Tapie: bluff et démagogie sur toute la ligne
Pseudo come-back à Marseille, levée de fonds auprès des supporters, site Internet… Bernard Tapie est-il de retour, ou seulement son ombre?
Bernard Tapie fait donc son retour dans le football. On ne sait pas trop comment, lui non plus n'a pas vraiment l'air de savoir, puisqu'il s'est d'abord annoncé comme manager d'un club dont on est sans nouvelle depuis… Il a ensuite prétendu avoir "négocié" avec Robert Louis-Dreyfus pour reprendre l'Olympique de Marseille ou y revenir comme manager sportif, alors que RLD, très irrité, a déclaré lui avoir parlé deux fois au téléphone et opposé un refus définitif.
Tapie lance aussi l'idée fumeuse d'une souscription auprès des supporters. Et pour parachever ce retour dans l'actualité, il lance enfin son site Internet, dans lequel il livre les derniers ragots du milieu, régurgités par le maître à penser des esprits faibles.
L'illusion marseillaise
Dans le dossier marseillais, sa stratégie consiste à faire croire à une énormité, à savoir que son débarquement à la tête de l'OM est possible. Mais les paroles de Louis-Dreyfus, qui lui demande s'il a les 500MF nécessaires à la reprise du club, renvoient dans les cordes celui qui est devenu un nain économique et ne pourrait plus reproduire aujourd'hui le système de finances virtuelles qui avait conduit tout son monde à la gloire et à la banqueroute.
Se croyant encore dans les années 80, Tapie veut racheter les entreprises pour le franc symbolique. Aux dernières nouvelles, il est revenu sur ses déclarations, affirmant cette fois avoir juste servi d'intermédiaire pour l'industriel Michel Reybier (candidat malheureux à la reprise du FC Nantes).
Tapie se redonne de l'importance et remue la nostalgie persistante chez de nombreux supporters, lesquels regrettent ce manipulateur qui les a si bien grugés qu'ils en redemandent. Malgré un réveil brutal, le "rêve" vicié de cette Olympie hante encore certains qui préfèrent ne pas regarder la réalité en face.
Le populisme est fondé sur ce contrat tacite qui échange des illusions contre du pouvoir et dans lequel le peuple sous le charme doit laisser l'impunité au grand homme qui les fait rêver. Théorie du complot et réflexes paranoïaques suffisent ensuite à donner crédit aux justifications les plus infantiles.
Supporter, investis dans ton exploitation!
Dans le même flou quant à ses intentions vis-à-vis de l'OM, il reprend à son compte l'idée d'une souscription publique pour mener une "opération socios" à la barcelonaise, "puisque Louis-Dreyfus ne veut plus mettre d'argent" (le pingre!).
Plus généralement, il se propose de fédérer les sites de supporters afin notamment de "lever des capitaux auprès de supporters" pour aider les clubs à réaliser des transferts. "Je leur donne la possibilité de se faire entendre et de devenir des acteurs directs" (L'E 09/06/00). Passons sur la simple faisabilité d'un montage aussi obscur, mais bien dans le style démagogique du héraut des foules…
Evidemment, il serait intéressant que les supporters puissent être représentés et avoir une réelle influence sur la politique de leurs clubs, mais ici, le simulacre de démocratie qui est proposé réunit toutes les arnaques de l'actionnariat "populaire" ou "salarié". Les affairistes du foot-biz comme Tapie apprécieraient que les supporters financent un peu plus leurs profits et soient assez cons pour se faire tondre deux fois.
Nanard.com
l'ex-flamboyant capitaine d'industrie en est réduit à lancer sa start-up, comme n'importe quel jeune loup, et même avec un jeune loup: son propre fils. Son site tout récemment inauguré comporte des attractions de taille, comme "à la veille de l'Euro, la déclaration de Bernard Tapie en vidéo" (est-il président de la cérémonie d'ouverture?).
Il semble surtout axé sur un concept rédactionnel dont la valeur marchande n'est plus à démontrer: les rumeurs, dans une rubrique "bruits de couloirs" assez pitoyable. Bernard en est-il à revendre comme un chroniqueur turfiste ses ragots d'initié?
Gageons que les commentaires éclairés du maître constitueront à l'avenir le principal produit d'appel de ce portail. En guise de journalisme, attendez-vous essentiellement à une énumération des avis supérieurs du gourou sur toutes choses ainsi qu'à différents exercices d'auto-promotion.
Sans minimiser les dangers d'un retour aux affaires de l'âme damnée du football français, on peut raisonnablement douter de sa capacité à y retrouver une place centrale et à reconstituer son pouvoir de nuisance.
S'il fascine toujours certains, le personnage est usé jusqu'à la corde, il ne met plus aussi facilement les journalistes dans sa poche et n'est finalement pas très loin d'un statut de has-been un peu ridicule. Prudence quand même: Nanard n'est pas mort, il rêve encore…