Ni buts ni soumises » Privées de médaille

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Privées de médaille

La défaite des Bleues contre la Suède aura permis de revivre en accéléré toutes les émotions du mois passé. Et de définir les objectifs 2011/2012.

On peut se demander à quoi sert de jouer toute une Coupe du monde alors que tout est contenu dans le match pour la troisième place : la domination stérile, les erreurs défensives, le retour dans le match au courage et pour finir la déception et l’impression de défaite injuste.

Le mérite et la (mal)chance

Lorsque l’on perd la moitié de ses matches, on doit toutefois se garder de croire en l’injustice du football. Le sort est facétieux, mais pas au point de s’acharner toujours sur les mêmes: la malchance, c’est ce qui reste quand on a perdu. Quand on l’emporte, elle n’est plus qu’un moyen de prouver sa force de caractère. Pour les Bleues, on a encore longtemps oscillé entre les deux.
Les deux entraîneurs avaient décidé de jouer à fond cette petite finale. Bruno Bini choisissait seulement de faire (enfin) entrer Corine Franco à la place de Laure Lepailleur, et bien sûr de changer une fois de plus la joueuse à côté de Laura Georges. Au grand bonneteau de la défense centrale, c’était cette fois-ci Wendie Renard qui sortait du gobelet. Par ailleurs Marie-Laure Delie, sortie blessée de la demi-finale1, était remplacée en pointe par Eugénie Le Sommer.

Face à une équipe de Suède plus proche des standards de jeu de l’équipe de France (moins rentre-dedans et plus footballeuse) que ses précédents adversaires, la France a un peu moins dominé (19 tirs à 10, 8 cadrés à 4 tout de même), mais elle semblait contrôler le match lorsque Lotta Schelin a profité d’un bon lancement et d’une approximation de la charnière française pour tromper Bérangère Sapowicz (29e). C’est à ce moment-là que la poisse est revenue visiter les Bleues, qui perdaient deux joueuses d’un coup sur cette action: Louisa Necib blessée à un genou peu avant et Bérangère Sapowicz, mal retombée sur le but. L’entrée d’Elodie Thomis était pourtant un mal pour un bien puisqu’elle apportait, devant, un mouvement qui manquait jusque là un peu.

Les vingt dernières minutes

Un autre changement tactique allait relancer la France: Eugénie Le Sommer, jusque-là complètement muselée dans l’axe, passait à droite et Elodie Thomis était recentrée. On ne peut pas vraiment dire qu’elle passait en pointe dans la mesure où la France jouait en fait sans véritable point d’appui devant, la flèche lyonnaise2 partant de plus loin, ce qui lui permettait d’utiliser sa vitesse.
C’était donc justice que ce soit elle qui marque en profitant d’une récupération haute et d’un alignement approximatif de la défense suédoise, pour placer une jolie frappe au premier poteau (56e). On notera que, même marqué par l’avant-centre, il s’agit encore une fois d’une frappe en dehors de la surface. Les Bleues semblaient alors tenir le match, surtout après qu’une altercation entre Sonia Bompastor et Josefine Öqvist se fut soldée par l’expulsion de la Suédoise.

Revenue à un partout et à onze contre dix, la force de caractère de l’équipe de France avait parlé. C’est sans doute sur ces dernières vingt minutes que le staff des Bleues va devoir travailler pour faire vraiment franchir un palier à cette équipe. Les Françaises ont alors semblé vouloir jouer tranquillement, comme si le score allait obligatoirement tourner en leur faveur, avec moins de mouvement et plus de ballons rendus. Le but splendide de Marie Hammarström était la conséquence logique de ces quelques dixièmes de secondes de retard, dans la prise de balle d’Eugénie Le Sommer d’abord, puis dans l’intervention Wendie Renard ensuite (82e).

Plus touchées par cet échec

Avec dix minutes à jouer, une joueuse en plus et un but à remonter, deux actions symbolisent sans doute ce qui manque pour remporter ces matches. Bruno Bini a choisi comme dernier remplacement de faire entrer Caroline Pizzala, seule joueuse de champ qui n’avait pas encore joué, mais qui est plutôt une milieu relayeuse, alors qu’il avait encore sur le banc Marie-Laure Delie et Sandrine Brétigny, emmenée « parce qu’elle peut faire la différence en entrant à vingt minutes de la fin ». Encore faut-il entrer quand il y a un but à marquer, ce qui n’a été le cas ni contre l’Allemagne, ni contre les Etats-Unis, ni contre la Suède3. Mais l’entrée de la Parisienne ne traduisait pas l’envie farouche d’aller chercher la prolongation.

Puis, dans la dernière minute de temps additionnel, les Françaises ont eu par deux fois l’occasion d’aller porter le danger dans la surface suédoise, et elles se sont perdues par deux fois en tentant de remonter le ballon proprement pour se faire enfermer sur un côté aux abords de la ligne médiane. En théorie, il est effectivement louable de vouloir toujours passer par le jeu pour s’en sortir, mais quand il ne reste que vingt secondes, mettre au plus vite le ballon près de la cage adverse est une obligation pour égaliser, même en tentant une balle aérienne contre les Suédoises.
Au final, les Bleues perdent donc leur troisième match de la compétition et semblent paradoxalement plus touchées par cet échec pour la troisième place que par la défaite contre les Etats-Unis. Sans doute parce que, malgré tout ce qui a été dit, la marche semblait vraiment trop haute pour la finale, alors que la Suède était vraiment une équipe à la portée des Bleues.

Projet de vie et projet de jeu

Bruno Bini et son staff4 ont un an et quelques matches (dont le début des éliminatoires de l’Euro) pour trouver les clés permettant de faire ressembler cette équipe aux Bleus de 98-2000 plus qu’à ceux de 82-865. Il aura sans doute à analyser la pertinence de la prééminence du « projet de vie » sur le « projet de jeu ». La demi-finale et la place aux JO, surtout avec le scénario contre l’Angleterre, semblent légitimer ce choix. Mais les résultats d’ensemble laissent aussi planer le doute. Après la défaite en demi-finale, Sonia Bompastor a estimé que le problème venait de ce que la France « manquait de matches de haut niveau ». De fait, depuis le dernier Euro, la France n’a rencontré que la Nouvelle-Zélande parmi les qualifiées pour la Coupe du monde, et globalement les adversaires les plus dangereux ont été l’Italie (en barrages) et les Pays-Bas – soit des équipes assez éloignées du gratin6. Il est tout à fait impressionnant de mettre 50 buts en 10 matches contre la Serbie ou l’Estonie (ou l’Irlande, l’Ecosse et le Pays de Galles lors des prochains éliminatoires), mais cela n’épaissit sans doute pas beaucoup l’expérience.

Le choix de la gardienne permet aussi une interrogation du même registre. Au delà de l’absence de Sarah Bouhaddi, les performances de Céline Deville ont finalement été plus convaincantes que celles de Bérangères Sapowicz. Pourtant, le choix de la numéro 1 ne faisait pas de doute et ne prêtait pas à discussion. Sauf que Céline Deville compte une quarantaine de sélection depuis 2003, a joué un quart et une demi-finale de Coupe d’Europe, alors que Bérangère Sapowicz compte moitié moins de capes (et sauf la première, depuis 2009, donc jamais contre des adversaires de haut niveau) et n’a encore jamais joué en Coupe d’Europe. Peut-être que la gardienne de Montpellier était plus prête à assumer l’événement que celle du PSG – dont le talent n’est certainement pas en cause.

Jusqu’en 2007, la France participait à l’Algarve Cup où elle se frottait au gratin mondial et où elle faisait en général bonne figure (3e ou 4e), ce qui lui faisait tous les ans trois ou quatre confrontations avec les meilleures nations. Il serait sans doute enrichissant d’y retourner. De plus, l’OL et le PSG participeront cette saison à la Coupe d’Europe, qui va donc concerner une quinzaine des 21 sélectionnées, plus une bonne partie des joueuses qui sont dans l’antichambre de la sélection. Un bon parcours du PSG serait sans doute de bon augure pour les prochains JO.



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