids pour croquer un morceau. Mon copain de chambrée, c’était Lilian Thuram. »

Été 2002, la Vieille Dame décide de le prêter au Portsmouth de Milan Mandaric, alors en D2. Le culture shock va être violent.

Vincent Péricard : « Même le manager, Harry Redknapp, disait « Péricard ne sait pas jouer au foot«  »

When Harry meets Vince

L’intersaison n’augure rien de bon. Le manager de Portsmouth, Harry Redknapp, se demande ouvertement s’il a tiré le bon numéro (Vince avait, dit-on, impressionné Harry lors de ce Juventus-Arsenal). Plus tard, Vince déclarera :

« En arrivant à Portsmouth à l’intersaison, j’en ai bavé. Le choc des cultures a été terrible et ça m’a affecté. Même Harry disait « Péricard ne sait pas jouer au foot », et c’est vrai que j’en touchais pas une les premières semaines. »

Entre deux coups de sang (savourez ce clip de 2002-03), Harry doit toutefois ravaler ses médisances car les débuts de Vince à Pompey sont fracassants, il fait notamment mouche lors de son premier match contre Nottingham Forest. Associé à Svetoslav Todorov (26 buts), Paul Merson (12), Yakubu et Steve Stone, Vince affolera les compteurs lors de cet exercice 2002-03, 9 pions. Puissant, technique, excellent dans la conservation du ballon, Vince impressionne.

Pompey finit largement premier (98 points) et retrouve l’élite quittée quinze ans auparavant. Été 2003, la Juventus le cède aux Anglais pour 400 000 £. L’avenir s’annonce des plus radieux.

Las ! Tout comme les emmerdes, les blessures vont arriver en escadrilles, principalement quadriceps et ligaments croisés. Entre le 13 décembre 2003 et le 13 août 2005, il ne dispute aucun match et révélera plus tard avoir sombré dans la dépression durant cette période (« Le médecin me prescrivait du Prozac mais franchement, je ne le recommande à personne ce truc. »).
Une fois la rééducation achevée, été 2005, il s’entraîne avec les internationaux camerounais en France, à l’occasion d’un match amical des Lions Indomptables.

Alain Perrin, le nouveau manager de Pompey, le juge toutefois encore un peu tendre pour la Premier League et, en septembre 2005, « Reggie » le prête pour trois mois à Sheffield United (D2). A son retour sur la côte sud, Perrin a péri et c’est son vieux pote Harry qu’il retrouve. Ce dernier ne sait trop quoi faire de lui et l’expédie chez les Pélerins (Pilgrims) de Plymouth (D2) en février 2006. A peine débarqué parmi les ancêtres du Mayflower, Vince claque un hat-trick mais sa pige Pilgrim sera plus un remake de « Vogue la galère » que de « L’île au trésor » (15 matchs, 4 buts).

Fin mai 2006, de retour dans un Portsmouth qui a frôlé la descente deux saisons d’affilée, Harry lui annonce qu’il veut monter un effectif bâti pour le milieu de tableau de Premier League. Exit Vince.

Nouveau départ avec passage par la case prison

Le 19 juin 2006, Stoke City (club ambitieux de D2) le recrute, pour trois ans et 15 000 £ de salaire mensuel. Tout comme à Portsmouth, ses débuts sont tonitruants (3 buts en 10 matchs). Puis commence une longue traversée du désert peu orthodoxe. D’octobre 2006 à mai 2007, il ne plante plus un pion (21 matchs). Les supporters lui reprochent une certaine lenteur et sa propension à tomber trop facilement.

Peu à peu, il est eclipsé par le déménageur Ricardo Fuller qui, lui, fait tomber les adversaires. Vince est cependant loin de se douter que sa méforme sportive va vite devenir le cadet de ses soucis. Fin août 2007, une banale infraction routière commise dix-huit mois plus tôt vient bouleverser sa vie.

Le 6 mars 2006, Vince s’était fait flasher près de Plymouth à 165 kilomètres/heure sur l’A38 (limitée à 112 km/h) au volant de sa Mercèdes. Le hic, c’est que Vince est un récidiviste des gros excès de vitesse.

Pour éviter les ennuis, il avait alors tenté de feinter la patrouille en déclarant que son beau-père, Jack, était au volant… Ce dernier, contacté par la police britannique, était tombé de haut. Et pour cause : Jack vit en France et n’avait pas mis les pieds en Angleterre depuis presque quatre ans !

Le 24 août 2007, le tribunal de Plymouth condamne notre Vince national à quatre mois de prison pour « entrave à la justice ». Vince déclarera à sa sortie de zonzon :

« Le juge qui m’a envoyé au trou ce jour-là était de mauvaise humeur et a voulu faire de mon cas un exemple. A l’annonce de la sentence, la police m’a menoté et conduit en cellule. Pendant plusieurs jours, j’étais en état de choc. […] Cette expérience est une dure leçon pour moi. Dorénavant, je respecterai scrupuleusement la loi et je conseille à tous de faire de même. »

Heureusement pour Vince, son avocat obtient rapidement une libération conditionnelle et l’extrait de la HM Prison Exeter le 20 septembre 2007, après quatre semaines de nick. Il rejoint alors une open security prison pendant dix jours avant d’être définitivement libéré. Seule condition : il devra porter un bracelet électronique pendant trois mois. Il devient le troisième footballeur du pays à avoir les chevilles qui enflent électroniquement, après Gary Croft (2000) et Jermaine Pennant (2005).

Harry Redknapp, le sauveur

Dans le Mirror du 9 octobre 2007, sous l’intitulé « My prison hell », Vince raconte pêle-mêle son Midnight Express à lui au pénitencier d’Exeter. Le détenu voisin qui se pend, les traumatismes, les cornflakes dégueulasses, l’isolement, la claustrophobie, la promiscuité, le défi mental permanent et la vie de sous-tricard à sept livres la semaine.

Ce pécule (7 £ hebdo), précise-t-il, qui lui a sacrément servi pour améliorer l’ordinaire. Comme par exemple se payer des rations supplémentaires de nourriture et des crédits pour son téléphone. Il confessera plus tard que Stoke City avait continué à lui verser ses quinze patates mensuelles pendant son incarcération. De quoi consommer de la céréale upmarket tous les matins.

Il avoue aussi ne pas savoir s’il aurait pu tenir le coup sans le soutien d’Harry Redknapp et Teddy Sheringham, son ex-coéquipier à Pompey. Il remercie également Tony Pulis et le board de Stoke City. Les Potters le soutiennent et ont decidé de lui accorder une seconde chance. Vince déclare que porter un bracelet ne lui posera aucun problème et envisage l’avenir immédiat avec bonheur :

« C’est comme si c’était Noël pour moi. Je suis aux anges de retrouver mes amis et coéquipiers et de ne plus être parmi les criminels. »

Mais lors d’une séance d’entraînement peu après sa sortie, la guigne s’acharne : la douceur des tacles de ses coéquipiers Potters fait exploser son bracelet électronique. La justice ne lui fait pas de cadeau pour autant et il doit passer deux semaines en confinement à Manchester.

Fin novembre, Vince-la-scoumoune se blesse à nouveau. Le 14 mars 2008, il est prêté à Southampton (D2), sans succès. Le bilan de la saison est déprimant : un séjour en prison, un bracelet qui éclate, une libération avortée, un retour en prison, des blessures, onze matchs, zéro but. Entre temps, Stoke City est monté en Premier League et ne compte plus franchement sur lui. Vince se met à sévèrement gamberger.

A suivre…

Kevin Quigagne.

Le costume, marque d’élégance et de pouvoir, a-t-il une quelconque influence sur les joueurs d’une équipe dirigée par un entraineur qui en porte un ?

Il y a plus de trois ans, quelques lignes de la défunte gazette du TK (1) évoquaient, sur un ton potache, le rapport qu’entretenait le manager anglais avec le costume. Si l’on creuse un peu la réflexion, qu’en est-il de ce choix vestimentaire ? Que veut-il dire et quel effet produit-il ?

Avant toute chose, retraçons l’origine du costume-cravate tel qu’il est porté aujourd’hui, grâce au livre sinon exhaustif, du moins très complet de François Boucher, Histoire du costume en Occident. « Sans avoir subi de très grandes transformations, le costume masculin s’est pourtant rapproché, sous le Second Empire, de ce qu’il restera désormais. (…) C’est à la fin du règne qu’apparaît le complet – veston, pantalon et gilet de même tissu – mais cet ensemble restera lui aussi, jusqu’aux dernières années du siècle, considéré comme négligé, c’est-à-dire mettable seulement pour les sorties du matin, la campagne ou le voyage.

« L’éclat du régime relance le souci du costume, aussi bien à la cour qu’à la ville, par des détails changeants qui distinguent l’homme du monde : col de velours, basques allongées ou raccourcies, revers de soie, cravate étroite ou nœud assez large, faux-col soit évasé, soit droit et ride, soit encore rabattu.

« Les changements qui surviendront par la suite dans le costume masculin ne porteront que sur des détails de forme et de couleur : l’emploi de certaines parties de cet habillement se modifiera lui aussi, mais l’essentiel n’en sera pas sensiblement affecté.

« (…) L’un des changements les plus notables après 1850 a été le remplacement de l’habit de couleur par l’habit noir, porté avec des pantalons à carreaux moulant étroitement la jambe. (…) Quant à la cravate, sous les noms de régate ou plastron, elle se maintient dans les tons effacés et ne conserve qu’une place discrète, pâle souvenir de son rang d’autrefois. » (2)

« L’essentiel du costume masculin étant fixé depuis le début du XIXème siècle, seul le détail des formes évolue, sans qu’il soit possible d’étudier ses fluctuations autrement que par l’image. (…)

« Le veston devient d’un usage plus fréquent après 1870 et le complet – veston, gilet et pantalon de même tissu – entre en faveur après 1875, sans être toutefois considéré comme vêtement paré ; la jaquette et surtout la redingote sont seules admises pour les visites ou cérémonies de la journée.

« (…) C’est à Monte-Carlo que serait apparu, vers 1880, le dinner-jacket, dit smoking, adopté par les joueurs qui trouvaient fatiguant de rester toute la soirée en habit. Jusqu’à la mort du roi Edouard VII en 1910, il n’était pas admis en public : on le portait surtout à la campagne et dans les réunions d’hommes ; l’habit restait la tenue obligatoire en soirée ou au théâtre. » (3)

« Si nous survolons l’évolution du costume entre 1960 et 1980, la première impression est celle d’un appauvrissement. Les tenues d’apparat sont de moins en moins revêtues ; l’habit noir porté avec la chemise blanche et le col empesé n’apparait plus guère que dans les grandes cérémonies. (…) La cravate, bien que n’étant plus de rigueur avec les chemises polo, tend à devenir le symbole de la tenue de bureau contraignante, et est de plus en plus abandonnée aux heures de loisir. » (4)

Ainsi, si la symbolique du costume-cravate (distinction et domination) demeure aujourd’hui, celui-ci n’est toutefois réservé qu’aux fêtes cérémonieuses et aux grandes responsabilités. Une large majorité des managers de Premier League, quand bien même leur pouvoir s’est accru au fil des décennies, pourraient donc très bien s’en passer les jours de matchs et opter pour des vêtements plus souples et plus larges, dans lesquels ils pourraient davantage respirer.

Il se trouve cependant qu’une étude valide leur choix. Des scientifiques du sport de l’Université de Portsmouth ont étudié l’effet que peut avoir l’apparence de l’entraineur sur ses joueurs. Ils ont remarqué que les managers qui portent des costumes les jours de matchs et des survêtements les jours d’entrainement  sont les plus enclins à tirer le meilleur de leur équipe. Dr Richard Thelwell, responsable de l’étude (5) « Nous nous sommes aperçus que le vêtement porté par l’entraineur peut avoir un effet direct sur la perception de ses compétences par les joueurs. Un entraineur en costume laisse supposer une grande habileté, ce qui est, de toute évidence, idéal pour un match. Dans notre étude, les entraineurs portant un costume étaient perçus comme étant plus compétents sur le plan stratégique que ceux portant une tenue sportive, mais moins compétents sur le plan technique que ces derniers. » Ce qui viendrait justifier la tenue sportive des entraineurs adjoints, juste milieu entre le costume du manager et le maillot du joueur. On aurait donc, sur un même banc, le cerveau stratégique et les petites mains techniques.

Car, au fond, le costume-cravate n’est-il pas l’avatar moderne du sceptre royal ? Il représente la fonction si ce n’est suprême, du moins supérieur. Et le pouvoir doit impressionner, se faire admirer. Il use donc de stratagèmes, vestimentaires inclus, pour toucher les consciences. La hiérarchie d’un club de football ne contredit pas ce système.

Même s’il semble que, concernant certains managers, le costume ne fasse pas illusion de leur incompétence très longtemps. Peut-être un problème de coupe.

Tandis que, dans d’autres cas, nul besoin de porter la cravate pour se révéler être un brillant tacticien.

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(1) Leurs auteurs sont toujours les bienvenus parmi nous.

(2) p.367

(3) p.393

(4) p. 416

(5) Parue dans la revue International Journal of Sport Psychology, et qui a ciblé 97 hommes et femmes à qui on a demandé d’observer et de donner leur avis sur des images de quatre entraineurs différents.

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BONUS

Huit costumes différents, huit managers de Premier League. Retrouvez Martin Jol (Fulham), Alan Pardew (Newcastle), Mark Hugues (QPR), Alex Ferguson (MU), Steve Kean (Blackburn), Alex McLeish (Aston Villa), Andre Villas-Boas (Chelsea) et Roberto Martinez (Wigan) et inscrivez vos résultats en commentaires.

(Première ligne : 1-2-3 ; Deuxième ligne : 4-5-6 ; Troisième ligne : 7-8) (cliquez sur l’image pour agrandir)