Seuls 36% des internautes parviennent à saisir leur e-mail / password du premier coup. En feras-tu partie ? Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Psychanalyse du petit pont

Pour sa première en Ligue des champions avec le PSG, Marquinhos retiendra le violent petit pont dont il fut victime. Mais au fond, ça change quoi si le ballon passe entre les jambes plutôt qu’à côté? Pourquoi est-ce la honte?

Auteur : Gilles Juan le 23 Sept 2013

 


Se voir mettre un petit pont est une des choses les plus vexantes qui puissent arriver à un footballeur. La question paraitra élémentaire, mais… En quoi est-ce humiliant en soi? On a envie de dire: "Pff, ben parce que". Mais comme tout ce qui est évident, il est très difficile de montrer pourquoi c’est vrai.
 

Incontestablement, le petit pont est un outrage singulier, ce n’est pas comme se faire dribbler normalement. On peut être certain qu’un petit pont ne passera jamais inaperçu. Ça ne dure qu’un instant, mais il est remarquable. Pour le public, et surtout pour la victime. Comme si l’instant du petit pont était un instant plus long que tous les autres. Un instant souligné. Un instant dilaté. Le moment du petit pont, c’est comme si quelqu’un avait mis pause, et qu’on avait alors le temps, bref mais consistant, de prendre un recul consacré à rien d’autre qu’à gamberger et se trouver nul. Le temps d’écouter et de distinguer chacun des "Olé!" s’élever irrémédiablement des tribunes.
 

Le défenseur se sent comme blessé. Privé de quelque chose. Comme si on lui avait mis une amende. Oui, un petit pont c’est comme se faire flasher sur l’autoroute. Un moment du temps a été fixé, celui où le radar était là quand on était tout content d’aller sur la route des vacances, à 160 au lieu de 130 avec son GPS indicateur de radars. On ne voulait pas que ça arrive, on savait que c’était possible, mais on n’y pensait pas réellement, et puis c’est arrivé: putain de radar mobile. On est écœuré. C’est ça, prendre un petit pont: se faire flasher par un radar mobile et avoir l’air con sur la photo. Sauf que ça se passe sur un terrain, entre les jambes. Mais si le flash nous ampute de points et d’euros, de quoi nous prive réellement le petit pont? Il ne se passe pas rien, puisqu’on ressent quelque chose. Mais quoi?
 

 



 


Entre tes reins

On peut remarquer qu’il est aussi grisant de mettre un petit pont qu’il est honteux d’en être la victime. La honte et le remords de Marquinhos ont été proportionnels au plaisir du jeune Vladimir Weiss. Ce postulat de réciprocité formulé, associé au concept de plaisir apparu bien naturellement, indique d’emblée la piste sexuelle, et de fait, il semble y avoir quelque rapport avec la position du Kâma-Sûtra qui s’appelle "petit pont".
 

Entre les jambes… En mettant un petit pont, je fais évidemment quelque chose de l’ordre d’une pénétration. Plus raisonnablement, on pourrait peut-être comparer le plaisir de mettre un petit pont à l’excitation provoquée par le fait de dégrafer un soutien-gorge, par exemple. Pourtant, ne soyons pas aveuglé par l’évidence trop pratique de ces métaphores, qui ne signaleraient peut-être qu’une seule chose si nous y adhérions: notre misogynie. Alors qu’au foot, celui entre les jambes de qui le ballon passe est incontestablement rabaissé, manifestement une victime, il serait odieux de laisser entendre, de quelque manière que ce soit, que l’être humain qui écarte les cuisses soit pour cette raison dans une position d’infériorité. Je vous vois venir. Mais la piste du viol est aussi à écarter tout de suite: si celui qui écarte les jambes n’a pas consenti à ce que le ballon s’y glisse, l’auteur du petit pont n’a en revanche rien d’un agresseur. Le petit pont n’est un rien un acte coupable.
 


Une belle courbe

En quoi cet espace pénétré, entre les jambes, recèle-t-il alors, au foot, un caractère solennel, voire sacré? Certes, les deux jambes écartées et posées au sol forment un triangle isocèle dont la base est la pelouse, et à partir de là, les trois bissectrices du triangle sont concourantes en un point qu’on pourra appeler G, et le ballon, passant par G lors du petit pont, rentre donc pile dans la forme du cercle inscrit du triangle (l’unique cercle tangent aux trois côtés du triangle). Et tout de suite, la tentation d’une analogie avec le nombre d’or (chiffre de la beauté, modèle intelligible fixé dans la formule d’une proportion divine) est grande – mais rien qui ne fasse émerger la moindre honte là-dedans.
 

Cela dit, la piste esthétique n’est pas débile. Un petit pont, c’est beau. Le ballon passe entre les jambes tandis que l’attaquant contourne le défenseur et le récupère derrière: cela forme un ensemble gracieux, équilibré, presque stylisé, à la fois bien proportionné et dynamique. Les joueurs sont très mobiles et ils ont chacun un but (l’un doit prendre le ballon, à l’autre qui doit dribbler), et dans un contexte aussi perturbé, il va donc arriver que celui qui doit attraper le ballon en vienne finalement à écarter les jambes (parce qu’il faut bien essayer de tendre la jambe pour attraper le ballon, ou, au minimum, se déplacer), et il va arriver que celui qui a le ballon saisisse l’instant décisif et en un éclair prenne le temps de faire passer le ballon dans l’espace formé, dans un équilibre effectivement érotique d’audace, de vivacité et de maîtrise de soi [1]. Mais qui fait mal à l’un des chorégraphes de cet harmonieux mouvement.
 


Comme un symbole

Peut-être est-ce la honte d’avoir contribué à une chose aussi belle, parce que le défenseur n’a pas "contribué" à la beauté: elle s’est faite à ses dépends. C’est alors comme une chute: drôle, sauf pour celui qui tombe. Mettre un petit pont serait comparable au fait de dire: "Ah ah! Regardez-moi ce pantin!" Le regard des autres met tout de suite mal à l’aise, le défenseur a envie de se cacher, il a été affiché.
 

Le public est même accusateur. Et après tout, comment ne le serait-il pas? Le défenseur doit empêcher de passer celui qui veut passer, et qu’est-ce qu’un petit pont? Le petit pont est, pour le défenseur, le point culminant de l’échec, parce que l’attaquant ne peut pas davantage passer un défenseur qu’en passant… à travers lui. C’est l’optimum de l’échec, que le coup du sombrero tend à atteindre aussi pour le même motif: les outils pour prendre le ballon, le corps en général et les jambes en particulier, n’ont pas même été capables de garder ce qu’elles avaient de plus privé: l’espace de leur propre volume. C’est quand même le comble. L’attaquant avait tout le terrain autour du défenseur pour franchir l’obstacle, mais on le laisse s’introduire par la porte d’entrée, il se permet de pénétrer la chasse gardée. C’est de cela qu’on prive le défenseur: l’usage de ses propres jambes. Le petit pont se rit des membres du défenseur pour faire une jolie figure.
 

Pour résumer, le petit pont est une virtuose et moqueuse castration symbolique. Le réflexe de l’obstruction est une version footballistique de la feuille de figuier dont se couvre Adam et Eve lorsqu’ils prennent conscience qu’ils sont tout nus. Lorsqu’il est trop tard pour l’obstruction et que tout sang-froid a été perdu, le gros tacle par derrière est un légitime et pulsionnel sursaut de l’orgueil.
 


Épilogue

Le défenseur doit attraper le ballon, tout en appréhendant le petit pont. S’il se jette sans réfléchir, il va le prendre. Mais s’il n’y va pas franco, il va se faire dribbler. Il est alors obligé de se toujours découvrir un peu. Un grand défenseur doit donc être téméraire, au point de risquer l’humiliation. Par respect pour cela, interdiction formelle d’en rajouter après avoir mis un petit pont. La blessure est suffisamment vexante. Tout chambrage est une faute de goût inqualifiable.
 


[1] Bien sûr, on ne parle de "petit pont" que dans le cas où celui qui fait passer le ballon entre les jambes le récupère derrière. Sinon c’est nul. Sinon c’est comme commander un mi-cuit, et se voir servir un moelleux trop cuit.

 

Réactions

  • Mykland le 23/09/2013 à 13h58
    Variante du grillage, on peut aussi entendre "t'as oublié ta soutane".
    Après, tu peux aller plus loin dans le genre Materazzi "tu écartes comme ta soeur" mais là, faut assumer derrière.

  • Pascal Amateur le 23/09/2013 à 14h21
    "tu écartes comme ta sœur" mais là, faut assumer derrière.

    > Vous êtes combien ??

  • Mykland le 23/09/2013 à 14h21
    Variante du grillage, on peut aussi entendre "t'as oublié ta soutane".
    Après, tu peux aller plus loin dans le genre Materazzi "tu écartes comme ta soeur" mais là, faut assumer derrière.

  • Sens de la dérision le 23/09/2013 à 16h03
    "Par respect pour cela, interdiction formelle d’en rajouter après avoir mis un petit pont. La blessure est suffisamment vexante."
    lien

  • Marius T le 23/09/2013 à 17h11
    Mykland avec un y.
    aujourd'hui à 13h50

    Non je ne fais jamais de petit pont sur les défenseurs (sauf sur Zubar t'abat lors de notre première rencontre) à la Ligue des cahiers, j'ai tellement d'autres défauts à faire disparaitre de "mon compotement FFF", je parlais simplemnt du petit mot à l'oreille.

    Le petit pont et le petit mot à l'oreille ont longtemps fait qu'un chez moi.


  • Jankulovic Hasek le 23/09/2013 à 21h51
    Zlatanist
    aujourd'hui à 13h53

    A noter qu'il est plus socialement acceptable de prendre un but entre les jambes pour un gardien qu'un petit pont pour un défenseur.

    ---

    Du coup, un ballon placé entre les jambes du gardien puis qui franchit la ligne de but n'est pas un petit pont.
    C'est pour cela que le gardien est moins vexé que le défenseur quand ca arrive.

    Pour ceux qui mettent les bras ou qui tentent le tacle par derrière en représailles, moi je préfère tenter le petit pont à celui qui me l'a fait. En général, on rigole tous les deux de la bonne blague que l'on s'est faite.

  • l_ange Bar le 24/09/2013 à 09h24
    @Mykland
    23/09/2013 à 13h50

    Un attaquant qui tente un pti pont n'a aucun mérite mais le tenter quand tu es dernier défenseur, c'est frisson avec une gigite garantie.

    ----------------------------------------------------

    Laurent Blanc versus Robert Spahic en 1/4 de la coupe de l'UEFA, OM/ASM dans sa surface:

    Un délice...

  • Ptit Mytho le 24/09/2013 à 10h07
    Je me joins aux autres :"Quand on le ne le récupère pas, ce n'est en aucun cas, un ptit pont". Ouais ouais parce que j'en connais qui galvaude allégrement le truc. Au mieux c'est une passe de filou, et au pire tu perds le ballon donc; à partir de là, je crois que bon..

    Sinon, la vraie classe couillue (les deux mots vont bien ensemble tiens), c'est le libéro qui le tente dans sa propre surface. Et celui de Chedjou face à Zlatan était absoluement somptueux, puisque non seulement, il le fait en tant que dernier défenseur mais en plus il le réalise avec la semelle et sur Zlatan. Comme Papa dans Maman.
    Bon après, faut aussi reconnaitre que c'est plus facile de passer ce genre de geste sur des grands joueurs (par la taille) style, Ibra ou autre Adebayor que sur un Valbuena ou un Sammaritano. D'ailleurs est ce que le ballon passe?? !!

  • Marius T le 24/09/2013 à 11h07
    Sur Valbuena ça passe puisqu'il a été émasculé.

  • Mangeur Vasqué le 28/09/2013 à 11h28
    Dans le registre « humiliant » comme disent si stupidement les médias anglais depuis quelques années (et je constate que les Français s'y sont mis), t’as aussi le petit pont d’un défenseur sur un attaquant/offensif de grande classe, comme O’Shea sur Figo, ici :

    lien.

    Dans la toute première (et excellente) biographie sur George Best (1975, celle de Michael Parkinson, le Michel Drucker de la télé anglaise), le Fifth Beatle parle de son amour pour les petits ponts et les violentes réactions des victimes.

    Alors qu’il était timide, frêle et encore ado quand United lui fit signer son premier contrat pro (à 17 ans, 25 £ / semaine, soit à peine plus qu’un ouvrier qualifié), il raconte comme il adorait « se foutre de la gueule des défenseurs rugueux en leur collant des petits ponts ». Les plus vexés lui disaient parfois en match : « Petit, tu me refais ça, je te casse une jambe » et tentaient souvent de le cisailler en répresaille. Puis Best ajoute :

    « Dans ces moments-là, je me sentais dans la peau d’un toréro. Le défenseur me faisait face et moi je le narguais en prenant la pose de celui qui invite l’adversaire à la charge. Dès qu’il s’avançait, je lui collais un petit pont et filais, j’étais trop rapide pour eux. La foule adorait et acclamait mon geste. Moi, ça me faisait bander, littéralement. Honnêtement, cela m’excitait et suscitait en moi un désir sexuel. »

    Il ramenait vraiment tout au sexe le Bestie…

La revue des Cahiers du football