Roi à Paris plutôt que prince à Madrid
Le maintien en Ligue 1 de Kylian Mbappé a des airs de prise de pouvoir sur un PSG qui pousse encore plus loin le star-system. Pour son bien, cette fois ?
Le feuilleton du (non-)transfert de Kylian Mbappé, auquel il est de rigueur d'accoler l'épithète "interminable", avec son issue qui a déjoué les pronostics, est de nature à faire douter que l'ère des superjoueurs toucherait à sa fin - diagnostic tentant devant le constat des déclins de Messi et Cristiano Ronaldo.
À tout le moins, l'ère des superclubs n'est pas menacée. Avant même l'ouverture du marché des transferts, Manchester City et le Paris Saint-Germain se sont assuré respectivement les services d'Erling Haaland et du kid de Bondy, prodiges confirmés et héritiers présumés des deux stars mentionnées.
Dans le football post-Covid, la puissance financière des clubs-États a parlé. Même si l'on peut encore estimer qu'aucune équipe ne peut parvenir au sommet de l'Europe sans posséder d'abord un collectif (et un entraîneur susceptible de le former), les attaquants exceptionnels sont bien utiles.

Les très grands sportifs ne sont pas humbles
Le propre de l'affaire est que Mbappé a aussi été le maître du jeu hors du terrain, dans les négociations. En allant au bout de son contrat, il s'est placé en position de force face aux deux clubs, c'est-à-dire en position de capter (en prime à la signature) les montants de transfert qui vont d'ordinaire d'un club à l'autre.
Il a également pu obtenir des conditions contractuelles exceptionnelles pour sa rémunération comme pour la gestion de ses droits d'image. Et même quelques assurances, voire un droit de regard sur la politique sportive du PSG, dont les échecs répétés lui donnaient justement toutes les raisons de partir vers une écurie mieux armée.
À contrats équivalents, le Real, encore finaliste cette saison, avait en effet l'avantage sur ce plan. Mais, cinq ans après son émergence tonitruante, on sait parfaitement que le garçon avance à l'orgueil et qu'il affiche une assurance aussi phénoménale que son talent. Inutile de le lui reprocher : les très grands sportifs ne sont pas humbles.
On peut se le figurer ainsi : s'il remportait la Ligue des champions sous le maillot blanc, on dirait que c'est le Real qui le lui a permis ; sous le maillot bleu et rouge, que c'est lui l'a permis au PSG. Mbappé tient à écrire lui-même sa légende, et peu de clubs aussi puissants lui laisseront autant de latitude pour y parvenir.
Il ne lui manque qu'une vraie équipe ? Il va s'assurer qu'elle soit réunie autour de lui. Il n'est pas du genre craindre ce défi, avec l'idée d'être roi à Paris plutôt que prince à Madrid. Sa communication, qui passe par le JT de TF1 ce soir, n'a d'ailleurs pas manqué d'y mettre une touche de patriotisme - mon pays, ma ville...
En s'associant plus longtemps à son club actuel, il peut même revendiquer une forme de fidélité, effaçant le ressentiment que ses tergiversations et ses calculs avaient fait éprouver aux supporters.
Une équipe pour Mbappé
Ces supporters peuvent-ils, aujourd'hui, éprouver autre chose que de la reconnaissance ? Il a parfaitement assumé son statut sur le terrain, dans une équipe où ses co-stars ont périclité, et il est resté insensible à la pression qu'il s'était lui-même mise sur les épaules : meilleur joueur au monde dans une équipe qu'il veut rendre la meilleure au monde.
Le paradoxe est là, pour le PSG. Avec des revers en Ligue des champions trop spectaculaires pour ne pas faire oublier ses performances (dont une finale), le star-system a durement échoué. Pourtant il remet les clés à sa star.
Manchester City espère avec Haaland se doter de l'arme qui manque à une équipe tout en maîtrise, mais pas assez fatale. Le PSG doit inversement mettre une équipe derrière Kylian Mbappé. Voire à son service, maintenant qu'il a surclassé Neymar Jr et Lionel Messi ?
Certes, le FC Barcelone s'était organisé autour de l'Argentin, bardé de privilèges, mais dans une relation à bénéfices mutuels qui n'a pas nui à l'institution que forme le club. Or c'est précisément cette dimension institutionnelle qui manque au PSG.
Son placement sous tutelle de KMB a des allures de fuite en avant, mais la pression exercée fera peut-être office de déclencheur - le départ de Leonardo et son remplacement probable par Luis Campos à la direction sportive plaident en ce sens. Si la famille Mbappé a de bonnes idées sur la gestion du club, ce ne sera pas une surprise.
Il revient tout de même au PSG de ne pas s'en tenir à cette énième victoire de prestige sur le marché des transferts, et c'est avant tout à son futur entraîneur qu'il devra enfin donner les moyens de gouverner.
Ce maintien en Ligue 1 sera une nouvelle fois salué comme une victoire pour celle-ci - en crise, mais provisoirement sauvée par la création d'une société commerciale avec le fonds CVC Capital Partners.
Le football français ne devrait pourtant pas s'épargner une réflexion sur le terrible déséquilibre compétitif de son championnat d'élite. Ni sur sa vassalisation accentuée envers la superpuissance parisienne et son nouveau patron.