Ni buts ni soumises » Le changement c’est maintenant

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Le changement c’est maintenant

Les Bleues de Corinne Diacre ont battu l’Angleterre et le Ghana en procédant à une large revue d’effectif. Et si le renouvellement n’est pas aussi important que le discours pourrait le laisser croire il marque un vrai changement d’époque.

Aucune des onze Bleues qui étaient titulaires le 20 octobre contre l’Angleterre ne l’étaient à nouveau trois jours plus tard contre le Ghana. C’est la première fois de l’histoire de l’équipe de France que deux équipes totalement différentes sont alignées pour deux matchs consécutifs. En 2014, Philippe Bergerôo n’avait conservé que Laure Boulleau entre le match contre le Brésil à Remire-Montjoly et celui contre les États-Unis à Tampa trois jours plus tard. Le contexte était alors très particulier avec une série de matchs très rapprochés immédiatement après la traversée de l’Atlantique, le tout quelques jours seulement après une finale de Coupe de France Lyon-PSG qui avait concerné 16 des 25 sélectionnées.

Cette fois, ce n’est pas une question de contraintes externes : Corinne Diacre a convoqué 23 joueuses et les a toutes titularisées sauf la troisième gardienne Élisa Launay. En ajoutant Théa Gréboval, Sandie Toletti et Sakina Karchaoui qui avaient joué contre le Chili ou l’Espagne, ce sont au total 25 joueuses qui ont été alignées cette saison, chacune comptant au moins une titularisation. Seules les deux gardiennes Solène Durand et Élisa Launay et la défenseuse Ève Périsset, appelée en septembre pour pallier la blessure de Charlotte Lorgeré, ont été convoquées sans jouer.

Des résultats qui permettent d’avancer

On se gardera de tirer un bilan collectif des matchs déjà joué, le faible rendement collectif s’expliquant aisément par le renouvellement en cours et la revanche contre l’Angleterre, pour agréable qu’elle soit, intervenant dans un contexte amical où la France restait sur deux victoires et deux nuls depuis 2015 contre le même adversaire. Bref penser que les nouvelles ont enfin réussi ce que les anciennes n’avaient pas su faire est aussi prématuré que de trouver que le jeu collectif manque de liant au bout de quatre matchs à vingt-cinq.

Sur le plan individuel, il semble que la lutte pour la place de gardienne reste circonscrite à Sarah Bouhaddi et Méline Gérard. Dans l’axe de la défense, Hawa Cissoko est venue s’ajouter aux anciennes Wendie Renard, Laura Georges et Griedge Mbock alors que les deux nouvelles Charlotte Lorgeré et Estelle Cascarino ont été alignées à des postes de latérales qu’elles ont pu occuper par le passé à Saint-Étienne ou Juvisy mais qui ne sont clairement plus les leurs à Guinagmp et au PFC. Contre le Ghana le challenge n’était pas trop relevé et il faudra voir dans un contexte plus tendu mais elles ont au moins évité l’écueil fréquent des défenseuses centrales décalées en proposant régulièrement des solutions offensives. Mais à ces postes, Marion Torrent semble en train de s’imposer à droite alors qu’Amel Majri a sans doute une longueur d’avance à gauche, en attendant un retour probable de Sakina Karchaoui.

À la recherche d’une meneuse

Au milieu, il y a abondance de récupératrices et de relayeuses avec Amandine Henry, Élise Bussaglia, Grace Geyoro et Aminata Diallo qui a connu sa première sélection contre l’Angleterre mais la France se cherche toujours une meneuse : après l’expérience mitigée de Camille Catala en septembre, c’est Inès Jaurena qui a joué à ce poste qui n’est pas le sien contre l’Angeterre et Léa Le Garrec contre le Ghana. Pour l’instant personne ne se détache pour ce poste1, un comble après tant de temps à chercher comment faire jouer en même temps Louisa Necib, Camille Abily et Gaëtane Thiney.

Viviane Asseyi

Viviane Asseyi

Devant, Eugénie Le Sommer a confirmé qu’elle était l’attaquante française au niveau internationale. Joueuse la plus utilisée par Corinne Diacre, elle a marqué trois fois (laissant le « titre » de meilleure buteuse à Viviane Asseyi) mais elle a surtout brillé dans le jeu. Ce n’est sans doute pas tout un fait un hasard si la transfiguration offensive en deuxième mi-temps contre le Ghana a coïncidée avec son entrée. Même si bien sûr le manque d’essence des joueuses ghanéennes a joué. Elle est pour l’instant utilisée sur un côté ce qui posera d’autant moins de problème que la joueuse qui occupera l’axe sera indiscutable. Sur le papier, Valérie Gauvin a toutes les qualités pour cela mais elle n’est pas parvenue à le montrer jusque là. Au contraire, Ouleymata Sarr a confirmé ses premières sélections et son début de saison. À droite, Viviane Asseyi a été beaucoup plus à son avantage que Kadidiatou Diani. À gauche, Camille Catala a été beaucoup plus convaincante en première mi-temps contre le Ghana qu’elle ne l’avait été comme meneuse contre le Chili et l’Espagne mais la différence avec Eugénie Le Sommer a été frappante.

Joueuses utilisées par Corinne Diacre
Joueuse Cette saison Avant cela
Matchs Titularisations Temps Buts Cartons Sélections Buts
Eugénie Le Sommer 4 3 315 3 0 141 61
Marion Torrent 4 3 294 0 0 0 0
Laura Georges 3 3 265 1 0 181 6
Camille Catala 3 3 225 0 0 28 3
Ouleymata Sarr 4 2 201 2 0 0 0
Elise Bussaglia 3 2 197 0 0 174 28
Kadidiatou Diani 3 2 184 0 0 29 2
Valérie Gauvin 4 2 182 1 0 1 0
Sarah Bouhaddi 2 2 180 0 0 124 0
Wendie Renard 2 2 180 0 0 94 19
Amandine Henry 2 2 180 2 1 65 7
Griedge Mbock Bathy Nka 2 2 180 0 0 33 2
Méline Gérard 2 2 180 0 0 11 0
Viviane Asseyi 4 2 176 4 0 13 0
Onema Grace Geyoro 2 2 155 0 0 8 0
Aminata Diallo 2 1 98 0 0 0 0
Léa Le Garrec 3 1 95 0 0 0 0
Hawa Cissoko 2 1 95 0 0 0 0
Sakina Karchaoui 1 1 90 0 0 15 0
Estelle Cascarino 1 1 90 0 0 0 0
Amel Majri 1 1 90 0 0 32 4
Théa Greboval 1 1 90 0 0 0 0
Sandie Toletti 1 1 84 0 0 12 0
Inès Jaurena 1 1 68 0 0 0 0
Charlotte Lorgeré 1 1 66 0 0 0 0
Elisa Launay 0 0 0 0 0 0 0
Solène Durand 0 0 0 0 0 0 0
Eve Perisset 0 0 0 0 0 9 0

Le club des quatre

L’autre axe annoncé du renouvellement était que désormais le fait d’être à Lyon ou au PSG ne serait plus un viatique absolu pour entrer chez les Bleues. Bien sûr, la mise en garde s’adresse à celles dont le temps de jeu sera insuffisant en club. Mais les circonstances font que l’application de cette doctrine est pour l’instant difficile à mesurer. Les blessures de Claire Lavogez, Jessica Houara et Kenza Dali, le retour récent de Delphine Cascarino et les retraites internationales de Camille Abily et Élodie Thomis font que le contingent de Lyonnaises sélectionnables est assez réduit. Il n’y a guère que Kheira Hamraoui qui aurait pu espérer. La situation est plus nette du côté du PSG où Marie-Laure Delie est clairement mise de côté, alors que Laure Boulleau et Ève Périsset pourraient postuler. Et il ne s’agit pas là seulement d’une question de temps de jeu puisque ces trois joueuses sont régulièrement titulaires au contraire de Laura Georges qui a joué cette saison deux fois plus en équipe de France qu’au PSG.

Toutefois, si la sélection n’est plus entièrement réduite à un quatuor de clubs et à un duo jouant à l’étranger, l’ouverture aux autres clubs reste encore très limitée. Sur les 28 joueuses appelées, 19 viennent de l’habituel quatuor Lyon, Montpellier, PSG, PFC (ex-Juvisy). Avec Amandine Henry de Portland et Élise Bussaglia de Barcelone, il ne reste de la place que pour trois Guingampaises, deux Marseillaises et deux Lilloises. Et encore la gardienne de Guingamp Solène Durand et celle de Lille Élisa Launay n’ont pas foulé la pelouse tout comme la Parisienne Ève Périsset. Sur 25 joueuses utilisées, 18 viennent donc du quatuor habituel, et cinq de trois autres clubs de D1.

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Charlotte Lorgeré

Charlotte Lorgeré

Parmi ces cinq, les attaquantes ont plus semblé saisir leur chance que les défenseuses. La Lilloise Ouleymata Sarr et la Marseillaise Viviane Asseyi ont participé aux quatre matchs, et la Guingampaise Léa Le Garrec à trois avec un temps de jeu nettement moindre2. Au contraire Charlotte Lorgeré n’a joué que contre le Ghana et Hawa Cissoko contre l’Angleterre avec un tout petit apéritif de quelques minutes contre l’Espagne. Mais cette différence tient peut-être surtout à ce qu’il y a généralement plus de remplacement en cours de matchs aux postes offensifs. Toutefois Ouleymata Sarr et Viviane Asseyi comptent deux titularisations contre une à leurs trois coéquipières.

Les trois clubs représentés ont en commun d’être des sections féminines de clubs professionnels de Ligue 1. Pour le moment, aucune joueuse de Soyaux, Albi, Rodez ou Fleury n’a encore été appelée. Aucune joueuse de Bordeaux non plus d’ailleurs qui réussi pourtant un bien meilleur début de saison que Marseille ou Guingamp. Corinne Diacre a déjà annoncé qu’elle ferait encore d’autres essais pour les matchs de novembre contre la Suède et l’Allemagne. Il serait étonnant de ne voir aucune girondine. Andrea Lardez, Sophie Istillart, Juliane Gathrat et Nadjma Ali Nadjim qui faisaient partie de l’équipe de France B réunie en stage en même temps que l’équipe A sont en première ligne pour cela.

France B, la réserve des Bleues

Et d’une manière générale, toutes les joueuses de cette équipe B peuvent espérer être appelées. Sur les vingt joueuses qui avaient participé à la double confrontation contre la Bosnie-Herzégovine en avril, dix ont été appelées en A cet automne3 et seules Viviane Asseyi et Valérie Gauvin n’ont pas fait à cette occasion leurs débuts en équipe de France.

A contrario, des 28 appelées de la saison par Corinne Diacre, seule Solène Durand n’avait connu aucune sélection en A ou en B la saison dernière. Ce qui permet de tordre un peu le cou au fantasme de la joueuse inconnue qui joue dans un petit club et qui va sortir du chapeau pour sauver l’équipe de France. C’est faire preuve d’un certain mépris pour le travail des clubs de D1 et de la fédération que de penser qu’en dehors d’un cas exceptionnel4, les joueuses qui ont le potentiel pour figurer dans une équipe de haut niveau international5 ne sont pas déjà identifiées.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut y avoir de postulante aux Bleues dans des clubs qui ne sont pas professionnels voire en D2. La défenseuse de La Roche-sur-Yon Pauline Dhaeyer était du dernier stage de l’équipe de France B. Mais elle est dans le viseur de la FFF depuis au moins quatre ans quand elle jouait en D1 à Issy. Et si d’aventure une telle joueuse se faisait une place en équipe de France, elle serait probablement vite sollicitée par l’un des quatre clubs qui composent l’ossature des Bleues.

Représentation des clubs en équipe de France cette saison
Club Joueuses Matchs Titularisations Temps Buts Cartons
Lyon 5 11 10 945 3 0
Montpellier 5 12 9 830 1 0
PSG 5 10 8 702 1 0
Paris FC 4 6 6 473 0 0
Marseille 2 6 3 271 4 0
Lille 2 4 2 201 2 0
Barcelone (ESP) 1 3 2 197 0 0
Portland Thorns FC (USA) 1 2 2 180 2 1
Guingamp 3 4 2 161 0 0


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