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Cher Danny,

Je ne me remets pas de ton départ. Il m’attriste profondément et bouscule mes certitudes. Il est devenu le facteur déclenchant de mes récentes inquiétudes. Celles, notamment, de devoir supporter un club banal. Il y avait eu le limogeage de David, en avril dernier, mais je refusais d’y voir un signe avant-coureur. Je me disais que c’était un cas isolé, un faux-pas sans conséquence. Je me trompais.

Je suis d’autant plus attristé que je comprends les raisons qui t’ont poussé à partir. Tu te baladais tranquillement dans les couloirs de l’hôtel Overlook, Danny, on t’a vu grandir et progresser. Et soudain, cette année, deux frères jumeaux font face à toi et t’obligent à t’arrêter : Angel et Radamel. Ils te regardent en souriant. Tu as peur. Tu ne peux pas reculer. Mais tu ne peux plus attendre. Il y a d’autres enjeux. L’amour de ton club a des limites. Alors, tu fuis par une porte dérobée. Chambre 263. Celle d’Arsenal. Mieux que rien. Tu prétends avoir toujours regardé les Gunners à la télévision avec intérêt. Personne n’y croit, mais qu’importe. A Londres, on te fait confiance.

A Manchester, Alex a toujours compté sur toi. Il connaissait ton potentiel, il t’a couvé, chéri et a patiemment attendu ton éclosion. Si l’on s’en réfère aux standards actuels, elle est venue tardivement, mais c’est la force de Manchester United : former les jeunes, les prêter, les protéger, les faire jouer progressivement, et ne cesser de croire en eux. Au club depuis une quinzaine d’années, tu symbolisais toute la qualité de la formation mancunienne.

Je ne veux pas voir revenir Alex ; je souhaite seulement que les valeurs du club, dont il a hérité et qu’il a renforcées, soient perpétuées. Ton départ ne laisse rien augurer de bon dans ce sens, Danny. Le club est parmi les plus riches de la planète, et tend à le rester. Une deuxième année sans Coupe d’Europe serait vécue comme une catastrophe. Pléthore de pseudo-supporters se tourneraient alors vers des gagnants, le voisin City ou l’honni Chelsea. Les ventes de maillots dégringoleraient et, horreur !, le cours plongerait en Bourse. Pour anticiper, l’équipe dirigeante actuelle s’est mise en tête d’acheter des joueurs à prix d’or, dont le recrutement ne se justifie pas toujours sportivement et dont l’arrivée surprend en cette année de transition. Tout cela ne me dit rien qui vaille. Et le surnom de Van Gaalacticos, encore moins. Nous ne sommes pas une somme d’individualités, nous sommes censés être un collectif.

Tu sais, Danny, il y a encore peu de temps, supporter une équipe étrangère était mal perçu, en France. On t’accusait d’opportuniste ou de traître à la patrie. Les contempteurs ne comprenaient pas mon choix ; or, ce n’en est pas un. Ça m’est tombé dessus, sans que je me l’explique de manière rationnelle et datée. Sans doute ma passion pour Manchester United est-elle née au fil des images vues à la télévision et a-t-elle évoluée au gré des années et des joueurs qui ont arboré le diable rouge sur leur poitrine. Au fond de moi, et un peu bêtement, je préfère Cristiano Ronaldo à Messi, Veron à Riquelme, Van Nistelrooy à Inzaghi, et même Prunier à Thuram.

Je suis bien conscient que cette passion produit des sentiments très ambigus, et que ces griefs adressés aux nouveaux visages de mon équipe ne résisteront pas longtemps aux résultats positifs futurs. Mais toi, tu resteras à part, Danny. Bien qu’ils en retrouveront très vite, les gens qui t’ont poussé dehors ont perdu du crédit à mes yeux. Et je tâcherai de ne pas l’oublier.

Bonne route et à bientôt,

Matthew