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Sagnol dans le piège des stéréotypes

Une Balle dans le pied – Avec des propos navrants qui font écho à ceux de Laurent Blanc il y a trois ans, Willy Sagnol a déclenché une polémique prévisible, qui mérite pourtant d'autres réactions que l'indignation automatique des uns et le déni des autres.

Auteur : Jérôme Latta le 5 Nov 2014
Dernière réaction : le 09/11/2014 à 00h57

 

 

Le propre d'une polémique, quand elle est brutalement médiatisée, est que très vite , plus grand monde ne parle de ce qui l'a amorcée, mais s'écharpe sur cet artefact qu'est devenue la polémique elle-même. Les réactions suscitées par les déclarations de Willy Sagnol au cours d'un entretien avec les lecteurs du quotidien Sud Ouest, n'échappent pas à la règle. L'entraîneur des Girondins de Bordeaux, juste après avoir évoqué son souhait de recruter moins de joueurs africains afin que son équipe ne souffre pas de leur absence durant la Coupe d'Afrique des nations, affecte au "joueur typique africain" des qualités de combativité et de puissance, pour dire ensuite que "le foot ce n’est pas que ça (…), c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline."

 

Ces mots résonnent inévitablement avec ceux de son confrère Laurent Blanc, dans le cadre de la réunion organisée au siège de la FFF en novembre 2011 pour évoquer un système de quota de joueurs binationaux (lire "Pas de Blacks, «pas de problème»?"). Embarqué dans une conversation scabreuse dont il n'était pas le principal protagoniste, le sélectionneur de l'équipe de France avait évoqué ces Blacks forcément "grands, costauds, puissants" avant, surtout, de poursuivre avec des considérations sur leur style de jeu, leurs comportements supposés ou encore leur absence d'une sélection espagnole alors triomphante [1].



LA PARADOXALE EFFICACITÉ DES STÉRÉOTYPES



Il n'y a pas de procès de Willy Sagnol à mener, mais on peut – à moins de les considérer comme anecdotiques, ce qu'ils ne sont cependant déjà plus – examiner ses propos, s'interroger sur leur origine et leur portée, les remettre en perspective avec d'autres qui les ont précédés et qui leur ressemblent. Cet examen n'a nul besoin de porter sur leur racisme supposé (ou pas), mais sur les stéréotypes qu'ils expriment si spontanément : plaider sa "maladresse" et fustiger la "malveillance" de ses détracteurs ne suffit pas à régler la question.(…)

 


Lire l'article :


Réactions

  • Pas haut les tas! le 05/11/2014 à 10h04
    Sagnol a-t-il si tort que ça?

    Le football africain est tout de même un football assez physique, avec beaucoup de courses et une technique assez limitée comparé à ses homologues Sud-américain par exemple.

    Pourquoi peut-on comparer des équipes nationales et dire "les italiens sont des truqueurs", "les anglais sont physiques", "les allemands sont disciplinés", "les français sont hautains", "les brésiliens sont techniques", "les argentins ont la grinta" sans que cela ne choque pas vraiment grand monde?

    Attention, je ne dis pas que le foot africain ne repose que sur des espèces de Terminator qui cavalent tout le temps en balançant des pralines supersoniques et qu'ils ne savent faire que ça.
    Notre bon Augustine Jay-jay Okocha était un tripoteur de ballon incroyable, Georges Weah aussi dans mes souvenir, Kanu etc etc ... Mais depuis plusieurs années, je n'ai pas vu un joueur africain du niveau technique d'un CR7, d'un Messi, d'un Götze, d'un Pastore ou d'un Pogba (formé en Europe) ...

    Les joueurs formés en Afrique ont des qualités bien à eux et est-ce un mal de le dire?

    j'avoue que je suis perplexe.
  • JauneLierre le 05/11/2014 à 10h15
    Merci JL. Belle conclusion. Les "indignés trop systématiques" et leur manière de tomber à bras raccourcis su Sagnol m'exaspèrent autant que les propos de ce dernier, relevant effectivement, à mon avis, plus du stéréotype que d'un racisme réel.
  • Tonton Danijel le 05/11/2014 à 10h19
    Le principal tort de Sagnol est d'opposer des caractéristiques liées à la formation (là, je suis d'accord pour dire qu'on n'est pas nécessairement formé de la même façon... Encore qu'il y a sans doute de grandes différences entre les différentes écoles des centres de formation du continent africain) à des caractéristiques plus "mentales" comme l'intelligence et la discipline. Ce genre de propos, on dirait OSS 117 qui essaie de se justifier d'être aveuglé par des stéréotypes.

    Sans doute a-t-il l'image des sélections incapables de tenir un résultat (comme par exemple l'Algérie de 1982 qui mène 3-0 contre le Chili, puis laisse son adversaire revenir à 3-2, laissant ouvert la possibilité d'un match de la honte qualifiant l'Autriche et la RFA). Mais cela a beaucoup changé depuis, contre l'Allemagne à la dernière coupe du monde, la même Algérie fut extrêmement disciplinée et intelligente.
  • Pascal Amateur le 05/11/2014 à 10h23
    Je tiens à dire que je trouve cet article de Jérôme particulièrement remarquable.

    Notamment cette phrase : "Cela ne signifie évidemment pas que tout usage de stéréotypes conduit au racisme, mais qu'on ne luttera jamais efficacement contre ce dernier sans faire avancer la prise de conscience que ses fondements existent chez chacun de nous – ce qui doit passer par de subtiles opérations de dévoilement plutôt que par des imprécations et des accusations qui ne servent qu'à braquer leurs destinataires et une partie des 'spectateurs'."

    Le racisme, la haine, le refus de l'autre existent en chacun de nous. A vivre dans une société qui joue sans cesse avec les carcans moraux, déplaçant constamment les frontières de l'acceptable/inacceptable (comme le souligne justement le dernier paragraphe), tout devient. Dès lors, le racisme, c'est "bien" ou "mal", mais la posture devient manichéenne, empêchant toute réflexion, toute introspection.
    Cet article est un appel à l'intelligence, à la tolérance. Il me rend fier de lire les Cahiers du football.

    Je terminerai par un célèbre passage de Saint Augustin, qui interroge ce rapport haineux à l'autre, surtout quand l'amour d'autrui est érigé en valeur absolue :
    « Ainsi, la faiblesse du corps au premier âge est innocente, l’âme ne l’est pas. Un enfant que j’ai vu et observé était jaloux. Il ne parlait pas encore, et regardait, pâle et farouche, son frère de lait. Chose connue; les mères et nourrices prétendent conjurer ce mal par je ne sais quels enchantements. Mais est-ce innocence dans ce petit être, abreuvé à cette source de lait abondamment épanché, de n’y pas souffrir près de lui un frère indigent dont ce seul aliment soutient la vie? Et l’on endure ces défauts avec caresse, non pour être indifférents ou légers, mais comme devant passer au cours de l’âge. Vous les tolérez alors, plus tard ils vous révoltent. » (Saint Augustin, Confessions, livre I, chapitre VII, « L’enfant est pêcheur »)
  • fireflyonthewater le 05/11/2014 à 10h41
    wowwwww, a peine 24 apres la parution des paroles de Sagnol, on a deja un article ?????

    Sagnol c'est mal exprimé, c'est un fait. Ok, il n'a pas été tres bon communicant.

    Mais on a quand même le droit de dire que le football africain est physique et que la tactique est moins l'élément clé??? Regardez les match de la CAN ... combien de fois a t on dit que tactiquement c'etait super super faible?

    Et je rajouterai qu'en -17ans, sur les 15 editions de la coupe du monde soit 30 finalistes, les equipes africaines ont remportées 6x la competition et 5x finaliste... surement une question de tactique entre les equipes africaine A et les equipes de jeunes.
  • Rolfes Reus le 05/11/2014 à 10h43
    Je venais dire la même chose que Pascal Amateur, en moins bien, et citer le même passage.

    Mais quand même, une phrase comme "c'est bien les Nordiques, ils ont une bonne mentalité", comment on peut ne pas se rendre compte que c'est complètement idiot ?
  • Tonton Danijel le 05/11/2014 à 10h56
    fireflyonthewater
    aujourd'hui à 10h41

    Regardez les match de la CAN ... combien de fois a t on dit que tactiquement c’était super super faible?
    - - - - - - - - - - - - - - - - -

    Certes, mais c'est de moins en moins vrai au fil des éditions. La faiblesse tactique des équipes vient de plusieurs paramètres,dont trois me viennent à l'esprit:
    - beaucoup de sélections sont constitués de binationaux qui ont opté pour leur deuxième choix (donc le réservoir est assez faible)
    - certaines stars écrasent leurs autres coéquipiers et demandent à avoir une sélection jouant autour d'eux (coucou Samuel et Didier).
    - plus la politique qui s'en mêle assez régulièrement et impose ses propres choix (le Cameroun en est l'illustration, le sélectionneur devant composer avec les chouchous de Paul Biya)

    Mais le footballeur africain peut se montrer discipliné et intelligent, malgré ces handicaps.
  • Lucho Gonzealaise le 05/11/2014 à 10h57
    Pas haut les tas!
    aujourd'hui à 10h04

    Mais depuis plusieurs années, je n'ai pas vu un joueur africain du niveau technique d'un CR7, d'un Messi, d'un Götze, d'un Pastore ou d'un Pogba (formé en Europe) ...
    ---------

    Genre Yaya Touré, Didier Drogba, Samuel Eto'o ? Et encore, je ne cite que ceux qui sont au top techniquement, mais il y en a d'autres.

  • Lucho Gonzealaise le 05/11/2014 à 10h57
    Pas haut les tas!
    aujourd'hui à 10h04

    Mais depuis plusieurs années, je n'ai pas vu un joueur africain du niveau technique d'un CR7, d'un Messi, d'un Götze, d'un Pastore ou d'un Pogba (formé en Europe) ...
    ---------

    Genre Yaya Touré, Didier Drogba, Samuel Eto'o ? Et encore, je ne cite que ceux qui sont au top techniquement, mais il y en a d'autres.

  • Sens de la dérision le 05/11/2014 à 11h00
    Rien de nouveau sous le soleil dans cet article mais c'est toujours bon de reposer le problème clairement.

    Par contre ce bout de phrase "de l'autre celle d'une (plus récente) recrudescence des discours discriminatoires, racistes, sexistes, lien me semble complètement faux. Je ne crois pas à une augmentation de ce genre de propos mais ils sont plus mis en lumière, notamment par le biais d'internet.

La revue des Cahiers du football