« Les favorites en ordre de bataille
Principale surprise du premier tour, la Norvège a défait l’Allemagne qui se retrouve dans une partie haute du tableau qui est du coup particulièrement dense. Les Bleues sont de l’autre côté et affronteront le Danemark, désigné à la suite d’un tirage au sort.
La sensation du premier tour est sans conteste la défaite de l’Allemagne, la deuxième de l’histoire en phase finale de l’Euro1. Battue par la Norvège, la Mannschaft se retrouve deuxième de sa poule et change de moitié de tableau, quittant celle de la France pour rejoindre celle de la Suède. Il faut dire qu’à un important renouvellement de génération s’est ajoutée une cascade de blessures de joueuses importantes2. Elle se retrouve donc avec l’équipe la plus jeune de la compétition. Après avoir été mise en difficulté par une équipe des Pays-Bas, jamais aussi à l’aise que quand il s’agit de faire déjouer un favori (mais qui l’est moins pour faire du jeu et qui sort de la compétition sans avoir marqué le moindre but) puis avoir fait plier une Islande guère plus expérimentée, elle a buté sur une équipe de Norvège assez renouvelée.
Les six changement dans les onze norvégien (dont quatre joueuses qui n’étaient pas encore entré en jeu ou presque3) lui ont sans doute apporté un avantage de fraîcheur par rapport à des Allemandes qui ne comptaient que deux entrantes4.
Seule la France n’avait pas d’enjeu pour ce troisième match. Cependant, deux autres équipes ont fait le choix de faire tourner leur effectif. La Norvège et l’Italie ont, comme la France, démarré avec six changements par rapport à leur match précédent, et avec quatre joueuses qui débutaient l’Euro (ou quasiment).
Le premier à faire ce choix a été l’entraîneur italien Antonio Cabrini, suffisamment expérimenté pour savoir que c’est à la fin de la compétition que les matchs sont les plus importants5. Là où l’importante dépense d’énergie destinée à battre la Suède pour une hypothétique première place l’envoyait normalement affronter l’Angleterre ou les Pays-Bas, une éventuelle défaite avec des remplaçantes lui faisait affronter a priori la Norvège, et le risque était faible de se retrouver troisième (il aurait fallu une victoire de la Finlande sur le Danemark qui lui permette de reprendre 7 buts sur l’Italie).
Patrizia Panico devant Nilla Fischer
De plus, c’était aussi une manière de bluffer face à la Suède puisque les deux équipes restent dans la même moitié de tableau et pourrait s’affronter en demi-finales : la victoire de la Suède va semble sans signification face à une équipe de remplaçante, et l’entrée de Patrizia Panico et de Melania Gabbiadini pour la dernière demi-heure a complètement relancé l’Italie.
Le pari semblait donc habile en envoyant l’Italie vers une deuxième place qui était de toute façon la plus probable. Mais comme le dit Bruno Bini, « il faut respecter le football parce qu’on finit toujours par le payer ». Si tout a bien fonctionné dans le groupe A, les choses ont déraillé ensuite. Au lieu des Pays-Bas ou de l’Angleterre attendus pour le premier du groupe, c’est l’Islande qui va se présenter, et surtout au lieu de la Norvège, c’est l’Allemagne qui se dresse sur la route de l’Italie.
Even Pellerud, l’entraîneur norvégien a fait exactement le même pari, mais son équipe mixte a battu l’Allemagne en réalisant son meilleur match de la compétition. Ce qui ne change pas énormément les choses avec un parcours virtuel l’envoyant contre l’Espagne puis la France plutôt que l’Italie puis la Suède.
Mais il bénéficiera de troupes plus fraîches que son adversaire du quart, même s’il se posera sans doute des questions sur sa composition puisque ses remplaçantes ont largement valu ses titulaires.
Le fort renouvellement de l’équipe de France était par contre parfaitement conforme aux habitudes pour les équipes déjà qualifiées après le deuxième match. La France n’avait d’autant moins rien à jouer qu’elle était déjà assurée de la première place et qu’une défaite contre l’Angleterre ne risquait que de lui faire affronter l’Islande plutôt que le Danemark (selon diverses autres conditions).
Bruno Bini a pourtant laisser planer le doute, soufflant le chaud « il y a 23 joueuses qui sont capables de jouer » et le froid « il ne faut pas briser la dynamique de victoires ». Finalement, avec un changement de gardienne, de la moitié de la défense et de l’avant-centre, plus la titularisation des deux ailières qui avaient déjà eu des plages de repos et le remplacement de deux milieux à la mi-temps, toutes les joueuses ont bénéficié d’au moins une mi-temps de repos lors de ce premier tour sauf Wendie Renard et Corine Franco, et seules Camille Abily, Élise Bussaglia, Gaëtane Thiney et Eugénie Le Sommer ont joué plus de l’équivalent de deux matchs, dans un secteur très concurrentiel où ça devrait continuer à tourner pour la suite du tournoi.
Élise Bussaglia
Et a contrario, seules Julie Soyer, Viviane Asseyi et Sandrine Brétigny (plus Karima Benameur, la troisième gardienne) n’ont pas joué du tout. Bref, les temps de jeu ont été parfaitement gérés, ce qui pourrait s’avérer déterminant lors des prochains tours, si prochains tours il y a.
Mais la voie semble royale pour aller jusqu’en finale : jamais les Bleues n’ont été autant dominatrices dans une phase finale, si ce n’est lors de la Cyprus Cup au printemps 2012, remportée après déjà une victoire 3-0 sur l’Angleterre puis une finale largement dominée contre le Canada (2-0).
Elles sont au niveau qu’on attend d’elles et auquel elles ne peuvent normalement être mises en difficultés en Europe que par la Suède ou l’Allemagne. Et elles sont d’autant plus attendues en finale que la voie a été dégagée par la défaite de l’Allemagne. Il y a quatre ans, le tableau était aussi déséquilibré6, et c’est l’Angleterre qui en avait profité pour se hisser jusqu’en finale et se faire une réputation assez usurpée.
L’adage qui dit que « pour remporter le titre, il faut de toute façon battre tout le monde » est en général faux : pour remporter la compétition, il faut battre les adversaires proposés, et si possible laisser les autres laisser des forces dans les duels au sommet. À ce titre, le tableau proposé est une vraie chance au tirage.
Il ne faudra pourtant pas négliger le Danemark qui a fait déjouer la Suède en ouverture. La dernière fois que les Bleues avaient affronté les Danoises, elles avaient perdu 4-0 à l’Algarve Cup. C’était en 2007 pour le deuxième match de Bruno Bini à la tête de la sélection, et c’est sans doute la raison pour laquelle la France a évité soigneusement de croiser la route des équipes de haut niveau en match amical jusqu’à l’an dernier.
Le Danemark était alors à son meilleur niveau historique (6e au classement Fifa, 13e actuellement). Le bilan est à l’avantage des Danoises avec 7 victoires contre 5 défaites et 3 nuls. Mais si l’on ôte les 5 premiers matchs au début des années 80 et 90, tous perdus par les Bleues, le bilan depuis les années 2000 ne comprend qu’une autre défaite, 4-3 à l’Euro 2001. Toutes les victoires françaises ont eu lieu entre 2002 et 2005, au plus haut niveau historique de la France, avant le pic actuel. Onze joueuses françaises étaient du match de 20077 et 6 Danoises8.
Mia Brogaard
Maintenant que tout le monde est là et que les choses sérieuses commencent, la question de la composition va être d’autant plus cruciale. Malgré la très bonne prestation de Jessica Houara, la défense devrait être celle des premiers matchs, sauf blessure. Marie-Laure Delie va bien sûr revenir en pointe.
L’incertitude concerne donc toujours les 5 autres places, la composition contre l’Espagne ayant enseigné qu’il fallait bien mettre les deux places d’ailières dans l’équation. Entre les entraîneurs, les états de santé et l’observation de l’adversaire, rien n’est sans doute encore décidé, mais il y a certaines possibilités qui semblent plus probables que d’autres : Sandrine Soubeyrand devrait être titulaire, avec sans doute Élise Bussaglia à ses côtés et derrière Louisa Necib placée comme meneuse. Gaëtane Thiney occupera sans doute l’un des côtés, l’autre revenant à Camille Abily, Eugénie Le Sommer ou Élodie Thomis selon le profil de l’adversaire. C’est du moins le sens des compositions d’équipes vues depuis le début de la préparation au lendemain des Jeux Olympiques.
Le premier bilan à tirer de ce premier tour, le second et dernier pour un Euro à 12, est qu’il est temps de passer à 16. Pas tellement pour la qualité du plateau mais pour en finir avec cette aberration des meilleurs troisièmes, qui font donc comparer des équipes qui ont joué contre des adversaires différents et qui l’occasion à toutes les manœuvres lors de la dernière journée des deux derniers groupes qui peuvent se caler sur le résultat du premier.
C’est comme ça que la Norvège s’était qualifié en faisant un nul contre la France qui arrangeait les deux équipes (au détriment du Danemark) il y a quatre ans.
Pour ajouter à la qualité de la formule, l’UEFA a choisi entre les deux éditions de modifier le règlement de classement des meilleurs troisièmes, afin « d’éviter les manœuvres et calculs lors de la dernière journée ». Donc après les points marqués dans le groupe, on évacue la différence de buts, l’attaque et tout autre critère lié au jeu (classement Fifa, fair-play ou autre) et on passe directement au tirage au sort.
Ce point de règlement était passé totalement inaperçu9 et sans doute que les législateurs pensaient que la cas avait peu de chance de se produire. Un minimum de culture des groupes de 4 avec la victoire à trois points (la norme dans toutes les phases finales de compétition depuis 20 ans environ) leur aurait permis de savoir qu’un troisième de groupe a en général 2, 3 ou 4 points (96% des cas), ce qui laisse craindre que les cas d’égalités soient nombreux. Et un calcul plus poussé aurait permis de vérifier que les cas où les deux moins bon troisièmes de trois groupes ont le même nombre de points représentent 38,82 % des cas10, donc nettement plus d’un tiers. Bref, il y avait plus d’une chance sur trois que ce premier tour se finisse sur un tirage au sort, ce qui transforme un peu cet Euro en loterie.
Cette fois, le Danemark n’a pas été le dindon de la farce11, rôle dévolu à la Russie. Mais si la première était attendue plus haut, éventuellement pour disputer la deuxième place à l’Italie, la seconde a nettement fait mieux que prévu en tenant tête à l’Angleterre (dont l’égalisation l’élimine) et à l’Espagne.
Le passage à 16 équipe accompagnera également la hausse du niveau général. Les résultats montrent un net resserrement : une seule équipe a remporté ses trois matchs (France), aucune n’a perdu les trois, les deux équipes à 1 point étaient demi-finalistes de l’édition précédente (Angleterre, Pays-Bas), 7 des 18 matchs se sont terminés sur un score de parité, 5 seulement ont vu une victoire de plus d’un but d’écart (deux fois pour la France et la Suède, une fois pour l’Allemagne), le plus gros score étant un 5-0 (Suède-Finlande), devant deux 3-0 (Allemagne-Islande, France-Angleterre).
L’Euro n’a jamais été une compétition aussi déséquilibrée que peuvent l’être les championnats nationaux ou la Coupe d’Europe, mais l’adage qui dit qu’il n’y a plus de petites équipes semble cette fois vérifié : Finlande et Russie qui semblaient nettement les plus faibles ne sont pas passés loin de la qualification.
Une idée reçue voudrait que cette édition voit l’émergence de nouvelles nations, en particulier méditerranéennes qui rattraperaient les équipes scandinaves. C’est très exagéré à deux points de vue.
D’abord, les équipes scandinaves (et assimilées) constituent toujours la moitié du plateau des quarts, ce qui est l’étiage haut : depuis 1997 et les début d’une vraie phase finale à 8, la Suède, la Norvège et le Danemark ont toujours figuré dans les 8 meilleurs (phase finale ou quarts de finales depuis 2009), avec seulement en plus la Finlande en 2005 et en 2009 (à la place du Danemark) et donc l’Islande cette année.
Ensuite, s’il n’y a pas vraiment de recul des Scandinaves, l’émergence des nations méditerranéenne est aussi très largement exagérée. D’abord parce que le concept regroupe des cas très divers, le Portugal ou la Grèce semblant encore assez loin d’émerger. Et parce que depuis 1997, 5 équipes ont toujours figuré dans les 8 meilleures : Suède et Norvège donc, Allemagne bien sûr mais aussi Italie et France.
Cette émergence concerne donc principalement l’Espagne, déjà demi-finalistes en 1997 mais absente depuis. Il semble que plus encore que la structuration des clubs et du championnat (à 18 clubs !), c’est l’émergence de quelques joueuses et leur réussite à l’étranger qui est la locomotive de la sélection. On peut faire un parallèle avec la situation française il y a dix ans quand Marinette Pichon12 est allé tenter sa chance dans le championnat américain et a permis de voir que les footballeuses françaises n’avaient pas de complexe à nourrir. Verónica Boquete a un parcours similaire, élue elle-aussi meilleure joueuse de la saison (à Philadelphie également), même si elle n’est pas revenue ensuite au pays, passant brièvement par la Russie avant d’atterrir à Tyresö où elle est titulaire à part entière au milieu des Marta et Christen Press (et avec sa compatriote Jennifer Hermoso).
Jennifer Hermoso
dukedanjou
* vendredi 19 juillet 2013 - 22:31
bon bilan du 1er tour, petite coquille néanmoins dan le premier paragraphe, l’ Allemagne a battue l’Islande et non la Finlande
Karim
* samedi 20 juillet 2013 - 00:36
L’UEFA est allergique à la différence de buts générale semble t-il. C’est à cause de (ou grâce à, selon les avis) la différence particulière que Chelsea a été éliminé de la dernière Ligue des Champions dès le premier tour.
C’est étonnant que le tirage au sort ne serve pas uniquement qu’en cas d’ultime recours. Avec le passage à 24 équipes lors de l’Euro 2016, il y aura forcément des meilleurs troisièmes, donc des ex-æquo à départager. Donc des tirages au sort en pagaille ?
CHR$
* samedi 20 juillet 2013 - 07:05
@dukedanjou > certes. C’est corrigé, merci.
Patrique
* samedi 20 juillet 2013 - 21:46
J’ai l’ impression que certaines joueuses sont très fatiguées de leur longue saison. Abily me semble assez transparente notamment. A moins qu’ elle ne se réserve pour les matchs à élimination directe.
A contrario Bussaglia, qui a peu joué, est en pleine forme.
Le Sommer est manifestement faite pour jouer avant centre grâce à son côté « Gerd Muller ».
Quant au collectif il y a toujours les mêmes imperfections quant au manque de marquage défensif où Bini semble préférer la défense de zone.
Des progrès ont été fait dans l’ attaque de balle. Même si l’ excellente Renard a failli deux fois ; résultat, un but encaissé face à la Russie et une grosse occasion de White.
Franco en grande forme, Thomis énervante pour ses imprécisions, Catala très décevante par son manque d’ implication, Soubeyrand très clairvoyante notamment par ses renversements, Houara surprenante d’ efficacité défensive, Delie désespérément lente et Henry la grande classe (à la Deschamps)
Globalement la démonstration face à l’ Angleterre montre que l’ EDF a le potentiel pour aller au bout.
Mais un tournoi n’ est pas un championnat et il y a les aléas du sport.
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