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« Pas d'arrêt devant le cercueil ! »

Récit - Lundi 2 janvier, les habitants de Santos, mêlés aux touristes et aux fans de l'idole, ont défilé vers la dépouille de Pelé au stade de Santos.

Auteur : Maxime Arnan le 14 Jan 2023

 

On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement entre la longue attente dans le froid des Britanniques pour rendre un dernier hommage à leur monarque, et celle effectuée dans la chaleur par les Brésiliens. À leur roi, qui transcende différences et rivalités, leur meilleur ambassadeur à l'étranger.

Dernière action du président en exercice Jair Bolsonaro avant d'embarquer dans l'avion officiel lui permettant de fuir le pays pour la Floride : la signature du décret instituant trois jours de deuil national.

À la demande de la famille, la veillée du corps de Pelé ne s'est déroulée qu'après l'investiture de Lula. La toute première visite officielle du président de la République fédérative du Brésil aura donc été l'hommage au roi des Brésiliens, dans l'antre du Santos FC.

 

 

Maillot commémoratif

Le quartier de Vila Belmiro où se trouve le stade du même nom est complètement bloqué. La police militaire filtre tous les accès, seuls les véhicules officiels et de la presse ayant le privilège de passer le filtre des uniformes.

Les troupes casquées habituellement déployées autour du stade les jours de match sont cette fois particulièrement détendues : l'ambiance ne se prête pas à l'affrontement entre supporters.

Les personnes ayant bravé les embouteillages et miraculeusement trouvé une place de stationnement dans les alentours poursuivent leur odyssée à pied, sous les 30 degrés d'un soleil radieux.

Les plus naïfs se rendent directement à l'entrée du stade prévue pour les visiteurs, avant de devoir remonter la file d'attente qui s'étend sur quatre pâtés de maison. Les plus malins feignent un appel téléphonique ou une course dans une boutique attenante pour s'insérer discrètement dans la queue.

La population est hétérogène : hommes, femmes, enfants, personnes âgées. Les locaux sont repérés à leur maillot de Santos élimé, certains portant fièrement l'autographe du Rei. Les touristes à leur maillot commémoratif de qualité douteuse, mais au prix certain, acquis auprès des nombreux vendeurs informels à l'esprit entrepreneurial.

Les non-santistes préfèrent le maillot de la sélection brésilienne. C'est le cas de ce petit groupe de quatre amis d'une vingtaine d'années dont l'accent trahit une origine de la banlieue est de São Paulo.

Pour passer le temps, l'un d'eux raconte qu'il est né en Inde de parents brésiliens, mais qu'ils sont rentrés au pays à peine quelques mois plus tard. Un autre, comment il a tenté de draguer une touriste française qui s'est énervée après qu'il eut tenté de baragouiner en anglais, ne comprenant rien du portugnol de la demoiselle.

 

 

"Pourquoi personne ne pleure ?"

Se rapprochant au bout d'une heure de l'entrée du stade, leur attention se détourne vers les jolies policières en uniforme ainsi que vers les journalistes étrangers essaimant pour prendre des images.

Leur tentative pour se faire remarquer et interviewer par une équipe de télévision hispanophone se termine par un échec cuisant. Les cours d'espagnol rendus obligatoires sous le premier gouvernement Lula n'ont pas l'air d'avoir eu des résultats mirifiques sur cet échantillon particulier.

Les grands-mères postées aux fenêtres observent ces milliers de personnes défilant calmement à leur porte. La file d'attente serpentant désormais entre des barrières rappelle plus une ambiance de parc d'attractions que de funérailles.

"Pourquoi personne ne pleure ?" demande, interloqué, un jeune enfant à sa mère. Un autre guère plus âgé beugle à tue-tête le refrain du chant "Mil gols ! Só o Pelé !" ("Mille buts, seul Pelé") entonné à intervalle régulier par la foule.

Quelques critiques se font malgré tout entendre sur le comportement discutable du Rei vis-à-vis de Sandra, sa fille naturelle, décédée d'un cancer à 42 ans. "Mais qui sommes-nous pour lui en vouloir, si même sa famille lui a finalement pardonné ?" Pelé était parfait, Edson ne l'était pas, tout le monde (lui compris) en a toujours été conscient.

Quelques gringos au visage rougi par le soleil profitent des vacances pour faire un détour par le stade. Certains portent le maillot vintage du Cosmos de New York, d'autres de leur propre équipe. Des Colombiens avec le maillot de l'Atlético Nacional, un Israélien avec celui du Maccabi Tel Aviv.

On remarque plus curieusement quelques maillots des rivaux du "Big 4" pauliste : Palmeiras, São Paulo, et surtout de la victime préférée de Pelé, Corinthians. On en repère d'autres de clubs moins importants : Guarani, Juventude, Portuguesa. C'est présenté comme une marque de respect, pour une figure transcendant le "clubisme" habituel.

 

 

Comme devant la Joconde

Pelé lui-même était au-dessus de ça et n'a jamais cautionné ces rivalités de supporters. La seule échauffourée répertoriée se déroule pendant le cortège funéraire du lendemain : un suiveur de Palmeiras pris à partie pour être venu revêtu des couleurs de son groupe ultra de la Mancha Verde. Il y a, semble-t-il, des limites à tout.

L'entrée sur le rectangle vert où est exposé le cercueil est finalement en vue, on admire les tifos et les bouquets qui ornent les tribunes. Le personnel du club ne s'en émeut pas et fait circuler les visiteurs au pas de charge : "On ne s'arrête pas ! Avancez ! Pas d'arrêt devant le cercueil ! Photos et vidéos seulement en mouvement !".

Une quinzaine de secondes qui permettent d'apercevoir à distance le visage cireux du Rei, protégé par un léger voile de dentelle noire. Sensation inconfortable de voir des personnes prenant des selfies, ainsi que des officiels en conversation comme lors d'un cocktail mondain.

Silencieuses, assises sur les bancs disposés en face du corps, des personnes âgées qu'on imagine proches d'Edson ont le regard perdu. Étrange situation : des milliers de visiteurs défilant comme devant la Joconde, pendant que quelques-uns éprouvent la douleur intime du deuil.

Deux heures d'attente pour quelques secondes, cela semble exagéré. Tout le monde ressort pourtant avec un visage béat. Postés à la sortie, les distributeurs du journal local de Santos vendent leur édition spéciale à tour de bras.

Un peu plus loin, les quatre banlieusards de São Paulo apostrophent une journaliste brésilienne : "Vous voulez pas faire son interview ? Il est né en Inde, il parle anglais et tout !" Le micro se tend, tous les objectifs du jour sont finalement remplis.

 

Réactions

  • dugamaniac le 16/01/2023 à 13h52
    Merci pour ce récit.
    J'adore le foot mais je me demande comment les humains du futur jugeront que nos sociétés ont déifié des joueurs de foot

  • Mangeur Vasqué le 19/01/2023 à 00h05
    De même, merci.

    Étonnant ce cimetière vertical “multi-usage” là où Pelé repose, le Memorial Necropole Eucumênica, le plus grand cimetière vertical au monde. Il me semble aussi avoir lu ou entendu que des milliers “d’emplacements verticaux” ont été installés dans trois cimetières de Sao Paulo, à cause d’une forte hausse des décès Covid.

    lien “On y trouve même au rez-de-chaussée un musée de véhicules, une collection de motos et de voitures anciennes, « à côté d’un jardin et d’une chapelle », précise le site du cimetière. Au sein de cette collection, on trouve d’ailleurs une Mercedes Benz 280-S de 1974 « donnée à Pelé par le constructeur automobile allemand, à l’occasion du millième but du roi du football », marqué en 1969 par le joueur”.

    La raison de sa construction n’est pas banale non plus :

    “Ce cimetière atypique, dont la première pierre a été posée en 1983, puis inauguré en 1991, est l’œuvre de l’entrepreneur argentin Pepe Altstut. Il avait l’ambition de régler un problème récurrent dans la région de Santos : trop d’enterrements avaient lieu les pieds dans la boue à cause de nappes phréatiques gorgées d’eau”.

La revue des Cahiers du football