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L'homme descend du songe

Depuis le printemps, les médias britanniques suivent l'action humanitaire pour l'Ukraine de Rod Stewart, la star qui aurait pu être un grand footballeur. Vraiment ?

Auteur : Kevin Quigagne le 14 Nov 2022

 

Au début des années 1970, l'altruiste [1] Anglo-Écossais Rod Stewart, aujourd'hui âgé de 77 ans, comptait parmi les pépites les plus convoitées du Royaume-Uni et était promis à une glorieuse carrière. Sans de foutues blessures et la faute à pas de chance, il aurait sans doute tutoyé les sommets.

En 1960, âgé de quinze ans et vivant dans feu le Middlesex (comté ultérieurement amalgamé au Grand Londres), le défenseur axial-milieu récupérateur Rod Stewart est un talent précoce et rare.

C'est un défensif au gros bagage technique et les recruteurs des grands clubs anglais se l'arrachent. Brentford FC, encore brillant pensionnaire de l'élite quelques saisons auparavant, aura la primeur de sa signature.

 

 

Un talent unique

Rod le polyvalent surdoué explose un à un les échelons du centre de formation des Bees, devenu vite trop étroit pour lui, et passe professionnel à dix-sept ans. Je me souviens d'images d'archives le montrant diriger sa défense comme un vieux briscard et je le revois claquer des worldies, ces buts venus d'ailleurs.

Une action lumineuse en particulier me reste gravée en mémoire, contre la réserve de Liverpool, future ossature de l'équipe championne d'Angleterre 1964 et 1966. Il jaillit du milieu, efface cinq joueurs-plots, et conclut son étourdissante chevauchée d'un piqué !

À dix-huit ans, la mort dans l'âme, il doit raccrocher pour cause de douleurs chroniques aux tendons rotuliens. Sa carrière musicale démarre et il lui faut faire des choix. Les observateurs de l'époque sont unanimes : il aurait brillé en First Division et probablement aussi avec les Trois Lions ou la Tartan Army (sa mère était écossaise). Musique 1, Football 0 donc, et un "big fat" zéro de surcroît.

 

 

Mais j'imagine que vous savez déjà tout ça si vous suivez le football britannique. Sauf que ce que vous venez de lire est du fake, de la fiction, de l'idéalisé. Je vous ai éhontément embarqués dans une vieille légende urbaine : Rod Stewart et sa soi-disant carrière footballistique, qui dura en fait le temps d'une matinée.

Le crooner fut sélectionné plusieurs fois en équipe du comté et passa bien un essai avec Brentford en juillet 1960, comme tant de jeunes cet été-là à travers le pays, mais le club de D3 ne donna pas suite. Le mythe, lui, était en marche, inarrêtable. Stewart sut l'entretenir et la caravane suivit gaiement.

Le bal des refoulés

La documentation aléatoire et les souvenirs, dissipés dans les volutes du temps et des Swinging Sixties, ont facilité l'enivrante transhumance vers les hauts plateaux de l'illusion, en mode grand braquet. La distorsion et l'effet d'emballement, phénomènes inhérents aux forums et réseaux sociaux, ont fait le reste.

Sur Internet, les tribus générationnelles réagissent diversement. Les Millennials évoquent un ex-prodige au gros potentiel ; les Zoomers emmagasinent l'information pour impressionner dans les dîners kebab en ville en se demandant qui est ce type ; et les Boomers, s'ils savent, n'osent pas casser l'ambiance, préférant sauter sur l'occasion pour se vautrer dans leur hétérotopie virtuelle favorite, la nostalgie.

La légende a fait son chemin et acquis sa propre existence. La révolution numérique lui a offert une seconde jeunesse, une nouvelle identité qui a réinitialisé la machine à rumeurs ("Arsenal le voulait, paraît-il"), brouillant encore davantage les pistes.

En somme, le trip typique du supporter lambda, ergo d'un refoulé, nourri par les fantasmes. En tout fan sommeille un frustré. Rod Stewart, jeune ado footeux, rêvait tellement d'enflammer les foules qu'il laissa savamment planer le doute, avant de finalement "clarifier les choses" il y a dix ans via son autobio.

"Contrairement à un récit tenace, Stewart écrit dans son autobiographie de 2012 qu'il ne fut jamais contractuellement lié à Brentford et que le club ne le recontacta jamais après son essai", précise l'air de rien un passage sur sa page Wikipedia anglaise...

Si près de la gloire

Pendant cinq décennies, à l'instar de son tube, Rod Stewart n'a donc pas voulu en parler [2], et cette image d'ex-wonderkid fut cultivée, et continue de l'être malgré l'omniscient Big Data. C'est un grand classique du milieu.

On a tous connu d'anciens "semi-pros" ou "cracks" de centre de formation dans leur jeunesse, qui auraient percé dans le football si un mariage, leur belle-mère ou les ligaments croisés n'étaient pas venus bêtement tout gâcher... Certains nous ont à l'usure, d'autres sont tellement convaincants qu'on finit parfois par y croire.

 

 

Un voisin, qui avec feu mon père me fit découvrir le foot de stade à cinq ans, aimait raconter en boucle à tout le quartier qu'il avait enseigné les fondamentaux en jeunes au malheureux Jean-Pierre Adams, qui lui devait donc beaucoup. Et s'il n'avait pas rencontré sa future femme très tôt, il aurait supplanté Marius Trésor en défense centrale chez les Bleus (ou dans ce style).

J'ai revu ce voisin l'an dernier, peu avant son décès des suites d'une longue maladie, et on a bien ri. Et on en a versé une petite aussi en exhumant de vieux albums photos. Les souvenirs du football sont si puissants émotionnellement quand ils se retrouvent tissés dans la trame familiale de l'enfance.

Baignant dans le foot briton depuis longtemps et ayant visité Griffin Park dans les années 1990, l'ancien antre des Bees qui comptait fameusement un pub à chaque coin, j'ai toujours plus ou moins su la vérité sur Rod Stewart.

Et quand je me suis mêlé aux discussions le concernant, qui frisent parfois l'état de limérence avancé (non, rien à voir avec les pintes), j'ai souvent cherché à froidement remettre le pub au centre du village, au nom de cette sacro-sainte vérité.

Rêver le football

Mais l'autre jour, en promenant mon sportif de chien sur une plage du North East anglais happée par le haar, cette brume marine à la fois cotonneuse et énergisante, en savourant cette sublime reprise soul de la précitée ballade de ce bon Rod, je me disais que tout aurait pu être vrai, que tout aurait dû se passer ainsi, que le football est injuste et la vie mal faite.

Qu'au lieu de Seventies peu bandantes pour l'équipe nationale, on aurait dû avoir du sexy Rod Stewart, et sa touche à la Rodney Marsh, commander magistralement la défense ou tout casser à la pointe de l'attaque anglaise.

 

 

Je me disais qu'au lieu de sans cesse vouloir sortir ma science, j'aurais dû balancer mes bouquins de foot british et, libéré de ce fardeau cognitif, me laisser transporter par ces tarasconnades de héros footeux glamours à la Roy Race, le plus grand footballeur fictif ayant "existé".

Roy Race sévissait dans Roy of the Rovers, cette BD anglaise lunaire que je dévorais dans ma jeunesse pour perfectionner mon anglais et ainsi maximiser mon ratio xG, autrement dit augmenter mes chances de pécho de l'autochtone. Mon Roy aurait tout déchiré dans Football Manager.

Rêver le football est-il plus ou moins jouissif que de se cogner la réalité du foot-business livré aux statisticiens ? Vous avez quatre heures. Ou toute la vie.

 

[1] Rod Stewart a mis une maison à disposition d'une famille ukrainienne. Il a également sponsorisé plusieurs associations d'aides aux réfugiés et personnellement aidé seize d'entre eux à atteindre le Royaume-Uni au printemps dernier. Pas une mince affaire vu les procédures draconniennes en vigueur au Royaume-Uni. Quand Gérald Darmanin, jouant les parangons de vertu, en vient (à raison) à donner des leçons à son homologue britannique d'alors, Priti Patel, cela donne une idée de la dureté de position du Home Office (services d'immigration). Laquelle Patel n'hésitait pas à justifier la ligne dure du HO en parlant "d'une possible tentative de Vladimir Poutine d'infiltrer le Royaume-Uni en envoyant femmes et enfants y lancer des attaques terroristes".

[2] I Don't Want to Talk About It (single sorti en 1977) fut écrit à l'origine, en 1971, par Danny Whitten pour le groupe américain Crazy Horse. Repris en 1988 en version "blue-eyed Soul" (soul blanche) par le duo anglais Everything But the Girl.

 

Réactions

  • Mangeur Vasqué le 27/11/2022 à 12h02
    A commencer par Boris Johnson par exemple. Je me souviens avoir traduit et publié dans Teenage Kicks, le blog du foot anglais, une partie de l’article incendiaire de Johnson contre les supps de Liverpool FC, contre les habitants de Liverpool et contre la ville de Liverpool (ici lien, en bas de page), publié dans le magazine “The Spectator” dont le Spaffer était le rédac chef.

    Un article écrit en… 2004, alors qu’on savait depuis longtemps ce qui s’était passé (depuis le deuxième et final rapport Taylor, publié en janvier 1990).

    Hormis à Liverpool, y’eut pas grand monde pour s’offusquer de cet article proprement dégueulasse de Johnson (selon ce dernier, article écrit en fait par le néoréac Simon Heffer lien, auteur et auto-proclamé historien (jamais lu ses bouquins mais j'ai lu certains de ses articles sur la France, son histoire, la Résistance, etc. - il écrit dans le Times et le Sunday Times en particulier - et savoir qu'il écrit des bouquins d'histoire fait peur vu les conneries qu'il débite.

    Heffer n'est pas un grand Francophile (il fait ce qu'il veut, ce n'est pas le problème), alors disons que ses sentiments un poil francophobes peuvent l'amener à appréhender les choses avec un certain biais... En tout cas ce fut présenté comme ça par Johnson (que Heffer avait écrit l'article) quand les critiques des Liverpudliens s’abattirent sur lui. Mais vu que Johnson a fièrement signé et était rédac chef du "Spectator", sa tentative d’excuse et de réparation est nulle et non avenue pour moi. Je n’y crois absolument pas pas de toute manière.

    Ce n’est véritablement qu’à la création du HIP, Hillsborough Independent Panel, en 2009 (à l’occasion de la commémoration du 20è anniversaire, c’est Andy Burnham qui initia tout ça) et a fortiori après les conclusions du HIP (septembre 2012) que les mentalités évolueront sur Hillsborough et que la vérité sera, enfin, validée par tous, au Royaume-Uni en tout car à l’étranger, y’en a toujours qu’on rien compris (ou alors ils ont compris mais tentent grossièrement d’instrumentaliser tout ça. Darmanin par exemple, cf l’épisode du Stade de France).

    Pendant plus de vingt ans, que ce soit les Conservateurs ou les Travaillistes, ça a surtout été mensonges, magouilles, faux en écriture, myopie, faux-fuyants, inaction et compagnie.

    Je parle dans mes commentaires sous article de la façon dont Blair et ses deux ministres de la justice et des sports ont sciemment fait enterrer le truc en 1998 (par le juge Murray Stuart-Smith lien – en mode "Circulez, y’a rien à voir”) alors que l’opportunité s’offrait à eux de faire éclater la vérité, officiellement, ce que les familles des victimes leur demandaient dignement, en premier lieu l’admirable Anne Williams lien) qui malheureusement décédera en 2013, mais au moins elle aura vécu les conclusions du HIP qui ont réhabilité les supps LFC.

  • Mangeur Vasqué le 29/11/2022 à 22h54
    Je reviens maintenant sur Brian Clough, dont le Mangueur a abondamment parlé.

    C'était un personnage haut en couleur : entraîneur avec un fort caractère et des bons résultats, homme de bons mots et de coups de gueule, picoleur tendance poivrot. Un client comme on dit dans les médias.

    ==================================================================

    (AS : j'avais promis d'en dire un mot, donc voilà)

    Ah oui, effectivement, plutôt grosse tendance poivrot. Il en est mort d’ailleurs, enfin indirectement. Il est mort d’un cancer de l'estomac mais je crois que c’était lié à son alcoolisme chronique lien “Legend Cloughie's battle with booze”

    (décédé 18 mois après sa greffe du foie d’urgence, dans un hôpital de Newcastle d’ailleurs, le Freeman Hospital. Situé à 50 mètres d’une des entrées d'un des plus beaux parcs urbains d’Europe à mon avis, Jesmond Dene, une merveille absolue).

    D’ailleurs, cet ancien voisin (Patrick) qui m’emmenait dans les stades de foot dès 5-6 ans dont je parle dans mon ode aux Tartarins du football, celui qui enseigna soi-disant les ficelles du métier à Jean-Pierre Adams, lui aussi est mort d’alcoolisme, cause directe en ce qui le concernait, y’a quelques mois (à 74 ans). Paix à son âme.

    Il l’avait une grosse quinzaine d’années de plus que moi donc. Il créchait avec sa femme chez ses beaux-parents à elle dans notre rue, le temps de pouvoir s’acheter leur propre pavillon dans le quartier, ce qu’ils firent relativement rapidement. “Quand j’aurai un fils, j’en ferai un pro”, qu'il me disait. Je lui répondais : “Et si t’as pas de fils ?”. “Ben, je te coacherai et je ferai de toi un pro”, me faisait-il en souriant, en me voyant jouer sur un terrain de quartier (il aura deux filles). J’étais très très sceptique sur la faisabilité de ses projets footballistiques me concernant mais ravi qu’on croit en moi ! L’alcool, ça fait vraiment délirer et dire n’imp’ quand même…

    On faisait des petites pauses avant-match assez sympas, chez des potes à lui, dont un qui tenait un bar... Inutile de dire que ça éclusait. Disons que pour Patrick et ses potes, c’était pas plus mal que les éthylos n’aient pas encore été inventés.

    C’est aussi lui qui me fit boire mes premières gorgées de bière/vin, à 9-10 ans et en loucedé (“T’en parle pas à tes parents, hein !”), avant les matchs. On peut dire qu’il a fait mon éducation. Un autre temps faut dire, milieu années 1970, on servait encore du pinard (coupé à l’eau) ou de la bière/du cidre aux + de 14 ans/lycéens à la cantine... (coutume sympatoche-ma-foi abolie en 1981). Jusqu’en 1956, le pinard, soi-disant pourvu de vertus fortifiantes, on le servait aux écoliers de primaire (clip INA lien). L’âge béni des cantoches en somme, avant que ces tristos d’hygiénistes ne débarquent et gâchent tout.

La revue des Cahiers du football