L’effervescence footballistique des derniers mois a balayé un évènement remarquable : Vincent Péricard a raccroché les crampons.

Fin février, celui que les médias anglais aiment à présenter comme un « ex Juventus striker » a dit stop. Basta. A seulement 29 ans. Ou plutôt c’est son club de Havant & Waterlooville (mini cylindrée de D6 anglaise) qui l’aurait envoyé à la retraite anticipée en décidant, fin décembre 2011, de ne pas prolonger son contrat de trois mois. Une fin brutale pour un chasseur de buts qui fit jadis rêver dans certaines chaumières reculées de l’Angleterre profonde.

Suite et fin de la saga. Résumé de la fin de l’épisode précédent (ici) : Vince s’est relancé chez les routiers trempés de Carlisle United et a refusé leurs avances pour signer au pays du sens giratoire déjanté, Swindon (D3).

Charlie Austin à défaut de Steve Austin

Mi janvier 2010, Vince n’a même pas eu le temps de faire sécher ses fringues de Carlisle que cette foutue poisse frappe à nouveau : il se claque juste avant son arrivée à Swindon Town. Le club est ambitieux (ex PL – saison 1993-94 -, des structures et un public de D2) et la pression est prégnante. Vince estime avoir précipité son retour sur les terrains (ici) :

« Je voulais absolument faire bonne impression et j’ai repris trop tôt. Je sentais et entendais la frustration des supporters à mon égard, surtout que dans le même temps mes deux coéquipiers Charlie [Austin] et Billy [Paynter] affolaient les compteurs. C’est sûr qu’à ce niveau-là, je n’avais aucune chance de soutenir la comparaison avec eux. »

Analyse ô combien lucide. A défaut de se métamorphoser en Steve Austin, comme lui avait prédit le grand expert Julien Courbet (voir première partie), Vince est associé à Charlie Austin, buteur prolifique qui évoluait l’année précédente en D9. Mais si Austin et Paynter (l’autre canonnier de service) cartonnent, Vince reste muet pour sa première saison avec les Robins (16 matchs, dont 14 comme remplaçant).

Le public le prend sérieusement en grippe. Le manager (Danny Wilson) et ses coéquipiers doivent régulièrement monter au créneau dans la presse locale pour défendre le Soldat Péricard. Tout le club se mobilise pour appeler les supporters à la patience et l’indulgence.

Les bons résultats du club finissent par étouffer la grogne anti-Vince. Grâce aux 46 buts d’Austin et Paynter, Swindon finit 5è et accroche les play-offs pour la montée en D2 (défaite contre Millwall en finale).

Intersaison 2010-2011. Billy Paynter parti à Leeds United, Vince est pressenti pour être titularisé devant avec Austin. Après une montée en D2 ratée d’un cheveu, l’attente est forte. Enfin, en août 2010, le déclic. A l’occasion d’un match de la Football League Trophy (coupe entre clubs de D3 et D4), Vince ouvre son compteur Robin d’une belle reprise de volée et en plante un deuxième dans les arrêts de jeu. L’international togolais Thomas Dossevi vient de débarquer au club et sa présence donne des ailes à notre Vince, qui va se déchaîner. Brièvement.

Les ronds-points psychédéliques remplacent les camions

Mi septembre, il inscrit le but victorieux contre Walsall en championnat. Il marque ensuite à trois reprises en octobre et début novembre (le dernier but de sa carrière). Associé à Dossevi, Vince est regonflé à bloc et en profite pour régler ses comptes dans la presse locale avec les boo boys, ces supporters qui l’ont copieusement sifflé de janvier à septembre. Il est tellement confiant qu’il déclare que Charlie Austin, blessé, devra peut-être bien ronger son frein sur le banc à son retour tant Dossevi et lui tournent fort.

Cependant, la saison des feuilles mortes arrivée, il flétrit à son tour. Il ne parviendra plus à retrouver sa forme de Carlisle. Après une énième blessure (adducteurs), il revient timidement, semblant aussi déboussolé qu’un automobiliste devant le fameux Magic Roundabout de Swindon, situé tout près du County Ground. Une aberration vénérée par l’auguste UKRAS (UK Roundabout Association) qui refourgue ses calendriers de rond-points déjantés par milliers chaque année. Une ville davantage bâtie  pour Raymond Devos que pour les anciens de la Ligue 1.

Dossevi, lui, confie à Four Four Two qu’il ne connaît absolument pas cette ville qui fait une fixette sur le rond-point tordu. Rien d’étonnant à cela : il prend le premier Eurostar pour Paris dès le coup de sifflet final. Visiblement, l’adaptation au manège enchanté lui donne le tournis.

Mi janvier 2011, Vince se blesse sérieusement au genou, saison terminée. Le 25 avril 2011, le club abrège les souffrances de Dossevi en écourtant son contrat « par consentement mutuel », mettant ainsi définitivement fin au duo infernal Péricard-Dossevi (44 matchs, 5 buts). Sarcastiques et un poil amers, les supporters du club sont à deux doigts d’élire Vince Swindon Town Player of the Year dans le journal local (il rate la récompense de quelques votes).

Mai 2011, Swindon est relégué en D4. L’ère Di Canio peut commencer, sans Vince. Le 30 juin, le Franco-Camerounais est officiellement libéré de la cage aux Robins.

Son Waterloo durera 149 minutes

Été 2011, Vince s’entraîne chez les Cherries de Bournemouth où il espère se refaire la cerise et peut-être plus si affinités. En vain. Le club d’Eddie Mitchell (co-président) lui joue la dernière séance.

Des mois durant, Vince attend le coup de fil providentiel, celui qui l’enverra chez une grosse cylindrée de D4, ou soyons fou, un club de D3. Hélas, personne ne veut de notre Vince national. Le 6 octobre, en désespoir de cause, il signe un contrat de trois mois à Havant & Waterlooville, club semi-pro de D6 perdu en grande banlieue de Portsmouth. Il dit vouloir se relancer dans l’espoir de retrouver la Football League. Le 19 octobre, il renaît et tweete :

« Je ne remercierai jamais assez Havant & Waterlooville de me permettre actuellement de réaliser mon ambition de rejouer à un niveau supérieur plus tard. J’ai encore énormément à donner. »

Comme à Carlisle deux ans auparavant, il n’en faut pas plus pour embraser le club. Les supporters des Hawks exultent et les internautes du forum salivent déjà à l’arrivée d’un ex Bianconero.

Ces mêmes supporters déchantent quand ils s’aperçoivent que Vince s’entraîne toujours… avec l’AFC Bournemouth et ne se pointe chez eux que pour disputer nonchalamment quelques bouts de match.

Il ne joue quasiment pas et ses rares apparitions dans le money time ne font guère vibrer les 700 habitués de West Leigh Park. On le juge lent, sans percussion et désintéressé. Il joue son dernier match pour les Hawks le 19 novembre 2011 et n’aura disputé en tout et pour tout que 149 minutes de football non-league (divisions inférieures à la Football League, D5 et en dessous).

Fin février 2012, Vince confirme l’impression générale en annonçant officiellement sa retraite sportive (ici), à 29 ans :

« Je raccroche les crampons, je n’ai plus la passion. Pour moi, le foot est devenu une corvée. Je nourris un tas de regrets. Je sais que j’aurais pu être au top mais je suis loin de même m’en être approché. »

Le Red Adair des footballeurs paumés et fêtards déprimés

Depuis quatre mois, Vince se consacre à temps plein à Elite Welfare Management (« A social enterprise to promote and protect foreign players welfare »), une agence de dépannage médico-culturel qui remplace sa création initiale, l’Elite Professional Management (« Unlocking potential and maximising talent – Lifestyle Management that allows overseas athletes to remain focused on their sport to maximise their performance »). Une structure destinée à, dixit Vince, « aider les footballeurs étrangers à s’adapter à l’Angleterre et son football, leur éviter le stress, la solitude et la depression. »

Dans The Independent de novembre 2011, il expliquait pourquoi il tient tant à empêcher les jeunes footballeurs étrangers de s’égarer :

« Je veux laisser une trace, je vois des jeunes joueurs ici qui ont du mal à s’acclimater. Ils sont seuls et ont besoin de quelqu’un de confiance pour les aider, que ce soit pour acheter une maison, apprendre la langue ou s’intégrer à leur nouvel environnement. Je suis proche des gens et j’aime m’en occuper. Je serais extrêmement touché si, dans cinq ans, ne serait-ce qu’un seul joueur venait me trouver pour me remercier de l’avoir aidé. »

On peut désormais suivre de près sa mission de travailleur social pour privilégiés sur son compte Twitter qu’il alimente généreusement. Entre deux tweets sur le trublion Leon Knight (ex cador anglais forcé à l’exil en Irlande du Nord) et les frasques de l’ex buteur de Premier League Leon Mc Kenzie (emprisonné il y a trois mois pour le même genre de ruse routière foireuse que Vince ! ici), on peut y lire que les affaires sont florissantes pour Vince (« Business is going great and keeping me very busy »).

Il livre également quelques interviews aux médias radio pour faire connaître son projet (dont celle-ci et celle-là, en anglais). Dans ces deux clips en français (ici et ici – à voir absolument !), il revient sur sa vie et sa carrière. Avec ce bijou, dans le premier clip :

« Je m’entraînais avec les Zidane, Davids, Buffon, tout ça, et j’étais au même niveau qu’eux. »

Docteur Péricard aurait déjà un patient

Quelques joueurs l’auraient approché. Ou plutôt l’inverse. Vince a accroché son convoi médical à la PFA (syndicat des joueurs) et ratisse large pour traquer les potentiels déprimés du ballon rond. Quitte à les persuader qu’ils ne s’en sortiront pas sans lui. Tel l’international uruguayen Diego Arismendi, un mal acclimaté de Stoke City souvent prêté en Football League (aucun match de Premier League en trois ans).

Selon Vince, le Sud-Américain n’arrive pas à s’intégrer et souffrirait d’une dépression carabinée. Vince a immédiatement proposé ses services au joueur et au club. Il expose ici son plan infaillible pour ressusciter la carrière d’Arismendi :

« Si Stoke City nous autorise à intervenir, et avec l’accord de Diego, nous réglerons ses problèmes psychologiques et nous nous pencherons sur son style de vie pour lui faire retrouver le bonheur, lui et sa famille. Grâce à ce plan et son talent, il pourra ensuite pleinement s’exprimer. »

Peut-être Vince pourrait-il commencer par se pencher sur la santé des voisins du Sud-Américain, qui se plaignaient en 2010 de ses noubas et son lifestyle bruyant dans la résidence de luxe (ici). Le locataire du dessous, un chirurgien privé de sommeil et à cran :

« Je n’arrive plus à trouver le sommeil et la paix nécessaires à mon travail. Je suis à bout. Il [Arismendi] met la musique à un tel volume que mon plafond vibre, à croire qu’un troupeau d’éléphants habite au-dessus. Des fois, on dirait qu’il joue au foot dans son appartement car la lumière chez moi n’arrête pas de clignoter. C’est tous les soirs pareil et c’est pire le week-end. Je lui en ai parlé deux fois mais il m’a juste expliqué qu’il s’agissait d’une fête d’anniversaire d’un ami. […] Je vais devoir quitter mon appartement, le bruit est devenu insupportable. »

Vince a souvent déclaré que sa carrière aurait été différente et qu’il n’aurait pas connu la prison si un ange gardien éclairé l’avait pris par la main (« If I had been guided by somebody I trusted, which is what we want to do for players, then I wouldn’t have gone to prison. »). Peut-être. Mais le monde du football aurait perdu un bon Samaritain hors pair. Good luck Vince, and all the very best. N’écoute pas les mauvaises langues, c’est bien toi le meilleur.

Kevin Quigagne.

4 commentaires

  1. Roland Gromerdier dit :

    On pourra toujours se demander ce qu’il aurait fait s’il était resté bien sagement à Sainté, en attendant son tour dans l’ombre d’un Aloisio souvent blessé.

    Bonne chance pour la suite.

  2. Staive dit :

    Merci Teenage Kicks, toujours au top.
    Mon papa m’a toujours dit, « Il n’y a pas d’échecs, il n’y a que des expériences »

  3. Kevin Quigagne dit :

    Et Vince lit TK en plus, la classe ce Vince. Et il me remercie, sur son compte Twitter :

    https://twitter.com/VDP_Pericard/status/208580447100338176

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