Ni buts ni soumises » La France sur le toit de l’Europe

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La France sur le toit de l’Europe

Lyon et Juvisy s’affronteront en demi-finales de la Ligue des Championnes. Cela confirme que malgré un niveau hétérogène, la D1 a atteint un très bon niveau. Wolfsbourg et Arsenal se disputeront l’autre place en finale.

Il n’y a pas eu de renversement de situation lors des quarts de finales retours de la Ligue des Championnes : les quatre équipes visiteuses l’avaient emporté à l’aller et l’ont emporté au retour. Plus que d’infirmer la théorie de l’avantage de recevoir pour la deuxième manche, c’est surtout un effet du tirage au sort qui a fait commencer les favorites à la maison.

Premières en lice, les joueuses d’Arsenal se déplaçaient en Italie fortes d’un avantage d’une victoire 3-1 à l’aller. Les Italiennes de Torres s’étaient donné le droit d’espérer en réduisant le score grâce à un but de la Suissesse Sandy Maendly, mais au bout de 4 minutes au retour, l’Irlandaise Niamh Fahey faisait tomber le suspens. Sans réelle surprise malgré la domination italienne, Arsenal rejoint sa troisième demi-finale consécutive.

Le lendemain, Wolfsbourg se rendait au stade Luzhniki de Moscou pour affronter Rossiyanka dans une situation assez similaire à celle d’Arsenal après le match aller : après une ouverture du score rapide d’Alexandra Popp, les Louves menaient 2-0 à la mi-temps, à 11 contre 10, mais ne parvenaient pas à assurer leur qualification et finissait la première manche avec un court avantage de 2-1.

Le match retour ressemblait à l’aller : pendant plus d’une heure, Wolfsbourg dominait mais restait à la merci d’un but de Rossiyanka. C’est comme souvent Conny Pohlers qui libérait son équipe à 20 minutes de la fin, imitée par Lena Goeßling un quart d’heure plus tard. Ce résultat ne faisait que confirmer la domination allemande à l’aller comme au retour. Wolfsbourg se hisse en demi-finale pour sa première participation, et confirme avec sa place en tête de la Bundesliga qu’elle est actuellement la meilleure équipe allemande.

Après le match aller entre Lyon et Malmö, il n’y avait plus de suspens pour la qualification. Avant non plus à vrai dire tant l’OL semble au dessus du lot cette saison. Victorieuses 5-0 à l’aller, les Lyonnaises ont définitivement enterré les maigres espoirs adverses dès le quart d’heure grâce à la star locale Lotta Schelin. Les deux autres buts n’ont fait que confirmer.

Les championnes d’Europe ont remporté leurs 6 matchs cette saison1 , marqué 31 buts sans en encaisser. C’est un but marqué de moins que la saison dernière.

Le match le plus indécis sur le papier était l’autre opposition franco-suédoise. Juvisy avait pris un petit avantage sur Göteborg à l’aller grâce à Julie Machart mais abordait le retour avec le frein à main comme lors des deux tours précédents. On ne saurait dire s’il s’agit de timidité ou de maîtrise, sans doute un peu des deux. Pendant une heure, les Juvisienne ont semblé hésiter à se porter vers l’avant de crainte de se faire contrer.

Deux événements vont changer la physionomie du match : le but de Yael Averbuch et l’entrée de Camille Catala.

En position de devoir jouer une prolongation et même à deux doigts d’encaisser un second but, Juvisy va alors commencer à jouer. Après un premier face-à-face manqué contre Kristin Hammarström pour se chauffer, Camille Catala profite d’une chandelle dans la surface de Johanna Almgren pour égaliser d’une subtile frappe en pivot. Göteborg doit marquer deux fois dans le dernier quart d’heure pour se qualifier.

Dix minutes plus tard, la même Camille Catala met fin aux incertitudes : à l’entrée de la surface, elle prend appui sur Gaëtane Thiney et marque d’une frappe croisée. Comme d’habitude, on louera le coaching habile qui fait entrer la joueuse décisive ou on s’étonnera de son absence du onze de départ.

Juvisy rejoint Toulouse, Montpellier et Lyon

Il y a aura donc une demi-finale franco-française, et par suite une équipe française en finale pour la 4e année consécutive. Ce n’est pas la première fois que deux équipes d’un même pays s’affrontent à ce stade de la compétition : Potsdam a éliminé Duisbourg en 2010 et 2011. De plus, Duisbourg a éliminé Francfort en quarts de finales en 2009, Francfort a battu Potsdam en finale en 2007 et Djurgården a éliminé Umeå en quart de finales en 2004. Le cas était pourtant plus improbable avant 2009 puisqu’il n’y avait qu‘un seul représentant par pays, plus le tenant du titre.

Juvisy est la 4e équipe française à se qualifier pour une demi-finale. Seule l’Allemagne a fait aussi bien, grâce à la qualification de Wolfsbourg2. La différence est que si Francfort, Duisbourg et Potsdam du côté allemand ont passé ce cap, et ont remporté la compétition, seul Lyon est passé, Toulouse et Montpellier butant sur Francfort à ce stade. Et aussi que les quatre équipes allemandes comptent 15 participations aux demi-finales, les trois suédoises 10 et les françaises 9, dont 6 pour Lyon.

Cette demi-finale 100% française est donc une première et elle confirme la première place prise par la France cette saison à l’indice UEFA. Elle rappelle que si cette place doit bien sûr beaucoup aux performances de l’OL, les contributions de Montpellier, du PSG et de Juvisy ne sont pas non plus anodines.

Il est une antienne classique des contempteurs de la D1 féminine, c’est que seul l’OL est crédible sur la scène européenne, qu’elle est très faible comme le prouvent les gros scores des victoires lyonnaises3. La performance de Juvisy montre que le quatuor de tête du championnat de France est parfaitement crédible sur la scène européenne. Et les scores de l’OL contre Malmö, Zorkiy ou l’an dernier contre Potsdam valent largement ceux obtenus contre Saint-Étienne ou Guingamp.

Bien sûr, une bonne partie du plateau de D1 est d’un niveau bien plus faible mais est-on sûr que Sindelfingen ou Gütersloh feraient beaucoup mieux qu’Arras ou Rodez ?

France-Suède 2-0

Cependant, si la supériorité globale de la Bundesliga semble probable, la Damallsvenskan, D1 suédoise, a souvent été citée en exemple de championnat de niveau supérieur à la D1. Le résultat de la double confrontation qui vient d’avoir lieu est clair. Lyon, leader en France était confronté à Malmö, qui a perdu le titre en décembre à la différence de buts4. Il n’y a pas eu photo entre les deux équipes. Plus significatif, Göteborg a fini 4e et rencontrait Juvisy qui occupe la même place. La confrontation a été plus serrée mais assez nettement à l’avantage des Françaises.

On relativisera bien sûr cette progression du football français : Juvisy a évité les meilleures équipes, Wolfsbourg, Potsdam, Arsenal et même Malmö qui aurait été autrement plus difficile. Il n’est pas question ici de dénigrer la performance qui place – pour l’instant – Juvisy juste derrière les trois ou quatre favorites pour le titre. Il s’agit par contre de rappeler que Montpellier, le PSG ou même Juvisy il y a deux ans avaient eu la malchance de tomber sur l’une de ces trois ou quatre favorites avant les demi-finales : le PSG avait été éliminé par Francfort l’an dernier, Juvisy par Potsdam la saison précédente, deux équipes que seul Lyon a pu arrêter, et Montpellier avait d’abord joué et éliminé le Bayern avant de chuter contre Umeå (qui était un vrai prétendant au titre) alors qu’elle menaient de deux buts à 5 minutes de la fin.

Bref, un peu comme l’OL de Claude Puel qui avait atteint les demi-finales que ses prédécesseurs avaient manqué, Juvisy a eu la petite part de réussite qui lui avait manqué deux ans plus tôt en rencontrant le tenant dès les quarts et on aurait pu avoir déjà une demi-finale franco-française lors d’une saison précédente.

Cependant, cet ensemble de résultats est significatif de l’évolution du niveau du football français depuis quelques saisons, qui se traduit aussi en partie en équipe de France, présente dans le dernier carré des deux dernières compétitions mondiales.

Cette évolution est liée à la professionnalisation et à la formation. La création du CNFE en 1998 et plus récemment des Pôles Espoirs Féminins permet à la France d’être un vivier de joueuses bien formées et bien préparées. À peu près toutes les joueuses de l’équipe de France actuelle sont passées par cette formation.

La possibilité pour les joueuses de football d’être professionnelles grâce au contrat fédéral initié en 2010 leur permet de se consacrer à plein temps au football.

Bien sûr Juvisy n’est pas directement concerné par la professionnalisation5 mais elle fait progresser l’ensemble du football français.

De plus les deux équipes restent assez « nationales » : toutes deux on démarré leur demi-finale avec 9 Françaises sur la pelouse. À titre de comparaison, Malmö ne comptait que 3 Suédoises et Göteborg 8. Pour les autres qualifiées, Arsenal a démarré avec 6 Anglaises seulement (mais avec 11 Britanniques ou Irlandaises) et Wolfbourg avec 10 Allemandes. En face, Torres comptait 9 Italiennes et Rossiyanka 5 Russes. Bref, Lyon et Juvisy sont dans la norme des équipes qui comptent sur les joueuses locales.

Comme on se retrouve

Il est symbolique que la première confrontation nationale sur la scène européenne oppose Lyon à Juvisy. Ces deux équipes font l’histoire de la D1 féminine depuis plus de 20 ans (voir « Juvisy et Lyon, des amis de 20 ans), bien avant l’opposition entre le professionnalisme et l’amateurisme. Il s’agit des deux équipes les plus titrées de D16 et aussi des plus anciennes : elles sont présentes dans l’élite depuis la fin des années 70, même si jusqu’au milieu des années 80, ce n’était guère significatif avec une D1 à 48 (8 poules de 6)7. L’équipe suivante à ce classement est Montpellier, montée en 1998 soit 20 ans plus tard.

Depuis l’instauration de la poule unique en 1992/1993, alors que les deux équipes venaient de remporter leur premier titre, elles ont toujours fini dans les 4 premières (hormis deux 5e place pour Lyon en 95 et 99) et ont remporté 16 des 22 titres mis en jeu (les deux premiers avant la poule unique donc).

Au delà des inimitiés de personnes et des disputes sur les « valeurs », cette demi-finale va présenter au plus haut niveau du football européen un partie importante de l’histoire du football féminin français.

Sur le papier, Lyon est très largement favori. Double tenant du titre, l’OL est demi-finalistes pour la sixième fois alors que Juvisy atteint ce stade pour la première fois en quatre participations. L’effectif lyonnais compte 19 internationales dont 16 à plus de 50 sélections pour un total de plus de 1500 sélections , contre 3 sur 10 à Juvisy (et 450 sélections environ)8.

Un élément permet de comprendre l’expérience lyonnaise : les 11 titulaires du match de Malmö étaient sur la pelouse de Craven Cottage pour la finale remportée il y a deux ans. Cela explique peut-être que des joueuses comme Megan Rapinoe et Shinobu Ohno, stars des deux meilleurs sélections mondiales, ne sont pas encore titulaire de cette équipe.

Du côté de Juvisy, seule Sandrine Dusang a déjà joué une demi-finale européenne en 2008 avec Lyon contre Umeå.



Un commentaire pour “La France sur le toit de l’Europe”

  1. Encore un article passionnant à lire. Merci bien.
    Ce serait sympa d’avoir un article (ou une note) sur les différences entre les types de contrat (professionnel, fédéral, amateur). Il en est souvent question sur les sites de foot féminin mais j’ai du mal à en saisir toutes les subtilités…

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