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Nou Mestalla : ni fleur ni couronnes

Un nouveau stade de 75.000 places devait remplacer le vétuste Mestalla du Valence CF et faire de celui-ci un grand d'Europe. Les travaux, suspendus en 2009, n'ont jamais repris. 

Auteur : Rémi Belot le 9 Mars 2022

 

Extrait du numéro 5 de la revue des Cahiers du football, janvier 2021. Photos Rémi Belot, photo aérienne Harry Schuller.

 

« C'est un peu comme le Colisée de Rome, mais sans les jeux du cirque ». Ce n'est sans doute pas la première fois que Guillermo envoie cette blague, et il n'est sans doute pas le seul à la faire à Valence. Mais elle continue de le faire marrer, fût-ce d'un rire amer, attablé à une terrasse du café El Nuevo Estadio (« le nouveau stade ») avec deux de ses comparses de la Penya Amadeo Salvo - l'une des nombreuses associations de supporters du FC Valence. 

Il enquille les cañas dans l'attente de la rencontre de l'après-midi, qui verra son club de cœur affronter Huesca. Covid-19 oblige, le match se déroulera à huis clos dans le vieux Mestalla. Le huis clos, c'est un peu le destin du Nou Mestalla, qui élève ses gradins deciment gris sous nos yeux, de l'autre côté de la rue. Les barrières de chantier sont toujours là et on aperçoit même un bloc d'algécos dépasser des clôtures de métal. 

 

 

Mais ceux-ci sont désespérément vides depuis 2009, date à laquelle les grues ont définitivement quitté l'enceinte alors en construction. En plein cœur des faubourgs de la ville, une gigantesque fleur de béton brut est donc encalminée entre de larges avenues à quatre voies, des immeubles sans cachet des années 60 et un terrain vague en terre battue qui sert de parking. « Une véritable honte », tempête Guillermo.

Stade cinq étoiles

Comme la plupart de ses voisins, il était pourtant séduit par le projet, à l'origine. « Je vis dans le quartier, je voyais l'arrivée de ce nouveau stade d'un bon œil. Je suis supporter valencien depuis Kempes [au début des années 80], j'aime le Mestalla, mais on nous promettait une enceinte de 75 000 places à deux pas de chez moi. »

 

 

Manolo Montalt, journaliste et grand supporter du club, ne dit pas autre chose. « Les socios de Valence ont toujours été attachés à Mestalla, mais le projet avait été accueilli avec enthousiasme quand il a été annoncé. D'autant qu'il y avait un contentieux juridique avec les riverains de Mestalla, opposés à la possible rénovation du stade. En construire un nouveau apparaissait comme une bonne alternative. »

À l'époque, tout le monde y croit. À l'aube des années 2000, l'Espagne coule du ciment par hectolitres et Valence ne fait pas exception, au contraire. La Cité des arts et des sciences, un complexe futuriste posé sur un ancien bras du fleuve Turia, voit sortir de terre plusieurs bâtiments imaginés par les plus grands architectes du pays, à partir de 1998 : l'Hemisfèric, qui comprend un planétarium et un cinéma, ou le Palais des arts Reine-Sofia, inauguré en 2005. 

 

 

Dans ce contexte, remplacer l'un des plus vieux stades de la péninsule par une enceinte moderne n'a rien d'une aberration. D'autant que le club est alors au sommet de sa gloire sportive : finalistes (malheureux) à deux reprises de la Ligue des champions en 2001 et 2002, vainqueurs de la Liga en 2002 et 2004, les Valenciens ont également remporté la Coupe de l'UEFA 2004. 

« C'est à cette période qu'est né le projet », explique François-Miguel Boudet, journaliste chez Furia Liga. « Il se dit que Rita Barbera, maire et véritable figure tutélaire de la ville, aurait demandé à Lennart Johansson, alors président de l'UEFA, ce qui manquait à Valence pour accueillir une finale européenne. Il lui aurait répondu : "Un stade cinq étoiles". »

C'est ainsi que l'idée germe à l'automne 2004. Malgré son excellent bilan sportif, le président de l'époque, Jaime Orti Ruiz, est remplacé à la tête du club par Juan Bautista Soler, déjà actionnaire majoritaire au sein de l'institution valencienne. Propriétaire d'une entreprise de BTP, l'homme d'affaires s'est fait connaître pour des programmes de logements dans toute la Communauté valencienne. 

 

 

Le Nou Mestalla sera le projet de son mandat. Deux ans après son arrivée, les maquettes du nouveau stade sont présentées en grande pompe au Musée du Prince-Philippe, dans la Cité des arts et des sciences. Les pharaoniques travaux, d'un montant estimé à 350 millions d'euros, commencent à l'été 2007.

 

Crise de la brique

Las, le timing est désastreux. Au premier trimestre 2008, les prix de l'immobilier chutent dans toute l'Espagne : les sept plus grandes entreprises du secteur voient leur chiffre d'affaires s'effondrer de 72 % par rapport à la même période de l'année précédente. Une conséquence, entre autres, de la crise des subprimes qui sévit déjà depuis plusieurs semaines aux États-Unis. Mais surtout de la folie des grandeurs d'un pays dont tout le système est, comme outre-Atlantique, bâti sur l'hypothèque : la bulle immobilière a inexorablement gonflé depuis des mois. 

Très vite, c'est tout le secteur de la construction qui s'effondre, entraînant avec lui plusieurs grandes banques du royaume. D'un bout à l'autre du pays, les chantiers s'arrêtent les uns après les autres. Des lotissements entiers en périphérie des villes ou en bord de mer restent inachevés, à l'abandon.

 

 

« Cette "crise de la brique", comme on l'appelle ici, a vraiment été déterminante dans l'échec du projet », explique Federico Sagreras Bisbal, le président de l'Association des penyas de Valence. « Le début des travaux du Nou Mestalla est quasiment simultané. Le financement du projet était entièrement porté par le club grâce à un crédit bancaire et à la potentielle vente des terrains du vieux Mestalla, à proximité du centre-ville de Valence. » 

Problème : ces terrains ne trouvent pas plus preneur à ce moment-là qu'au cours des années suivantes. Les travaux du Nou Mestalla sont donc gelés à l'hiver 2009, près d'un an et demi après leur lancement. Et le club à la chauve-souris se retrouve avec une dette de 547 millions d'euros sur les ailes.

Versions allégées

Le vieux Mestalla continue donc, treize ans plus tard, à accueillir des matchs de Liga. En ce jour de septembre 2020, des véhicules de police sont stationnés dans les rues adjacentes et des barrières ont été disposées tout autour de l'enceinte pour empêcher les curieux d'approcher. Mais des curieux, il n'y en a pas vraiment en ces temps de coronavirus. Guillermo et ses potes de la Penya Amadeo Salvo ont préféré regarder le match depuis chez eux, dans le quartier de Benicalap. 

 

 

Le Manolo del Bombo, le Bar Mestalla ou la Cerveceria Penalty, ces troquets où les socios s'entassent en temps normal pour boire une bière ou assister aux rencontres, ont tout simplement baissé leurs rideaux. Seul le Ciudad Real, où s'est rassemblée une petite dizaine de supporters, retransmet la partie. Il est situé juste en face de l'entrée principale du Mestalla et en tendant l'oreille, on peut entendre les coups de sifflet de l'arbitre avant qu'ils ne résonnent dans les haut-parleurs du grand écran au-dessus de la porte. Magie du football télévisé au XXIe siècle.

Xavi, accoudé au comptoir avec son café solo, regarde la partie d'un œil distrait - Valence déjoue, après une première mi-temps déjà moyenne. « Depuis le départ de Soler en 2008, on a connu un paquet de présidents. Au début, on avait l'espoir que quelque chose se décante à chaque nouvelle nomination. Et puis il a fallu se rendre à l'évidence : entre la crise immobilière et le projet surdimensionné pour une aficioncomme celle de Valence, il n'était pas possible que ce stade voie le jour dans cette configuration-là. »

 

 

De fait, diverses versions allégées du coûteux projet initial ont été imaginées depuis l'arrêt brutal du chantier (lire ci-dessous). La dernière en date est consécutive au rachat du club par le Singapourien Peter Lim en 2014. Elle prévoit un changement de toiture, la suppression de la piste d'athlétisme pour rapprocher les tribunes du terrain et un nouvel aménagement des loges. 

Un projet que le cabinet d'architecte Fenwick Iribarren s'est refusé à commenter sans l'accord du club, qui n'a pas répondu à notre demande. Mais, là encore, rien de possible sans consacrer des moyens financiers que le club reste incapable de mobiliser.

Le cul entre deux stades

Aujourd'hui, les supporters valenciens regardent avec une réelle incompréhension du côté de Madrid et de Bilbao. En quelques mois, l'Atlético a détruit le mythique Vincente-Calderon pour déménager quinze kilomètres plus à l'est de la capitale au Wanda Metropolitano. L'Athletic Club a pour sa part remplacé son ancienne « cathédrale » de San Mames par une autre, flambant neuve, au même endroit. 

 

 

« Comment expliquer que les Basques aient lancé le projet en même temps que nous en 2007, mais qu'ils soient parvenus à finir leur stade il y a cinq ans ? » interroge Guillermo. François-Miguel Boudet a une réponse bien à lui : « Valence est un club bordélique, il est toujours entre deux crises. C'est le seul club au monde qui se casse la gueule après avoir gagné un titre ». La faute aux potentats locaux : « La gestion de Soler et Solano a été catastrophique. Ce sont des gens du coin, pourtant ! ». 

Christopher Bigot, président de l'Association des supporters français de Valence résume l'état d'esprit dans lequel sont désormais plongés les amoureux du club : « Franchement, ils ne savent plus quoi penser ». « Le vieux Mestalla n'est pas si moche, il a finalement été rénové depuis. On n'a pas envie de le perdre. D'un autre côté, il y a ce truc inachevé dont on ne sait que faire. On a le cul entre deux chaises », ajoute-t-il, désabusé.

 

 

L'avenir du club, comme celui du Nou Mestalla, s'avère aussi flou que l'humeur de ses supporters. L'objectif d'une ouverture de l'enceinte en 2022, à nouveau martelée par le président Lim il y a quelques mois, ne leurre plus personne. Pour Manolo, « Lim comme les actionnaires du club n'ont jamais apporté la moindre preuve de leur volonté d'achever ces travaux ». Federico renchérit : « Il ne se passera rien du tout avant 2025 ».

François-Miguel Boudet est encore plus définitif : « Avec le Covid et les problèmes de billetterie, la renégociation des droits télé, l'absence du club en Ligue des champions, la nécessité de trouver une société assez dingue pour relancer le chantier, ce stade, il faut l'oublier, ne pas s'acharner ».

En fin d'après-midi, le FC Valence a finalement concédé un piètre match nul un but partout contre Huesca. Alors qu'on repasse devant à la tombée de la nuit, le Nuevo Estadio - le bar - a déjà fermé ses portes. Juste en face d'un Nou Mestalla, qui, lui, n'ouvrira peut-être jamais les siennes.

 

 

Treize ans de malheur

Août 2007 : début des travaux.

Février 2009 : arrêt des travaux.

Décembre 2011 : plan « Newcoval ». Relance des travaux à l'identique, avec le soutien de la banque Bankia.

Septembre 2012 : annulation du plan par Bankia.

Novembre 2013 : plan GloVal. Refonte du projet architectural, avec baisse de capacité de 15 000 places.

Décembre 2013 : abandon du projet, faute de financement.

Octobre 2014 : rachat du club par le singapourien Peter Lim, proposition d'un nouveau projet architectural.

Septembre 2020 : obtention par le club d'un délai d'un an supplémentaire pour financer les travaux.

 

Réactions

  • Tonton Danijel le 09/03/2022 à 20h29
    J'avais bien aimé cet article dans la revue (et les photos associés).

    Curieux du reste, j'y connais rien en BTP, mais j'avais l'impression au vue des photos que l'ossature était terminé? Le reste coûte beaucoup plus cher?

La revue des Cahiers du football