Liverpool, tellement plus qu’un club. Une institution, un mythe, une terre de légendes. Ville et football ne font qu’un : on y cultive le souvenir autant que l’espoir. Un club qui prend aux tripes et ne lâche plus. Jamais. Présentation de son Hall of Fame version Teenage Kicks.

Dans quelques semaines, le site de football britannique Hat-trick verra le jour. L’une des originalités de Hat-trick sera ses « fiches de club », où le Hall of Fame occupera une place de choix. Par manque de disponibilité, je ne pourrai être de l’aventure mais quand Romain Molina, créateur du site, me demanda en juin dernier si je voulais rédiger quelques fiches, je lui dis OK et choisis immédiatemment Liverpool, mon tout premier club anglais de coeur. Romain me conseilla d’aligner quantativement mon texte sur les autres fiches, 5 000 signes environ. OK, lui répondis-je sans trop réfléchir (« 5 ou 6 000 on a dit ? T’en fais pas, pas de problèmes » ajoutais-je pour le rassurer, le sentant quand même un poil tendu…).

Un mois plus tard, je le priais de m’excuser : j’avais pondu un pavé de presque 25 000 signes, sans m’en rendre compte. Il le comprit parfaitement car j’avais une excuse en béton : LFC a un tel vécu que les calibres standards sont ri-di-cu-le-ment inopérants. Alors en avant-première de la naissance de Hat-trick, le Hall of Fame LFC, à ma sauce.

[Cliquer sur les photos peut rapporter gros]

Le Hall of fame TK du Liverpool FC

[Nb: Etant donné la pléthore de grands joueurs/entraîneurs Reds, impossible d’inclure pour diverses raisons tous ceux qui auraient légitimement leur place ici. On pense notamment à Chris Lawler, Ian St John, Phil Neal, Jimmy Case, Gerry Byrne, Peter Thompson, Ray Kennedy, Steve Heighway, Bruce Grobbelaar, Terry McDermott, Alan Kennedy, Mark Lawrenson, Joe Fagan, John Toshack, John Aldridge, Jan Molby, Jamie Carragher, Xabi Alonso et Fernando Torres. Pour complément d’infos, consultez le Hall of Fame officiel et cette page ainsi que 100 Players Who Shook The Kop].

Elisha Scott (1912-1934), gardien, 467 matchs, 31 capes nord-irlandaises. Considéré par certains comme le plus grand portier du club (avec Ray Clemence) et comme celui qui généra les tous premiers chants pour un joueur à Anfield (« Lisha, Lisha »). Rejeté par Everton à 18 ans car jugé trop jeune et trop petit (1m75), « Lisha » était un personnage haut en couleurs et maladivement compétitif qui entretint longtemps une féroce rivalité avec Dixie Dean, le fantasque avant-centre d’Everton aux 395 buts Toffees – inscrits avec un seul testicule, il convient de préciser (Everton, où le frère d’Elisha Scott joua d’ailleurs pendant 8 ans). Pour le centenaire de ses débuts Reds le premier janvier 1913, un documentaire d’une heure intitulé « Lisha, The first King of the Kop » fut réalisé.

ça mérite une mention spéciale même ici dans le temple Red

395 pions avec une seule burne: ça mérite une mention spéciale même ici dans le temple Red

Billy Liddell (1938-1961), avant-centre/ailier gauche/inside-forward (inter), 537 matchs/229 buts, 28 capes écossaises. Considéré par les vieux supporters Reds comme le joueur le plus talentueux de l’histoire du club. Et c’est une légende de Manchester United que le peuple Red doit remercier pour Billy : Matt Busby. C’est en effet ce dernier qui repéra en Ecosse, par hasard, ce discret gamin de 16 ans. Busby, alors capitaine du LFC, insista auprès de son manager pour le faire venir.

Puissant, rapide et doté d’une belle frappe, Liddell fit ses débuts professionnels en janvier 1940, sous les bombes de la Luftwaffe (malgré le Liverpool Blitz – plus de 4 000 victimes d’août 1940 à mai 1941 – le club continua de jouer à Anfield), ce qui n’empêcha pas le jeune Billy de marquer lors de son tout premier match à domicile, devant 2 000 spectateurs (capacité réduite à cause des risques de bombardement).

Pendant vingt-trois ans, Liddell fit tellement vibrer Anfield que sa popularité dépassa celle du club, qu’on surnomma « Liddellpool » dans les Fifties, les moins glorieuses de l’histoire du club. Sérieux et appliqué (jamais averti, jamais une goutte d’alcool et faisait dans le caritatif à ses heures perdues), Liddell continua à travailler comme comptable – à mi-temps – dans une entreprise de la ville la majorité de sa carrière !

On continua de jouer au football pendant la Seconde Guerre mondiale, en Wartime League (ici à The Valley, Charlton Athletic, où un soldat surveille les airs)

On continua de jouer au football pendant la Seconde Guerre mondiale, en Wartime League (ici à The Valley, Charlton Athletic, où un soldat surveille les airs)

Roger Hunt (1958-1969), avant-centre, 492 matchs/286 buts (dont 245 en championnat, record du club). 34 capes anglaises, 18 buts (champion du monde 1966). Avec Ian St John, le vif et puissant Hunt fut le principal fer de lance de la révolution Shankly à partir du début des Sixties et, à ce titre, occupe une place de choix dans le coeur des supporters Reds. Sans ses wagons de buts, pas sûr que Liverpool se soit extirpé de la D2 où le club végéta de 1954 à 1962. Saison 1961-62, Hunt signa 41 buts en autant de matchs de championnat !

Deux ans plus tard, en 1964, LFC devenait champion d’Angleterre après une longue période de vaches maigres (Hunt : 31 buts en 41 matchs). Vainqueur de la FA Cup en 1965 – la première du club, buts de Hunt et St. John -, puis de nouveau Champion national en 1966 où Hunt s’illustra de nouveau : 30 buts en 37 matchs de championnat. Intronisé au English Football Hall of Fame en 2006.

Bill Shankly (1958-1974), écossais, le plus grand manager de l’histoire du club, 609 matchs (319 victoires, 152 nuls, 138 défaites). Quand « Shanks » débarqua à Liverpool en décembre 1959 fort d’une dizaine d’années d’expérience, le club touchait le fond. Non seulement LFC végétait en D2 depuis 1954 (pour la première fois de son histoire) mais le moral était à zéro et les installations indignes d’un grand club : le centre d’entraînement de Melwood n’avait qu’un seul robinet, deux préfabriqués et les joueurs devaient se changer et doucher à Anfield via un système de navettes… Et pour ne rien arranger, Everton pétait la santé parmi l’élite (5è et 4è début années 60 et titre en 1963).

Shankly persuada un directoire somnolent de mettre la main à la poche et bâtit une équipe capable de jouer les premiers rôles, notamment en se débarrassant d’une vingtaine de joueurs dès la première saison et en utilisant la réserve et le centre de formation du club, qu’il restructura totalement. Sous sa houlette, LFC décrocha trois titres nationaux, deux FA Cups et une Coupe UEFA (ainsi qu’une finale de Coupe des coupes en 1966 et une élimination de justesse – et controversée – en demi-finale de la Coupe d’Europe des clubs champions contre l’Inter Milan en 1965). Créa la légendaire Boot Room (voir « Particularité » dans le volet suivant).

En juillet 1974, à la surprise générale, Shankly annonça sa retraite immédiate (il se dit fatigué après 40 ans dans le football). A sa disparition d’une crise cardiaque en 1981 (à 68 ans), ses cendres furent dispersées sur la pelouse d’Anfield, devant le Kop. De hautes grilles portant son nom (les Shankly Gates) ainsi qu’une statue sont visibles devant Anfield.

Bob Paisley (1974-1983), 535 matchs (308 victoires, 132 nuls, 96 défaites). Trop souvent injustement oublié ou ignoré hors Merseyside (réduit au rôle de « gestionnaire de l’héritage Shankly » comme l’écrit justement feu le site kick and rush), Paisley est pourtant l’un des managers les plus titrés de l’histoire du football : 6 championnats, 3 C1, 1 C3 et 3 Coupes de la Ligue.

Latéral droit Red de 1939 à 1954, il ne connut que Liverpool FC dans sa carrière professionnelle et son association avec le club s’étend sur plus d’un demi siècle (entraîneur de la réserve, kiné, etc.). Quand Shankly annonça sa retraite en juillet 1974, le directoire se tourna vers lui, alors âgé de 55 ans, l’adjoint taiseux de Shanks-le-charismatique, et le persuada de prendre ce job dont il ne voulait pas (Shankly insista aussi pour qu’il prenne sa relève). Sa première allocution hésitante aux joueurs illustra sa réticence :

« Bon, ben, je ne voulais pas de ce poste mais maintenant que je suis là, va bien falloir s’y mettre. De toute manière, faut bien qu’il y ait un entraîneur. Cela dit, c’est sans doute provisoire »

Ses points forts étaient la tactique, la détection, le recrutement (il fit notamment venir Kenny Dalglish, Alan Hansen, Ian Rush et Graeme Souness) ainsi que le timing dans le recrutement : il savait exactement quand il fallait se séparer d’un joueur et n’avait pas peur de pousser les anciens vers la sortie ou la retraite (ce qui fut reproché à Shankly sur la fin) et ainsi renouveler l’effectif. En outre, Paisley connaissait parfaitement le club et, grâce à sa connaissance intime du jeu, des joueurs et du corps humain (il fut un kiné très réputé), il s’attacha à faire progresser certains (tel l’attaquant Ray Kennedy, qu’il repositionna milieu gauche) plutôt que de chercher à les vendre.

Réservé et taciturne, ce bon Bob ne manquait cependant pas d’humour. Ayant participé à la libération de Rome par les Alliés en juin 1944 en tant que « Desert Rat » (contre l’Afrika Korps de Rommel en Afrique du Nord), quand Liverpool disputa sa première finale de C1 en mai 1977 dans la Ville Eternelle, il s’exclama (en admirant le Colysée de l’autocar des joueurs) : « Ah tiens, la dernière fois que je suis passé par ici, j’étais assis sur la tourelle d’un char ». Disparu en février 1996 (maladie d’Alzheimer), l’ex maçon de Sunderland a été intronisé au English Football Hall of Fame dès sa création en 2002. Tout comme Shankly, des grilles portent son nom devant Anfield.

Ian Callaghan (1960-1978), ailier droit/milieu central, 857 matchs/69 buts, 4 capes anglaises (fit partie du groupe Coupe du monde 1966). Détenteur du record de matchs du LFC ainsi que du nombre d’apparitions en FA Cup (88), « Cally » est le seul joueur à avoir vécu l’intégralité de la formidable épopée Red [1], de 1960 (début de la « Shankly revolution ») aux grands triomphes européens sous Bob Paisley à la fin des années 1970. Il fut aussi le premier Red à être élu Footballer of the Year par la Football Writers’ Association, en 1974.

Eut la lourde tâche de faire oublier le légendaire Billy Liddell et il ne fit pas les choses à moitié : en avril 1960, à 17 ans, pour son premier match il eut droit à une standing ovation du stade, des 22 joueurs et même de l’arbitre ! En 1970, une blessure au genou le força à se repositionner au coeur de l’entrejeu et le club dut faire venir de Scunthorpe un p’tit jeune prometteur pour continuer d’assurer l’animation offensive : Kevin Keegan.

Kevin Quigagne.

A suivre.

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[1] Tommy Smith, arrivé au club à 15 ans en 1960, pourrait éventuellement lui être associé mais « Anfield Iron » ne fit ses débuts qu’en 1962.

5 commentaires

  1. reda-kun dit :

    Excellent comme toujours !

    Callaghan a eu droit a une standing ovation à cause de sa performance lors de son premier match ?

  2. Kevin Quigagne dit :

    Oui, le 16 avril 1960 contre Bristol Rovers (LFC était alors en D2), à l’âge de 17 ans. Shanks était en place depuis 4 mois et l’avait lancé dans le grand bain (après 4 matchs avec la réserve) car fin de saison et plus rien à jouer pour LFC, les Reds avaient raté la montée.

    Callaghan (alors apprenti chauffagiste) raconte d’ailleurs une anecdote amusante sur son premier match (je ne sais plus où je l’ai lue ou entendue, peut-être dans son autobio, « Cally on the ball »). Il habitait Toxteth et se rendit au match… en bus, avec tous les supps. Il y avait une longue queue et comme il était à la bourre, Cally demanda s’il pouvait passer devant tout le monde, et sortit la plus belle raison imaginable pour griller tout le monde dans la file :

    « Monsieur le chauffeur, je peux passer devant tout le monde svp ? Je suis en retard pour le match à Anfield et comme je serai sur la pelouse, je vais me faire engueuler par Monsieur Shankly si j’arrive en retard ! »

    Là-dessus, il eut droit à un traitement de faveur évidemment.

    Liverpool gagna 4-0, Cally sortit un match de rêve et les 27 317 spectateurs lui firent une standing ovation, puis les joueurs de Bristol Rovers, ses propres coéquipiers et les arbitres !

    http://www.lfchistory.net/players/player/profile/274

  3. reda-kun dit :

    Une autre époque !

  4. fletch dit :

    Super article, merci.

    Juste un petit rectificatif, si je puis me permettre: Paisley n’a pas gagné la C2 (le seul trophée qui nous manquera toujours…) mais une C3 (en 1976).

  5. Kevin Quigagne dit :

    Merci fletch, c’est rectifié.

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