Le cable réseau du serveur étant presque saturé, merci de ne vous connecter qu'en cas d'absolue nécessité de vous amuser. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Les Football Leaks, Bosman et la folle mondialisation du football

Opportunités de régulations et de réformes, les révélations qui tombent chaque jour peuvent mettre un terme brutal à la folle économie du foot. À condition de le vouloir...

Auteur : Antoine Duval le 22 Dec 2016

 

 

Depuis deux semaines, les Football Leaks battent leur plein à un rythme quotidien de révélations plus scandaleuses les unes que les autres sur la face cachée du football. Nous avions décortiqué au début de cette année les accords de tierce propriété signés par Doyen Sport révélés lors de la première apparition, certes beaucoup moins spectaculaire, des Football Leaks. Proposons ici quelques pistes de réflexions sur la portée plus large de ces révélations.

 

 

 

 

Football Leaks et la folle mondialisation du football

Les Football Leaks relèvent d’une problématique qui va bien au-delà du football: l’emballement d’une mondialisation débridée et les énormes difficultés rencontrées par les États pour la réguler. La folle financiarisation du football est principalement due au boom des droits télévisés, couplé à un marché mondialisé des transferts qui convertit les contrats de travail des joueurs en actifs hautement spéculatifs et attire des intermédiaires peu scrupuleux, prêts à toutes les manigances pour en tirer le plus grand profit.

 

En cela, elle ne se distingue pas (ou peu), et s’inspire beaucoup de la finance transnationalisée ou du jeu de chaises fiscales musicales joué par des multinationales en quête de l’"optimisation" parfaite. Pas plus que ces dernières, ce marché sans frontière du football ne peut être aisément contrôlé par des États-nations qui subissent un chantage à la compétitivité redoutable (il faut par exemple sans cesse Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français). Les abus caricaturaux révélés par les Football Leaks ne constituent à ce titre que la face immergée d’un système opaque qui noircit impitoyablement l’argent des généreux consommateurs de football.

 

 

La faute à Bosman et à l’Union européenne ?

Alors, à qui la faute? Certains vont s’empresser de blâmer l’Union européenne et ce satané arrêt Bosman, qui aurait détruit l’image d’Épinal d’un football préhistorique pur et désintéressé. La vérité est bien sûr plus complexe. L’onde de choc du sport moderne était largement en marche avant l’arrêt Bosman, principalement du fait de l’émergence d’un marché très lucratif lié aux droits télévisés (Bourdieu avait bien senti venir cette transformation économique dans le cadre des Jeux olympiques). Par ailleurs, et cela est rarement bien compris, l’arrêt Bosman visait certes à permettre aux joueurs européens d’exercer leur profession librement à travers le territoire de l’Union, mais aussi à remettre en cause le fonctionnement du marché des transferts – qui est la source principale des abus mis en lumière par les Football Leaks.

 

La Commission européenne tenta même à la suite de cet arrêt d’abolir intégralement les transferts (voir ici mon compte-rendu de cet épisode), mais elle se heurta au refus obstiné de la FIFA et des fédérations nationales, ardemment soutenues à l’époque par Schröder et Blair. Le droit de l’Union européenne est en fait particulièrement favorable à une régulation du football véritablement axée sur des objectifs non-économiques (voir ma thèse pour les courageux qui voudraient aller plus loin). Cependant, cette régulation ne saurait se faire au préjudice de la liberté fondamentale de circulation des joueurs et, au contraire, d’autres mécanismes régulateurs doivent (et peuvent) être envisagés.

 

 

Et la FIFA dans tout ça ?

Alors que faire? Face à la multiplication de scandales pointant du doigt une mondialisation économique, fiscale, financière et sportive débridée et injuste, deux réactions prédominent: la fatalité et le repli. Nos élites politiques ont longtemps fait le choix de la fatalité, qui consiste à penser qu’une mondialisation dérégulée est plus ou moins inéluctable (le fameux TINA de Margaret Thatcher). Les peuples exaspérés, en témoignent récemment le Brexit ou l’élection de Donald Trump, peuvent, eux, être tentés par le repli national. Les abus dévoilés par les différents "Leaks" sont pourtant une opportunité politique à saisir afin de démontrer qu’il n’y a pas de fatalité et en particulier que l’Union européenne peut être une arme puissante pour contrer une mondialisation dérégulatrice.

 

La FIFA, par l’intermédiaire de son président, s’est lavée les mains de toute responsabilité quant aux révélations des Football Leaks. Elle ne se considère pas comme responsable de la régulation économique du football et renvoie la balle dans le camp des États. Toutefois, la mondialisation implique une nécessaire reconfiguration de la distinction public/privé. Les entreprises privées, et a fortiori les associations sportives internationales, qui profitent d’un monopole sur l’organisation de leur sport et en tirent des bénéfices économiques considérables, doivent être mobilisées pour réguler les activités transnationales qu’elles nourrissent. Il est temps que la FIFA investisse sérieusement dans la réglementation du marché des transferts, qu’elle recrute des enquêteurs spécialisés, et qu’elle impose des conditions de transparence strictes grâce à son système FIFA TMS. Telles sont aussi les conclusions d’un récent rapport sur la face cachée du football publié par l’université d’Harvard.

 

 

Agents, transferts et droits télé

Mais peut-on faire confiance à la FIFA pour nettoyer les écuries d’Augias mises à jour par les Football Leaks? Évidemment, non. Les États devront agir, et en particulier les États européens collectivement. Une part très importante de l’argent échangé sur le marché des transferts, l’est sur le territoire de l’Union européenne (et en particulier du Big 5: l’Angleterre, l’Italie, la France, l’Allemagne et l’Espagne). Une régulation stricte des transferts au sein de l’Union européenne aurait par conséquent un impact déterminant sur les pratiques opaques dénoncées par les Football Leaks. Il est ainsi venu le temps d’imposer une réglementation européenne de la profession d’agent (ou d’intermédiaire), de mettre en place des sanctions civiles et pénales dissuasives en cas de corruption ou de conflits d’intérêts liés à des transferts, et d’introduire des obligations de publication étendues pour les frais engagés par les clubs sur le marché des transferts.

 

 

Une autre piste de réforme, qui va se jouer elle aussi au niveau européen, concerne une remise à plat complète du système des transferts tel qu’il est imposé aujourd’hui par la FIFA. Le syndicat des joueurs de football, la FIFPro, a déposé en septembre 2015 une plainte auprès de la Commission, arguant de la non-conformité du système des transferts avec le droit de la concurrence. La Commission devrait, au vu des défaillances criantes du système actuel mises en exergue par les Football Leaks et de son incompatibilité avec les termes de l’accord signé en 2001 avec la FIFA, se saisir de la question et engager des négociations (potentiellement via le comité du dialogue social sectoriel pour le football professionnel) en vue de l’adoption d’une nouvelle réglementation.

 

Enfin, à un horizon plus lointain, certainement utopique pour le moment, il s’agirait aussi d’entamer une réflexion sur la dé-financiarisation du football. Cette bulle économique, source des nombreux maux pointés du doigt par les Football Leaks, repose sur une absurdité: la vente collective des droits télévisés. Cette vente en position de monopole absolu, qui remplaça une diffusion libre par des chaines publiques, est la source principale de l’inflation de l’économie du foot. Elle restreint l’accès des consommateurs et des passionnés au jeu, sans nécessairement améliorer leur expérience vécue. Il suffirait de "publiciser" ces droit télévisés (en prévoyant – au niveau européen voire mondial – que la couverture médiatique des compétitions sportives ne saurait faire l’objet d’une exploitation commerciale) pour mettre un terme brutal à la folle économie du foot. Réfléchissons-y…

 

Réactions

  • José-Mickaël le 23/12/2016 à 10h23
    Je vois ça différemment : Canal a besoin de beaucoup d'argent pour se payer les droits de diffusion du foot. Si le foot était accessible sur plein d'autres chaînes, donc si Canal devait l'abandonner, il abandonnerait aussi ses énormes dépenses de droit de diffusion et n'aurait donc plus besoin d'une grosse base d'abonnés. Du moment qu'ils proposent quelque chose qu'on ne voit pas ailleurs (je pense par exemple à de nombreuses séries inédites), il me semble que la chaîne pourrait donc toujours fonctionner et sans forcément perdre de l'argent (moins de recettes mais moins de dépenses).

    (Tiens, oui, ils pourraient devenir une chaîne "du cinéma et des séries". Internet leur piquera quelques téléspectateurs, mais s'ils diminuent le tarif de l'abonnement, pas mal de gens intéressés s'abonneront, et vu que diffuser des séries coûte un peu moins cher que diffuser des séries + du foot, je me dis que, peut-être, ça pourrait marcher.)


  • Hugo by Hugo Broos le 23/12/2016 à 15h07
    Détail cosmétique qui n'enlève rien à la qualité de fond mais bon : "battent leur plein"? Erreur à éviter, ça ne fait pas sérieux.
    "Son", ici, fait référence au substantif "son", au sens de "battre plein son" (se dit d'un joueur de percussion qui tape à fond sur son instrument)

  • Radek Bejbl le 23/12/2016 à 19h59
    Pas du tout, je cite l'Académie Française :

    "Si l’expression battre son plein a naguère encore suscité quelques controverses, tous les spécialistes s’accordent aujourd’hui à donner raison à Littré. Dans cette expression empruntée à la langue des marins, son est bien un adjectif possessif et plein un substantif, les meilleurs auteurs se rangent à ce point de vue. Le plein, c’est la pleine mer, et l’on dit que la marée bat son plein lorsque, ayant atteint sa plénitude, elle demeure un temps stationnaire. On dit donc bien les fêtes battent leur plein."

  • José-Mickaël le 23/12/2016 à 20h46
    Et c'est là où Hugo by Hugo Broos n'a plus qu'à écrire : autant pour moi...

  • Hugo by Hugo Broos le 24/12/2016 à 11h46
    "Au temps"?

    De fait, je dois battre ma coulpe. N'en ayant pas la possibilité ici, je ne peux vous mettre deux (si, deux!) captures d'écran de livres du bon usage de français qui m'ont toujours fait croire au battage de son plein. Merci de m'avoir corrigé et navré d'avoir été si catégorique. On en apprend tous les jours.

  • SRFCR le 31/12/2016 à 00h00
    Ça c'est un article intéressant ! Je dois dire que la problématique m'a passionné !
    Mais il m'a aussi piqué... j'ai l'impression que vous lancez un pavé dans la mare... Je partage parfois votre constat, parfois pas du tout. Et vos solutions me paresses faiblardes et difficiles...


    D'abord, vous semblez dire que la solution est inéluctablement européenne, tout en concluant : « Cependant, cette régulation ne saurait se faire au préjudice de la liberté fondamentale de circulation des joueurs et, au contraire, d’autres mécanismes régulateurs doivent (et peuvent) être envisagés. »
    Vous voulez dire que finalement, l'U.E. ne pourra pas intervenir ? Ou bien vous dites simplement qu'il est impossible de revenir sur l'arrêt Bosman ? De mon point de vu, revenir sur l'arrêt Bosman n'est pas forcément la bonne idée, mais est envisageable... La politique est une question de choix et de décisions à prendre. Si les européens devaient se mettre d'accord pour rendre publics les droits TV (votre proposition), alors pourquoi ne pas se mettre d'accord pour revenir sur l'arrêt Bosman ?

    J'en profite pour dire que je fais parti des courageux qui sont allé lire votre thèse (Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, III) et je dois avouer que je n'ai pas bien compris en quoi le droit Européen est particulièrement adapté à une régulation du football (lex sportiva / droits de la concurrence tout ça). Ce que je veux dire, c'est que techniquement, le droit (ordolibéral ou pas) est fait par les humains... donc si demain le Conseil Européen veut réguler le football, il donne des orientations en ce sens à la Commission, qui établira de nouvelles politiques ou un changement du Droit Européen...
    Ça paraît difficile, mais si on veut publiciser les droits TV, il faudra passer par là !

    Ou bien... Changer d'échelle, pour l'échelle nationale : si les États membres reconnaissent la primauté du Droit Communautaire (ici celui de la concurrence) sur le droit national, rien ne les empêche de combler les vides du Droit. Je ne suis pas spécialiste de la politique européenne de la concurrence, mais est-ce que supprimer, plafonner ou fixer un pourcentage sur les indemnités de transferts, ou sur les droits tv ; ou encore créer (ou augmenter significativement?) une taxe sur ces droits ou indemnités, ne serait-ce pas une chose plus simple et plus réaliste ?
    Taxer ou limiter certains aspects du football irait dans le sens de la concurrence (sens que nous lui donnerions, dans ce cas), puisque la position du football dans la médiatisation du sport et la rémunération des sportifs est hégémonique en Europe. Cela ne pourrait que bénéficier aux finances publiques et aux autres sports.
    Bon, je ne doute pas qu'avec la Commission Européenne actuelle, dont le président a organisé l'évasion fiscale de multinationales dans son pays d'origine, la France se ferait vite taper sur les doigts. Mais quand on a de l'ambition, on voit loin ! Ce qui m'amène à cette parenthèse (en charentaise) :

    Sur les élites politiques qui considèrent la mondialisation comme une fatalité, vous écrivez : « Les peuples exaspérés, en témoignent récemment le Brexit ou l’élection de Donald Trump, peuvent, eux, être tentés par le repli lien

    D'abord les Football leaks ne sont pour moi pas un synonyme de mondialisation... Techniquement, il est tout à fait possible de vivre dans un monde mondialisé, sans évasion fiscale. Mais ensuite, vous mettez le Brexit et Donald Trump dans le même panier... Je pense qu'il est plus judicieux de considérer le Brexit comme un ras-le-bol de l'Union Européenne telle qu'elle est. À ce titre, en 2015 les Grecques votaient également contre un drastique plan d'austérité européen. Et il y a quelques semaines, l'Italie votait contre un plan de réforme Institutionnel imposé par l'Union Européenne. Si l'élection de D. Trump peut évoquer une forme de repli national (malgré une défaite en terme de voix), je ne voix pas bien le rapport avec le cas présent. En tout cas, le prochain politicien qui serait tenté de présenter un référendum en lien avec l'U.E. risque d'y réfléchir à deux fois.

    Ce qui me permet de fermer ma parenthèse : plutôt qu'un repli national, on assiste sans doute à un ras-le-bol de l'U.E. libérale. Alors, si la France se fait taper sur les doigts pour avoir réglementé le football professionnel, elle sera peut-être suivi par l'Espagne, qui galère à composer un gouvernement puisque le parti de gauche est venu chambouler la donne. Ou bien par l'Italie, qui vient de virer son premier ministre, et où les mouvements populistes grandissent. Ou alors par l'Angleterre, où la premier ministre est autant populiste, que les droits TV sont indécents.

    Je pourrais évoquer bien d'autres solutions un peu brutales pour réguler tout ça : un véritable salary cap européen (ou à défaut français) comme dans le soccer US ou en NBA. Des taxes et impôts en tout genre, qui arriveraient à partir d'un certain seuil (comme ISF), et pourraient concerner toutes formes de revenus générés par le football. L'obligation d'une transparence économique totale ! Un véritable combat politique contre l'évasion fiscale ! Les champs de réflexion sont immenses.

    Mais pour rester soft, une avant-dernière idée : modifier les droits TV. Les rendre public me paraît infaisable, et là l'autorité de la concurrence européenne crierait comme une vierge effarouchée... Il est par contre possible de les négocier individuellement comme en Espagne. Et mieux : stade par stade et non club par club. Certains clubs sont propriétaires de leur stade, tant mieux pour eux. Pour les autres, c'est la ville qui empoche les sous. Je vois bien la contradiction : les joueurs et clubs refuseraient, feraient grève peut-être... Mais dans ce cas, tous le monde y perdrait... Donc ça vaudrait le coup d'essayer.

    Enfin ma dernière proposition est la plus barrée :
    Quitter ces fédérations oligarchiques et développer un football éthique !!!
    La FIFA, l'UEFA, la FFF, blablabla, tout cela ce ne sont que des associations privées. Demain, je peux aller à la Préfecture et ouvrir la FFE (la Fédération de Football Ethique), et imposer NOTRE droit sportif, avec tout ceux qui me suivent ! On jouera sur des terrains éco-responsables, avec des tribunes en bois recyclé et on jouera avec des ballons bio avec du cuir végétal !
    Plus sérieusement, quand Platini a été contraint de ne pas se présenter à la FIFA, j'ai bien cru qu'il allait mettre un coup à tout ça, en créant sa propre fédération internationale en criant « qui m'aime me suive », ce qui aurait permis au passage à cette « nouvelle FIFA » de changer d'identité et de se laver des accusations. Dans l'idée, il aurait fallut que toutes (ou presque) les équipes nationales et les clubs le suivent, mais ça n'aurait pas été impossible, et ça aurait été fort intéressant.
    Toujours est-il que si un jour une personne renommée du football international lançait une telle initiative de promouvoir un autre football, plus éthique (Eric Cantona ? Au hasard), ça pourrait peut-être aboutir... Et même si les 100 plus grosses équipes de football (clubs comme nations) décidaient de rester dans les fédérations actuelles, ça donnerait un nouveau souffle au football européen, et ça donnerait l'espoir d'un sport reconnecté à la réalité ! Pas sûr que ça désintéresserait les masses, et là, peut-être qu'on pourrait envisager de rendre publics les droit TV (ça serait cohérent avec la démarche) !

La revue des Cahiers du football