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Les passes décisives existent-elles ?

Bien qu'elles intéressent beaucoup nos statisticiens du football, les passes décisives sont bien difficiles à définir. Comment peut-on alors prétendre les compter?

Auteur : Gilles Juan le 1 Oct 2013

 


Le recensement des "passes décisives" ignore les qualités intrinsèques de la passe. Statistiquement, une passe n’est décisive que lorsque le buteur la met finalement au fond: en quoi cela dépend-il davantage des qualités de la passe, donc du passeur, que de celles du buteur? Sans doute, le passeur a le coup d’œil pour voir le partenaire démarqué. Sans doute, en lui faisant une passe contrôlable, dans les pieds ou dans la course selon les circonstances, il lui facilite la tâche. Mais une passe médiocre qu’Ibrahimovic seul peut reprendre façon taekwondo était-elle décisive en soi? Non, elle était plutôt trop haute ou trop appuyée. Pourtant, s’il marque, elle devient passe décisive.
 

Si une passe ne devient décisive que s’il y a but derrière, alors du coup… absolument toutes les passes sont potentiellement décisives! Aucune ne l’est en soi, toutes le seront peut-être au moment où elle sont faites. Du moins, d’un point de vue statistique, comme nous oblige à le penser la définition d’Opta ("le leader mondial de la fourniture de statistiques sportives en temps réel", selon lui-même, et qui fait les comptes sur lesquels s’appuient légitimement L’Équipe et bien d'autres médias):
Goal Assist: The final pass or pass-cum-shot leading to the recipient of the ball scoring a goal. Traduction: la dernière passe ou "passe-cum-shot" (on va y revenir) amenant le destinataire de la passe à marquer.
 

 




Des finitions

Cette définition est large, et donc floue. Elle n’exige aucune condition. Coup de sifflet de l’arbitre, je fais l’engagement, l’autre attaquant remet machinalement en retrait, le milieu tire du rond central: si but, alors passe "décisive", car cela satisfait la définition, qui ne requiert pas la moindre qualité intrinsèque de la passe (il fallait certes, pour le coup, qu’elle ne soit pas trop appuyée) et qui ne cherche pas à décrire la nature de l’aide apportée au buteur (ne pas avoir eu à amortir, etc.). Qu’en est-il du centre légèrement dévié qui arrive finalement dans les pieds d’un autre que celui qui était visé? Du corner sur lequel le gardien se troue, et qui trouve miraculeusement un mec qui s’arrache au second poteau? De la passe pour un attaquant hors-jeu de position mais reprise victorieusement par l’arrière qui était monté au bon moment au second poteau? Passes décisives!
 

C’est plus net encore avec la "pass-cum-shot", qui n’est pas une blague et qui n’est pas une faute de frappe du rédacteur, mais plutôt une faute de frappe du joueur: pass-cum-shot désigne grosso modo le centre tir. "C'est lorsqu'on n'est pas sûrs si c'est un tir ou une passe", a tweeté pour moi David Wall, chief editor at Opta [1]. Vraiment, là, il est clairement assumé que bon, la source, la nature et la qualité intrinsèque de la trajectoire "passeur-buteur" n’est pas considérée. Y a but, un mec avait envoyé le ballon avant que le buteur marque: +1 "passe dé" pour le mec.
 


Trois options

À partir de là, trois possibilités. On peut essayer de décrédibiliser la statistique, pour éventuellement demander que sa définition soit affinée, en proposant les sujets de réflexions suivants: quand le passeur est-il effectivement décisif? Que faire du cas où on fait une passe à l’attaquant, qui dribble alors deux défenseurs et un gardien avant de marquer? À quelles conditions, à quel moment, oublie-t-on le passeur en ne lui accordant plus son assist? Combien de touches de balles l’attaquant doit-il ajouter à la passe pour que le passeur ne soit plus décisif? Il ne serait pas impossible d’arriver à des accords (deux touches de balle maxi pour l’attaquant en comptant celle du tir? Passe vraisemblablement intentionnelle? Ou potentiellement intentionnelle – pour les corners, coup franc indirects, etc.?). Il reste possible aussi qu’on n’y parvienne jamais.
 

On peut développer, sinon, avec un cynique et satisfait esprit de contradiction, une argumentation qui aboutirait à un renversement des valeurs: le buteur ne doit rien au passeur, c’est le passeur qui doit tout au buteur, car le passeur n’est toujours décisif, et donc estimé, que grâce à son compère. On se demanderait si finalement, les titres de meilleur passeur ne sont pas un outil supplémentaire pour mesurer l’habileté des buteurs. Jusqu’à insinuer que Messi méritait donc ses derniers Ballons d’Or car c’est à Messi d’abord qu’Iniesta doit ses quantités de passes décisives.
 

Troisièmement, on peut s’amuser à trouver des traductions cocasses ou grossières de pass-cum-shot, et voir jusqu’à quel point on ne peut pas tirer sur la corde des images suggérées par les homonymes de la passe.
 


Twist and shot

Incroyable conclusion: avec un sens aigu du "twist" (le nom du procédé cinématographique potentiellement agaçant consistant à renverser, au dénouement du film, les vérités jusqu’alors établies) on va finalement féliciter Opta qui, au lieu de susciter des polémiques, a plutôt nettoyé la définition de sa statistique de toutes ses dimensions polémiques. Le compte des passes décisive n’est possible que parce qu’il est aveugle: Opta serait bien tyrannique, si Opta devait trancher des questions aussi passionnantes et polémiques que celle de savoir si tel centre de Valbuena dans la surface manqué par Giroud mais pas par Ribéry était délibérée, habile, décisive en soi [2]. Modestement, Opta se refuse même à distinguer les tirs des passes. La société peut donc faire ses mesures tranquillement.
 

L’erreur de jugement sur les passes décisives n’est pas celle d'Opta: c’est l’usage de ses statistiques qui est abusif ou maladroit. Les statistiques ne sont que des mesures, des descriptions, jamais des analyses, jamais des explications ou des prédictions. Sans aller jusqu’à affirmer que l’on peut faire "tout dire" à une statistique, car cela est faux – les statistiques révèlent des faits observables qui peuvent infirmer une théorie (impossible, par exemple, de soutenir que les internationaux français viennent en moyenne assez peu du championnat de France) – on affirme qu’elles ne sont que des photographies, qui ne suffisent pas pour une argumentation.
 


Quantité et qualité

Le Barça fait 223.561 passes par match: on peut faire usage de cette statistique pour dire que le Barça est génial et pour dire qu’il est chiant. Pastore fera tant de passes décisives? Ce sera sans doute grâce à Cavani et Ibrahimovic.
 

Pour compter des passes décisives, il faut donc faire un peu d’abstraction, et sacrifier les subtilités. En revanche, pour évaluer une bonne passe, et par extension un bon passeur, il faut donc connaître le foot et argumenter. En s’appuyant notamment sur des statistiques. Mais certainement pas en lui déléguant la réflexion.
 

Loin de dénoncer l’absurdité du recensement automatique des derniers relais avant les buteurs, on estime donc que la vertu d’Opta est de privilégier la possibilité de chiffrer, en ne se permettant pas d’évaluer les qualités des passes. Opta e reste dans son rôle. Ce qui est absurde, c’est d’attendre que les statistiques expriment toutes les vérités du football.
 


[1] Merci à lui et à Raphaël Cosmidis.
[2] Riolo avait estimé que non. Valbuena n’avait pas du tout cherché Ribéry mais Giroud. Il a fallu que celui-ci manque sa Madjer et que la défense se troue pour que Ribéry marque et que la passe devienne miraculeusement décisive. Ok, mais… Si Giroud avait réussi sa Madjer? La passe – la même passe – devenait alors incontestablement décisive. Voilà les débats qu’ignore Opta.

 

Réactions

  • johnny gategueune le 01/10/2013 à 10h06
    Belle contribution au débat méthodologique (voire philosophique) sur le Graal de la passe décisive.

    Même si c'est difficile à grande échelle, il serait intéressant d'étudier – pour une équipe par exemple – la décomposition des passes décisives en différentes catégories: coups de pied arrêtés, centres, passes longues / courtes, ballons en profondeur, etc. Voire, aussi, le nombre de passes qui la précèdent: la passe décisive est-elle un éclair ou l'aboutissement d'une action construite?

    À noter aussi le développement des termes jargonnesques "passe D" ou "passe dess": un indice de la popularisation des aspects statistiques du jeu?

  • Espinas le 01/10/2013 à 11h17
    Comme dit dans l'article, le gros problème de cette stat', c'est que le même caviar adressé à Moussilou ou à un attaquant adroit n'aura pas le même poids statistique.

  • kimporte el flaco le 01/10/2013 à 11h27
    J'ai toujours considéré que la passe décisive, la vraie, c'est la passe qui fait 99% du boulot. La passe qui élimine 2,3 joueurs parfois même le gardien et dont le buteur n'a plus qu'à pousser la balle au fond (du coup pas besoin de compter sur l'efficacité du buteur).
    C'est le genre de passes que tu n'as même pas besoin de contrôler, de réorienter, c'est juste une offrande, une opportunité de gonfler tes statistiques en marquant un but tout fait...

  • A la gloire de Coco Michel le 01/10/2013 à 12h15
    Opta compte les "feintes décisives" aussi ?
    lien

  • syle le 01/10/2013 à 13h04
    Très bon article.
    Juste un truc : pour le cas du centre légèrement dévié, faut préciser si celui qui dévie est un adevrsaire ou un joueur de la même équipe.
    Si c'est un adversaire, ça ne compte normalement pas pour une passe décisive.

    Accessoirement, les stats, je trouve ça intéressant, mais sur la durée, pas juste pour élire la nouvelle star de la saison.
    Qu'un mec ait de bonnes stats sur une saison, ça ne veut pas forcément dire grand chose. Par contre, quand un mec finit dans les meilleurs passeurs plusieurs années de suite, il y a des chances que ça se traduise par une certaine qualité de jeu sur le terrain.
    De la même façon, un joueur offensif qui a systématiquement des stats ignobles, il peut être très élégant, spectaculaire à voir jouer, n'empêche qu'à force, à bien y regarder, t'as des chances de t'apercevoir qu'il ne sert à rien.


    ________________________________________



    kimporte el flaco
    aujourd'hui à 11h27
    J'ai toujours considéré que la passe décisive, la vraie, c'est la passe qui fait 99% du boulot. La passe qui élimine 2,3 joueurs parfois même le gardien et dont le buteur n'a plus qu'à pousser la balle au fond (du coup pas besoin de compter sur l'efficacité du buteur).
    C'est le genre de passes que tu n'as même pas besoin de contrôler, de réorienter, c'est juste une offrande, une opportunité de gonfler tes statistiques en marquant un but tout fait...


    -----------


    Justement, le problème est toujours le même.
    Si tu l'adresses à Bakayoko, ce genre de caviar finira 4 fois sur 5 en tribunes, et ce sera mauvais pour tes stats...

  • Mipoulet le 01/10/2013 à 14h20
    Dans Football manager, en plus des passes décisives il y a une stat nommée "passe clé", c'est celle-ci qui est vraiment intéressante lorsque l'on analyse ses joueurs.
    Faudrait la même IRL.

  • Belmondo Bizarro le 01/10/2013 à 16h03
    Pour le problème des caviars que les attaquants vendangent, il y a toujours les passes clés. Ajouté aux passes décisives, au taux de passes réussies dans la moitié de terrain adverse etc... ça permet quand même de se faire une idée du rendement d'un joueur (un gars comme Valbuena excelle dans tous ces domaines).

    Comme Mipoulet, la passe clé est sans doute plus intéressante que la passe décisive, parce qu'elle ne doit rien au buteur.

  • Patate Sauzée le 01/10/2013 à 17h00
    Très bon article !
    À noter qu'au hockey (et peut-être dans d'autres sports, j'ai pas vérifié), la statistique est encore plus discutable car ce sont les 2 derniers passeurs qui sont mentionnés d'une "assist".

  • Gabriel Heinze Sergent García Rafa Márquez le 01/10/2013 à 17h14
    En fait pour reprendre le point de vue de l'article, le cas du hockey est au contraire le moins discutable. Sauf erreur de ma part, une "assist" obéit à des règles bien précises et surtout objectives, en gros les deux derniers coéquipiers ayant touché le palet (y compris dans certaines conditions s'il y a eu un arrêt du gardien entre temps, ou même des une-deux entre les joueurs).
    Pour reprendre les mots de l'article, tout cela sans chercher à évaluer la qualité des passes. D'ailleurs il ne s'agit pas forcément d'une passe, un tir contré ou une déflexion sera également pris en compte.

    Du coup, les passes comptabilisées ne sont bien souvent pas spécialement "décisives", en revanche le nombre d'assistances (en bon québécois) d'un joueur donne une bonne idée du nombre de buts auxquels il a contribué.

  • Bourrinos le 01/10/2013 à 19h33
    Il faudrait faire comme en droit, établir des différences : "passe décisive ayant entraîné un but sans intention de le donner".

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