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Tristes tropiques

Les tours de Coupe de France sont l'occasion pour les médias de mettre sous les projecteurs des équipes aussi inconnues qu'inattendues... perpétuant ainsi une myriade de clichés condescendants et "urbanocentristes". Analyse.

Auteur : André Pierre Ci-Gît Gnac le 25 Avr 2014

 

 
Habitués à ne couvrir que la face "médiatisée" du football français, les médias sportifs ne manquent jamais de descendre les échelons lorsqu'il s'agit de parler des Petits Poucets, Cendrillons et autres clubs amateurs qui s'invitent annuellement dans le cénacle des derniers tours de Coupe. Cette couverture, aussi bénéfique puisse-t-elle être en principe pour le football amateur [1], pose toutefois question. Il n'est en effet pas rare de constater que dans un cadre social face auquel ils ne savent pas toujours se positionner, les journalistes se permettent alors des observations extra-sportives qui fleurent bon l'anthropologie de fauteuil...

 


 


Folklore de la gadoue

Ainsi, lors des 32e de finale de la Coupe de France, So Foot semblait trop heureux de "venir se caler dans la gadoue" à Pontarlier [2] et de s'essayer à une forme de micro-journalisme afin de rapporter au monde d'"en haut" la vie d'un club amateur. "Vin chaud", "accent local", "cloches", "beaucoup de buvettes": tout pousse ici à l'identification d'un terroir bien loin des mouvements de foules anonymes autour des grands stades. Afin de renforcer cette description folklorisante, le journaliste narre également sa rencontre avec quelques supporters locaux. Comme le dénommé Jean-Fi, rebaptisé "le grand con" (puisque c'est comme ça qu'il est surnommé par ses amis), et "le Suisse" (qui n'a visiblement même pas de prénom) dont on ne se prive pas de rapporter ses paroles de "poète": "Et la Fraaance, on va vous baiser à la Coupe du Monde. Moi ce match-lààà, j'en ai rien à foutre. Qui reprend un verre?"

Cet exemple illustre avec quelle facilité de simples données, prises sur le vif dans une tribune, peuvent être soumises à une instrumentalisation subtile pour dénigrer d'emblée celui qui parle. La parole de l'individu n'est retranscrite que pour servir un processus d'inversion "comique": la crudité des termes devient poésie, et le "Suisse" poète devient par là même un bouffon. Ces différents procédés semblent véhiculer de manière latente les catégorisations journalistiques à l’œuvre dans la couverture de la Coupe. Sous prétexte de vouloir remonter aux sources locales du football, les médias paraissent oublier que leurs procédés mettent autant en lumière les clubs amateurs qu'ils en délivre une stigmatisation presque inconsciente. Si les premiers tours de Coupe plaisent aux journaux, c'est justement parce qu'ils offrent des images qu'il est simple d'estampiller comme étant "locales" pour mieux en souligner l'exotisme fictif.
 


"La fête au village"

S'il ne s'agit pas ici de faire un procès d'intention aux médias, Il convient de montrer que leurs reprises systématiques de certains stéréotypes de la ruralité ou du prolétariat enferment leur objet dans des catégories dénigrantes. Le journalisme de masse ne peut plus servir le football amateur quand il se borne à faire du pittoresque pour lui même et quand il distord la différence jusqu'à en faire une difformité sociale. Lorsque So Foot parle par exemple de ces "faces d'une dizaine de bonhommes en survêt du club" qui, après quelques verres, "rougissent au fur et à mesure que la partie avance", le propos, non content d'agiter certains clichés nauséabonds, tombe dans le grotesque.
 

À force de vouloir saisir le football amateur dans ce qui semblerait être son surgissement natif [3], les médias versent dans l'excès du folklorisme. Et le vocabulaire utilisé atteste des raccourcis dont ils usent pour cristalliser les différences et accroître la distance "physique" entre les équipes amateurs et les professionnels. La une de L'Équipe du 24 Mars 2009 est sur ce point éloquente: pour saluer la réception de Toulouse par le club de Schirrhein-Schirrhoffen le quotidien titrait "La fête au village", oubliant au passage que "l'agglomération" faisait à l'époque plus de 2.900 habitants [4]...
 


Misérabilisme latent

Les largesses inhérentes à ces pratiques journalistiques sont également visibles lorsqu'il s'agit de traiter des joueurs eux-même. Contrairement à un footballeur professionnel, un footballeur amateur n'est jamais totalement avant-centre ou défenseur. Les médias ne se privent en effet jamais de souligner que les joueurs d'Yzeure, Marcq en Baroeul [5] ou Quevilly sont également actifs à l'extérieur du stade. Cette nouvelle distinction entre footballeurs de métiers et footballeurs "du dimanche" ne se veut pourtant pas discriminatoire. Car si L'Équipe précise qu'à Dreux "le banquier, le maître d’école, les étudiants, les magasiniers ou encore le facteur, savent qu’ils vont disputer le "match de leur vie" face à Nancy", n'est-ce  pas justement pas pour rendre hommage à des joueurs de DH qui, acteur d'un football dont on ne parle jamais, ont enfin l'occasion de pouvoir jouer dans la lumière [6]?
 

En réalité, le procédé véhicule à la fois misérabilisme et condescendance. La référence à cette double casquette ne sert ici qu'à transformer ces acteurs en bêtes curieuses du football et de les faire rentrer sur la scène de la théâtralisation médiatique qui entoure tout match entre un "ogre" et un "petit poucet". Et ce dernier en cas de défaite, recevra tout de même l'accolade du monde médiatique qui saluera la défaite d'une "brave équipe" dans un combat perdu d'avance. Quant aux joueurs, ils n'en seront pas moins applaudis pour avoir "mouillé le maillot", comme si les médias se devaient systématiquement d'invoquer des concepts fumeux [7] comme lots de consolation.
 

L'excitation que provoquent chez les médias certaines affiches de Coupe de France n'a rien d'étonnant. Ces dernières leurs permettent en effet de sortir d'un quotidien empesté de résumés de match aseptisés et d'interview robotiques. Néanmoins, l'on ne saurait que trop recommander à certains journalistes de canaliser leur propos, sous peine de voir proliférer encore longtemps des procédés qui risqueraient un jour de nous faire oublier que les clubs amateurs sont avant tous des équipes de football.

 

[1] Encore que le terme, si souvent utilisé, de "football amateur" est résolument incorrect car monolithique. On objectera qu'il existe "des" footballs amateurs, aux dynamiques singulières selon les échelons, les lieux, les moyens financiers et les pratiques...
[2] À l'occasion du match contre Caen en 32e de finale de la Coupe 2013-2014.
[3] Ce qui est tout à fait faux, puisque ces propos et ces données sont toujours "sélectionnées" a posteriori pour servir le propos de départ du journaliste. En d'autres termes, les données ne construisent pas l'article, elle le légitimisent.
[4] Schirrhein avait à l'époque environs 2.200 habitants et Schirrhoffen 700. La démarcation officielle entre le village et la ville se fait à 2.000 habitants.
[5] Comme ce commentateur d'Eurosport, s'exprimant alors qu'Hermann Depré, l'attaquant de Marcq en Baroeul, a le ballon: "C'est lui qui finit ses études de kiné", bien que cela n'ait rien à voir avec l'action en cours.
[6] On saluera aussi la galerie d'Eurosport qui dresse, à la façon d'un bestiaire, les différents métiers des joueurs de Schirrhein lors de leur victoire face à Clermon Foot en 2009: "Aujourd'hui, les stars locales s'appellent Laurent Wagner, ingénieur, Saïd Ighli, policier municipal, Raphaël Martzolff, conducteur de travaux, Guillaume Roth, le vétéran Arnaud Marty".
[7] Lire à ce propos l'article paru sur Rue89 de Clément Guillou et Ramsès Kefi.  

 

Réactions

  • le petit prince le 25/04/2014 à 02h05
    Où l'on apprend dans le premier paragraphe que les "médias" parlent de ce qui est "médiatisé". Sauf des fois. Mouais.

    Dans le paragraphe sur Schirrhein : qui a fixé le seuil de ville/village à 2000 habitants ? L'INSEE ? L'académie française et les usages nous autorisent un emploi du mot village un peu plus souple. Et si l'on veut jouer sur les mots et compter à la manière de l'INSEE comme l'auteur semble le faire, eh bien ça fait quand même deux villages et non une ville. De toute façon le match a eu lieu à Haguenau, au Parc des Sports, j'y ai assisté.

    C'était vraiment la fête au village. La fête aux villages. Pendant des jours. Une fête pas très belle. Je n'ai JAMAIS vu de pire mauvaise foi dans un "stade" de foot. Pour parler des stades que je connais le mieux, même les gros cons du Parc des Princes (ancienne ou nouvelle version, comme vous voulez), même les pires mamies hystériques de Bonal qui glapissent à tout bout de champ contre l'arbitre, n'atteignent pas un tel niveau collectif de bêtise. On aurait pu s'amuser à chercher les gens modérés et équilibrés dans ce stade, il y en avait, mais cela n'aurait pas été très fidèle à la réalité.

    L'auteur n'aurait-il pas mieux fait de dénicher un footballeur ou un supporter local qui échappe à ces clichés et d'y consacrer un papier plutôt que de redresser les torts des "médias", c'est-à-dire de personne, sous prétexte qu'ils ne prennent pas le temps du distinguo entre les 40 millions de sortes de supporters français ?

    J'aurais également accepté de lire un coup de gueule contre ce marronnier journalistique qu'est, il est vrai, le reportage chez le "petit poucet" et ses stéréotypes. Un billet d'humeur à la Sacdefiel, pas de problème.

    Ou calculer le pourcentage de fois où les médias parlent d'abord des médias (ou des rézosocio) dans ce genre de circonstances, plutôt que de l'événement en lui-même, et analyser ce tic journalistique précis, ou un autre.

    J'aurais même bien aimé voir dézinguer l'insupportable style de So Foot.

    Mais prétendre dans une "analyse" critiquer la présence de ces stéréotypes (dans les articles sur les footballeurs du dimanche) en usant des formes d'un discours savant ? Sans reconnaître que ce ne sont pas les journalistes qui les inventent mais que les gens sont, dans l'ensemble, vraiment comme ça ? Il faut être ignorant ou de mauvaise foi.

    Parce que la seule chose que l'on peut reprocher au journaliste qui décrit le footballeur du dimanche moyen qui se prépare pour le match de sa vie et son supporter rougeaud qui enfile les canons et les lieux communs à la buvette, c'est d'omettre de préciser que l'histoire du gros contre le petit n'est pas toujours celle du méchant contre le gentil. Dans la plupart des histoires vraies, il n'y a pas de gentil.

    Et dans l'histoire du "gros contre le petit", on peut bien souvent retirer les 10 dernières lettres.

    Bref, un coup dans l'eau à mon avis.

  • Zlatanist le 25/04/2014 à 06h56
    Le style sofootien du dénigrement amusé ne se limite pas aux articles sur le foot amateur, chaque article se devant d'avoir son beauf et sa gueule cassée.

    Après, c'est une question de goût... Ca peut être drôle à lire, mais le procédé est trop récurrent et en devient effectivement une figure de style nauséabonde.

  • theviking le 25/04/2014 à 07h49
    En fait la distinction commune/ville se fait à 2000 habitants agglomérés. Donc on peut très bien avoir des communes de 3000 habitants (voire plus) qui ne sont pas des villes parce que constituées de plusieurs gros villages (ou hameaux si vous préférez).

  • Tonton Danijel le 25/04/2014 à 08h30
    Ca m'avait fait sourire à une époque où l'Aviron Bayonnais avait réalisé un bon parcours (en éliminant notamment les Girondins de Bordeaux) d'entendre les commentateurs s'étonner de voir un club de foot dans une "ville de rugby". Sauf qu'il s'agissait juste du club formateur de Christian Sarramagna et de Didier Deschamps...

  • Nadine Zamorano le 25/04/2014 à 09h12
    Je rejoins le petit prince sur la pertinence limitée d'une démarche savante pour déconstruire de simples rengaines journalistiques. Je crois me souvenir qu'en ces pages sont souvent célébrés des épisodes champêtres mêlant football, gadoue et canettes de bière, notamment dans le fil "Parties de campagne" ou dans certains articles comme celui qui relate les phrases cultes des terrains de district ["La revanche du distrik"].

    Ceci-dit, l'article a le mérite d'asseoir les fondements d'une critique des marronniers d'hiver, et de tacler gentiment le style branchouille de SoFoot, dont la qualité du site web contraste avec l'excellente version papier.

  • Sir Sourire le 25/04/2014 à 09h31
    Oui enfin petit prince, le Parisien qui méprise les ploucs, il allait pas non plus applaudir un article qui reproche aux Parisiens de mépriser les ploucs.

  • Kireg le 25/04/2014 à 09h35
    J'ai rencontré des personnes formidables dans les bas-fonds du foot amateur : lien

    Ces personnes, je ne les aurais pas rencontrées sans le football. Dans mon équipe de "ZEP", on parlait cinq ou six langues différentes. On s'enrichissait mutuellement (ohhhhh).

    Après, c'est certain, l'angle "Robert, plombier dans le civil et neuneu ventripotent de son état" est plus facile à traiter. Surtout quand on a déjà parlé de Michel, le boulanger en surpoids qu'est pas très finaud.

    C'est ce que demande le public coco !

    Il y aurait tellement de choses originales à faire, à raconter.

    Mais s'il faut désormais faire correctement son travail et sortir des sentiers battus pour faire passer son article ou son reportage, hein, bon, trop gavé !

  • syle le 25/04/2014 à 11h29
    L'article fait bien ressortir une forme d'agacement que j'ai maintes fois ressentie à la vue de ces reportages.
    Le traitement par la presse nationale du football amateur me fait souvent penser à la blague du fou qui regarde par dessus le mur de son asile et demande à un passant "vous êtes nombreux, là-dedans ?"
    Bref, j'ai aimé le fond de l'article, et je ne reproche rien à la forme.

    Pour autant, dans ce qui m'horripile, il y a aussi le stéréotype que l'on fait, par opposition, du football professionnel, de ses joueurs et de ses supporters.
    Parce que le petit poucet, il est un peu grotesque, mais gentil. Pas comme le vilain Péhaissegé ou l'horrible Ohême, avec des mecs trop payés sur le terrain et des hooligans en tribune.
    Au niveau des clichés et des lieux communs, on n'est plus à ça près.
    Qu'ils apprennent, ces sales gosses gâtés, ce que c'est que de se cogner les trois huit, d'aller aux entraînements et de jouer le dimanche, suggèrent des types qui n'ont pas la moindre idée des sacrifices et de la force de caractère que l'on exige de gamins qui veulent avoir une chance de devenir pros un jour.
    Donc, en la circonstance, la bienséance commande au journaleux, commentateur ou assimilé d'afficher - avec condescendance - son soutien à ce petit poucet, aux côtés de Ginette et Robert, outrageusement déguisés.
    Et peu importe si Ginette et Robert, non contents d'être de gros beaufs rougeauds sélectionnés pour l'occasion, sont aussi de gros cons racistes.
    Je n'en fais évidemment pas une généralité, mais le public pittoresque de la ville dans laquelle je résidais à une époque m'avait conduit à déserter le stade. Trop de connerie, trop d'insultes racistes systématiques, trop de sacs à merde qui, seuls face au mec dont ils avaient insulté la mère pendant une heure et demie, auraient mouillé leurs langes.
    Le summum était atteint lors des matches contre des réserves de grands clubs, ou contre les équipes de jeunes de ces grands clubs. Jamais je n'ai senti autant de haine dans un stade. Balancer les insultes les plus ignominieuses à des gamins plus talentueux qu'aucun joueur du cru ne l'avait jamais été, c'était presque un réflexe.
    Bref, l'ambiance bon enfant, on la trouve dans plein de petits clubs. Mais pas tous.
    Car on en trouve aussi qui, conformément aux principes qu'ils prônent bruyamment à longueur de match, semblent payer un lourd tribut à la consanguinité.

  • Tonton Danijel le 25/04/2014 à 11h58
    Cette opposition amateur/stars surpayés est d'autant plus ridicule que bien souvent, les amateurs croisés en Coupe de France ont des rythmes d'entraînement tout aussi soutenus que les pros, on est loin du "postier bedonnant" de cette chère Marion Aydalot. Ils sont juste insuffisamment bons pour être pro, c'est tout. Ben oui, même en s'entraînant comme des bœufs, on peut ne pas envisager une carrière professionnelle, ce qui n'empêche pas les "valeureux" amateurs de rivaliser, le temps d'un match, avec ceux qui étaient mieux pourvus pour le haut niveau (et qui les ont parfois grillés en centre de formation).

    Après, les amateurs travaillent à côté du foot, oui. Mais certains arrivent à avoir des emplois de complaisance auprès de la mairie, ou des horaires aménagés auprès du sponsor/président du club. Comme le dialogue surréaliste (mais à peine) de 'Coup de tête' qui cherchait à trouver un nouvel emploi à François Perrin:
    "La piscine a besoin d'un maître-nageur.
    - Ah ben c'est parfait ça! On n'a qu'à embaucher Perrin!
    - Il sait nager?
    - Cherche pas les complications..."

La revue des Cahiers du football