Ni buts ni soumises » À jamais les premières

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À jamais les premières

Les olympiques Lyonnaises offrent à JMA sa première Ligue des champions, et à nous autres autant de plaisir que d’espoir.

Le football réserve encore quelques moments de plaisir, décuplé par leur caractère inattendu: il fallait donc, hier, s’aventurer sur Eurosport ou Direct 8 et assister à la victoire des filles de l’OL en Ligue des champions. De l’enjeu, un match débridé, rythmé, des frayeurs, une délivrance, le titre… à qui n’avait pas vu de football féminin ces dernières années, les progrès seront apparus spectaculaires, ne serait-ce que sur l’agrément du match. Il y a certes du déchet, quelques scènes de confusion, mais aussi des espaces, des gestes techniques audacieux, énormément d’engagement (y compris dans les contacts) et beaucoup d’idées – à l’image de quelques ouvertures lumineuses.

Une autre qualité de football

Quand l’envie est à ce point au rendez-vous, le résultat pour le spectateur est simplement enthousiasmant et au jeu des différences avec le football masculin, la balance penche sur de nombreux points pour les filles, qui ont par exemple le temps de faire plus de choses du ballon. D’une manière générale, il est terriblement intéressant de voir jouer au football des athlètes qui ne donnent pas l’impression de sortir d’un club de culturistes.

Ce retour d’une certaine élégance donne envie de croire, dans l’euphorie du moment, que ce sport pourrait renouer grâce aux femmes avec une qualité de football que l’on croyait disparue (lire "Le football, c’était mieux avant?"). Moyennant une meilleure homogénéité technique et un peu plus (mais point trop) de culture tactique, le spectacle pourrait vite devenir particulièrement séduisant. Encore plus à six euros la place en finale de Ligue des champions.

Les obstacles à cet avènement sont toutefois connus, de même que leur puissance : d’une part la confidentialité médiatique qui entoure les compétitions de femmes en dehors d’événements exceptionnels, d’autre part les résistances culturelles qui tendent à déconsidérer la version féminine d’un sport particulièrement "masculin". Comme l’a résumé Nour-Eddine Zidane sur Twitter: "Bravo l’OL féminin! Vous allez passer au Grand Journal, faire des poses sexy dans un mag puis retourner dans l’anonymat. Comme le hand.". Il y a donc du chemin à parcourir, mais une voie s’est peut-être ouverte jeudi soir.

La nalyse

Remake de l’édition de l’an dernier, la finale n’en a pas été une redite complète. Du côté allemand, c’était quasiment la même équipe que l’an dernier, dans la mesure où la japonaise Yuki Nagasato – meilleure buteuse de Potsdam cette saison alors qu’elle n’était que remplaçante l’an dernier – était absente de dernière minute. Du côté lyonnais par contre, l’équipe était nettement renforcée par le retour d’Amérique de Camille Abily et Sonia Bompastor, ainsi que par la titularisation de Lotta Schelin, blessée l’an dernier.

Lyon s’est disposé dans le 4-3-3 très corporate utilisé tout au long de la saison, avec Amandine Henry à côté de Shirley Cruz pour muscler la récupération et Louisa Necib préférée à Lara Dickenmann sur le côté gauche, afin de laisser le couloir à Sonia Bompastor – et sans doute aussi de profiter de la capacité de la Suissesse à entrer en fin de match.

En face, Potsdam a aussi fait dans le classique avec le vieux placement en 3-5-2 qu’on ne trouve à peu près plus qu’en Allemagne. Et pour compenser l’absence de Yuki Nagasato, Fatmire Bajramaj est recentrée et joue quasiment centre avant.

L’image d’Epinal des Allemandes rugueuses et physiques bousculant des Françaises techniques et peu réalistes a rapidement jauni. Bernd Schröder, l’entraîneur de Potsdam, en avait pris le contre-pied dans un interview à l’UEFA, expliquant craindre beaucoup le jeu athlétique des équipes françaises, qui lui avait posé problème lors de la dernière finale et contre Juvisy en quart de finales… ajoutant qu’il avait un plan pour le contrer avec son jeu d’attaque.

>Sur le terrain, on voit assez vite qu’il s’agissait surtout d’un axe de communication, même si les Lyonnaises répondent effectivement présent dans les duels. Comme le fait judicieusement remarquer un commentateur, le match est "viril". Les deux équipes se rendent coup pour coup, chacune dans son style: avec la maîtrise du ballon pour l’OL et avec un jeu rapide pour le FFC Turbine.

Mais c’est finalement sur corner que Wendie Renard marqe un but éponyme après une frappe repoussée de Lotta Schelin (27e). En deuxième mi-temps, Potsdam démarre fort, mais sans se créer de véritable occasion, avant que le jeu ne ressemble de nouveau à celui de la première mi-temps avec un ballon essentiellement lyonnais.

C’est paradoxalement durant cette période de maîtrise que Potsdam aura finalement obtenu ses meilleures occasions. à l’heure de jeu, Anja Mittag fait mentir sa réputation en manquant deux occasions de suite, dont une seule face au but après un ballon manqué de Wendie Renard, qu’elle se fait souffler par Amandine Henry seule face au but.

En fin de match, la domination lyonnaise a fini par payer par l’intermédiaire des deux joueuses entrées en jeu, Eugénie Le Sommer pour le centre et Lara Dickenmann pour la frappe – superbe (85e). à 2-0, le spectre d’une égalisation pouvait enfin être écarté.

Les filles

Contrairement à Bruno Bini, Patrice Lair considère Sarah Bouhaddi comme une des meilleures gardiennes du monde. Elle lui a plutôt donné raison avec quelques arrêts décisifs comme celui sur une frappe d’Isabelle Kerschowski en début de match, mais surtout en allant chercher tous les ballons aériens qui auraient pu mettre en difficulté la défense lyonnaise.

L’arrivée de Sabrina Viguier à l’intersaison a fait nettement moins de bruit que le retour des Américaines, mais elle s’est quand même imposée pour former avec Laura Georges une charnière centrale rarement mise vraiment en difficulté.

Elle est loin, la demi-finale de 2008 contre Umea lors de laquelle Wendie Renard avait tardé à sortir le ballon et s’était fait chiper par Marta pour l’unique but de la double confrontation. Maintenant, elle est la titulaire indiscutable de la défense Lyonnaise, cette fois-ci à droite où elle s’est permis le luxe de compléter son travail défensif par une grosse activité offensive, surtout en fin de match. Et puis une joueuse d’1m85, c’est pratique sur les coups de pieds arrêtés. Même pour marquer du pied.

Sur l’autre aile, Sonia Bompastor a été comme toujours parfaite sur le plan défensif même si elle a été moins en vue en attaque. Mais "moins en vue en attaque" pour elle, ça veut dire qu’elle n’a pas jouée ailière.

L’option de Patrice Lair était de muscler son milieu en mettant Amandine Henry en plus de Shirley Cruz. Les deux joueuses ont en permanence contrôlé le milieu, la Nordiste doublant ses nombreuses récupérations par un travail de relance qui en a fait à certains moments la meneuse de l’équipe. Sans doute la joueuse du match.

Le titre a pourtant été officiellement décerné à Camille Abily, sans doute la joueuse la plus talentueuse sur le terrain et qui a profité du placements de ses consœurs du milieu pour jouer très avancée, quasiment en position de neuf et demi, là ou Patrice Lair la préfère.

À l’aile droite, Elodie Thomis voulait sans doute faire oublier son match raté contre Arsenal. Elle a profité de sa vitesse pour mettre au supplice son adversaire directe et créer beaucoup de situation dangereuses. Elle s’est un peu éteinte en deuxième mi-temps, avant d’être remplacée par Eugénie Le Sommer, qui a profité de son entrée pour donner le deuxième but à Lara Dickenmann puis participer à l’opération conservation du ballon au poteau de corner des dernières minutes.

De l’autre côté, Louisa Necib était un peu exilée et elle a moins pesé que dans l’axe mais joué avec plus de simplicité que d’autres fois fait preuve de beaucoup d’engagement, en particulier sur le plan défensif. Et une fois tout le monde bien fatigué, elle a été remplacée par Lara Dickenmann, qui a fait honneur à sa réputation de joueuse décisive quand elle entre cours de match, en marquant le deuxième but – tout comme elle avait inscrit celui de la qualification du quart de finale contre Zvezda Perm.

>Enfin, en pointe, Lotta Schelin a montré à quel point c’est plus facile de jouer avec une avant-centre rapide capable de prendre la profondeur comme de jouer dos au but. Pas de but à son actif mais elle a mobilisé en permanence deux ou trois défenseuses allemandes.

Les observations en vrac

  • On notera que dans le football féminin, le stéréotype s’inverse : le grand black costaud est une grand blonde costaude.
  • Si l’OL mâle avait montré la moitié de la motivation des filles, il serait champion avec 12 points d’avance.
  • Heureusement, dans les pubs à la mi-temps, l’ordre est rétabli : les mecs jouent au foot et les filles apportent les tomates mozza.
  • Arbitre enculée", ce n’est plus homophobe, mais est-ce que c’est sexiste ?
  • Ça y est, Jean-Michel Aulas a sa Ligue des champions. Il peut se retirer maintenant.


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