OM : l'attaque sous les feux de la rampe
Renouvelée et forte de quelques coups d'éclat malgré la vive concurrence dans ce secteur très exposé, l'attaque de l'OM est-elle encore en chantier ou déjà enchantée?
Auteur : Pierre Martini
le 6 Oct 2003
En revenant au premier plan après une saison de transition qui a permis de recharger les accumulateurs de popularité sans libérer totalement la ferveur, l'Olympique de Marseille doit désormais gérer une exposition médiatique qui ne va pas sans quelques dangers. Le secteur offensif marseillais, très déficient l'an passé, concentre la plupart des attentes, d'abord en raison d'un recrutement qui a significativement visé à le renforcer. Les arrivées de Didier Drogba, étoile montante du championnat de France, de Mido, jeune star au profil si phocéen, et de Steve Marlet, international confirmé, dotent en effet l'équipe d'un arsenal offensif impressionnant, déjà doté de Fernandao et Sytchev. Ce potentiel reste cependant théorique, car il n'est évidemment pas livré avec le système de jeu qui lui permettrait de s'exprimer automatiquement. La première équation, technique, consiste donc pour Alain Perrin à trouver une complémentarité sur le terrain entre ses joueurs, au sein d'un système de jeu global. Il faudra aussi exploiter ce potentiel dans le temps, avec la gestion d'un calendrier chargé comprenant différentes compétition qui constituent autant d'enjeux pour le club. Etant donnée la diversité des solutions offertes à l'entraîneur, la compétition interne entre ces attaquants l'amènera logiquement à dégager des hiérarchies. D'autre part, l'exposition médiatique de l'OM crée inévitablement une situation dans laquelle les parts de gloire ne pourront pas être équitablement réparties… Marlet, Sytchev et Fernandao à la marge Cette nouvelle donne transparaît clairement dans le statut incertain d'un Dmitri Sytchev, accueilli avec beaucoup de ferveur en début d'année par le public du Vélodrome, mais qui est retourné aujourd'hui dans une relative discrétion. Si "Kalinka" résonne toujours dans les travées du boulevard Michelet, la jeune étoile russe, quelque peu éclipsée par ses nouveaux partenaires, est moins en pointe qu'auparavant — au propre comme au figuré. Auteur d'un but capital contre l'Austria de Vienne, il n'a pas disputé un seul match en entier depuis le début du championnat: quatre fois titulaire et toujours remplacé en cours de rencontre, il est entré quatre fois en jeu et est resté une fois sur le banc. Autre exemple parlant : l'intégration de Steve Marlet, qui a dû subir un remplacement peu flatteur en fin de première mi-temps à Madrid et qui tarde à trouver ses marques aux postes où Perrin l'assigne. Il est cependant difficile de croire en une défiance de ce dernier, puisque l'ex-Lyonnais a été titulaire quatre fois sur quatre en championnat depuis son arrivée, n'étant remplacé qu'une fois, et il a déjà inscrit deux buts (Le Mans et Bastia). Mais pour lui comme pour les autres, l'attaque marseillaise sera bien une zone très concurrentielle, et le statut individuel des joueurs ne pèsera pas beaucoup dans les choix de l'entraîneur. Fernandao est un cas particulier, son registre de jeu étant sensiblement plus étendu, avec une capacité certaine à évoluer derrière les attaquants. Mais l'entrejeu marseillais étant très fourni, il partage avec Sytchev le fait d'être devenu un second choix malgré une saison 2002/2003 plutôt réussie en dépit de sa longue blessure. N'ayant pas figuré à trois reprises sur la feuille de match pour cause de pépins physiques, le Brésilien n'a jamais disputé l'intégralité du temps de jeu. Il a été deux fois remplacé dans le dernier quart d'heure, et utilisé comme remplaçant à quatre reprises entre la 69e et la 80e minute. Drogba-Mido : le duo plutôt que le duel De même, on pouvait se demander qui de Drogba ou Mido confirmerait le premier les espoirs placés en eux et attirerait les projecteurs — ceux des stades plutôt que ceux qui éclairent les salles de presse. Si le jeune Egyptien a d'abord suscité des doutes quant à sa condition physique et à son attitude, à l'occasion de ce qui fut interprété comme une première tension avec Alain Perrin, il semble doucement monter en régime (sans jeu de mots… enfin si). On en veut pour preuve des prestations intéressantes en Ligue des champions, où il a montré un réel impact sur le jeu et sur l'adversaire, s'aidant de sa puissance physique et d'une maturité étonnante pour son jeune âge. Mais faute d'une efficacité suffisamment spectaculaire (trois buts tout de même en championnat), et sans occulter le fait que le travail de Mido bénéficie directement à son partenaire d'attaque (à l'exemple du penalty obtenu contre Nice), c'est Didier Drogba qui a pris les devants de la scène à la faveur d'un doublé et d'un triplé infligés respectivement à l'OGC Nice et au Partizan de Belgrade, à l'occasion de deux matches hautement symboliques, avant d'achever une semaine prolifique par l'ouverture du score contre Bastia (portant à six son total de buts en L1). L'impact de ces remarquables performances est d'abord tangible sur le plan sportif, puisque les Olympiens se sont donnés un nouvel élan au cœur d'une période délicate, mais il est tout aussi évident sur le plan médiatique, Drogba devant déjà affronter les honneurs qui lui sont légitimement faits. Les deux pages que L'Équipe de vendredi lui a consacrées en donnent une idée assez précise, avec une interview qui constitue une variante bienveillante du fameux modèle de "l'interview miné" (voir la Leçon 3 de notre Académie de journalisme sportif). Sans faire aucun procès de personne à un attaquant marseillais dont la mentalité semble excellente (ni de procès d'intentions à son intervieweur Dominique Rousseau), il est clair que son ego doit pouvoir résister à des questions aussi flatteuses que "Peut-on dire que vous êtes le héros du jour?", "Meilleur buteur de la Ligue des champions, est-ce que cela compte pour vous?", Vous avez marqué trois buts très différents, est-ce une palette de grand buteur?", "Vous rejoignez Papin, Sauzée et Skoblar" etc. Les "risques" évoqués ici d'un secteur offensif particulièrement fourni sont évidemment très relatifs. L'OM et ses joueurs ne peuvent évidemment pas progresser sans assumer le vedettariat qui accompagnera inévitablement leur retour au premier plan. Tout juste avons-nous voulu signaler les contraintes d'une croissance accélérée, en particulier pour des attaquants dont la jeunesse est frappante (Drogba a vingt-cinq ans, Mido vingt ans et Sytchev les aura dans quelques semaines), dans l'atmosphère pressurisée de Marseille. Mais l'attaque marseillaise est un chantier passionnant, qui avance vite…