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Passer l'amour à la machine

Alors que les gloires actuelles semblent sacrées au nom de la politique du chiffre, rappelons-nous trois gestes – et non trois buts – de Pelé.

Auteur : Stéphane Pinguet le 8 Jan 2013

 


Lorsque les superlatifs apposés sont les seules analyses disponibles, épargnant de se poser la question de la légitimité des récompenses, il s'agit de chercher en nos propres mémoires ce qui fait que l’on retient un joueur parmi tous les autres. Pour documenter cette recherche, il y a les lectures, l’imaginaire, les témoignages ou les images. Mais il n’y a souvent que les images qu’on nous propose. Et de plus en plus, seules les machines à buts peuvent prétendre à quelques secondes de diffusion officielle. Pour les amoureux du football, l'émotion ne réside pourtant pas dans les chiffres: elle est dans le tremblement de l’action inattendue, elle surgit lorsque le joueur laisse le temps aux spectateurs de retenir leur souffle pour vivre ensemble une seconde qui s’étire jusqu'à la postérité. Pelé en a offert quelques-unes, de ces secondes.

 

Les encyclopédies ne sont pas toutes d’accord sur le nombre de buts du Brésilien, autour de 1.280 pour environ 1.455 matches officiels. Au-delà du ratio exceptionnel, combien de buts de Pelé sont restés dans les mémoires? Celui de la finale de 1958 avec son sombrero-volée, sa chevauchée de soixante-dix mètres au Maracana, son penalty du millième, sa tête baumgartnerienne en finale contre l'Italie… Et puis des gestes, des inventions qui procurent un plaisir dépassant largement la seule satisfaction du but. Retour en 1970.

 

 

La passe pour Carlos Alberto

Brésil-Italie, finale - (21 juin 1970) – L’Italie attaque sur son côté droit. Tostao redescendu très bas a décroché, récupère et passe la balle à Clotodoaldo. Il élimine avec une facilité déconcertante à ce stade de la compétition quatre Italiens en déployant toute la panoplie du dribbleur – feinte de passe, passement de jambe, feinte de corps et crochet – avant de passer à Rivelino à gauche sur la ligne de touche. Jairzinho fait l’appel sur l’aile et reçoit la balle. Il fixe son défenseur et repique au centre, voit Pelé devant le demi-cercle de la surface et lui passe du pointu. Pelé est bloqué par le défenseur central, il est à l’arrêt et ne peut plus avancer. Pour les téléspectateurs du moins, car le cadre de la caméra ne montre pas ce que Pelé voit dans son dos. Contrôle, deuxième touche de balle, feinte du gauche, le temps n’est plus une contingence sur le terrain. Une passe dans le vide à droite. Carlos Alberto surgit dans le champ pour placer une frappe énorme sur la gauche des buts. Le but est signé Brésil, le geste n’appartient qu’à Pelé (lire "Carlos Alberto 1970, l'offrande du Roi").

 

Pour beaucoup à l’époque, c’est le but du siècle.

 

 

 

 

 

La tête face à Banks

Brésil-Angleterre - (7 juin 1970) – 10e minute du match, dans le stade de Guadalajara, Jaïrzinho, lancé, déborde sur la droite le défenseur anglais Cooper. L’ailier brésilien a poussé la balle un peu loin, mais il s’arrache et la redresse sur la ligne sans avoir le temps de lever la tête pour voir qui peut être à la réception. Pelé est au point de penalty, il s’élève, beaucoup plus que son 1m70 peut lui permettre. Son timing est parfait et au lieu d’une frappe molle du haut du crâne, parvient à smasher la balle sur la gauche du but à ras de terre, avec force et conviction. Banks, qui a suivi l’action, ne peut pas se retrouver en si peu de temps au deuxième poteau. Sauf à enchaîner un plongeon impossible et une claquette irréelle. Pelé a déjà levé les bras, mais c’est pour mieux les mettre sur sa tête de désolation. Banks vient d'arrêter son but.
 

Pour beaucoup à cette époque, c’est l’arrêt du siècle.
 

 

 

 

 

La feinte du vide

Brésil-Uruguay, demi-finale (17 juin 1970) – Côté gauche de l’attaque brésilienne, Jaïrzinho voit Pelé et lui adresse la balle. Pelé arrive lancé dans une diagonale droite-gauche, Mazurkiewicz se porte à la limite de la surface, plein centre. Pelé va plus vite, on le voit déjà couper la trajectoire de la balle pour la mettre dans sa course, passer devant le gardien et pousser la balle dans des buts vides.


Mais la balle passe sans personne pour la toucher, le gardien ayant anticipé ce que tout le monde avait anticipé. Pelé l’a laissée filer. Il redresse ensuite sa course pour récupérer une balle qui va dans le sens opposé, les cuisses s’affaissent, les bras s’écartent, l’équilibre est précaire. Il lui faut une dizaine de foulées pour s’excentrer, une dizaine de foulées durant lesquelles tout un monde attend... qu'il retrouve ses appuis, se remette face au but et dans le sens de l’action. Il frappe la balle, le but est vide, le gardien toujours absent, les défenseurs trop en avance et trop en retard. Pelé va marquer, mais il décroise sa frappe et tombe, déséquilibré. Le ballon file lentement à gauche des buts.

 

Pour beaucoup à cette époque, c’est le geste du siècle.

 

 

 

 

Dans ces trois actions, l’image et les respirations se figent, le temps n’a plus d’importance. Une ou deux secondes plus tard, l’air revient dans les poumons. Pelé a exercé sa magie. Il n’a pas marqué, mais il a fait vibrer. À chacune de ses actions, il a donné sa démesure. Celle que l’on attend de tout prétendant au titre de meilleur joueur de tous les temps...
 

Réactions

  • gironflon le 08/01/2013 à 16h41
    Pauleta a fait un peu la même chose contre Songo'o et Metz avec les girondins. (Tout est relatif, en effet)
    Le ballon venait de derrière, en hauteur, et Pauleta l'a laissé rebondir au dessus de Songo'o, sans réaliser de crochet. Après avoir fait le tour du gardien, il avait récupéré le ballon et marqué dans le but vide.
    Malheureusement, je n'arrive pas à retrouver ce but sur le net.

  • José-Mickaël le 08/01/2013 à 20h45
    Le geste qui m'a le plus épaté dans ma vie de spectateur du football, c'est un geste de José Touré à l'époque où il jouait à Monaco (donc en fin de carrière). Il déborde sur la gauche, le long de la ligne de but. Il est évident qu'il va centrer : tout le monde à sa place centrerait.

    Et là, à la surprise générale (je ne m'y attendais pas), il fait un lob (le même lob que Suker à l'Euro 96, mais sans aucun angle) et c'est but ! C'est ce que j'appelle jouer en 3 dimensions. En 2 dimensions, impossible de tirer puisque le gardien bouche l'angle. Mais en 3 dimensions, le lob s'impose : un but fait 7 mètres de long, donc pour Touré il y a 7 mètres de profondeur, largement de quoi lober le gardien.

  • serge le disait le 08/01/2013 à 22h44
    C'est moi qui ai loupé un truc ? En quoi la passe à Carlos Alberto est géniale ? Parce que bon des passes "aveugles" j'en ai vu un paquet quand même.

  • Raspou le 09/01/2013 à 01h23
    Elle vaut beaucoup parce qu'elle couronne une belle action où les Brésiliens combinent conservation du ballon, technique individuelle, capacité d'accélération et à se trouver "les yeux fermés". En ce sens, elle est emblématique d'une équipe qui a émerveillé le monde. Et puis c'était en finale de coupe du monde, ça joue aussi.

    Par comparaison, la passe de Dumitrescu à Hagi en 1/8e de finale de 1994 contre l'Argentine, qui est très similaire, est porteuse d'une symbolique un peu différente: parce qu'elle arrive à l'issue d'une contre-attaque rapide (et non d'un attaque placée), parce qu'elle est l'oeuvre d'une épatante "petite équipe" (et non d'un Brésil souverain), elle me semble plus constituer un éclat de génie que le point culminant d'une prestation parfaite. Dans les deux cas, ces passes, belles sans être exceptionnelles, sont surtout des symboles des équipes qui les ont créées.

  • Yapéno le 09/01/2013 à 01h36
    C'est magique, parce que c'était la première fois.
    Pas nécessairement qu'un joueur tente ce genre de geste, mais la première fois que l'on voyait ça en direct à la TV.
    Depuis, des dizaines d'autres ont imité Pelé et avec plus de réussite. C'est passé dans les mœurs. D'ailleurs, ne dit-on pas une "Madjer" ou une "Panenka" (autres grandes premières tentées dans une compétition de haut niveau) ?

  • Kireg le 09/01/2013 à 10h26
    La passe est géniale parce qu'elle symbolise ce que le football a de plus beau: la force collective. Je mets le pied sur la ballon, j'attends (cette pause à elle seule est déjà superbe) et je fais une passe à l'aveugle car je sais que mon coéquipier sera à la réception. Je le sais à l'avance. Les onze types ne forment plus qu'une seule entité, une équipe. La communication est silencieuse et instinctive et ça, pour moi, ça vaut plus que tous les retournés acrobatiques du monde.

  • leo le 09/01/2013 à 11h04
    Sauf que la passe de Pelé n'est pas du tout à l'aveugle. Il tourne la tête vers la droite, voit Carlos Alberto et le décale, c'est tout. Il le décale bien, c'est sûr mais c'est surtout Carlos Alberto qui met une super frappe.

    Sur la plupart des montages du but qu'on peut trouver sur youtube, on a l'impression que Pelé donne la balle sans regarder (il y a un changement de plan au moment de la passe, une fraction de seconde disparait) mais c'est faux.

    lien (juste avant le changement de caméra, à la 5ème seconde, on voit clairement Pelé tourner la tête vers sa droite).

    Le grand pont sur Mazurkiewicz (décédé il y a quelques jours) est en revanche évidemment un des gestes les plus brillants de l'histoire du football.

  • Kireg le 09/01/2013 à 12h59
    leo
    aujourd'hui à 11h04
    ----
    Au temps pour moi. Oublie ce que j'ai dit. Ce but est moisi. Gloire à CR7 !

  • leo le 09/01/2013 à 13h15
    Kireg
    aujourd'hui à 12h59

    leo
    aujourd'hui à 11h04
    ----
    Au temps pour moi. Oublie ce que j'ai dit. Ce but est moisi. Gloire à CR7 !
    ___

    Le but est extraordinaire, depuis le départ de l'action avec Tostao derrière sa défense jusqu'à la frappe de Carlos Alberto.

    Et gloire à Cristiano Ronaldo quand même.

  • Chaban del Match le 09/01/2013 à 17h32
    Pour moi cette passe de Pelé c'est le geste de football qui je met par dessus toutes les autres. Elle n'a rien de spectaculaire et même si j'ai longtemps cru que c'était une passe aveugle, ce n'en est pas une.
    Alors oui des passes aveugles on en a vu des milliers depuis, on a même vu des gestes techniques bien plus incroyables que cette passe de 15 mètres, en position statique, pas très forte et du plat du pied en plus. Rien d'extraordinaire. Mais c'est justement cette simplicité à l'état pure, couplée à une incroyable efficacité, car magnifiée par la frappe tout aussi pure de Carlos Alberto, qui rend à mes yeux ce geste indépassable.
    Aucun artifice (pas comme Ronaldinho qi manquait de se faire un torticolis et un lumbago à chaque passe "aveugle"), aucune agressivité, mais un relâchement total de la part de Pelé et une offrande divine du Roi pour son capitaine en finale de la Coupe du Monde.

    On aura beau dire que football de 1970 ne ressemble en rien à celui de 2012, que ça allait moins vite etc etc etc, mais une finale de Coupe du Monde ça reste le match ultime avec toute la pression et la passion que cela peut engendrer. Alors certes il y avait 3-1 et il restait moins de cinq minutes à jouer mais à ce moment là, au beau milieu de 107 000 spectateurs et devant des centaines de millions de telespectateurs, le temps s'arrête littéralement, tout disparaît autour de Pelé et il fait cette passe pour Carlos Alberto comme s'ils étaient tous les deux seuls au monde.

    Ce n'est pas un amour de passe, cette passe est amour. On n'est plus dans le spectacle, dans le combat ou dans la domination de l'autre qu'exige la compétition, Pelé ne pense à ce moment qu'à faire le plus beau des cadeaux de façon totalement désinteressé à son partenaire.



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