Tragi-comédie au Parc des Princes
Le festival du grotesque continue donc sur les pelouses de France. Le prix du jury revient à Luis Fernandez, qui grille fusible sur fusible et que ses joueurs mettent un point d'honneur à imiter. Dans un contexte où toutes les décisions arbitrales "lourdes" font systématiquement bondir les techniciens de leur banc et les dirigeants de leur siège pour se précipiter sur les micros, il n'est pas étonnant que les joueurs perdent eux aussi toute lucidité.
Pour juger du tacle de Déhu, il faut commencer par comprendre que ce n'est pas parce qu'un joueur "joue le ballon" qu'il n'y a pas faute, surtout s'il prend le risque d'arracher les jambes de son adversaire. Donc, un tacle déclenché à grande vitesse, les deux pieds décollés et les semelles en avant en pleine surface, c'est une faute (et une connerie) de la part du défenseur et qui lui vaut logiquement un penalty pour jeu dangereux. Les protestations excessives des Parisiens, persuadés par leur entourage d'être victimes d'un complot, valurent ensuite à Mendy une expulsion stupide et les rendirent incapables de réagir dans les derniers instants.
Cachés dans les échauffourées
Dans les gratinés commentaires d'après-match, pas un Parisien n'envisagea un instant que son équipe puisse être un tant soit peu responsable de la défaite. Pourtant, le PSG n'est pas venu à bout d'une pâle équipe girondine dont la défense était fragilisée par les absences. On peut ainsi se demander pourquoi Fernandez n'a pas fait jouer de véritable buteur avant la… 92e minute (Alex), persistant à ignorer que sans finisseur à côté d'Aloisio, le talent de ce dernier reste vain (à l'image de ce décalage idéal, dos au but, dont Fiorèse n'a pas su profiter).
Les techniciens qui désignent l'arbitre à la vindicte populaire comme le responsable des déboires de leur équipe veulent simplement masquer leur propre responsabilité derrière leur paranoïa. Cette attitude est évidemment infantile, comme ce refus de Fernandez et Gasset de quitter le terrain, après que l'entraîneur parisien s'en soit pris une énième fois cette saison au 4e arbitre. Celui-ci est censé assisté et préserver les juges de champ et de ligne, mais on se rend compte qu'il devient une cible de premier choix pour les excités du banc. Les gesticulations de Fernandez entraînèrent même la tribune présidentielle dans une stupide vindicte envers l'arbitre. Sa responsabilité dans les incidents qui ont suivi la rencontre aux abords du Parc est également engagée, et c'est beaucoup plus grave.
L'entraîneur a le culot de s'offusquer que les arbitres ne viennent plus à la réunion d'avant-match, une réunion conçue pour préserver l'esprit des rencontres, et qui devient l'occasion d'algarades comme celles de Lyon-PSG… Il n'a pas honte d'affirmer qu'il n'a pas touché le 4e arbitre, alors que la scène a été vue par des millions de téléspectateurs. Il se demande même "ce que vont faire les hauts responsables du foot français" (L'Equipe), leur suggérant d'intervenir contre les arbitres, alors que lui-même mériterait une suspension longue durée pour l'ensemble de son œuvre ces dernières semaines, aux côtés de quelques autres. Ils ne feront rien bien sûr, ou pire, peut-être. Rappelons que Fernandez a écopé cette saison de quatre matches ferme d'interdiction de terrain et n'en a purgé que les deux premiers par la grâce de la Commission d'appel de la Ligue… Ce doit être la "tolérance zéro" appliquée au football, qui accorde une prime aux multirécidivistes.
Complot pour la vidéo ?
On assiste à un phénomène intéressant, qui n'est pas assez souligné pourtant. Plus on gueule sur les arbitres, plus ils commettent d'erreurs. A l'image de M. Veissière, qui "oublia" un penalty sur Dhorasoo largement plus évident que le précédent. On n'attend même plus la fin de la rencontre, à l'image d'un Meyrieu lors de Lens-Metz, qui lui reproche la couleur de son maillot en suggérant son crétisnisme congénital. L'entreprise de démolition menée contre eux — avec la bienveillance, voire les encouragements de la Ligue — parvient à ce résultat paradoxal, mais pas forcément innocent, d'un affaiblissement encore plus grand des arbitres, qui sert finalement les intérêts de leurs détracteurs. Les journalistes eux-mêmes se lâchent, comme Denis Balbir-le-braillard qui les stigmatise en évoquant leurs "innombrables erreurs".
Et comme par hasard, la campagne rampante en faveur de l'arbitrage vidéo fait son retour, présentée sans examen comme une solution définitive.
Considérant l'irrationalité et la bêtise qui règnent actuellement, il ne serait pas surprenant que le lobby médiatico-patronal du foot impose ce genre de solutions. Une grosse connerie de plus, qui rapprocherait le football du patinage artistique en livrant le sort des matches à des interprétations encore plus subjectives et discutables. Qu'on imagine simplement le fameux accrochage Ravanelli-Rabesandratana jugé dans un sens ou dans un autre par un comité de visionnage… (sur le sujet, voir Arbitrage et vidéo à bon escient et La vidéo, un crime contre le football).
L'arbitre sur écoute
L'idée très en vogue ces dernières heures qui consisterait à équiper les arbitres de micros, à l'exemple du rugby, est assez bonne dans l'absolu, mais très romantique dans le contexte du football. En Ovalie, le respect de l'arbitre est sans commune mesure, il est impensable que les joueurs se précipitent sur l'arbitre en hurlant et en gesticulant à chaque décision litigieuse (et pourtant, il y a en a bien plus que dans le foot). Quand les juges de jeu s'adressent à eux, les rugbymen écoutent respectueusement, donnent éventuellement et calmement leur sentiment, mais se plient aux décisions. Les footballeurs sont bien incapables d'une telle attitude, et il faudra des générations avant de réformer leur éducation. En attendant, mettre des micros sur les arbitres dissuaderait peut-être les joueurs de recourir à l'insulte ou à l'invective, mais cela n'aurait comme mince intérêt que d'entendre leur mauvaise foi pathologique et de soumettre les avis de l'arbitre à celle des supporters.
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On aurait préféré que la fin de l'exercice 2001/02 soit palpitante pour d'autres raisons, mais on peut se demander comment va se terminer cette saison, qui semble dégénérer rapidement et se produire des situations de plus en plus incontrôlables. D'où et de qui pourrait venir l'apaisement et le retour d'un minimum d'autorité? Faut-il rayer le Lexomil de la liste des produits dopants?