Euro 1992, 17 juin 1992. Tomas Brolin signale son entrée fracassante sur la scène internationale en éliminant l’Angleterre d’un but classieux. Quelques années plus tard, le golden boy du foot suédois deviendra l’un des transferts les plus calamiteux de l’histoire du football anglais. Avant l’Angleterre-Suède de vendredi, TK revient sur les années fish & chips du poupin suédois.

Veni, vidi, floppi. Il est venu, il a vu, il a coûté la peau du cul et il a spectaculairement déçu. Brolin, c’est l’histoire d’un mec qui, à force de malbouffe et d’embrouilles ahurissantes avec le staff de Leeds United, a fini par se crasher dans la vitrine Hall of Shame du foot briton, la bedaine la première. L’Angleterre devait être sa consécration, elle sera son tombeau. Une consolation : Brolin mettra à profit ses foireuses années anglaises pour accoucher d’une après-carrière baroque ‘n’ roule.

Le nouveau Billy Bremner

Euro 1992. L’Angleterre s’incline face à la Suède (2-1), sur un joli but d’un minot de 22 ans, très technique et extrêmement prometteur : Tomas Brolin. Ce dernier évolue à Parme et finit co-meilleur buteur de la compétition, avec trois réalisations. Le Guldbollen (meilleur joueur suédois) 1990 et 1994 brillera également à la Coupe du Monde états-unienne (où la Suède finira troisième) et figurera dans l’équipe Fifa du tournoi (ici).

En Italie, Brolin permet aux Parmesans d’atteindre les sommets européens (deux coupes européennes en 1993 et 1995, une finale en 1994, ici).

L’ambitieux Leeds United flashe alors sur l’élégant et combatif Scandinave et, le 7 novembre 1995, l’affaire est dans le (gros) sac. Les supporters des Whites s’emballent et certains journalistes lui collent l’étiquette facile du « nouveau Bremner » (élu Leeds United Greatest Player il y a quelques années). Un label-fardeau qui fait aujourd’hui sourire.

Certes, on se dit bien dans le Yorkshire que quelques séances au WeightWatchers local ne feraient pas de mal au boudiné Scandinave (les blessures aidant, il a dégusté toutes les variétés de prosciutti di Parma) mais on semble sûr de tenir l’affaire du siècle. Même si Brolin traîne divers pépins physiques (dont les séquelles d’une sérieuse blessure à la cheville de novembre 1994 qui l’immobilisera cinq mois), les dirigeants du club se disent que quelques entraînements bien ciblés corrigeront tout ça.

C’est donc un Howard Wilkinson (manager) radieux qui récupère Brolin, en espérant l’associer à Tony Yeboah. Wilko déclare :

« C’est un joueur de grande classe et je suis sûr qu’il s’avérera être une superbe acquisition pour Leeds. Je suis persuadé qu’il sera un excellent partenaire pour Tony Yeboah. »

L’attaquant ghanéen surenchérit :

« Je suis certain que Tomas et moi, on s’entendra super devant. C’est véritablement un joueur de classe mondiale. Il sait tout faire, combiner, marquer et faire le lien avec les autres joueurs. Nos adversaires auront beaucoup de mal à défendre contre nous. »

Homard ‘n’ chips m’a tué

Les deux premiers mois sont conformes aux prévisions, même si sa première réalisation, un but gag, pourrait laisser planer le doute. Brolin joue en 10 derrière Yeboah et les supporters Whites chantent son nom. Le 24 décembre 1995, Leeds bat Manchester United 3-1, avec un Brolin de feu, impliqué dans les trois buts. Il marque aussi, dont un beau doublé contre West Ham le 13 janvier 1996 (Homme du match).

Tout se présente donc idéalement. Sauf que pendant les fêtes, Tomas a découvert le fish ‘n’ chips. Il a d’abord fait connaissance avec le cabillaud-frites de base, puis, en fin gourmet, il s’est mis à la version upmarket. Les ennuis sérieux commencent alors pour celui que les supporters surnomment désormais « Tubby » (le potelé). C’est le début d’une invraisemblable saga.

Le club essaie de le mettre à la diète mais rien n’y fait. Leeds-Bradford est LA mecque du combo cabillaud-frites-purée de petits pois (la célèbre chaîne Harry Ramsden’s est née ici) et notre Brolin devient accro aux produits du terroir.

La forme déclinant, Brolin s’embrouille régulièrement avec l’intransigeant Howard Wilkinson, surtout pour des histoires de positionnement. Le Suédois rechigne à jouer milieu excentré. En janvier 2012, revisitant son passé, il déclare au magazine Suédois Offside :

« A Leeds, au bout de six ou sept matchs, Wilkinson m’a dit de coulisser à droite et faire la mobylette comme un idiot. Je n’aimais pas ça alors j’avais décidé d’être nul à chier le match suivant, contre Liverpool. »

Un défi largement réussi, Leeds se prend 5-0 contre les Reds et Brolin, comme il l’avait rêvé, sort un vrai shocker (prestation de boulet).

Le divorce est consommé (avec beaucoup de rab)

Entre autres critiques, Wilkinson lui reproche son manque de travail défensif. Brolin réplique qu’il est milieu offensif créatif et lui fait comprendre qu’il ne sera jamais trop partant pour participer aux vulgaires besognes défensives. Wilko insiste mais rien n’y fait. Les deux hommes vont au clash.

Leeds perd patience et, en fin de saison 1995-96, le club décide de le prêter, non sans que Brolin ait voulu jouer au plus malin lors d’un poisson d’avril qui s’est mordu la queue… Brolin avait en effet arrangé une fausse interview avec une télé suédoise où il annonçait son prêt au IFK Norrköping (la hiérarchie de Leeds n’avait guère goûté le gag).

Problème : on ne se bouscule pas au tourniquet pour le récupérer. Leeds, exaspéré, arrête carrément de lui verser son salaire (60 000 £ / mois). Finalement, le 20 août 1996, le FC Zurich prend pitié et lui offre gîte et gros couvert, dans le cadre d’un court prêt (initialement prévu pour durer six semaines). Mais la miséricorde se paie cash, son salaire hebdomadaire dégringole au Smic suisse du footballeur : 800 £. Brolin en est arrivé à un point de non-retour avec Leeds et veut rester chez les Helvètes, au moins jusqu’à la trêve hivernale.

Début octobre 1996, après avoir fini à une décevante treizième place (en Premier League) la saison précédente, Leeds flirte désormais avec la zone rouge. L’heure est aux mesures de desperado et George Graham, le nouvel entraîneur, a besoin de toutes les forces vives et molles pour améliorer la situation. Localement, la grogne monte. Après un début de décennie fulgurant (dont le titre en 1992), Leeds est en perdition et il faut reconstruire l’édifice.

Le seul élan qu’il prend, c’est dans le pare-brise

Même si Graham nourrit de sérieux doutes sur le niveau de commitment de Brolin, l’Écossais souhaite lui donner sa chance. Il compte l’associer à Tony Yeboah et au vieillissant Ian Rush. Quelques joueurs clés sont partis (dont Gary Speed et Gary McAllister) et Graham s’agite pour récupérer Brolin. Mais ce dernier fait de la résistance en Suisse où il a découvert l’Emmental et les joies de la raclette (il ne joue quasiment pas).

Pendant des semaines, Leeds ne parvient pas à contacter directement le joueur (tout passe par son agent) et le club, qui veut lui faire passer un examen médical approfondi, menace de le poursuivre en justice s’il ne rapplique dans le Yorkshire avant le 6 novembre. Toutefois, au lieu de prendre la direction du nord, Brolin file en Italie pour un examen médical en vue d’un prêt à la Sampdoria (recalé). Décembre arrive et toujours pas de Brolin dans le « Comté de Dieu » (God’s own county, surnom occasionnel du Yorkshire).

Brolin, au téléphone avec son entraîneur : « Désolé coach, impossible de vous rejoindre, un oiseau m’a éclaté le pare-brise en allant prendre mon avion. »

Oui, oui coach, je vous assure, un gros oiseau...

« Si, si coach, je vous assure, énorme l'oiseau, on aurait dit un wapiti... »

Noël 1996, Le Suédois se signale enfin, lourdement : il sort 500 000 £ de sa poche pour retourner à Parme (en prêt) au lieu de regagner Leeds. Il ne jouera qu’une dizaine de matchs en Italie. Le torchon (et toute la cuisine) brûle désormais entre lui et George Graham (Brolin, sur l’Écossais : « Il est encore plus con que Wilkinson. »).

Fin juin 1997, son prêt transalpin expiré, Brolin est dans l’obligation contractuelle de retourner à Leeds pour être de la tournée suédoise des Whites. Mais à la reprise de l’entraînement au premier juillet, point de Tomas…

Ce dernier explique avoir raté son avion à cause d’un oiseau qui lui a éclaté le pare-brise en se rendant à l’aéroport (ce qui semblera se vérifier). Les tabloïds anglais, guère portés sur la zoologie analytique, rapportent que Brolin est entré en collision avec un élan…

Un incident qui déclenche l’hilarité générale. Sauf à Elland Road. Au bout du fil, George Graham n’est ni d’humeur à lui refiler le numéro du Carglass local ni enclin à prendre des nouvelles du pauvre caribou distrait. L’irascible Scot est au bord de l’explosion.

A suivre…

Kevin Quigagne.

5 commentaires

  1. The Monk dit :

    Encore une victoire de Kevin ! Merci pour ces grands moments du foot anglais que tu nous rappelles. Puisse cette expérience servir d’exemple pour tous les supporters qui rêvent que leurs clubs recrutent la dernière starlette dans le vent…

    (Dédé Gignac, si tu m’entends…)

  2. iPee dit :

    Je lis tous les articles de ce blog passionnant et incroyablement documenté. Mais alors un article sur Brolin, c’est l’apothéose pour moi qui est toujours inexplicablement était un fan de ce joueur que je n’ai jamais vu jouer de ma vie.

    Merci beaucoup pour ça, c’est vraiment génial. Vivement la suite 🙂

  3. pablitoslfc dit :

    Excellent, à l’image du reste de ce site. On en veut plus!

  4. Sonic dit :

    Superbe article qui m’explique un peu mieux la disparition de ce joueur que j’appréciais depuis cet Euro suédois et le Parme de la première moitié des 90’s. Ne suivant pas le foot anglais à cette période, je pensais même qu’il n’avait jamais repris après sa blessure. J’ai encore en tête une photo du tacle qu’il subit lui occasionnant cette blessure, brr…

    Merci et vivement la suite! 🙂

  5. Kevin Quigagne dit :

    Merci à tous. Suite et fin dans quelques heures.

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