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Les affres de "l’humiliation"

L'emploi massif et très abusif du verbe humilier, à propos de gestes de football, est le propre d'une époque curieuse: elle aime enfoncer ceux qui ont pourtant déjà perdu. 

Auteur : Gilles Juan le 3 Juin 2014

 


Humiliation. Ce mot redoutable est à la mode. Pas une semaine sans qu’un nouvel humilié s’ajoute à la liste des vidéos disponibles en streaming mentionnant le terme: à en croire ceux qui titrent et / ou partagent ces vidéos (RMC en chef de file), qui dribble un défenseur à l’aide d’un geste technique audacieux a soi-disant humilié son adversaire. N’Tep se baissant pour marquer de la tête a vraisemblablement humilié Reims (ou les supporters rennais qui attendaient de l’engagement en finale plutôt que de l’esbroufe en fin de championnat, c’est selon). Ibrahimovic, après avoir humilié le championnat de France, a récemment humilié son partenaire Marquinhos à l’entrainement en lui mettant un petit pont… Les exemples ne manquent pas, et tous font un usage ridicule du concept.

 



 


Un mot déplacé

L’expression est tellement violente! Il n’est pourtant pas certain qu’un petit pont – dont on a certes toujours un peu honte sur le coup –, qu’une Panenka, une défaite 4-0, un dribble improbable, nous afflige à ce point, nous rabaisse, nous conduise à nous déprécier en violentant notre dignité.


Or c’est bien ce qu’affirment les liens qui s’accumulent sur les réseaux sociaux: quelqu’un a subi les foudres d’une star du ballon rond, il s’est fait prendre par sa feinte, au dépourvu ou de vitesse, et le voilà rien moins qu’ "humilié", c’est-à-dire en situation d’individu écrasé, contraint au silence, plié par le plus fort, l’orgueilleux, l’attaquant (oui, l’attaquant, car on ne lira jamais que le défenseur resté lucide face au passement de jambe de Ronaldo et qui lui a pris le ballon, l’a humilié) – et ce spectacle vaut la peine d’être vu, liké et partagé, non pas parce qu’il s’agirait d’être en empathie avec l’humilié, bien sûr que non, mais pour en rire, approuver et accentuer son désarroi.


De quoi le mot – le recours de plus en plus systématique au mot – est-il le symptôme? Du mépris toujours plus grand pour la défaite, la faiblesse, l’échec? D’une flatterie de cour qui fait la part toujours plus belle aux joueurs médiatiques qui battent les records, explosent les statistiques, prennent de haut les adversaires? À moins qu’il ne s’agisse que d’une innocente hyperbole? Mais pourquoi celle-là? Pourquoi l’hyperbole qui méprise celui qui a échoué au lieu d’encenser celui qui a brillé? Ou plutôt, pourquoi en est-on arrivé à mesurer la performance par l’ampleur des désastres qu’elle est censée avoir causé sur l’âme de l’honnête défenseur incapable, impuissant, dépassé?
 


Un peu de tenue

Au final, l’humilié n’est pas celui qu’on croit. Après avoir regardé n’importe laquelle de ces vidéos, par exemple celle du petit pont d’Ibrahimovic sur Marquinhos, ou celle-ci, tiens, qui date un peu, mais qui a le mérite de montrer qu’on ne dénonce pas seulement les youtubers anonymes, après avoir regardé n’importe quelle image de foot mentionnant ce terme, en fait, on sent bien que celui a été humilié, atteint dans son amour propre, c’est soi-même visionnant la vidéo.


Abusé par le titre racoleur, le voyeur est pris en flagrant délit de curiosité mal placée: il a voulu vérifier de quel affront il pouvait bien s’agir… Il réalise ensuite que l’individu ridicule n’est pas non plus celui qu’il pensait. Le ridicule n’est jamais le joueur (même si Zidane est tout de même joliment berné…), mais toujours le titreur, le community manager, le journaliste, parfois, qui sermonne et partage à la légère, comme si c’était drôle d’exhiber un être prétendu humilié.


Ce titreur finira (on le lui souhaite) par connaître le sort des supporters du PSG criant de prétendus humiliants "olé" dans les travées de Stamford Bridge avant d’être contraints à quelques minutes de la fin au profil bas, et d’apprendre la vertu supérieure d’humilité.

 

Réactions

  • José-Mickaël le 03/06/2014 à 08h26
    Je ne pense pas que le mot "humilié" est le symptôme de quelque chose. C'est un exemple de l'utilisation des superlatifs, qui a toujours existé (Reims a écrasé Nîmes, puis Saint-Etienne a explosé Nantes, puis Marseille a corrigé Monaco, puis Lyon a piétiné Lille...)

    Et même, je trouve que ça participe à enrichir le vocabulaire, à le rendre plus imagé disons. En effet, ce genre de terme doit à mon avis être compris au sens figuré. Il ne s'agit pas vraiment d'humiliation, c'est juste une façon amusante de dire qu'on les a ratatinés.

  • johnny gategueune le 03/06/2014 à 09h50
    @José-Mickaël
    "Amusante"?
    Je pense que les mots ont un sens,sens qu'ils conservent même dans leur forme superlative. Systématiser celui d'une défaite (dans un match ou un duel) au travers de ce vocable-là me semble tout à fait déplorable.

  • Pascal Amateur le 03/06/2014 à 10h13
    Cet article explique que le joueur a été humilié... mais évoque bien moins qui a prononcé le jugement, ni celui qui l'a reçu.
    Toute parole est énoncée. Et en ce cas, il faudrait surtout se demander ce qui a motivé la personne prononçant ce verdict d'humiliation.
    Donc interroger la place contemporaine du commentateur - et si ce jugement fait écho, interroger celle du spectateur ou téléspectateur.

    Je dénonce aussi la position morale de l'article. Dire qu'il s'agit d'une diatribe, d'un qualificatif violent, c'est poser qu'il n'a rien à faire dans un contexte de match, lequel devrait donc ressembler au "spectacle familial" tant désiré par Nicolas Sarkozy et Frédéric Thiriez. De même, je ne vois pas en quoi c'est amusant.
    Chacun sera choqué, scandalisé ou amusé. De même un sketch de Pierre Desproges, Jean-Marie Bigard ou Gaspard Proust choquera, scandalisera ou amusera.
    Il me paraît difficile de faire une lecture golbale, "de haut", universelle (donc morale), étant donné que chacun ressent à sa façon les mots qui sont prononcés et reçus.

    De cette même façon, d'aucuns diront que le football est une façon de régler les oppositions sans en passer par la guerre, d'autres expliqueront que la guerre ne fait que se déplacer sur un terrain. Trancher est difficile. L'usage de la violence, physique comme verbale, est évidente. Mais faire l'équivalence violence = inacceptable est absolument contestable. Car elle se fonde sur une sorte de loi naturelle, de refus instinctuel.

    C'est en ce sens que la loi est utile, fondamentale. Une injure, un comportement doivent être condamnés parce que condamnés par la loi, fût-elle sportive. Dire qu'être "humilié" relève d'un délit, c'est déplacer le curseur de la violence dans des proportions difficilement acceptables. À moins donc d'en faire une affaire de morale, propre à chacun.

  • johnny gategueune le 03/06/2014 à 11h27
    @Pascal Amateur
    Ton argumentation est intéressante, mais à mon avis elle fait abstraction de la généralisation du terme et de sa banalisation, en dépit de sa portée (de son sens originel, que cette banalisation peine à édulcorer).

    Je ne prône pas une vision angélique ou "familiale" du sport, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de faits qui appellent le registre de l'humiliation sur un terrain de football - sauf à souscrire à une vision inquiétante de la défaite (qui s'étend à un duel perdu, ou plutôt joliment remporté).

    D'autre part, s'il s'agit de ne pas faire abstraction de l'énonciateur, il faut bien constater que dans les cas désignés, celui-ci est bien loin de faire preuve d'une quelconque ironie desprogienne. Quand l'on en vient à considérer que van Persie peut "humilier" des enfants, il y a quand même un problème de sens et d'usage. Et la dénotation d'une conception problématique, qui fait automatiquement d'un échec une humiliation.

  • Pascal Amateur le 03/06/2014 à 13h27
    Johnny, il y a quelque temps, un commentateur sportif (je ne sais plus lequel) avait donné le salaire d'un joueur qui avait raté un geste technique - était-ce Cavani ?
    "L'humiliation" ne doit pas s'entendre en dehors de tout contexte, mais dans le cadre d'un sport où le salaire moyen équivaudra à des centaines ou des milliers de smic. Sans évoquer Bourdieu ou Marx, on peut aussi voir là une revanche symbolique, et évidemment illusoire, sur le millionnaire.

    Chaque époque a ses revanches illusoires.

  • Pascal Amateur le 03/06/2014 à 13h29
    (Dans un contexte d'humiliation sociale, où le travail transforme les individus en producteurs neutres de contenu, ceints par une paupérisation galopante. Avant de condamner "l'humiliation" par les mots, se demander où celle-ci se vit dans les faits.)

  • sansai le 03/06/2014 à 14h00
    Donc quand un footballeur professionnel "humilie" des enfants, c'est une revanche symbolique sur le millionnaire ?

    Et parlant de millionnaires sur lesquels il faudrait prendre des revanches, t'en as pas marre de te laisser pointer du doigt des joueurs de football ?

  • Pascal Amateur le 03/06/2014 à 14h12
    Le footballeur professionnel n'a jamais humilié des enfants. C'est le journaliste qui assène ce fait.
    Mais en effet, à confondre l'émetteur du/des destinataires, à faire confusion de toutes les voix, la cacophonie est logique.

    Je n'ai pas compris la dernière phrase du message précédent.

  • José-Mickaël le 03/06/2014 à 18h51
    johnny gategueune parle de la banalisation de ce genre de terme et je pense que c'est une remarque intéressante. Je crois que c'est du fait de cette banalisation que le terme, employé au sens figuré, a perdu son sens premier. Il me semble que lorsqu'on dit que telle équipe a humilié son adversaire, c'est juste pour dire qu'elle a gagné 4-0 (par exemple). Normalement l'amateur de football ne doit pas être dupe, il doit savoir qu'il ne s'agit pas d'humiliation. Mais je me rends compte qu'en tenant ce raisonnement, j'imagine que tous les footeux sont comme moi (ou comme François Pignon qui crie « dans l'cul l'OM » pour faire rire son copain Cheval, pas pour injurier le club phocéen).

  • Luis Caroll le 03/06/2014 à 19h02
    Dans la mesure ou l'expression est - à un Stéphane Guy près - l'apanage quasi exclusif des sites attrape-clics, et que son utilisation sert principalement à ça, est-ce vraiment la peine d'en parler ?
    Alors que derrière son utilisation, il n'y a rien d'autre que "utilise humilier dans le titre, ça fait plus de V.U".

La revue des Cahiers du football