Le cable réseau du serveur étant presque saturé, merci de ne vous connecter qu'en cas d'absolue nécessité de vous amuser. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Réalisme et jeux vidéo : la course se poursuit

Les jeux de football sont de plus en plus réalistes, de moins en moins "arcade". En réduisant cette question au graphisme, on pourrait rater ce que les jeux ont de réellement performant… ou d'insuffisant.

Auteur : Gilles Juan le 24 Sept 2014

 

 

C’est une grave erreur de croire que ça n’a rien à voir de jouer sur le terrain et avec ses doigts, manette, console. Bien au contraire, la considération que les jeux modernes sont extrêmement "réalistes" est particulièrement légitime. Pour préciser en quel sens, on peut distinguer un objectif général et trois formes précises de réalisme, qui chacune à leur manière visent à réduire l’écart entre le jeu et le réel.

 

 

 

 
Réalisme vs arcade

Les jeux les plus récents, performants et appréciés, ont fait le choix du "réalisme" contre le choix du jeu dit "d'arcade", terme qui ne signale plus seulement les jeux des bornes: le "genre arcade" désigne par extension les jeux basés sur des mécaniques simples, très intuitives, dont la finalité unique est le divertissement et qui, pour parvenir à ces fins, ne s’embarrassent guère d’imiter avec fidélité le réel. Dans un jeu arcade, le ballon s’enflammera et transpercera les filets après que l’attaquant et son improbable temps de suspension auront acrobatiquement frappé dedans. Ou bien les fautes n’existeront pas. Bref, on cherche dans le foot ce qui peut servir de prétexte à un déploiement fun d’artifices spectaculaires et efficaces. Le tout réalisé grâce à manipulation intuitive de commandes simples.

 

Les jeux réalistes s’efforcent sans doute d’être amusants et divertissants – mais ils s’interdisent de le faire au détriment du réalisme. Le genre arcade fait du fun une priorité, et des déformations du réel un moyen, tandis que les jeux réalistes, plus complexes, veulent faire de la représentation fidèle un moyen de divertir. Trois formes de réalisme (simulation, analogie, stylisation) désignent trois types de fidélités distinctes qui permettent de nuancer cet objectif général.

 


La simulation

Il s’agit de reproduire avec la plus grande fidélité possible "l’apparence" du football. Force est de constater que les graphismes d’un jeu vidéo s’approchent toujours plus de ce que l’on voit à la télé [1]. Ce n’est plus seulement le visage, mais toute l’attitude du corps qui est reproduite avec précision. Les niveaux des joueurs sont affinés grâce à la multiplication des caractéristiques évaluées [2], les stades et leurs ambiances, jusqu’aux "motifs" de la tonte du gazon, sont reproduits… Les joueurs fatiguent au fur et à mesure qu’avance le match [3]. La liste des choses finement imitées s’allonge chaque année. D’une certaine manière, elle est superficielle: concernant l’apparence des jeux, les progrès les plus importants, moins médiatiques, ont plutôt concerné "l’animation". Combien de jeux ont pu être considérés comme très réalistes d’un point de vue graphique, mais insupportables parce qu’on avait le sentiment que les joueurs "glissaient" sur le terrain, que le ballon collait trop aux pieds ou que le gardien aurait dû (ou pas) arrêter telle frappe?

 

On entre là dans le champ de l’art propre au jeu vidéo: la condition nécessaire d’un bon jeu est la qualité de son "gameplay". Désignant, dans un sens restreint, les actions réalisables grâce à l’association des touches, le gameplay concerne par extension tout ce que ressent le joueur dans son salon lorsque le jeu répond à ses commandes. Pour en rester au sens restreint de la jouabilité, c’est avec la multiplication des touches et des combinaisons que les jeux sont plus appréciés en même temps que considérés comme plus réalistes.

 

Sont entrées dans la sphère vidéoludique des subtilités telles que la passe en profondeur, différentes options de centre ou d’accélération (impactant la conduite de balle…) et des dizaines d’autres choses qui renforcent et renforceront toujours le réalisme au point de parvenir à l’impression qu’en connaissant mieux le football (ce qui est différent de "mieux jouer au foot"), on joue mieux sur console, car on prend les bonnes décisions. Le petit terrain dessiné en transparence en bas de l’image, permettant de voir la disposition des joueurs sur l’ensemble du terrain, permet même de simuler la compétence "bonne vision du jeu". La contrepartie est qu’on ne peut désormais apprécier les jeux réalistes que si l’on est aguerri aux jeux vidéo, sinon on est découragé par le nombre de touches et de combinaisons disponibles.

 

Rien ne gâche plus un jeu que d’identifier une combinaison (centrer de tel point vers tel autre, frapper dans tel angle…) qui donne toujours but derrière. Le gameplay doit reproduire le foot dans ce qu’il a de plus intime, si l’on peut dire: des degrés de performance des acteurs dans une multiplicité de tâches, sans recette infaillible de succès.

 


L’analogie

On peut évidemment être bon sur un terrain et mauvais sur console (et vice versa). Mais les jeux de foot méritent encore leur titre de réalisme parce que les différences évidentes (pas besoin de ses pieds sur console) sont compensées par l’inventivité et la pertinence des analogies. Cas paradigmatique: puisque sur un terrain, on peut doser sa passe et sa frappe, sur une console on appuiera plus ou moins longtemps sur le bouton concerné. C’est à la fois très différent et similaire: il y a une identité de rapport pertinente. Bien des jeux se sont complètement fourvoyés en proposant d’imiter les roulettes et autres gestes techniques, sans trouver les bonnes analogies: afin de procurer une impression de réalisme, le geste doit demander de l’entraînement pour être exécuté avec succès (combinaison difficile de touches), et être réalisé à la fois très rapidement et au bon moment… Sinon il est insupportable, de dribbler trop facilement – c’est de l’arcade.

 

Lorsque les analogies sont réussies (telle touche à associer à telle autre à tel moment, plus ou moins difficilement, pour une balle piquée ou liftée par exemple), on éprouve alors – miracle du jeu vidéo – ce qu’éprouve le joueur qui le tente sur le terrain, car il faut être capable de beaucoup sang-froid, de pertinence ou d’audace, en plein moment d’excitation pour combiner technique et timing parfaits…

 

Les analogies entre ce que le pied fait au ballon sur un terrain et les actions des doigts sur la manette réservent un ultime plaisir au joueur: celui de réaliser qu’en définitive, "tout est dans la tête". Combien de joueurs "s’endorment sur la touche de la manette" et mettent une praline au lieu d’assurer? [4]

 

Autre exemple de sujet de réflexion pour comprendre les enjeux de l’analogie: la passe en profondeur. Elle n’est pas exécutée en associant telle direction au bouton "passe". Elle a son bouton spécifique – mais un bouton simple, car il n’y a pas de raison de lui donner une difficulté technique singulière. Faut-il néanmoins confier au joueur la responsabilité de la profondeur de la passe, ou bien la machine s’en charge-t-elle, puisqu’elle se charge de l’appel de l’attaquant, tandis que le joueur ne fait que l’orienter?

 


La stylisation

Tout le foot est-il donc reproduit avec exactitude? Bien sûr que non. Un match de quatre-vingt dix minutes serait plus ressemblant, mais pas plus pertinent. Pour autant, le jeu vidéo ne propose pas qu’un match en plus petit, il ne réduit pas tout ce qui se passe sur un terrain en conservant simplement des proportions: le jeu vidéo stylise, il durcit des traits, laisse des choses de côté. On sacrifie par exemple des ingrédients considérés comme pénibles – dans un jeu vidéo, le temps du match ne comprend que du temps de jeu. On perd parfois des nuances décisives (pouvoir choisir l’extérieur plutôt que le mauvais pied…).

 

L’objectif de stylisation pose des questions redoutables que les jeux ne savent pas toujours résoudre: comment, en quelques minutes de match (combien, d’ailleurs?) permettre aux joueurs d’avoir le sentiment qu’on a les mêmes difficultés (tactiques, techniques…) pour battre l’adversaire, avec des scores réalistes? Qu’est-ce qu’on renforce et qu’est-ce qu’on enlève, pour ce faire? Même si elles restent perfectibles, impossible de nier les performances des intelligences artificielles: le joueur choisit son dispositif tactique, mais les programmeurs savent le faire vivre (puisqu’on ne peut, sur le terrain, contrôler qu’un joueur à la fois). La stylisation des tâches permet de bien remplir celles qui sont confiées (on ne peut bien défendre que parce qu’on ne doit pas penser aux plongeons du gardien, contrôlés par la machine [5]). Même si elle en gomme de moins en moins, la stylisation laisse également tout un tas de fautes de côté. À quoi servirait d’avoir un bouton pour tirer le maillot de l’adversaire? Peut-être pourra-t-on le faire lorsque les éditeurs intègreront ce que la télé appelle les erreurs d’arbitrage.

 

Augmentation des caractéristiques bien simulées, perfectionnement du gameplay, pertinence des analogies: le football sur console est toujours stylisé, mais de moins en moins. Le cercle de ce qui doit être considéré comme essentiel dans le football s’élargit chaque année. On contrôle désormais encore le buteur quand il a marqué, pour lui faire réaliser sa célébration.

 

Quelle place reste laissée au "hasard" (au sens le plus large des circonstances de caractère imprévu ou imprévisible, réunissant les conditions météo, ce qu’on appelle la chance – poteau! –, ou encore les interprétations de l’arbitre, etc.), dans cette course-poursuite du réalisme? À l’instar des performances des joueurs qui sont, sur console, toujours fidèles à ce qui est écrit "sur le papier", les jeux et les joueurs aiment de moins en moins le hasard. En cela encore, ils imitent fidèlement le foot réel tel qu’il est souvent discuté aujourd’hui.
 

[1] Bien sûr, le vrai football n’est pas celui qu’on voit à la télé – mais enfin on serait trop pointilleux en considérant que la télévision nous montre un faux match. On rêve par ailleurs que le football soit aussi bien filmé que les jeux vidéo: plan suffisamment large pour voir le jeu et les options du porteur du ballon, tout en permettant d’apprécier les actions individuelles, pas de gros plans, etc.
[2] Le niveau des joueurs et la question des meilleurs étant évidemment polémiques et très médiatiques, on a pu observer, des dernières années, des plaintes de joueurs, ou ces dernières semaines, l’habile mise en scène marketing qui a présenté petit à petit le classement décroissant des meilleurs joueurs du jeu qui sort cette semaine.
[3] Et peuvent se claquer s’ils n’ont pas été remplacé à temps – exemple de cas qui peut faire regretter l’arcade: on peut avoir envie d’être débarrassé des pesantes réalités du corps, dans une simulation, comme des missions de l’entraîneur. Les options des jeux laissent généralement la possibilité de faire des choix arcade, mais de moins en moins – qu’il est loin le temps où l’on choisissait la couleur de son maillot…)
[4] Belle intervention, au sujet de l’erreur, du camarade Philippe Gargov sur France culture.
[5] Idée géniale des développeurs d’avoir permis de faire sortir son gardien, alors qu’il n’a pas le ballon, lorsque l’adversaire file seul au but. L’enjeu du gardien mériterait évidemment un article consacré, de même que l’arbitrage, les penalties…
[6] Il paraît désormais essentiel, ainsi, de contrôler le joueur après qu’il a marqué pour réaliser et orienter sa célébration.

 

Réactions

  • osvaldo piazzolla le 25/09/2014 à 13h27
    Carrément pertinent le terme de "simulation de highlights". Le "réalisme" de ces jeux, c'est non seulement une vision de télé du football comme le dit Lucho, mais une vision de résumé. Comment faire croire aux gens qu'ils jouent un match de foot avec des scores réalistes en cinq minutes, alors que dans la vraie vie c'est quatre vingt dix; c'est fort.

    Il y a même pire, l'importance dans ces cinq minutes accordée aux célébrations de buts renvoie à l'agacement que provoque le format "highlights" (des télés, mais aussi des résumés qu'on trouve sur internet) quand on découvre que sur trois minutes de résumé, il y a plus de la moitié des images qui sont juste des gens qui se congratulent.

  • Gilles Juan le 25/09/2014 à 14h43
    @osvaldo piazzolla J'ai réalisé, en commençant à citer des jeux, qu'il fallait alors le faire à chaque allusion, et je me lassais lentement entraîner vers une histoire du jeu de foot. Puisque je n'étais pas capable de retracer cette histoire avec précision, je n'ai plus rien cité du tout.

    @Pascal Amateur Il aurait évidemment fallu mentionner Sensible Soccer, son graphisme radical, ses têtes plongeantes, la musique agressive en boucle pendant tout le match... (J'ai encore le jeu.)

    (Et il aurait aussi fallu citer les retournées de World Cup Italia 90.)

    Football Manager soulève des problématiques complètement différentes - je suis incapable de bien en parler. A quand un dossier des Dé-managers sur le sujet?

    Pour le reste, je ne crois pas que FIFA ou PES soient des simulations de highlights. Je regrette vivement la simulation des célébrations, notamment parce qu'on doit encore jouer alors que cette célébration se faisait IRL, mais je crois que globalement, les jeux ne quittent jamais trop le terrain, quand les résumés de la télé s'éloignent toujours plus du match pour dramatiser des histoires (inserts visages, musique, montage en parallèle des déclarations, plaintes et joies...). Les joueurs se plaindraient si on perdait trop de temps à montrer des ralentis des fautes, si chaque action menait à une frappe, si chaque corner était dangereux, etc. Les résumés de la télé ne gardent pas les corners qui ne donnent rien.

  • osvaldo piazzolla le 25/09/2014 à 15h30
    Oui j'ai peut être surréagi sur les célébrations. ça n'enlève pas la pertinence de ton analyse, mais c'est vrai aussi que le côté "90 min en 5 min" est un élément important du réalisme de ce genre de jeux.

    Sinon, pour FM, tes voeux me donnent l'occasion de faire une autopromo: Fin novembre, à ce congrès de "game studies" lien, je vais tenter d'y parler de "réalisme" de Football Manager. L'abstract est ici: lien

  • Rolfes Reus le 25/09/2014 à 16h02
    Intéressant article. J'avoue que de mon côté, j'ai beaucoup de mal à déterminer le réalisme d'un jeu de foot en fait, au niveau des sensations.
    Une chose que je regrette c'est, quand on joue seul, que les équipes contrôlées par l'IA se comportent généralement un peu toutes de la même façon, en tout cas dans les jeux que j'ai essayés, alors que ce qui fait l'intérêt du foot c'est justement la grande variété de styles et d'oppositions que ça peut entraîner.

    J'aurais bien apprécié un petit paragraphe supplémentaire sur les modes de jeux (ou les jeux entiers, comme la série Libero Grande) où l'on ne joue qu'un seul joueur, est-ce qu'en gagnant en réalisme/en essayant de simuler le foot du point de vue du joueur plutôt que du spectateur, on perd sur d'autres points, etc.

    Pour ce qui est de la durée des matchs, c'est un point qui m'a toujours perturbé, depuis tout gamin, et je me souviens que mes premiers jeux de foot proposaient l'option "90 minutes". Je n'ai essayé qu'une fois (un FIFA sur Megadrive, pour une victoire 130 à 13, un truc du genre), et c'était franchement chiant. Pourtant si je suis capable de regarder un match d'une heure et demie, je devrais pouvoir en jouer un de la même durée sans m'ennuyer ... peut-être que ce serait le cas d'ailleurs avec des jeux pensés pour ce format (où on marquerait beaucoup, beaucoup moins donc). Mais évidemment ça ne plairait pas à grand monde !

La revue des Cahiers du football