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Le championnat anglais est assez unanimement considéré comme le meilleur au monde. Pourtant, non loin des stades démesurés et des clubs surmédiatisés et des stars surpayées, évolue une autre élite, au sein de ce même pays. Bienvenue en Irlande du Nord, où le football fleure encore bon la boue, le tacle et la bière d’après match, et où les joueurs sont payés en moyenne entre 100 et 300 £/semaine. Un reportage exclusif de notre envoyé spécial à Belfast, qui est allé voir un match pour les Teenage Kicks.

Tous les chemins mènent à Belfast

Curieusement, la fédération de football nord-irlandaise (IFA, pour Irish Football Association, à ne pas confondre avec la FAI, Football Association of Ireland, la fédé irlandaise) organisait à la fin du XIXe siècle et jusqu’en 1921 les compétitions de football de toute l’Irlande. Cependant, la plupart des clubs qui y évoluaient faisaient géographiquement partie de l’Irlande du Nord, et sont désormais rattachés au football nord-irlandais.
Lors de la première saison de l’Irish Football League, en 1890 (ce qui en fait le second plus vieux championnat au monde), les huit clubs étaient basés à Belfast ou dans sa banlieue, et il fallut attendre deux ans pour qu’une équipe hors de l’agglomération rejoigne le championnat, en l’occurrence Derry Olympic, même si elle fut reléguée à l’issue de la saison.
Dans les années 1900, plusieurs équipes de Dublin rejoignirent l’Irish Football League, les Bohemians (qui se retirèrent en 1911 mais furent réintégrés l’année suivante), Shelbourne et Tritonville. Le football irlandais était alors concentrés dans ces deux villes, si bien que lors de la séparation des deux ligues en 1921, Glenavon était le seul club de l’élite nord-irlandaise à n’être pas basé à Belfast.
À partir des années 1920, le football nord-irlandais commença à s’étendre au-delà de la capitale, mais il fallut attendre 1952 pour qu’un club hors de Belfast (Glenavon, une fois de plus) remporte le championnat.
Depuis, l’hégémonie Belfastienne s’exprime moins clairement, même si, lors de la saison 2011-2012, cinq des douze clubs de l’élite nord-irlandaise sont basés dans la capitale, ce qui donne lieu à un sacré paquet de derbys.
Au total, des 110 saisons d’IFA Premiership (ou de ses prédécesseurs) disputées, seules dix ont été remportées par des clubs non issus de Belfast.

Rivalités

L’Irlande du Nord est particulièrement marquée par des clivages religieux. Même si le climat s’est assaini depuis quelques années, il fut une époque ou une rencontre de football entre un club catholique et un club protestant était une vraie opportunité de déclencher une petite guerre civile.
Le meilleur exemple est Derry City. Basé à Londonderry, ce club catholique (qui refusa d’inscrire « London » dans son nom) a évolué de 1929 à 1972 en IFA. Les quarante premières années du club dans le championnat nord-irlandais se sont passés plus ou moins sans anicroche, Derry City remportant même le titre en 1965. Mais à partir de 1969, la politique s’en mêla. Les combats violents de l’époque l’étaient particulièrement aux abords du Brandywell Stadium. Le stade se trouvait dans une zone urbaine à majorité républicaine et où se déroulaient les scènes les plus violentes des Troubles, de nombreux supporters des autres clubs commencèrent à refuser de se rendre aux matches. La police royale nord-irlandaise déclara en septembre 1971 la zone insuffisamment sécurisée et interdit au club d’organiser ses matchs à domicile dans son propre stade, et de les délocaliser à Coleraine, une trentaine de kilomètres au nord, dans une zone majoritairement unioniste. Plus d’un an après, et alors que les supporters ne se rendaient plus aux matchs de leur équipe pour des raisons politiques et que le club commençait à couler financièrement, la police royale nord-irlandaise revint sur sa décision, le stade n’étant plus considéré comme plus dangereux que n’importe quel autre stade du championnat. Cependant, les autres clubs du championnat refusèrent à l’unisson de se déplacer à Derry, entraînant le 13 octobre 1972 le retrait du club de la ligue nord-irlandaise.
Heureux épilogue, le club évolue désormais, et depuis 1985, dans le championnat irlandais, bien qu’étant géographiquement situé de l’autre côté de la frontière, et est l’un des rares clubs au monde à avoir remporté les championnats de deux pays distincts.
Auparavant, lors du Boxing Day de 1948, le Belfast Celtic avait été victime d’une situation similaire. Lors du match contre Linfield, le Celtic ouvrit le score mais fut rejoint à le dernière minute. Les supporters de Linfield envahirent alors le terrain et attaquèrent plusieurs joueurs du Celtic, cassant notamment la jambe à l’avant-centre Jimmy Jones. Les sanctions énoncées plus tard par la fédération envers Linfield furent ridiculement faibles, ce qui força le Celtic à se retirer du championnat, car la sécurité de ses joueurs n’était plus assurée. On ne revit plus jamais le Belfast Celtic en compétition.
Il n’y a désormais plus que deux clubs catholiques assumés dans l’élite nord-irlandaise, Donegal Celtic, et Cliftonville, dont le North Belfast Derby avec les Crusaders, club protestant, provoque souvent des dégâts, humains et matériels.
Autres rivalités actuelles, Linfield-Cliftonville et Linfield-Glentoran. Autant la première rivalité saute aux yeux quand on sait que Linfield est le grand club protestant et unioniste de Belfast, autant la seconde est due aux palmarès respectifs des deux clubs, les plus titrés d’Irlande du Nord. Linfield, c’est cinquante titres de champion et vingt places de second, et Glentoran vingt-trois titres et autant de secondes places.

Matchbox

Et justement, lors du week-end du 15 octobre, où j’étais à Belfast, se jouait la rencontre au sommet entre un Glentoran poussif en ce début de saison et un Linfield déjà bien lancé en championnat.
C’est donc tout logiquement que, après concertation avec mes trois compagnons, nous décidâmes d’aller assister au match Crusaders-Ballymena

Crusaders F.C.

Historique et palmarès

Présent dans l’élite depuis 1949, suite au retrait de Belfast Celtic, ce club du nord de Belfast a remporté quatre fois le championnat et trois fois la coupe. Depuis quelques années, le club truste le haut de tableau et a terminé second l’année dernière, ainsi que finaliste de la coupe. Cette saison, les Crues ont participé au second tour préliminaire de la Ligue Europa, où ils ont rencontré Fulham contre qui ils ont subi une élimination logique (1-3 à domicile, 0-4 à Craven Cottage).

Le joueur à suivre : Colin Coates
Portant le numéro 6, ce rugueux défenseur central formé au club en est aussi le capitaine. Ayant fêté ses 26 ans hier (tout dépend de quand vous lisez cet article, « hier » correspond au 26 octobre), il a évolué six fois avec l’équipe nationale nord-irlandaise, ce qui en fait le joueur le plus capé de l’histoire du club.

Ballymena United F.C.

Historique et palmarès

Situé à une quarantaine de kilomètres de Belfast, l’équipe de Ballymena n’a jamais remporté le championnat nord-irlandais, mais possède six coupes nationales à son palmarès. Neuvième la saison précédente, le club s’appuie sur le soutien indéfectible du Sky Blue Crew, son kop qui l’accompagne partout. Le principal rival du club est le Coleraine F.C., une rivalité géographique dont le derby est programmé chaque année pour le Boxing Day.

Le joueur à suivre : Gary McCutcheon
L’attaquant de poche (1m68) de 33 ans est un des rares étrangers dans le championnat nord-irlandais. Le numéro 9 écossais est actuellement le meilleur buteur du championnat, avec 12 buts au compteur.

Le stade

Le Seaview Football Ground est un stade d’environ 3000 places, toutes assises évidemment, implanté au coeur d’un quartier résidentiel du nord de Belfast. Il a été le premier à être équipé d’une pelouse artificielle, en 2009, ce qui a bien été utile au club puisque la journée suivant l’installation du synthétique a été reportée sur tous les stades, sauf celui-ci.

Le match

Il ne fallait pas arriver en retard au Seaview Football Ground ce samedi 16 octobre (j’aime les formules toutes faites), puisque le match a débuté sur les chapeaux de roues.
Dès la 4e minute, l’ailier droit Aaron Boyd a ouvert le score pour Ballymena d’une frappe lointaine, et grâce à la bourde du portier des Crues Sam O’Neill.
Heureusement pour les locaux, Jordan Owens, attaquant titulaire en l’absence de Timmy Adamson a égalisé trois minutes plus tard de la tête suite à une bonne déviation de David Rainey sur un centre de Stuart Dallas.
Le tournant du match est survenu à la 22e minute, lorsque le gardien de Ballymena, Wayne Drummond, a pris à la main une passe en retrait d’un de ses coéquipiers, jugée volontaire par l’arbitre malgré les protestation des Sky Blues. Il n’en fallait pas plus aux Crusaders pour prendre l’avantage, le tir d’Aidan Watson sur le coup-franc en retrait de Gargan étant dévié par Owens, qui inscrivait son doublé.
La mi-temps était ensuite sifflée sur ce score de 2-1 pour les locaux après une première période faible en jeu mais forte en rebondissements.

une touche.

Le plus beau geste technique du match : une touche.

La seconde période reprenait sur les mêmes bases, et à l’heure de jeu, Coates, resté aux avant-postes après un corner, héritait de la balle au second poteau, libéré de tout marquage. Il prit le temps d’ajuster Drummond d’une superbe demi-volée du gauche pour porter le score à 3-1.
À un peu plus d’un quart d’heure de la fin du match, Davy Munster entretenait l’espoir pour les visiteurs, en réduisant la marque de la tête, sur corner.
Le dernier quart d’heure allait être complètement fou.
Tout juste entré en jeu, Chris Morrow se rendait coupable d’une faute dans la surface, et l’arbitre désignait le point de pénalty pour Ballymena.
Le meilleur buteur du championnat, Gary McCutcheon s’avançait alors face à O’Neill pour égaliser, mais son tir sur la gauche du gardien était repoussé par celui-ci.
À dix minutes du terme, Colin Coates était sanctionné d’un rouge direct pour un tacle violent sur Teggart, condamnant son équipe à finir le match en infériorité numérique.
Cependant, les Crusaders tinrent bon et remportèrent le match dans la douleur.

Résumé video du match ici.

Accueillant, non ?

Les équipes et les temps forts

Crusaders : Sean O’Neill – Gareth McKeown, Colin Coates (c), David Magowan, Ciaran Gargan – Declan Caddell, Matt Hazley (David McMaster 60′), Aidan Watson, David Rainey (Chris Morrow 75′), Stuart Dallas – Jordan Owens (Paul Leeman 80′)
Ballymena : Wayne Drummond – Curtis Woods, Mark Surgenor, Aaron Stewart, Richard Vauls (Tony Kane 83′) – Davy Munster, Conor Downey (Eamon Murray 62′), Allan Jenkins (c), Alan Teggart, Aaron Boyd (James Costello 49′) – Gary McCutcheon
Buts : Owens (7′, 20′), Coates (61′) – Boyd (4′), Munster (73′)
Avertissements : Watson (57′), Morrow (76′) – Vauls (39′), Surgenor (71′)
Expulsion : Coates (79′)

L’après-match

Après le match, nous nous rendîmes dans le Club House, où nous eûmes la chance de discuter avec Colin Coates autour d’une pinte, qui nous confia qu’il savait que son gardien allait arrêter le penalty de McCutcheon, « il était obligé de le faire vu sa bourde du début de match ».

Pan Bagnat.

Attention. Un drapeau français se cache dans cette image. Sauras-tu le trouver ?

Attention. Un drapeau français se cache dans cette image. Sauras-tu le trouver ?

PS : Je remercie mes trois compagnons de virée, Christophe, Ludo et Thomas, sans qui rien n’aurait été possible. Si vous voulez en savoir plus sur l’avant-match, l’après match ou le week-end entier à Belfast, rendez-vous dans quelques jours sur le site de la Ventre Mou’s League.